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A la suite d’un contrôle comptable d’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, en application de l’article L. 138-20 du code de la sécurité sociale, l’Urssaf a adressé à une société une rectification de l’assiette de la contribution en cause (un rappel de contributions de 3 905 801 euros).
Le redressement a été confirmé. Aux termes du I., 3°, de l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la contribution est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des derniers exercices clos depuis la dernière échéance, au titre :
« 3° Des frais de publication et des achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature, y compris les dépenses directes ou indirectes d’hébergement et de transport qui s’y rapportent, à l’exception des échantillons mentionnés à l’article L. 5122-10 du code de la santé publique. Sont toutefois exclus les frais de publication et les achats d’espace publicitaire mentionnant exclusivement une spécialité pharmaceutique qui n’est inscrite ni sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du présent code ni sur la liste mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique ; »
L’article L. 5122-10 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur du 27 février 2007 au 1er juillet 2018 issue de la loi n° 2007-248 du 26 février 2007, disposait que :
« Des échantillons gratuits de médicaments ne peuvent être remis aux personnes habilitées à prescrire ou à dispenser des médicaments dans le cadre des pharmacies à usage intérieur que sur leur demande.
« Ces échantillons ne peuvent contenir des substances classées comme psychotropes ou stupéfiants, ou auxquelles la réglementation des stupéfiants est appliquée en tout ou partie.
« Ils doivent être identiques aux spécialités pharmaceutiques concernées et porter la mention : « échantillon gratuit ».
« Leur remise directe au public à des fins promotionnelles ainsi que leur remise dans les enceintes accessibles au public à l’occasion de congrès médicaux ou pharmaceutiques est interdite.
« Dans le cadre de la promotion des médicaments auprès des personnes habilitées à les prescrire ou à les délivrer, il est interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre à ces personnes une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature, à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et ne soient relatifs à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie. »
Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, « il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas ». Quand la loi est claire et n’a disposé aucune restriction ou condition, l’interprète n’a pas à y introduire des exceptions qui n’ont pas été prévues par le législateur.
Or, au regard des articles L. 245-2 du code de la sécurité sociale et L. 5122-10 du code de la santé publique, la loi est claire et pose une distinction entre le public de professionnels de la santé et le grand public en ce qui concerne les échantillons qui entrent ou sont exclus dans l’assiette de la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux. Il importe peu que ces contributions présentent des objectifs communs , chacune ayant son domaine d’application propre.
Si l’article L. 5122-10 du code de la santé instaure une distinction entre les professionnels de santé et le public en ce qui concerne la contribution assise sur les dépenses de promotion des médicaments, l’article L. 245-5-2, 3°, du code de la sécurité sociale, ne reprend pas expressément cette distinction s’agissant de la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux mais renvoie au premier texte pour délimiter le champ d’exclusion des échantillons de l’assiette.
Ainsi, s’agissant des échantillons, si la volonté du législateur a été notamment de définir les contours de l’assiette de la contribution ‘de manière à n’y faire figurer que les éléments dont le caractère promotionnel n’est pas contestable et à renforcer ainsi la sécurité juridique de la contribution, il est inexact d’affirmer, comme le fait la société, que la rédaction de l’article L. 245-2, I, 3°, ne prévoit pas la prise en compte des frais liés aux échantillons dans l’assiette de cotisations, cette prise en compte dépendant par renvoi à l’article L. 5211-10 du code de la santé publique du public auquel ils sont distribués. Seule l’exclusion de l’assiette des échantillons distribués aux professionnels de santé est prévue par la combinaison de ces deux textes.
Ensuite, il importe peu que le code de la sécurité sociale n’ait pas donné de définition précise d’un échantillon puisqu’elle retient comme contour de cette espèce « quelle que soit la nature du support retenu, quelle que soit sa forme matérielle où immatérielle », laissant ainsi une grande latitude aux fabricants de dispositifs médicaux pour distribuer leurs échantillons, lesquels ne sauraient être confondus par exemple avec le matériel de démonstration comme le suggère la société dans ses écritures.
La distribution d’échantillons qui par nature contribue à la démonstration et la promotion des dispositifs médicaux a la nature d’un support publicitaire au sens des dispositions du code du code de la sécurité sociale, peu important que par ailleurs elle puisse aussi participer à la formation ou à la pédagogie auprès des professionnels de santé.
Il peut donc s’agir de tout échantillon distribué au public, à l’exception des professionnels de santé, à des fins promotionnelles des dispositifs médicaux concernés.
Si le législateur, comme l’ont retenu les premiers juges, a expressément exclu les frais relatifs aux échantillons de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments, il ne l’a pas prévue pour les dispositifs médicaux à l’exception d’une catégorie précise d’échantillons. De même que si le législateur a prévu une interdiction de distribution gratuite d’échantillons de médicaments, il n’a prévu aucune interdiction en matière de dispositifs médicaux.
Enfin, la société ne peut pas être suivie dans son argumentaire visant l’analogie des deux contributions en raison du souhait du législateur de les harmoniser, car cela reviendrait à confondre les médicaments, produits dangereux soumis à une réglementation spécifique et dont la promotion ne peut être faite qu’envers un public de professionnels, et les dispositifs médicaux qui, ne présentant pas les mêmes caractéristiques et la même dangerosité intrinsèque, ne sont pas soumis aux mêmes restrictions que les médicaments, notamment, en termes de promotion auprès du grand public.
Elle ne peut pas davantage être suivie in fine quand elle affirme qu’aucune cause d’exclusion spécifique n’est rendue nécessaire lorsque des charges ou frais ne sont pas expressément mentionnés dans la définition de l’assiette d’une contribution, puisqu’en l’espèce, la combinaison des articles L. 245-2 du code de la sécurité sociale et L. 5122-10 du code de la santé publique suffit pour déterminer que les échantillons entrent dans l’assiette de la cotisation à l’exception des échantillons de médicaments distribués aux professionnels de santé.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’exclure de l’assiette de la contribution les charges afférentes aux échantillons.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/00736 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKIK
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00809
APPELANTE
SAS [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 substitué par Me Julien LE GUYADER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
URSSAF D’ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par M. [F] [X] en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Madame Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, intialement prévu le 24 mars 2023, prorogé au 21 avril 2023, puis au 26 mai 2023, puis au 23 juin 2023, puis au 22 septembre 2023,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M Gilles REVELLES, conseiller pour Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre légitimement empêchée et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la S.A.S. [5] (la société) d’un jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l’opposant à l’Union pour le Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociales et d’Allocations Familiales d’Île-de-France (l’URSSAF).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu’à la suite d’un contrôle comptable d’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion de dispositifs médicaux portant sur les exercices 2013, 2014 et 2015, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations du 17 novembre 2017 comportant plusieurs chefs de redressement d’un montant total fixé à 3 905 801 euros. La société a formé des observations le 20 novembre 2017, ajoutant à sa contestation une demande de restitution de la contribution versée à tort au titre de la matériovigilance. Le service du contrôle a maintenu ses observations et refusé l’application de l’abattement de 4 % au titre de la matériovigilance par lettre du 28 février 2018. Le 14 mai 2018, l’Urssaf a mis la société en demeure de payer la somme de 3 905 801 euros en principal outre 450 686 euros en majorations de retard. Le 29 juin 2018, la société a versé la somme de 2 900 000 euros. Le 12 juillet 2018, la société a saisi la commission de recours amiable. L’Urssaf a émis une contrainte le 9 juillet 2018, laquelle a été délivrée à la société le 13 juillet 2018, portant sur les mêmes sommes. L’Urssaf a renoncé à sa contrainte dans l’attente de l’examen de la contestation par la commission de recours amiable. Le 14 septembre 2018, sur rejet implicite, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny d’une contestation du redressement.
Par jugement du 16 décembre 2019, le tribunal a :
– Débouté la société de sa demande d’annulation des différents chefs de redressement notifiés par lettre d’observations de l’Urssaf du 17 novembre 2017 ;
– Validé le redressement notifié par l’Urssaf dans sa lettre d’observations du 5 mars 2018 en son entier montant, soit à hauteur de 3 905 801 euros ;
– Débouté la société de sa demande de restitution du rappel de contribution à hauteur de 2 900 000 euros ;
– Débouté la société de sa demande de restitution de l’excédent de contribution à hauteur de 212 006 euros ;
– Déclaré la société irrecevable dans sa demande de remise des majorations ;
– Condamné la société à payer à l’Urssaf les sommes restant dues au titre de la mise en demeure du 27 novembre 2017, soit la somme de 1 005 801 euros en contributions et 450 686 euros en majorations ;
– Débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté l’Urssaf de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Pour statuer ainsi, sur le chef de redressement relatif aux échantillons de produits offerts, le tribunal a considéré que l’article L. 245-5-2, 3e, du code de la sécurité sociale n’opérait pas de distinction entre la communication à destination des professionnels et la communication grand public. Le tribunal a relevé que la circonstance que le guide de l’Urssaf ne comportât pas, s’agissant de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, la précision « peu important le public visé », à la différence du guide de l’Urssaf relatif à la contribution aux dépenses de promotion des médicaments, ne pouvait avoir pour incidence d’exclure de l’assiette de la contribution les frais de publication et d’achat d’espaces publicitaires à destination du grand public. Le tribunal a observé que la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments était également assise sur « les frais de publication et d’achat d’espace publicitaire, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature, y compris les dépenses directes ou indirectes d’hébergement et de transport qui s’y rapportent, à l’exception des échantillons mentionnés à l’article L. 5122-10 du code de la santé publique ». Il a également observé qu’à l’exception de l’exclusion des échantillons, la définition de l’assiette était libellée en des termes identiques, et le guide de l’Urssaf afférent à cette contribution précise bien que ces frais sont intégrés à l’assiette « peu important le public visé ». Le tribunal a jugé qu’il n’y avait dès lors pas lieu d’opérer de distinction selon le public visé s’agissant de la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux. Ensuite, s’agissant de l’abattement au titre de la matériovigilance, le tribunal a considéré qu’en qualité d’exploitant de dispositifs médicaux, la société était soumise à une obligation générale de pharmacovigilance, laquelle comporte un certain nombre d’obligations précises et détaillées et qu’il n’entrait dans l’assiette de la contribution instituée par le l’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale que les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits et que la surveillance des incidents ou des risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispositifs médicaux, dites matériovigilance, était étrangère à ces activités commerciales. Le tribunal a jugé que si la société était crédible à soutenir que ses commerciaux consacraient une partie de leur temps à l’activité obligatoire de matériovigilance, elle ne produisait pas le moindre élément de nature à le confirmer, ni à permettre de quantifier ce temps, soutenant seulement que ce temps n’était pas quantifiable. Le tribunal a retenu qu’il appartenait à la société d’établir le taux de 4 % qu’elle revendiquait. Or la société n’établissait pas que ses commerciaux intervenaient dans le processus de pharmacovigilance, ne produisant notamment pas leurs contrats de travail, lettre de mission ou définition de poste. Le tribunal a relevé que l’activité de matériovigilance était pourtant susceptible d’être objectivée et prouvée par la production de documents, mails, études, rapports et que la société ne produisait aucune des pièces susceptibles d’établir et de quantifier l’activité alléguée de matériovigilance.
Le 24 janvier 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 27 décembre 2019.
Par ses conclusions écrites déposées à l’audience et développées oralement par son conseil, la société demande à la cour de :
– Déclarer la société recevable et bien fondée en son appel ;
Y faisant droit,
– Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
* Débouté la société de sa demande d’annulation des différents chefs de redressement notifiés par lettre d’observations de l’Urssaf du 17 novembre 2017 ;
* Validé le redressement notifié par l’Urssaf dans sa lettre d’observations du 5 mars 2018 en son entier montant, soit à hauteur de 3 905 801 euros ;
* Débouté la société de sa demande de restitution du rappel de contribution à hauteur de 2 900 000 euros ;
* Débouté la société de sa demande de restitution de l’excédent de contribution à hauteur de 212 006 euros ;
* Déclaré la société irrecevable en sa demande de remise des majorations ;
* Condamné la société à payer à l’Urssaf les sommes restant dues au titre de la mise en demeure du 14 mai 2018, soit la somme de 1 005 801 euros en contributions et 450 686 euros en majorations ;
* Débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu’elle déboute la société de ses demandes ;
En conséquence, statuant à nouveau,
– Constater que le redressement envisagé par l’Urssaf et la décision de rejet de la commission de recours amiable de l’Urssaf relatifs aux frais d’échantillons ne sont pas fondés ;
– Ordonner la restitution de la somme de 1 005 801 euros au principal versée par la société et des majorations de retard afférentes pour un montant de 450 686 euros ;
– Ordonner l’application d’un abattement de 4 % sur les rémunérations versées aux commerciaux, au titre de leur obligation légale de matériovigilance, et la restitution de l’excédent de contribution versée au titre de l’abattement de 4 % par la société ;
Et en tout état de cause,
– Rejeter les conclusions de l’Urssaf et l’en débouter purement et simplement ;
– Condamner l’Urssaf à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ses conclusions écrites déposées à l’audience et développées oralement par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société de sa demande d’annulation du redressement notifié au titre des frais de publication et d’achat d’espaces publicitaires s’agissant des échantillons ;
– Débouter en conséquence la société de sa demande de restitution du rappel de contribution à ce titre à hauteur de 1 005 801 euros en contributions et de 450 686 euros en majorations de retard ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le laboratoire de sa demande de restitution par application d’un abattement forfaitaire de 4 % au titre de la matériovigilance ;
– Débouter en conséquence la société de sa demande de restitution non chiffrée à ce titre;
– Débouter la société de ses plus amples demandes ;
– Condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions déposées et visées par le greffe à l’audience.
SUR CE :
Il ressort des explications des parties que l’appel porte d’une part sur un seul chef de redressement relatif aux frais de publication et d’achat d’espaces publicitaires s’agissant des échantillons, et d’autre part du rejet de la demande de la société d’une restitution d’un excédent de contribution par application d’un abattement de 4 % au titre de la matériovigilance formée au cours de la procédure contradictoire et qui a été également soumise à l’appréciation de la commission de recours amiable.
Au cas d’espèce, à la suite d’un contrôle comptable d’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, en application de l’article L. 138-20 du code de la sécurité sociale, l’Urssaf a adressé à la société des observations entraînant une rectification de l’assiette de la contribution en cause et en conséquence un rappel de contributions de 3 905 801 euros. Le tribunal a maintenu ce redressement.
Sur les échantillons
L’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, dans ses deux versions applicables à la cause, disposait que :
« Il est institué au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés [« et de la Haute Autorité de santé » (supprimé en décembre 2013)] une contribution des entreprises assurant la fabrication, l’importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel, de tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l’article L. 162-17 ou de prestations de services et d’adaptation associées inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l’article L. 165-1. »
Aux termes du I., 3°, de l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la contribution est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des derniers exercices clos depuis la dernière échéance, au titre :
« 3° Des frais de publication et des achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature, y compris les dépenses directes ou indirectes d’hébergement et de transport qui s’y rapportent, à l’exception des échantillons mentionnés à l’article L. 5122-10 du code de la santé publique. Sont toutefois exclus les frais de publication et les achats d’espace publicitaire mentionnant exclusivement une spécialité pharmaceutique qui n’est inscrite ni sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du présent code ni sur la liste mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique ; »
L’article L. 5122-10 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur du 27 février 2007 au 1er juillet 2018 issue de la loi n° 2007-248 du 26 février 2007, disposait que :
« Des échantillons gratuits de médicaments ne peuvent être remis aux personnes habilitées à prescrire ou à dispenser des médicaments dans le cadre des pharmacies à usage intérieur que sur leur demande.
« Ces échantillons ne peuvent contenir des substances classées comme psychotropes ou stupéfiants, ou auxquelles la réglementation des stupéfiants est appliquée en tout ou partie.
« Ils doivent être identiques aux spécialités pharmaceutiques concernées et porter la mention : « échantillon gratuit ».
« Leur remise directe au public à des fins promotionnelles ainsi que leur remise dans les enceintes accessibles au public à l’occasion de congrès médicaux ou pharmaceutiques est interdite.
« Dans le cadre de la promotion des médicaments auprès des personnes habilitées à les prescrire ou à les délivrer, il est interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre à ces personnes une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature, à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et ne soient relatifs à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie. »
Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, « il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas ». Quand la loi est claire et n’a disposé aucune restriction ou condition, l’interprète n’a pas à y introduire des exceptions qui n’ont pas été prévues par le législateur.
Or, au regard des articles L. 245-2 du code de la sécurité sociale et L. 5122-10 du code de la santé publique, la loi est claire et pose une distinction entre le public de professionnels de la santé et le grand public en ce qui concerne les échantillons qui entrent ou sont exclus dans l’assiette de la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux. Il importe peu que ces contributions présentent des objectifs communs , chacune ayant son domaine d’application propre.
Si l’article L. 5122-10 du code de la santé instaure une distinction entre les professionnels de santé et le public en ce qui concerne la contribution assise sur les dépenses de promotion des médicaments, l’article L. 245-5-2, 3°, du code de la sécurité sociale, ne reprend pas expressément cette distinction s’agissant de la contribution assise sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux mais renvoie au premier texte pour délimiter le champ d’exclusion des échantillons de l’assiette.
Ainsi, s’agissant des échantillons, si la volonté du législateur a été notamment de définir les contours de l’assiette de la contribution ‘de manière à n’y faire figurer que les éléments dont le caractère promotionnel n’est pas contestable et à renforcer ainsi la sécurité juridique de la contribution, il est inexact d’affirmer, comme le fait la société, que la rédaction de l’article L. 245-2, I, 3°, ne prévoit pas la prise en compte des frais liés aux échantillons dans l’assiette de cotisations, cette prise en compte dépendant par renvoi à l’article L. 5211-10 du code de la santé publique du public auquel ils sont distribués. Seule l’exclusion de l’assiette des échantillons distribués aux professionnels de santé est prévue par la combinaison de ces deux textes.
Ensuite, il importe peu que le code de la sécurité sociale n’ait pas donné de définition précise d’un échantillon puisqu’elle retient comme contour de cette espèce « quelle que soit la nature du support retenu, quelle que soit sa forme matérielle où immatérielle », laissant ainsi une grande latitude aux fabricants de dispositifs médicaux pour distribuer leurs échantillons, lesquels ne sauraient être confondus par exemple avec le matériel de démonstration comme le suggère la société dans ses écritures.
La distribution d’échantillons qui par nature contribue à la démonstration et la promotion des dispositifs médicaux a la nature d’un support publicitaire au sens des dispositions du code du code de la sécurité sociale, peu important que par ailleurs elle puisse aussi participer à la formation ou à la pédagogie auprès des professionnels de santé.
Il peut donc s’agir de tout échantillon distribué au public, à l’exception des professionnels de santé, à des fins promotionnelles des dispositifs médicaux concernés.
Si le législateur, comme l’ont retenu les premiers juges, a expressément exclu les frais relatifs aux échantillons de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments, il ne l’a pas prévue pour les dispositifs médicaux à l’exception d’une catégorie précise d’échantillons. De même que si le législateur a prévu une interdiction de distribution gratuite d’échantillons de médicaments, il n’a prévu aucune interdiction en matière de dispositifs médicaux.
Enfin, la société ne peut pas être suivie dans son argumentaire visant l’analogie des deux contributions en raison du souhait du législateur de les harmoniser, car cela reviendrait à confondre les médicaments, produits dangereux soumis à une réglementation spécifique et dont la promotion ne peut être faite qu’envers un public de professionnels, et les dispositifs médicaux qui, ne présentant pas les mêmes caractéristiques et la même dangerosité intrinsèque, ne sont pas soumis aux mêmes restrictions que les médicaments, notamment, en termes de promotion auprès du grand public.
Elle ne peut pas davantage être suivie in fine quand elle affirme qu’aucune cause d’exclusion spécifique n’est rendue nécessaire lorsque des charges ou frais ne sont pas expressément mentionnés dans la définition de l’assiette d’une contribution, puisqu’en l’espèce, la combinaison des articles L. 245-2 du code de la sécurité sociale et L. 5122-10 du code de la santé publique suffit pour déterminer que les échantillons entrent dans l’assiette de la cotisation à l’exception des échantillons de médicaments distribués aux professionnels de santé.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’exclure de l’assiette de la contribution les charges afférentes aux échantillons.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur l’abattement de 4 % au titre de la matériovigilance
L’article L. 5212-1 du code de la santé publique dispose que :
« Pour les dispositifs médicaux dont la liste est fixée par le ministre chargé de la santé après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’exploitant est tenu de s’assurer du maintien de ces performances et de la maintenance du dispositif médical.
« Cette obligation donne lieu, le cas échéant, à un contrôle de qualité dont les modalités sont définies par décret et dont le coût est pris en charge par les exploitants des dispositifs.
« La personne physique ou morale responsable de la cession à titre onéreux ou à titre gratuit d’un dispositif médical d’occasion figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, établit, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, une attestation justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical concerné.
« Le non-respect des dispositions du présent article peut entraîner la mise hors service provisoire ou définitive du dispositif médical, prononcée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ainsi que, le cas échéant, le retrait ou la suspension de l’autorisation de l’installation dans les conditions prévues aux articles L. 6122-11 et L. 6122-13. »
Les articles R. 5212-1 et R. 5212-14 du code de la santé publique prévoient un mécanisme de matériovigilance pour les dispositifs médicaux.
Si le principe même de la matériovigilance donnant droit à un abattement de 4 % ou excluant de l’assiette de la contribution la part des rémunérations afférentes à la matériovigilance n’est pas remis en cause, il n’est pas contestable cependant qu’il appartient à la société de rapporter la preuve que ses commerciaux exercent bien une mission de matériovigilance et de quantifier en terme horaire le temps de travail consacré à cette activité qui ne peut pas se confondre avec le temps de travail consacré à la promotion, la vente ou la présentation des dispositifs médicaux.
Or en l’espèce, la société réplique aux critiques de l’Urssaf qu’elle est dans l’impossibilité d’identifier au sein de chaque visite le temps consacré par les commerciaux à leur activité commerciale et le temps consacré à la matériovigilance. Elle soutient qu’il s’agit d’une preuve impossible.
Néanmoins, comme l’ont relevé les premiers juges, le travail de matériovigilance suppose de la part du commercial qui serait chargé de cette mission d’établir les remontées d’informations relatives à cette obligation, lesquelles peuvent donc être établies par la production de documents, mails, études ou rapports établis par les commerciaux.
Ainsi, la société qui n’établit pas par ces productions que ses commerciaux ont une mission de matériovigilance prévue à leur contrat de travail ou par une lettre de mission, ne rapporte pas non plus la preuve de la matérialité de cette activité autrement qu’en se fondant sur des affirmations et considérations générales relatives à l’exercice des visites médicales de ses commerciaux.
Dans ces conditions le jugement ne peut qu’être confirmé sur ce point.
Succombant en son appel, la société sera condamnée aux dépens et sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
La société sera condamnée à payer à l’Urssaf la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l’appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré ;
DÉBOUTE la S.A.S. [5] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la S.A.S. [5] à payer à l’Urssaf d’Île-de-France la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la S.A.S. [5] aux dépens d’appel.
La greffière Pour la présidente empêchée