Le RGDP mis en balance avec d’autres droits majeurs
Le RGDP mis en balance avec d’autres droits majeurs
Ce point juridique est utile ?

Le droit à la protection des données à caractère personnel garanti par le règlement UE 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) n’est pas absolu et doit également être mis en balance, conformément au principe de proportionnalité, avec d’autres droits fondamentaux, tel le droit à un recours effectif.

Dans cette affaire, une étudiante, exclue du bureau d’une association de Grande école, n’établissait pas de motif légitime et n’apporte pas d’élément permettant de faire droit à la communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres étudiants comme indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Résumé de l’affaire

Madame N a été exclue temporairement de l’établissement d’enseignement supérieur et de recherche privé [6] suite à des infractions au règlement intérieur et à la charte éthique de l’étudiant. Elle a demandé à obtenir les pièces de son dossier disciplinaire pour contester cette sanction, mais [6] a refusé de les lui communiquer. Elle a donc saisi le président du tribunal judiciaire de Lille en référé pour obtenir ces documents, ainsi que des informations sur d’autres étudiants impliqués dans la même affaire. Le tribunal a ordonné à [6] de lui fournir ces documents sous astreinte et a condamné [6] à verser une somme à Madame N au titre des frais de justice. L’affaire a été plaidée en audience publique, où [6] a contesté les demandes de Madame N en les jugeant abusives. Le tribunal a rendu sa décision en faveur de Madame N, mais a également condamné cette dernière à verser une somme à [6] et aux dépens de l’instance.

Les points essentiels

Sur la demande de communication de pièces sous astreinte

Madame [N] [W] demande la communication de plusieurs pièces, notamment des échanges écrits concernant l’alcool et des procès-verbaux de conseils de discipline d’autres étudiants. SKEMA s’oppose à cette demande, arguant que les données personnelles doivent être protégées. Le recours à l’article 145 du code de procédure civile est contesté par SKEMA, qui estime que les conditions légales ne sont pas remplies.

Sur la demande de communication de l’intégralité des pièces du dossier disciplinaire

Madame [N] [W] affirme que son dossier disciplinaire n’est pas complet, mais ne fournit pas de preuves à l’appui de sa demande. Le juge ne retient pas cette demande, considérant qu’aucun élément concret n’a été présenté.

Sur la demande de communication du procès-verbal des conseils de discipline des autres étudiants

La demande de communication des délibérations des autres étudiants est examinée à la lumière du droit à la preuve et de la protection des données personnelles. Madame [N] [W] ne parvient pas à démontrer un motif légitime pour obtenir ces documents, et sa demande est rejetée.

Sur la demande de communication de l’intégralité des courriels concernant la commande d’alcool

La demande de communication des échanges entre l’école et les étudiants est rejetée, car elle n’est pas jugée utile. Madame [N] [W] n’a pas démontré un intérêt légitime pour obtenir ces documents, et sa demande est donc rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de condamnation pour procédure abusive

SKEMA demande la condamnation de Madame [N] [W] pour procédure abusive, mais le juge ne retient pas cette demande. Aucune faute n’est imputée à Madame [W] pour le maintien de son instance, et la demande de condamnation est rejetée.

Sur les autres demandes

Madame [N] [W] est condamnée à supporter les dépens et à payer des frais irrépétibles à SKEMA. Le juge statue sur les dépens et condamne Madame [W] à payer une somme au titre des frais exposés par SKEMA.

Les montants alloués dans cette affaire: – Madame [N] [W] : condamnée à payer à [6] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles
– Madame [N] [W] : condamnée aux dépens

Réglementation applicable

– Article 145 du code de procédure civile
– Article 32-1 du code de procédure civile
– Article 491 du code de procédure civile
– Article 696 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 484 du code de procédure civile
– Article 514 du code de procédure civile
– Article 514-1 du code de procédure civile

Article 145 du code de procédure civile:
“L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La production forcée d’une pièce peut être ordonnée en référé dans les conditions de l’article 145 du Code de procédure civile et doit porter sur des actes ou des pièces déterminées ou déterminables. Elle ne peut porter sur un ensemble indistinct de documents. Ceux-ci doivent être suffisamment identifiés. Par ailleurs, la production ne peut être ordonnée que si l’existence de la pièce est certaine. Le demandeur doit ainsi faire la preuve que la pièce ou l’acte recherché est détenu par celui auquel il le réclame.”

Article 32-1 du code de procédure civile:
“L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’exercice d’une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d’ester en justice mais cela suppose la démonstration d’une faute.”

Article 491 du code de procédure civile:
“L’article 491, alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit Code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”

Article 696 du code de procédure civile:
“L’article 696 du code de procédure civile précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”

Article 700 du code de procédure civile:
“En application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Margaux MACHART, avocat au barreau de LILLE
– Me Théo CLERC, avocat au barreau de PARIS
– Me Sophie D’ETTORE, avocat au barreau de LILLE
– Me Johanna PREVOST, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Communication de pièces sous astreinte
– Dossier disciplinaire
– Courriers et courriels
– Procès-verbaux des conseils de discipline
– Article 145 du code de procédure civile
– Protection des données personnelles
– Communication des pièces
– Intégralité des pièces du dossier disciplinaire
– Procédure abusive
– Motifs de la décision : Raisons ou justifications qui ont conduit à prendre une décision.
– Communication de pièces sous astreinte : Obligation de transmettre des documents dans un délai donné, sous peine de sanctions financières.
– Dossier disciplinaire : Ensemble des documents et éléments relatifs à une procédure disciplinaire.
– Courriers et courriels : Correspondances écrites ou électroniques échangées entre les parties.
– Procès-verbaux des conseils de discipline : Compte-rendu écrit des délibérations et décisions prises lors d’une réunion disciplinaire.
– Article 145 du code de procédure civile : Disposition légale permettant à une partie de demander la communication de pièces pour préparer sa défense.
– Protection des données personnelles : Ensemble des mesures visant à garantir la confidentialité et la sécurité des informations personnelles.
– Communication des pièces : Transmission des documents nécessaires à une procédure judiciaire ou disciplinaire.
– Intégralité des pièces du dossier disciplinaire : Ensemble complet des documents constituant le dossier disciplinaire.
– Procédure abusive : Utilisation déloyale ou excessive d’une procédure judiciaire ou disciplinaire dans le but de nuire à autrui.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 mai 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
24/00526
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référé
N° RG 24/00526 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YCNG
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 14 MAI 2024

DEMANDERESSE :

Mme [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Margaux MACHART, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Théo CLERC, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DÉFENDERESSE :

Association [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Sophie D’ETTORE, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Johanna PREVOST, avocat au barreau de PARIS, plaidant

JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 09 Avril 2024

ORDONNANCE du 14 Mai 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

L’association [6] créée en 2009, est un établissement d’enseignement supérieur et de recherche privé sous statut d’association Loi 1901 sans but lucratif.

Madame [N] [W] était inscrite pour l’année universitaire 2023-2024 en Master 1 du Programme Grande Ecole de [6] et a suivi au premier semestre 2023-2024 les enseignements théoriques sur le campus situé à [Localité 5].

Madame [N] [W] a été membre du bureau de l’association Bureau des Etudiants (BDE) en 2023.
Avec Madame [R] [P], Madame [M] [L], Monsieur [J] [O] et Monsieur [K] [A], elle a été responsable de l’organisation du séminaire d’intégration (SEI) du 16 au 18 septembre 2023.

Par courriel du 16 octobre 2023, Madame [N] [W] a été convoquée à un conseil de discipline du 8 novembre pour « non-respect du règlement intérieur de [6] et non-respect de la charte éthique de l’étudiant ».

Par lettre du 18 décembre 2023, [6] a notifié à Madame [N] [W] la délibération du conseil de discipline et son exclusion temporaire de 18 mois à compter du 1er janvier 2024.

Exposant qu’elle entend contester cette sanction disciplinaire et qu’elle a besoin des pièces de son dossier que [6] a refusé de lui communiquer, Madame [N] [W] a, par acte du 14 mars 2024, fait assigner [6] fait assigner [6] devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé aux fins de
Vu les articles 10, 11, 145 et 700 du code de procédure civile
– ORDONNER à [6] de communiquer à Madame [N] [W] les pièces suivantes :
L’intégralité des pièces du dossier disciplinaire ayant fondé les poursuites et la sanction dont elle a été l’objet ;Le procès-verbal des conseils de discipline des autres étudiants entendus pour les mêmes faits, à savoir Madame [R] [P], Madame [M] [L], Monsieur [J] [O] et Monsieur [K] [A] ;L’intégralité des courriels entre l’école et les étudiants susmentionnés concernant la commande d’alcool ; L’intégralité des courriels entre l’école et le fournisseur concernant la commande d’alcool ;et ce, sous une astreinte de 2000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;- CONDAMNER [6] à verser à Madame [N] [W] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 9 avril 2024 pour être plaidée.

A cette date, Madame [N] [W], représentée par son avocat, sollicite le bénéfice de son exploit introductif d’instance et soutient oralement les demandes qu’elle y formule tout en précisant que [6] lui a communiqué son dossier disciplinaire mais qu’elle maintient ses demandes n’ayant pas reçu l’intégralité des documents demandés.
Elle ajoute qu’elle demande le débouté de la demande de SKEMA pour procédure abusive.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, [6] demande au président du tribunal judiciaire de
– DIRE n’y avoir lieu à référé ;
– DEBOUTER Madame [W] de ses demandes et prétentions ;
– DIRE que l’action de Madame [W] est manifestement abusive
En conséquence,
– LA CONDAMNER à verser à [6] la somme de 500 euros
En tout état de cause,
– LA CONDAMNER à verser à [6] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de la présente instance.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

La présente décision susceptible d’appel est contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de communication de pièces sous astreinte

Madame [N] [W] indique à l’audience qu’elle a reçu communication de son dossier disciplinaire.

Elle soutient toutefois qu’il manque un mail du 9 septembre avec Madame [S].

Elle sollicite aussi la communication des échanges écrits entre l’école et les organisateurs au sujet de l’alcool et les courriers et courriels entre l’école SKEMA et le fournisseur afin de constater qu’elle n’était pas impliquée dans l’élaboration et la communication du devis afin de prouver que SKEMA était au courant avant le SEI de la falsification du devis et de la quantité excessive d’alcool au regard de la limite qu’elle avait exigée de 4 verres par personnes.

Elle demande aussi la communication des procès-verbaux des conseils de discipline de Madame [P], Madame [L], Monsieur [O] et Monsieur [A] afin de pouvoir démontrer le caractère collectif de la sanction.
Elle soutient que la communication de ces éléments permettra d’apprécier précisément la disproportion et les violations des droits de la défense qui entachent la sanction et la procédure disciplinaire dont Madame [W] a été l’objet et d’envisager la saisine de la juridiction aux fins de règlement du litige.

[6] estime que le recours à l’article 145 du code de procédure civile est encadré pour éviter tout détournement de procédure et vise à solliciter sur un motif légitime et afin de conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits.
[6] souligne qu’elle n’entend pas dissimuler ou détruire des preuves concernant le dossier disciplinaire de Madame [W], de sorte que cette dernière devra être déboutée de ses demandes qui ne relèvent pas des conditions légales posées par l’article 145 du code de procédure civile.
SKEMA fait valoir que la demanderesse dispose pour agir en contestation de la décision disciplinaire de sa convocation, de la notification de la décision, qu’elle a pu consulter le dossier disciplinaire avant de comparaitre devant le conseil de discipline et que bien que le règlement intérieur ne le prévoit pas, [6] lui a adressé la délibération de son conseil disciplinaire, avec la transcription des débats et la motivation de la sanction.

[6] précise avoir transmis par la voie officielle à l’avocat de Madame [W] le dossier disciplinaire de la demanderesse de sorte que celle-ci dispose des éléments lui permettant d’introduire une action en contestation de la sanction.

SKEMA s’oppose à la communication des pièces sollicitées. S’agissant du dossier disciplinaire, elle soutient qu’il est entier.

S’agissant des décisions touchant les autres étudiants ayant comparu devant un conseil de discipline chaque délibération qui est personnelle et individuelle a été adressée séparément à chaque étudiant.
Elle fait valoir que tout ce qui est dit par l’étudiant relève de sa vie privée, droit fondamental garanti par l’article 9 du code civil. SKEMA souligne que conformément au Règlement Général sur la Protection des Données, à la Loi du 6 janvier 1978, dite « Informatique et Libertés », et de manière générale à la surveillance que la CNIL exerce sur toutes les entités, [6] est tenue de protéger les données personnelles de ses étudiants.

SKEMA estime que cette demande sous le couvert de l’article 145 du code de procédure civile constitue un détournement de procédure.

***
L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La production forcée d’une pièce peut être ordonnée en référé dans les conditions de l’article 145 du Code de procédure civile et doit porter sur des actes ou des pièces déterminées ou déterminables. Elle ne peut porter sur un ensemble indistinct de documents. Ceux-ci doivent être suffisamment identifiés. Par ailleurs, la production ne peut être ordonnée que si l’existence de la pièce est certaine. Le demandeur doit ainsi faire la preuve que la pièce ou l’acte recherché est détenu par celui auquel il le réclame.

Sur la demande de communication de l’intégralité des pièces du dossier disciplinaire ayant fondé les poursuites et la sanction de Madame [N] [W]

Il n’est pas contesté que le dossier disciplinaire de Madame [N] [W] a été communiqué par SKEMA le 29 mars 2024.

Madame [N] [W] soutient qu’il n’est pas complet mais fonde cela sur un souvenir de sa consultation du dossier, sans étayer sa demande, sans établir que le mail dont elle sollicite la communication existe.

Il ne pourra donc y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de communication du procès-verbal des conseils de discipline des autres étudiants entendus pour les mêmes faits, à savoir Madame [R] [P], Madame [M] [L], Monsieur [J] [O] et Monsieur [K] [A]

En application des articles 6 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Il appartient d’abord au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile de rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres étudiants, le juge doit vérifier si les mesures sollicitées sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi.

Le droit à la protection des données à caractère personnel garanti par le règlement UE 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) n’est pas absolu et doit également être mis en balance, conformément au principe de proportionnalité, avec d’autres droits fondamentaux, tel le droit à un recours effectif.

A l’audience, Madame [N] [W] indique avoir sollicité les autres étudiants qui ont refusé de lui communiquer les procès-verbaux des conseils de discipline les concernant.
De plus, Madame [W] dispose de nombreux documents permettant d’initier une action si elle le souhaite.

Madame [W] affirme que les conseils de discipline ont forcément pris en compte ce qui s’est dit lors des autres conseils puisqu’il a été décidé que les décisions seraient communiquées après que tous les conseils de discipline se soient tenus. Cependant, elle n’apporte aucun élément à l’appui de cette affirmation et il ne ressort pas de la délibération du conseil de discipline que ce qui s’est dit lors des autres conseils de discipline aurait pu avoir une incidence (pièce demanderesse n°5) la mention faite en page 1 de ce document selon laquelle « les membres délibèreront à l’issue de ce Conseil et lui notifieront la décision après la tenue de l’ensemble des conseils de discipline sur le sujet » n’implique pas que les autres délibérations seront examinées pour décider du sort de Madame [W].

La communication des autres délibérations ne saurait par ailleurs permettre d’apprécier précisément la disproportion et les violations des droits de la défense qui entachent la sanction et la procédure disciplinaire dans la mesure où les étudiants ont été sanctionnés dans l’affaire concernant Madame [W], de la même sanction d’exclusion durant 18 mois.

Ainsi, Madame [W] n’établit pas de motif légitime et n’apporte pas d’élément permettant de faire droit à la communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres étudiants comme indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Il n’y aura pas lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de communication de l’intégralité des courriels entre l’école et les étudiants et entre l’école et le fournisseur concernant la commande d’alcool.

Madame [N] [W] n’établit pas avoir sollicité des documents de la part de SKEMA avant de le faire devant le juge des référés. En effet, le courrier officiel adressé par son conseil à SKEMA ne demande que la communication de son dossier disciplinaire.

La production forcée d’une pièce ne peut être ordonnée que s’il existe un intérêt légitime pour le demandeur. En l’espèce, Madame [N] [W] affirme que ces échanges permettront de constater qu’elle n’était pas impliquée dans l’élaboration et la communication du devis et que SKEMA était au courant avant le week-end de la falsification du devis.
Cependant, la demanderesse a été sanctionnée par le conseil de discipline de SKEMA concernant le non-respect du règlement intérieur de l’école et de la charte de l’étudiant pour falsification et usage d’un faux devis portant le non de l’école. Le conseil de discipline a constaté que Madame [W] a reconnu avoir eu un comportement en inadéquation avec le règlement et la charte de l’école, avoir été informée de la falsification du devis d’alcool, avoir pris part à la falsification du devis d’alcool et qu’elle a manqué de discernement pour décider qu’il y avait lieu de la sanctionner d’une exclusion temporaire de 18 mois.
La communication des échanges entre l’école et les étudiants et entre l’école et le fournisseur concernant la commande d’alcool n’est donc pas utile et l’intérêt légitime de Madame [W] n’est pas démontré.

Il n’y aura pas lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande reconventionnelle de SKEMA BUSSINESS SCHOOL de condamnation de Madame [N] [W] pour procédure abusive

[6] a transmis à Madame [N] [W] la délibération de son conseil disciplinaire et interrogé la demanderesse sur l’utilité du maintien de son instance au regard des jurisprudences communiquées.
Elle estime que le maintien de cette audience de référé relève de l’acharnement procédural et sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 500 euros à ce titre.

En réponse, Madame [N] [W] fait valoir qu’aucune faute ne peut lui être imputée du fait du maintien de la présente instance, car celle-ci a été initiée en raison du refus de SKEMA de communiquer le dossier disciplinaire sollicité.

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’exercice d’une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d’ester en justice mais cela suppose la démonstration d’une faute.

En l’espèce, SKEMA BUSSINESS SCHOOL ne démontre pas en quoi l’action de Madame [W] serait constitutive d’une faute à son encontre dans la mesure où lors de l’assignation, elle avait sollicité la communication de son dossier disciplinaire par courrier d’avocat le 16 janvier 2024 et n’a assigné devant le président du tribunal judiciaire le 14 mars 2024, qu’après avoir reçu le refus du SKEMA par un courrier du 1er février 2024.
Il ne saurait être considéré comme une faute le fait pour Madame [W] d’avoir maintenu ses demandes après avoir reçu le 29 mars 2024 une partie des documents sollicités par assignation du 14 mars 2024.

L’amende civile prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile est une sanction dont l’initiative appartient non aux plaideurs mais à la juridiction et dont celle-ci ne fera pas application à défaut d’une action en justice dilatoire ou abusive.

[6] sera donc débouté de sa demande de condamnation de Madame [N] [W] pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

L’article 491, alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit Code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Madame [N] [W], qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais. Ses demandes pour frais irrépétibles seront rejetées.

Elle sera en outre condamnée à payer à [6], la somme de 2000 euros, au titre des frais irrépétibles que l’établissement d’enseignement a été contraint d’exposer pour assurer sa défense et sa représentation et préserver ses droits et qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La présente décision est exécutoire par provision en application des articles 484 et 514 et 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort ;

Disons n’y avoir lieu à référé, sur la demande de Madame [N] [W] de communication de pièces sous astreinte ;

Déboutons [6] de sa demande de condamnation de Madame [N] [W] pour procédure abusive ;

Condamnons Madame [N] [W] à payer à [6] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles ;

Déboutons Madame [N] [W] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [N] [W] aux dépens ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Sarah HOURTOULE


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