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Si le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi et lui fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, le droit à un recours effectif qui découle de l’article 16 de la déclaration universelle des droits de l’homme et qui a une valeur constitutionnelle, implique pour une partie de pouvoir présenter efficacement sa cause.
Une expertise médicale qui, en ce qu’elle ressortit à un domaine technique échappant à la connaissance des juges, est susceptible d’influencer leur appréciation des faits, constitue un élément de preuve essentiel qui doit pouvoir être débattu par les parties. Il en résulte que le secret médical ne saurait être opposé à un médecin expert appelé à éclairer le juge, ce praticien, lui-même tenu au respect de cette règle, ne pouvant communiquer que les éléments de nature à apporter réponse aux questions posées et excluant, hors ces limites, ce qu’il a pu connaître à l’occasion de l’expertise (cf Cass. Civ. 2° 22.11.2007 P n°06-18250). La cour européenne des droits de l’homme juge que l’équilibre nécessaire entre le droit à un procès équitable garanti par l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le respect du secret médical protégé par l’article 8 du même texte est réalisé lorsqu’est désigné un médecin-expert indépendant à qui seront remises les pièces composant le dossier médical et dont le rapport, établi dans le respect du secret médical, aura pour objet d’éclairer la juridiction et les parties (cf CEDH. Eternit/ France req 20041/10) Les parties s’accordent sur la nécessité d’un juste équilibre entre le principe du contradictoire et le droit du patient au respect du secret médical. |
→ Résumé de l’affaireUne femme opérée pour un cancer du col de l’utérus demande une expertise médicale pour évaluer la responsabilité de son médecin traitant dans le développement de sa maladie. Le médecin conteste la nécessité de transmettre des pièces médicales couvertes par le secret professionnel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/02587 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G5RO
[E]
C/
[L]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 21 MAI 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02587 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G5RO
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 09 novembre 2023 rendue par le Président du TJ de NIORT.
APPELANT :
Monsieur [B] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU 1927, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
Madame [J] [L]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Indiquant avoir été opérée pour un cancer du col de l’utérus diagnostiqué en août 2022 et être depuis reconnue travailleur handicapé, et faisant valoir que son généraliste traitant, le docteur [B] [E], n’avait pas donné suite à l’objectivation d’anomalies cytonucléaires révélés par des frotis qu’il avait pratiqués sur elle le 1er juin 2016 puis le 11 avril 2022, [J] [L] a saisi par actes du 4 juillet 2023 le juge des référés du tribunal judiciaire de Niort pour voir ordonner en application de l’article 145 du code de procédure civile une expertise médicale au contradictoire du praticien, de la caisse primaire d’assurance maladie des Deux-Sèvres (la CPAM 79) et de la mutuelle Intérimaires Santé, afin de réunir les éléments permettant d’apprécier l’incidence de l’absence de traitement des résultats de 2016 sur le développement de sa maladie.
[B] [E] a constitué avocat mais n’a pas conclu.
La CPAM 79 a indiqué s’en remettre à prudence de justice sur la mesure sollicitée.
La mutuelle Intérimaires Santé n’a pas comparu.
Par ordonnance du 9 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Niort a :
* constaté que sa décision était commune à la CPAM 79 et à la Mutuelle Intérimaires Santé
* ordonné une mission d’expertise confiée au docteur [S] [G], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Poitiers, avec mission suivante :
I – Sur la responsabilité médicale
Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de Mme [J] [L], et sa situation personnelle, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s’il s’agit d’un enfant ou d’un étudiant, son statut et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, son mode de vie antérieur à l’accident et sa situation actuelle,
1 – À partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, des documents médicaux fournis en ce compris l’intégralité du dossier médical comprenant les éventuels états antérieurs ayant fait l’objet d’examens médicaux ou d’intervention ‘ la victime ayant l’obligation de remettre à l’expert un dossier médical complet comprenant ces états antérieurs-, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation, et pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins ;
2 – Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;
3 – Décrire l’état initial du patient, Mme [L], avant les actes litigieux ; dans le respect du code de la déontologie médicale, interroger le sujet sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et en discuter que s’ils constituent un étant antérieur susceptible d’avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ; procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées et retranscrire ces constatations dans le rapport ; préciser si la modification de l’état éventuellement constatée est temporaire ou définitive, c’est-à-dire non améliorable par une thérapie adaptée
4 – Dire si la victime a été préalablement informée des risques encourus par les actes médicaux
5 – Rechercher et exposer les soins successivement pratiqués et dire pour chacun d’eux si ces soins ont été conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale ; dans la négative préciser les manquements commis notamment se prononcer sur le diagnostic de l’indication opératoire, la technique opératoire, sa réalisation, la surveillance post-opératoire et ses complications, les traitements appliqués, leurs résultats
6 – Décrire les lésions et séquelles directement imputables à l’absence de soins et traitements ainsi qu’aux soins et traitements postérieurement indiqués
7 – Déterminer la ou les causes exactes des souffrances et de la gêne subies par le patient
8 – Dire si c’était la conséquence de l’évolution prévisible de la situation initiale, en prenant en considération les données relatives à l’état de santé antérieur, présentée avant les actes de prévention, diagnostic ou soins pratiqués
9 – Dire su les actes et traitements étaient pleinement justifiés
10 – Dire s’il existe un lien de causalité entre les éventuels manquements commis et/ou les lésions provoquées
11 – Entendre si nécessaire tout sachant notamment entendre et convoquer personnellement les médecins et personnels soignants concernés
12 – A l’issue de cet examen analyser dans un exposé précis et synthétique, la réalité des lésions
initiales, la réalité de I ‘état séquellaire et l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur ;
II – Sur le préjudice de la victime
13 – Pertes de gains professionnels actuels :
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, et en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée, préciser la durée des arrêts de travail retenus par l’organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l’organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;
14 – Déficit fonctionnel temporaire :
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles en ce compris ses activités de loisirs, sexuelles, d’agrément etc … et en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;
Après l’avoir relevé et analysé notamment sa dimension postraumatique (stresspostraumatique) le synthétiser comme suit :
Total (100 %) du au soit jours
– partiel de classe 4 (75 %) du au soit * jours
– partiel de classe 3 (50 %) du au soit * jours
– partiel de classe 2 (25 %) du au soit * jours
– partiel de classe 1 (10 %) du au soit * jours
L’expert pourra aussi fixer un pourcentage en dehors de ces classes.
15 – Fixer la date de consolidation et, en l’absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime tout en suspendant les opérations d’expertise, préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l’évaluation d’une éventuelle provision qui pourrait être demandée durant la suspension des opérations d’expertise ;
16 – Déficit fonctionnel permanent :
Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel, et en évaluer l’importance et en chiffrer le taux ; dans l’hypothèse d’un état antérieur préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences étant rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation est d’ inclure dans l’obligation d’indemnisation les conséquences d’un état antérieur ignoré de la victime et du corps médical que l’accident a révélé; À cet effet l’expert pourra donc indiquer si cet état antérieur était inconnu de la victime et du corps médical.
Le déficit fonctionnel permanent correspond au préjudice non économique et non patrimonial
lié à la réduction du potentiel physique, psychique, psychosensoriel ou intellectuel, au caractère définitif Il intervient donc après consolidation.
Ce poste de préjudice permet donc d’ indemniser non seulement le déficit fonctionnel au sens physiologique mais également sa dimension psychique, psychologique et subjective comprenant les douleurs physiques et psychologiques, notamment le préjudice moral, les troubles dans l’existence, la perte de qualité de vie, les troubles dans les conditions d’existence que la victime rencontre au quotidien après consolidation, sa dévalorisation dans ses rapports avec les autres dont les proches, les collègues de travail ou les tiers. Il inclut les souffrances découlant de cet état consolidé et le traumatisme postraumatique s’il est consolidé à moins qu’il ait disparu.
L’expert veillera donc si nécessaire et selon sa libre appréciation technique, s’il le juge utile pour éclairer les parties et le juge, à détailler le taux en des sous taux constatant les dimensions psychiques, psychologiques, les troubles dans l’existence, la perte de qualité de vie, la dévalorisation dans les rapports sociaux s’il choisit d’opérer un chiffrage par taux étant rappelé que l’utilisation de taux repose nécessairement sur ces constats factuels propres à chaque élément. L’expert ne peut pas se contenter de résumer ses constatations dans des taux. Il pourra tout aussi retenir des taux indépendants les uns des autres à charge d’indiquer s’il est possible de les ajouter ou si on doit les considérer complètement indépendants sans donc pouvoir les globaliser dans un seul taux rapportable à un point de barème.
En effet, la pratique de la valorisation par l’application d’une valeur au point de pourcentage ne s’oppose pas à la valorisation complémentaire par une somme de postes complémentaires du DFP notamment le volet psychologique ou psychotraumatique. Cette somme fixée par le tribunal vient alors s’ajouter à la somme obtenue au titre de l’évaluation de l’incapacité permanente somatique par la multiplication d’un point et d’une valeur barémisée.
Le travail médicolégal implique que dans un premier temps l’expert explicite les lésions dommageables et leurs conséquences afin de permettre au tribunal de déterminer les préjudices et les évaluer.
17 – Assistance par tierce personne :
Indiquer le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est nécessaire après la consolidation ou a été nécessaire avant la consolidation pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et préciser la nature de l’aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;
Distinguer 3 niveaux :
– prise en charge particulièrement lourde en indiquant les raisons.
– prise en charge avec surveillance.
– prise en charge en l’absence de difficultés particulières.
La quoter en heure journalière ou en jours si elle est nécessaire à temps complet journalier.
Il sera rappelé un extrait de la lettre de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation traitant de ce poste (juillet 2023) :
Commentaire : 2e civ, 6 juillet 2023, pourvoi 11022-19.623, publié au Bulletin Par l’arrêt commenté, la deuxième chambre civile censure une cour d’appel qui a refusé d’allouer à la victime une indemnité au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne aux motifs qu’elle était capable d’assumer seule « les actes ordinaires de la vie quotidienne » et « les tâches ménagères légères ». Est ainsi rappelé le principe bien établi selon lequel les besoins en aide humaine d’une victime doivent s’apprécier au regard de sa perte d’autonomie dans la réalisation de tous les actes de la vie quotidienne, et non pas des seuls actes essentiels à la vie ou de certaines tâches en particulier.
La Cour de cassation a en effet jugé que « le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne » (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi 11019-10.058 ; 1re Civ., 8 février 2023, pourvoi no 21-24.991).
18 – Dépenses de santé futures :
Décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement;
19 – Frais de logement et/ou de véhicules adaptés :
Donner son avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la
victime d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,
20 – Pertes de gains professionnels futurs :
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l’obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnellement ou de changer d’activité professionnelle ;
21 – Incidence professionnelle :
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d’autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, «dévalorisation » sur le marché du travail, etc.) ;
Il est ici rappelé que la cour de cassation a jugé que l’indemnisation de la perte de ses gains professionnels futurs sur la base d’une rente temporaire d’une victime privée de toute activité professionnelle pour l’avenir n’exclut pas une indemnisation supplémentaire au titre de l’incidence professionnelle,
Elle a jugé que la possibilité d’indemniser le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail est possible au
titre de l’incidence professionnelle.
22 – Préjudice scolaire, universitaire ou de formation :
Si la victime est scolarisée ou en cours d’études, dire si en raison des lésions consécutives du
fait traumatique, elle subit une perte d’année scolaire, universitaire ou de formation, l’obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ;
23 – Souffrances endurées jusqu’à la consolidation :
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) et les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;
24 – Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif :
Donner un avis sur l’existence, la nature ou I ‘importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire avant consolidation et le préjudice esthétique définitif après consolidation. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif sur une échelle de 1 à 7 ;
25 – Préjudice sexuel :
Indiquer s’il existe ou s’il existera un préjudice sexuel qui peut comprendre trois volets : perte
ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité ;
26 – Préjudice d’établissement :
Dire si la victime subit une perte d’espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ;
27 – Préjudice d’agrément :
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à ces activités spécifiques de sport ou de loisir ;
Il est ici rappelé que le préjudice d’agrément n’est évalué indépendamment du déficit fonctionnel permanent que s’il est apporté la preuve d’activités particulières de détente ou sportive telles que licences sportives, participation à des compétitions etc
28 – Préjudice permanents exceptionnels :
Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;
29 – Dire si l’état de la victime est susceptible de modification en aggravation;
30 – Etablir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission selon le modèle en fiche jointe ;
* fixé à 3 000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais d’expertise qui devra être consignée par au greffe du tribunal au plus tard le 10 janvier 2024, délai de rigueur ;
* rappelé qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert serait caduque de plein droit (article 272 du code de procédure civile) ;
* dit que l’expert commencera ses opérations dès qu’il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ou le montant de la première échéance ;
* dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans une autre spécialité que la sienne à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n’est pas inscrit sur une liste d’experts auprès d’une cour d’appel, il prêtera serment par écrit. Son serment écrit sera joint à son rapport. dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;
*dit que l’expert devra déposer son rapport au plus tard le 10 juillet 2024
* dit que l’expert pourra s’entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé ;
* dit que, pour exécuter la mission, l’expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;
* dit que l’expert pourra avec l’accord des parties utiliser tout logiciel de convocation, diffusion par messagerie électronique ou de visio conférence, dont la plate-forme électronique de gestion mise en oeuvre par la compagnie régionale des experts judiciaires inscrits sur la liste tenue par la cour d’appel de Rennes ou toute autre cour, pour procéder aux convocations et diffusion de rapport, réception de dires et éventuellement tenue de réunion.
* enjoint aux parties de remettre à l’expert :
-le demandeur, immédiatement toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l’accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d’imagerie médicale, comptes-rendus opératoires et d’examen, expertises ;
– les défendeurs aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l’exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et I ‘accord du demandeur sur leur divulgation ;
* dit qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l’expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l’état ;
* dit que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de la victime ou de ses ayants-droits par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire ;
* dit que l’expert s’assurera, à chaque réunion d’expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d’imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d’expertise ;
* dit que l’expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu’elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;
* dit que l’expert procédera à l’examen clinique, en assurant la protection de l’intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l’expertise ; qu’à l’issue de cet examen, en application du principe du contradictoire il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences;
* dit que l’expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l’éclairer ;
* dit que l’expert pourra si nécessaire :
– en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai,
– en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
– en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport ;
– adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu’il actualisera s’il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires ;
– adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception (par exemple réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport) dont il s’expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations : fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d’un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport ;
– rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu’il fixe
* dit que l’expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :
– la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;
– le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;
– le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise ;
– la date de chacune des réunions tenues ;
– les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité
et leurs liens éventuels avec les parties ;
– le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que le document
qu’il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;
Que l’original du rapport définitif (deux exemplaires) sera déposé au greffe des référés du tribunal judiciaire de Niort, tandis que l’expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, avant le 10 juillet sauf prorogation expresse ;
* dit qu’en cas de difficultés, l’expert ou les représentants des parties en référeront immédiatement au juge chargé du service du contrôle des expertises au besoin à l’adresse suivante : [Courriel 6] ;
* désigné le juge en charge du contrôle des opérations d’expertise figurant sur l’ordonnance
* dit la présente ordonnance était commune et opposable à la CPAM 79 et à la Mutuelle Intérimaires Santé
* condamné Mme [J] [L] aux entiers dépens
[B] [E] a relevé le 27 novembre 2023 en intimant uniquement [J] [L], un appel de cette ordonnance en ses chefs de disposition .
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 26 décembre 2023 par M. [E]
* le 22 janvier 2024 par Mme [L].
[B] [E] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
-ordonné une mission d’expertise confiée au docteur [S] [G]
-fixé à 3 000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais d’expertise qui devra être consignée par au greffe du tribunal au plus tard le 10 janvier 2024, délai de rigueur
-rappelé qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert serait caduque de plein droit (article 272 du code de procédure civile)
-enjoint aux parties de remettre à l’expert :
-le demandeur, immédiatement toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l’accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d’imagerie médicale, comptes-rendus opératoires et d’examen, expertises
– les défendeurs aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l’exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et I ‘accord du demandeur sur leur divulgation
-dit qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l’expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l’état
-que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de la victime ou de ses ayants-droits par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire
et de statuer ainsi :
-ordonne une mission d’expertise confiée au docteur [S] [G]
-fixe à 3 000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais d’expertise qui devra être consignée par au greffe du tribunal au plus tard le 10 janvier 2024, délai de rigueur
-rappelle qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert serait caduque de plein droit (article 272 du code de procédure civile)
-enjoint aux parties de remettre à l’expert :
-le demandeur, immédiatement toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l’accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d’imagerie médicale, comptes-rendus opératoires et d’examen, expertises
– le défendeur aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations,
-dit qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l’expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l’état
-que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de la victime ou de ses ayants-droits par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire.
[B] [E] soutient à l’appui de son appel que le principe du contradictoire commande que chaque partie puisse être en mesure de discuter l’énoncé des faits et moyens juridiques que ses adversaires lui opposent ; que l’ensemble des éléments nécessaires à la défense des parties doit donc être porté à la connaissance de ses adversaires ; et qu’il n’est pas compatible avec ce principe de conditionner comme l’a fait le juge des référés la communication de pièces à l’accord de l’une des parties.
Il rappelle que s’il est, de par ses fonctions, effectivement soumis au secret professionnel, il dispose toutefois de la possibilité d’assurer sa défense en révélant des éléments normalement couverts par ce secret lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense, lesquels sont garantis par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il demande ainsi la suppression, dans la mission, de la nécessité d’un accord de Mme [L] pour transmettre des pièces médicales à l’expert.
[J] [L] demande à la cour de dire que M. [E] pourra produire seulement les pièces en lien avec les faits litigieux,strictement indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise, toute autre production étant sous la protection du secret professionnel.
Elle rappelle que l’article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que toute personne prise en charge par un professionnel de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant et qu’excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel, qu’il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé, et que la personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant, droit qu’elle peut exercer à tout moment; et que l’article R.4127-4 du même code prévoit que le secret professionnel institué dans l’intérêt du patient s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi, et qu’il couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu et compris.
Elle convient que cependant, le principe des droits de la défense conduit à permettre à chacune des parties de produire les éléments nécessaires à sa défense.
Elle en déduit que seules doivent pouvoir être produites les pièces en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise.
L’ordonnance de clôture est en date du 12 février 2024.
L’appel porte ainsi uniquement sur le chef de la mission donnée à l’expert judiciaire par le juge des référés qui, dans le cadre de l’injonction faite aux parties de remettre à l’expert les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, en exclut la production par le docteur [E] de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la demanderesse [J] [L] à moins qu’il en indique l’origine et que celle-ci ne donne son accord pour leur divulgation.
Ainsi que les parties à l’instance d’appel s’accordent à en convenir, les exigences du secret médical et celles du respect du contradictoire et du caractère équitable de la procédure judiciaire ne sont pas incompatibles et doivent en réalité s’articuler.
Si le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi et lui fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, le droit à un recours effectif qui découle de l’article 16 de la déclaration universelle des droits de l’homme et qui a une valeur constitutionnelle, implique pour une partie de pouvoir présenter efficacement sa cause.
Une expertise médicale qui, en ce qu’elle ressortit à un domaine technique échappant à la connaissance des juges, est susceptible d’influencer leur appréciation des faits, constitue un élément de preuve essentiel qui doit pouvoir être débattu par les parties.
Il en résulte que le secret médical ne saurait être opposé à un médecin expert appelé à éclairer le juge, ce praticien, lui-même tenu au respect de cette règle, ne pouvant communiquer que les éléments de nature à apporter réponse aux questions posées et excluant, hors ces limites, ce qu’il a pu connaître à l’occasion de l’expertise (cf Cass. Civ. 2° 22.11.2007 P n°06-18250).
La cour européenne des droits de l’homme juge que l’équilibre nécessaire entre le droit à un procès équitable garanti par l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le respect du secret médical protégé par l’article 8 du même texte est réalisé lorsqu’est désigné un médecin-expert indépendant à qui seront remises les pièces composant le dossier médical et dont le rapport, établi dans le respect du secret médical, aura pour objet d’éclairer la juridiction et les parties (cf CEDH. Eternit/ France req 20041/10)
Les parties s’accordent sur la nécessité d’un juste équilibre entre le principe du contradictoire et le droit du patient au respect du secret médical.
La modalité spécifique querellée par [B] [E] n’assure pas cet équilibre, en donnant à la partie demanderesse à l’expertise médicale un droit de veto sur des documents médicaux la concernant que l’autre partie à l’expertise voudrait porter à la connaissance de l’expert, aussi bien pour l’éclairer qu’afin d’assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure.
L’ordonnance prévoit au demeurant en un chef non querellé que le secret médical n’est pas opposable à l’expert judiciaire.
Elle sera ainsi infirmée pour retirer, comme demandé, l’indication que l’injonction faite au défendeur de remettre à l’expert aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations lui est faite ‘à l’exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et I ‘accord du demandeur sur leur divulgation’.
Il est en tant que de besoin indiqué comme l’intimée souhaite le voir préciser, que seules pourront être remises à l’expert judiciaire par M. [E] les pièces en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise.
Aucune partie ne succombe à l’instance d’appel, et chacune conservera la charge de ses dépens d’appel.
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
dans la limite de l’appel:
INFIRME l’ordonnance déférée en son chef de décision énonçant dans le cadre de la mission dévolue à l’expert commis qu’il est enjoint au défendeur à l’instance en référé de remettre à l’expert aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l’exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et I ‘accord du demandeur sur leur divulgation
statuant à nouveau de ce chef :
DIT que l’injonction faite à [B] [E] de remettre à l’expert les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations n’exclut pas les documents médicaux concernant [J] [L]
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,