Le refus de communiquer son code Iphone à son employeur
Le refus de communiquer son code Iphone à son employeur
Ce point juridique est utile ?

L’utilisation d’un logiciel espionnant l’activité des salariés est une violation, par l’employeur, de l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.


L’utilisation d’un logiciel Remote Desktop

Dans cette affaire, la société a reconnu l’utilisation d’un logiciel Remote Desktop qui aurait eu pour but de « permettre au service informatique de renforcer la sécurité et d’augmenter la productivité tout en réduisant les coûts, l’inefficacité et les risques grâce à une gestion à distance ».

La société ajoute que ce logiciel permet une connexion à tous les ordinateurs du réseau et que ce système permet de centraliser toutes les connexions à distance dans une seule plateforme et de les partager avec l’ensemble de l’équipe.

Absence d’information des salariés

Or, l’utilisation par l’employeur d’un tel logiciel n’est pas régulière : les attestations présentées n’établissent pas que le salarié avait été informé de l’utilisation de ce logiciel qui permettait à l’ employeur d’avoir la main sur son ordinateur, y compris sur ses mails personnels.

Défaut de déclaration CNIL et loyauté du contrat de travail

Ce logiciel n’a pas été déclaré à la CNIL non plus qu’aux délégués du personnel et l’intrusion commise n’était pas proportionnée. Aucun élément n ‘est versé au soutien d’un renforcement de la sécurité, de la réduction des coûts. Pour cette raison, la société a manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Cet espionnage a causé au salarié un préjudice résultant d’une atteinte à sa vie privée (500 euros de dommages et intérêts).


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

— ————————-

ARRÊT DU : 14 DECEMBRE 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/04319 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFI6

Monsieur [D] [H]

c/

SARL DOMAINES [P] EN HAUT MEDOC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 juillet 2019 (R.G. n°F 17/01828) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 29 juillet 2019,

APPELANT :

Monsieur [D] [H]

né le 03 Juin 1990 à [Localité 5] ([Localité 5]) de nationalité Française Profession : Attaché(e) commercial(e), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Caroline DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Domaines [P] en Haut Médoc, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 394 364 731

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [D], né en 1990, a été engagé en qualité d’attaché commercial par la SARL Domaines [P] en Haut médoc, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 décembre 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des exploitations agricoles de la Gironde.

La rémunération mensuelle est discutée.

Lors d’un entretien qui s’est déroulé le 6 juillet 2017, M. [H] a été mis à pied à titre conservatoire (la mise à pied étant rémunérée).

Par lettre datée du 7 juillet 2017, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 juillet 2017.

M. [H] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 24 juillet 2017.

A la date du licenciement, M. [H] avait une ancienneté de 7 mois.

Contestant la légitimité de son licenciement et demandant la reconnaissance du statut cadre Groupe 3 et de l’exécution déloyale du contrat de travail, M. [H] a saisi le conseil des prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 19 juillet 2019, a :

— rejeté la demande formulée avant dire droit par M. [H],

— dit que le licenciement de M. [H] repose bien sur sur une cause réelle et sérieuse,

— dit que M. [H] ne benéficiait pas du statut cadre,

— dit qu’en l’absence de levée de la clause de non-concurrence dans les délais contractuels, condamne la SARL Domaines [P] en Haut médoc à payer à M. [H] la somme de 8.878,82 euros,

— débouté M. [H] :

* de sa demande de paiement du solde de commissionnement,

* de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés,

* du surplus de ses demandes,

— débouté les parties de leurs demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SARL Domaines [P] en haut médoc aux dépens.

Par déclaration du 29 juillet 2019, M. [H] a relevé appel de cette décision, notifiée le 22 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 juillet 2022, M. [H] demande à la cour de :

— réformer le jugement rendu le 19 juillet 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux en ce qu’il a :

* rejeté la demande formulée avant dire droit par M. [H],

* dit que le licenciement de M. [H] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

* dit que M. [H] ne bénéficie pas du statut cadre,

* débouté M. [H] de sa demande de paiement du solde de commissionnement,

* débouté M. [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés,

* débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

Faisant droit à l’appel limité de M. [H] :

— avant dire droit écarter les pièces adverses constituant des captures d’écran réalisées sur

l’ordinateur de M. [H] illégalement obtenues suite à la mise en place d’un logiciel espion sur son poste de travail. à savoir les pièces 27, 36,37, 38, 39, 42, 57, 58, 59 et 60 de la SARL Domaines [P] en haut médoc,

Sur le fond :

— dire que M. [H] occupait à compter de juin 2017, un poste de cadre groupe 3 convention collective des Exploitations Agricoles de la Gironde,

— dire que la SARL Domaines [P] en haut médoc s’est rendue coupable d’exécution déloyale du contrat de travail en violation de l’article L.1222-1 du code du travail,

— dire que le licenciement de M. [H] s’avère tant irrégulier sur le plan de la forme qu’abusif quant au fond,

— dire que M. [H] est en droit de percevoir un solde de commissionnement en application de son contrat de travail,

— dire qu’en l’absence de levée de la clause de non concurrence dans les délais contractuels, la SARL Domaines [P] en haut médoc se trouve contrainte de régler le solde de la contrepartie financière prévue contractuellement, mais également une indemnité compensatrice de congés payés au prorata de cette somme,

En conséquence :

— condamner la SARL Domaines [P] en haut médoc au versement des sommes suivantes :

* 10.353,52 euros au titre de solde de préavis compte tenu du statut cadre (2 mois en application de l’article 99 de la convention collective des exploitations agricoles de la gironde) : 5.176,76*2,

* 1.035,35 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés au prorata sur la base du 10ème,

* 10.353,52 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (2 mois) : 5.176,76*2,

* 5.176,76 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier sur le plan de la forme (1 mois par application de l’article L1235-2 du code du travail),

* 31.060,56 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (6 mois par application de l’article L1235-5 du code du travail) : 6*5.176,76

* 1.757.76 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés au prorata du solde de la contrepartie financière de la clause de non concurrence 17.757,64€ /10,

* ordonner la délivrance de bulletins de paie rectifiés pour les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 2017 (terme du préavis de 3 mois), la délivrance d’un certificat de travail rectifié comportant cette période d’activité ainsi que le statut de cadre groupe 3, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir,

* 6.397,22 euros au titre de solde de commissionnement,

* 3.000 euros au titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la SARL Domaines [P] en haut médoc de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes,

— confirmer ainsi le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a d’ores et déjà condamné la SARL Domaines [P] en haut médoc au versement d’une somme de 8.878,82 euros au titre du solde de la contrepartie financière à la clause de non concurrence.

— débouter également la SARL Domaines [P] en haut médoc de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner enfin la SARL Domaines [P] en haut médoc aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 août 2020, la SARL Domaines [P] en Haut Médoc demande à la cour de’:

— confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes et sauf ce qu’il a condamné la société à verser à M. [H] 8.878,82 euros à titre d’indemnité de non concurrence,

— constater le bien fondé du licenciement pour cause réelle de M. [H],

— constater que la promesse d’embauche a été remplacée par la volonté des parties par un contrat de travail ne reprenant pas la promesse de faire passer M. [H] au statut Cadre,

— constater que la société a loyalement exécuté le contrat de travail de M. [H],

— constater que la société a versé à M. [H] 45,92 euros bruts et les congés payés afférents à titre de rappel de commission,

— constater l’existence d’une erreur de plume dans la rédaction de la clause de non concurrence et le non-respect par M. [H] de sa clause de non concurrence,

En conséquence,

— débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes,

— réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société à verser à M. [H] 8.878,82 euros à titre d’indemnité de non concurrence,

A titre reconventionnel,

— condamner M. [H] à verser à la société la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. [H] au paiement des dépens de la présente procédure et éventuels frais d’exécution.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 24 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’exécution du contrat de travail

a- le statut cadre

M. [H] fait valoir qu’il n’a pas bénéficié du statut cadre à l’issue du délai de six mois comme prévu par la promesse d’embauche et le contrat de travail sans condition. Il demande paiement de l’ indemnité compensatrice de préavis calculée sur la base d’une rémunération de cadre.

La société répond que le contrat de travail a modifié les dispositions prévues par la promesse d’embauche et qu’aux termes de la lettre datée du 8 juin 2017, elle ne prévoyait pas la date de passage au statut cadre.

La promesse d’embauche porte sur un poste de responsable commercial des marchés pour les régions de la « grande Chine », la république de Chine ( Taïwan), et les autres marchés asiatiques. Elle précisait qu’”à la fin du premier semestre travaillé au sein de l’entreprise, le statut cadre sera accordé à M. [H]”.

Le contrat de travail signé le 5 décembre 2016 porte sur un poste d’attaché commercial et l’octroi du statut de cadre n’est pas mentionné.

Les deux parties se sont accordées sur un poste d’attaché commercial et non de responsable commercial des marchés asiatiques ; le contrat de travail prévoit que M. [H] pourrait être amené à effectuer des tâches administratives ou autres au sein du bureau; ce contrat qui lie les parties ne fait pas référence à l’octroi du statut cadre. Lorsque l’ employeur, par lettre du 5 juin 2017, entend repousser le passage de M. [H] au statut cadre à une date ultérieure, il n’indique aucune précision quant à la fixation de celle-ci.

Le statut cadre n’étant pas prévu par l’accord des parties, M. [H] sera débouté de sa demande tendant à sa reconnaissance et au paiement d’un solde de l’indemnité compensatrice de préavis.

b- l’exécution déloyale du contrat de travail

Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail, M. [H] fait valoir qu’au delà de la privation du statut cadre, l’employeur lui a fait des reproches injustifiés au sujet notamment de son chiffre d’affaires et l’aurait mis à la porte de l’établissement, n’hésitant pas à le dénigrer et à afficher des photographies prises lors d’un marathon. La société aurait aussi posé un logiciel espion sur son ordinateur sans information préalable, en violation des libertés fondamentales.

La société répond que M. [H] n’ a pas respecté plusieurs consignes et calcule son chiffre d’affaires de manière erronée. Elle affirme que le salarié a utilisé ses propres outils ne permettant plus le contrôle de son travail et a utilisé son adresse mail professionnelle et le téléphone à des fins personnelles. Il aurait aussi modifié son mot de passe sans autorisation.

Aux termes de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Par lettre datée du 8 juin 2017, l’ employeur reproche à M. [H] d’avoir :

*s’agissant de la baisse du chiffre d’affaires du premier semestre 2017 :

— refusé de suivre d’anciens clients de l’entreprise, d’autant qu’il ne peut rompre une relation commerciale de sa seule initiative,

— refusé de rendre compte des négociations, avancées en cours et d’utiliser les outils informatiques prévus,

— informé les clients de manière impersonnelle,

*refusé de respecter les consignes permanentes ( objet des mails, changements du mot de passe, installation de nouveaux logiciels, utilisation d’internet et du téléphone à des fins personnelles, congés d’été, modification des horaires, dénigrement de la société).

M. [H] ne produit pas de pièce utile pour établir certains faits qui auraient été commis par l’employeur :

* les pièces 54 et 55 du salarié établissent qu’une instance prud’homale a été initiée par M. [H] en 2021 à l’encontre d’une société les Domaines [T] [O] et qu’il a déposé plainte contre M. [O] avec lequel il aurait eu une altercation.

Il n’est pas cependant établi que la société intimée aurait pris attache avec M. [O] et aurait produit la lettre du licenciement notifié par ce dernier,

*des photographies de M. [H] au marathon du Médoc sont produites par l’employeur en pièce 45 et l’ordre d’arrivée en pièce 88, portant la mention ” M. [H] : 984/7913 pour un état anxio dépressif nécessitant un traitement médical , c’est un bon score!”; il n’est cependant pas avéré que ces pièces ont été transmises à d’autres salariés de l’entreprise ;

*les pièces versées par l’employeur relativement au chiffre d’affaires réalisé par M. [H] ne permettent pas d’établir que les résultats annoncés par l’ employeur dans sa lettre du 8 juin 2017 ne sont pas justifiés,

Viennent ensuite l’attestation de M. [E] – délégué du personnel ayant assisté

M. [H] lors de son entretien préalable et l’attestation du Dr [B] ( pièces 6, 9 et 10 du salarié). M. [E] évoque un entretien ayant eu lieu le 6 juillet 2017, veille de la convocation à l’ entretien préalable, et au terme duquel il a été demandé à M. [H] de récupérer ses effets personnels. La lettre de convocation à l’entretien préalable confirme la dispense d’activité rémunérée à compter du 6 juillet 2017 jusqu’à l’ entretien préalable. M. [H] a été dispensé de travailler sans qu’un abus soit établi.

Le lien entre l’attitude de l’ employeur et l’état anxio dépressif nécessitant un traitement médical n’est dès lors pas établi.

S’agissant des propos tenus le 7 septembre 2018 par les époux [P] lors d’une discussion avec une infirmière de santé relative à l’étude de poste de M. [E], les époux [P] ont qualifié de manipulateur, malveillant et méchant un commercial dont le nom n’est pas précisé et en tout état de cause, aucun préjudice n’est démontré en l’absence de pouvoir de la rédactrice dans la situation de M. [H] qui avait quitté l’entreprise un an auparavant.

Il reste que la société reconnaît l’utilisation d’un logiciel Remote Desktop qui aurait eu pour but de « permettre au service informatique de renforcer la sécurité et d’augmenter la productivité tout en réduisant les coûts, l’inefficacité et les risques grâce à une gestion à distance ». La société ajoute que ce logiciel permet une connexion à tous les ordinateurs du réseau et que ce système permet de centraliser toutes les connexions à distance dans une seule plateforme et de les partager avec l’ensemble de l’équipe.

L’utilisation par l’employeur d’un tel logiciel n’est pas régulière : les attestations cotées 95 et 96 ( ” M. [H] devait également être au courant de son existence , je pense donc que M. [H] avait lui aussi connaissance de l’installation de ce logiciel Remote Desktop”) n’établissent pas que M. [H] avait été informé de l’utilisation de ce logiciel qui permettait à l’ employeur d’avoir la main sur son ordinateur, y compris sur ses mails personnels. La pièce 84 est d’origine et de date inconnues et n’établirait en tout état de cause pas que M. [H] avait été informé du recours à ce logiciel qui enregistrait à distance toutes les actions accomplies par ce dernier.

Ce logiciel n’a pas été déclaré à la CNIL non plus qu’aux délégués du personnel et l’intrusion commise n’était pas proportionnée. Aucun élément n ‘est versé au soutien d’un renforcement de la sécurité, de la réduction des coûts.

Pour cette raison, la société a manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Cet espionnage a causé à M. [H] un préjudice résultant d’une atteinte à sa vie privée et que la société réparera à hauteur de la somme de 500 euros.

*

La rupture du contrat de travail

a- le bien – fondé du licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

Au cours de votre mise à pied, vous avez refusé de donner le code de déblocage de l’écran de l’IPhone que la société vous a remis lors de votre arrivée. Vous avez privé la société de l’utilisation de ce matériel.

Nous vous avions demandé de mettre à jour les fiches des Relations dans le logiciel de gestion commerciale de l’entreprise dénommé ViniMaster. Suivant les consignes écrites et permanentes, vous deviez transmettre à l’ADV les mises à jour ou création de tous les nouveaux prospects ou clients reçus ou rencontrés lors de VINEXPO, que ce soit sur notre stand dans la foire ou sur les propriétés.

Ainsi, votre rapport des visites ou rendez-vous qui se sont déroulés au cours de VINEXPO indique des rencontres avec, entre autres, les professionnels suivants :Peterson CN-Cave de Margaux CN-Wine to China,CN.La Vigne d’Or CN-Les CoteauxduRhone-Vinottle Wines CNEurChine CN-MGC Magic Cup CN-Wine Maison CN-Winetruth CN-Forwing CN-Cellar Pacific CN-Shebei Cultural

Communication CN-So Vin CN-Esencal del carche CN-Xinghui Trade Exhibition, CN Hoa Mai VIET NAMOr, depuis la fin de ce salon, vous n’avez fait aucune demande de création de Relations auprès de l’ADV qui aurait permis de mettre à jour la base de données commerciale de l’entreprise et les contacts.

Vous invoquez un manque de temps à cause de commandes et d’expéditions que vous aviez dû suivre. Or la base commerciale révèle qu’aucune commande de client qui vous était affecté n’a été saisie entre le 21 juin (fin de VINEXPO) et le 6 juillet 2017.

Vous prétendez avoir effectué le suivi des rendez-vous et visites réalisées au cours de VINEXPO par des mails, des logiciels de réseaux sociaux de type WeChat, appels téléphoniques’Or, vos Iphone et ordinateur portable professionnels ne portent aucune trace de correspondance avec nos clients. En réalité, vous avez choisi d’utiliser, pendant vos heures de travail, votre IPhone personnel, nous privant ainsi de tout moyen d’utiliser les données nécessaires au traitement des commandes à venir.

Vous ne nous avez jamais fourni la liste des clients de la zone Asie dont vous aviez la charge, étant précisé que vous n’aviez formulé que quatre demandes de création de Relations, nombre dérisoire pour l’entreprise qui vous a financé deux tournées commerciales en Asie et une foire d’importance mondiale « VINEXPO ».

Les investissements très importants réalisés pour ces salons VINEXPO [Localité 2] et les deux tournées commerciales en Asie impliquent un suivi très précis des contacts pris afin de pérenniser les relations commerciales essentielles au bon fonctionnement de notre entreprise. Vos manquements sur ce point sont graves pour la société.

Tout aussi grave, vous avez transmis des données confidentielles de la société par les réseaux type WeChat, en utilisant les comptes de membres qui vous sont personnels et dont vous êtes le seul à posséder les codes d’accès. Depuis, vous refusez de communiquer ces codes au motif qu’ils vous sont personnels.

A plusieurs reprises, devant témoins, vous avez déclaré que certains anciens clients de la société qui vous avaient passé commande « vous gavaient » et que vous n’aviez pas de temps à perdre avec eux.

Vous avez persisté, malgré nos nombreuses demandes, verbales et écrites, à ne pas renseigner toutes les rubriques du logiciel VINIMASTER (Onglet Habillage et Expéditions), ni les « Orders Details » des commandes de nos clients, ce qui ne permet pas aux autres collaborateurs de la société de suivre correctement les commandes clients.

Nous avons constaté, le 05/07/2017, que vous utilisez un logiciel CRM pour le suivi des clients de l’entreprise, avec un compte personnel basé sur internet sans nous en avoir demandé au préalable l’autorisation.

Ce compte qui vous est personnel avec des codes d’accès que vous êtes seul à connaître, comporte des données privées de l’entreprise.

Nous avons appris que vous cachez des informations à votre supérieur comme le nombre de jours de congés restants à prendre, vos dates de départ, pour preuve ce mail du 01/06/2017 : « [X], [I]. Si [K] n’est pas en copie du mail initial c’est parce que c’est une demande personnelle. [I] pour ta discrétion. »

Ce comportement dénote un manque de loyauté et d’esprit d’équipe.

Vous n’avez pas fait de rapport après la visite de notre important client M [R] le 23/05/2017.

Vous n’avez enregistré que très peu de visites de vos clients ou prospects dans le logiciel du calendrier ICal de l’entreprise, ce qui ne permet pas aux autres collaborateurs de la société d’organiser correctement les visites de ces clients.

Malgré ma demande écrite, vous avez continué à utiliser la boite mail [Courriel 3] dont vous seul possédez les codes d’accès au lieu de la boite mail du serveur de mails de l’entreprise mleroy domainesfabre.com.

Outre manquement grave pour l’entreprise, vous n’avez jamais vérifié l’enregistrement des noms de nos marques à Taiwan. (cf votre rapport visite daté du 24/02/2017) alors que vos diplômes et votre parcours professionnel en Asie vous permettent aisément de procéder à ces vérifications et enregistrements.

Votre comportement au cours de notre entretien préalable est tout à fait révélateur de votre état d’esprit. En effet, alors que nous étions tous assis dans mon bureau, vous avez gardé votre casquette sur la tête. Je vous ai demandé de la sortir, par correction et, pour toute réponse, vous l’avez tournée en arrière, visière sur la nuque, avant de consentir enfin à la sortir suite à mes demandes réitérées. Ce manque de politesse élémentaire marque bien votre état d’esprit vis-à-vis de la société.

Pour tous ces manquements qui dénotent une grande désinvolture, une absence totale d’investissement dans votre mission et une absence de loyauté à l’égard de l’entreprise, nous sommes donc contraints de vous licencier, votre comportement ne nous permettant pas d’envisager la poursuite de nos relations contractuelles dans des conditions normales et en rapport avec les fonctions qui vous étaient confiées et les moyens qui avaient été mis à votre disposition pour réussir.

Dès réception de cette lettre, vous bénéficierez d’un préavis de un mois que nous vous dispensons d’effectuer. »

En premier lieu, M. [H] demande que les pièces issues de l’utilisation du logiciel sus examiné soient écartées des débats. Au regard de l’irrégularité constatée supra, les pièces 27,36,38,39,42,57,58,59 et 60 de la société seront écartées. .

M. [H] dit avoir remis son téléphone et son ordinateur le 7 juillet 2017 et le code de déblocage du téléphone le jour de l’ entretien préalable en raison de son absence de la société.

Aux termes de la lettre de convocation à l’entretien préalable datée du 7 juillet 2017, il a été demandé à M. [H] de remettre le smart phone de l’ entreprise et de communiquer le nouveau code. M. [H] ne peut arguer de son absence de l’ entreprise puisqu’il aurait pu informer l’ employeur du nouveau code en même temps qu’il remettait le smart phone.

M. [H] conteste l’absence de mise à jour des fiches clients et il revient à l’ employeur de prouver qu’il ne l’a pas fait. La société ne produit que les attestations non circonstanciées de M. [G] et de Mme [N] – qui ne s’occupait pas des autres pays asiatiques- et une pièce 31 non explicitée et dès lors dépourvue d’effet. Devant la cour, la société évoque un répertoire Mémos mais d’une part, il n’est pas visé dans la lettre de licenciement et d’autre part, sa connaissance par le salarié n’est pas avérée, les pièces 89 à 91 ne l’indiquant pas.

La date de l’évènement Vinexpo n’est pas précisée et aucun délai n’a été fixé par l’employeur pour transmettre les informations à l’ADV. En tout cas, M. [H] a transmis un rapport à M. [P] et M. [G] le 29 juin 2017 et la pièce 81 de la société rédigée en langue étrangère ne peut valoir trame à respecter. L’ employeur ne conteste pas la liste des prospects énumérés par le salarié.

La société ne précise pas les informations confidentielles que son salarié aurait transmises via les réseaux type Wechat.

Aucune pièce n’établit que M. [H] aurait dit que les « clients le gavaient ». La pièce 27 versée par la société pour justifier l’utilisation de la boite mail personnelle a été écartée.

La déloyauté de M. [H] n’est pas démontrée par la production de son mail adressé le 1er juin 2017 à une collègue à laquelle il demandait de lui préciser son solde de congés payés, peu important que l’employeur n’ait pas été mis en copîe.

Par mail du 22 mai 2017, M. [H] a proposé les visites que pourraient réaliser M. [R] et sa fiancée et il n’est pas contesté que M. [P] était présent de sorte qu’aucun rapport à ce dernier n’était nécessaire.

M. [H] a expliqué que l’utilisation de sa boite mail personnelle avait été rendu nécessaire dès lors que l’employeur ne disposait pas du réseau Wechat et qu’il ne disposait pas de sa boite mail à l’étranger. M. [H] verse le message daté du 26 mars 2017 qui confirme qu’il a transféré les mails sur une adresse professionnelle qu’il a créée. La société ne conteste pas la difficulté rencontrée par le salarié.

Les pièces 27 et 59 de la société ont été écartées et ne peuvent justifier l’utilisation d’un logiciel CRM pour le suivi des clients de l’ entreprise avec un compte personnel basé sur internet.

Enfin, le port d’une casquette pendant l’entretien préalable, à le supposer avéré, ne constitue pas un manquement du salarié dont il n’est pas dit qu’il aurait employé des termes excessifs ou irrespectueux.

En définitive, seul le retard de transmission du code du téléphone professionnel est établi et il ne pouvait justifier un licenciement disproportionné.

M. [H] doit être indemnisé du préjudice résultant de ce licenciement étant précisé que son ancienneté était inférieure à deux années. Il verse une attestation Pôle Emploi pour la période du 24 septembre 2017 au 30 septembre 2018. Mais aucune recherche d’emploi n’est produite.

Compte tenu de ces éléments, la société devra payer des dommages et intérêts à hauteur de 7 000 euros.

M. [H] dont le licenciement a été dit sans cause réelle et sérieuse sera débouté de sa demande de paiement d’une indemnité pour procédure irrégulière , les deux indemnités n’étant pas cumulables.

La clause de non concurrence

Le contrat de travail de M. [H] comporte une clause de non concurrence dont il a été libéré avec retard au regard du délai de huit jours prévu.

La clause de non concurrence mentionne que le salarié s’engage à ne pas exercer une activité concurrente pendant une durée de six mois et qu’en contrepartie, il percevrait pendant une période de douze mois une indemnité forfaitaire calculée sur la base du salaire mensuel des trois ou douze derniers mois, les versements de cette indemnité devant être fractionnés par quatre paiements trimestriels.

La société argue d’une erreur de plume, considérant qu’il ne peut être versé une indemnité de 12 mois dès lors que l’interdiction n’obligeait le salarié que pendant six mois. Mais aucun élément ne vient corroborer une erreur.

La société dit ensuite que M. [H] n’ a pas respecté la clause en ce qu’il a travaillé pour une entreprise concurrente dès le 1er mars 2018. Cependant, la clause de non concurrence ne s’imposait que jusqu’au 25 février 2018 soit antérieurement à son embauche par la société La Bordelaise des Grands vins.

La condamnation prononcée par le premier juge sera confirmée, les congés payés afférents étant ajoutés s’agissant d’un rappel de salaire.

Le commissionnement

M. [H] fait valoir que les dispositions contractuelles n’ont pas été respectées dans la mesure où un taux de 0,5% a été retenu pour des nouveaux clients qui ouvraient droit à un commissionnement de 2%.

La société reconnaît devoir la somme de 45,92 euros en estimant que le client Girdear est un ancien client.

Le contrat de travail prévoit que le taux de 2% s’applique sur le chiffre d’affaires réalisé pendant les trois années civiles suivant le début de la relation commerciale.

Au vu des pièces produites établissant l’ancienneté des clients, la société sera condamnée à payer à M. [H] la somme de 6 397,22 euros.

Vu l’équité, la société devra verser à M. [H] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais Irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

— débouté M. [H] de ses demandes relatives au statut cadre et à la procédure de licenciement irrégulière,

— condamné la société au paiement d’une somme complémentaire de 8 878,82 euros au titre de l’indemnité de non concurrence;

statuant à nouveau des autres chefs,

Dit que les pièces de l’ employeur cotées 27, 36, 37,38,39, 42, 57, 58, 59 et 60 sont écartées des débats ;

Dit le licenciement de M. [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL les Domaines [P] en Haut Médoc à payer à M. [H] les sommes suivantes:

*500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

*7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*887,89 euros au titre des congés payés afférents à l’ indemnité de non concurrence,

*6 397,22 euros au titre d’un rappel de commissionnement,

Dit n’y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 ;

Dit que la société devra délivrer à M. [H] un certificat et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt ;

Condamne la SARL les Domaines [P] en Haut Médoc à payer à M. [H] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais Irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel;

Condamne la SARL les Domaines [P] en Haut Médoc aux dépens de première instance et d’appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


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