Le pigiste qui n’obtient plus de commande de son employeur est en droit de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations. Il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s’apprécient à la date à laquelle il se prononce. Si l’employeur d’un journaliste pigiste, employé comme collaborateur régulier, est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n’est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant. En l’espèce, il ressort des débats que, depuis avril 2018, la société PRISMA MEDIA, même s’il n’est pas obligée de fournir un volume de travail constant, ne fournit plus le moindre travail à Mme [C] et ne lui verse donc aucune rémunération, et ce en dépit de ses réclamations exprimées dans des courriers d’avril et juillet 2018. Cette absence de fourniture de travail se poursuit à ce jour. Il s’en déduit que la société PRISMA MEDIA a manqué à ses obligations essentielles d’employeur et que ces manquements rendent impossible la poursuite du contrat de travail. Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] aux torts de la société PRISMA MEDIA à la date du présent arrêt et de dire que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par suite, l’indemnité de licenciement, aux termes de l’article 44 de la convention collective nationale des journalistes, est également due : « L’indemnité de licenciement sera calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel sur le dernier salaire perçu ou, pour les journalistes salariés ne percevant pas un salaire mensuel régulier, sur la base de 1/12 des salaires perçus au cours des 12 mois précédant le licenciement ou de 1/24 des salaires perçus au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement au choix du salarié. Cette somme sera augmentée de 1/12 pour tenir compte du treizième mois conventionnel défini à l’article 25. Lorsque l’ancienneté du journaliste professionnel dans l’entreprise sera inférieure à 1 an, l’indemnité de licenciement sera calculée sur la moyenne des salaires perçus pendant cette période ». En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que, comme le soutient à juste titre la société PRISMA MEDIA, il y a lieu de prendre en compte le 1/24ème des salaires perçus par l’appelante au cours des 24 derniers mois précédant l’arrêt de toute fourniture de piges, qui est le mode de calcul plus favorable, et qui s’élève, treizième mois inclus à 815,87 euros. La revendication de Mme [C] tendant à la prise en compte, pour le calcul des indemnités de rupture, de la rémunération moyenne mensuelle de l’année 2016, au motif qu’elle était plus importante que celle de 2017 et 2018, est dépourvue de tout fondement. |
Résumé de l’affaire :
Embauche de Mme [C]Mme [C] a été engagée par la société PRISMA MEDIA en tant que rédactrice spécialisée à travers quatre contrats à durée déterminée entre 2004 et 2005. Par la suite, elle a été rémunérée à la pige pour sa contribution au magazine ‘Gala’ jusqu’en mars 2018. Demande de résiliation judiciaireLe 17 janvier 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée indéterminée avec PRISMA MEDIA, ainsi que des indemnités de rupture et des rappels de salaire depuis 2017. Jugement du conseil de prud’hommesLe 25 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [C] de toutes ses demandes et a également débouté PRISMA MEDIA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant Mme [C] aux dépens. Appel de Mme [C]Le 21 février 2023, Mme [C] a interjeté appel du jugement, demandant à la cour d’infirmer la décision et de reconnaître l’existence d’un contrat à durée indéterminée avec PRISMA MEDIA, ainsi que de prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat. Arguments de Mme [C]Dans ses conclusions, Mme [C] a soutenu qu’elle était liée par un contrat à durée indéterminée, invoquant la présomption de salariat des journalistes et un lien de subordination avec PRISMA MEDIA. Arguments de PRISMA MEDIAPRISMA MEDIA a contesté l’existence d’un contrat de travail, arguant que Mme [C] ne démontrait pas sa qualité de journaliste professionnel et qu’elle travaillait de manière autonome sans lien de subordination. Analyse de la courLa cour a constaté que Mme [C] tirait la quasi-totalité de ses ressources de sa collaboration avec PRISMA MEDIA, ce qui lui conférait la qualité de journaliste professionnel et la présomption de contrat de travail. La société n’a pas réussi à renverser cette présomption. Résiliation judiciaire du contratMme [C] a demandé la résiliation judiciaire du contrat, affirmant que PRISMA MEDIA ne lui avait pas fourni de travail depuis 2018. La cour a constaté que la société avait manqué à ses obligations essentielles, rendant impossible la poursuite du contrat. Indemnités de licenciementLa cour a décidé d’allouer à Mme [C] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tenant compte de son ancienneté. Rappels de salaireConcernant les demandes de rappel de salaire pour les années 2017 à 2022, la cour a confirmé le débouté de Mme [C], estimant qu’elle n’avait pas été à la disposition de PRISMA MEDIA après mars 2018. Documents sociauxLa cour a ordonné à PRISMA MEDIA de remettre à Mme [C] les documents sociaux requis, y compris un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail. Intérêts légaux et dépensLes sommes allouées porteront intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes. La société PRISMA MEDIA a été condamnée à payer à Mme [C] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/00561 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VWQS
AFFAIRE :
[D] [U] épouse [C]
C/
S.A.S. PRISMA MEDIA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 19/00016
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me David FONTENEAU
Me Laurent KASPEREIT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [D] [U] épouse [C]
née le 10 Janvier 1956 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me David FONTENEAU, Constitué, de la SELEURL DAVID FONTENEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L289
Me François GREGOIRE, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.S. PRISMA MEDIA
N° SIRET : 318 826 187
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Laurent KASPEREIT, Constitué/Plaidant, de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
Mme [D] [U] épouse [C] (ci-après Mme [C]) a été embauchée par la société PRISMA MEDIA en qualité de rédactrice spécialisée par le biais de quatre contrats à durée déterminée pour les périodes suivantes :
– du 11 mai au 30 juillet 2004 ;
– du 1er septembre au 30 novembre 2004 ;
– du 28 décembre 2004 au 29 avril 2005 ;
– du 2 mai au 3 juin 2005.
Par la suite, Mme [C] a été rémunérée chaque année à la pige pour sa participation à la rédaction du magasine ‘Gala’par la société PRISMA MEDIA , qui lui a remis, pour les mois concernés, un ‘bordereau de paiement’ portant la mention de ‘rédactrice’, et ce jusqu’en mars 2018.
Le 17 janvier 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour demander la résiliation judiciaire d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la société PRISMA MEDIA et la condamnation de cette dernière à lui payer notamment des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des rappels de salaire depuis 2017.
Par un jugement du 25 janvier 2023, le conseil de prud’hommes, en formation de départage, a :
– débouté Mme [C] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la société PRISMA MEDIA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs autres demandes ;
– condamné Mme [C] aux dépens.
Le 21 février 2023, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 30 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [C] demande à la cour d’infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 janvier 2023 en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, et statuant à nouveau de :
– JUGER qu’elle est liée par un contrat à durée indéterminée avec la Société PRISMA MEDIA;
– PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société PRISMA MEDIA, laquelle prend les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– CONDAMNER la société PRISMA MEDIA à payer les sommes suivantes :
* 13.877,4 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 1.708 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
* 170,8 € au titre des congés payés afférents au préavis.
* 10.248 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* 2.379 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2017
* 237,9€ au titre des congés payés afférents
* 7.320 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2018
* 732 € au titre des congés payés afférents
* 10.248 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2019
* 102,48 € au titre des congés payés afférents
* 10.248 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2020
* 102,48 € au titre des congés payés afférents
* 10.248 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2021
* 102,48 € au titre des congés payés afférents
* 10.248 € au titre du rappel de salaire pour l’année 2022
* 102,48 € au titre des congés payés afférents
– CONDAMNER la société PRISMA MEDIA à verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– ORDONNER à la société PRISMA MEDIA la remise des bulletins de paie afférents à la décision, de l’attestation pôle emploi et du certificat de travail,
– ASSORTIR l’ensemble des condamnations pécuniaires à venir des intérêts aux taux légal à compter de la saisine
– DEBOUTER la société PRISMA MEDIA de ses demandes reconventionnelles,
– CONDAMNER la société PRISMA MEDIA aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées 2023 le 11 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société PRISMA MEDIA demande à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses demandes ;
– condamner Mme [C] à lui payer une somme de 1000 euros titrent de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 5 septembre 2024.
Sur l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée :
Mme [C] soutient qu’elle est liée avec la société PRISMA MEDIA par un contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que :
– elle bénéficie de la présomption de salariat des journalistes prévue par l’article L. 7112-1 du code du travail ;
– elle était, à tout le moins, dans un lien de subordination juridique avec la société PRISMA MEDIA.
La société PRISMA MEDIA soutient qu’aucun contrat de travail ne peut être revendiqué par Mme [C] aux motifs que :
– elle ne démontre pas avoir la qualité de journaliste professionnel et ne peut donc bénéficier de la présomption de contrat de travail afférente ;
– elle ne démontre pas l’existence d’un lien de subordination juridique et accomplissait à l’inverse ses prestations de pigiste de manière occasionnelle et autonome.
Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Aux termes de l’article L. 7112-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail et cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment des déclarations de revenus de Mme [C], nouvellement produites en appel, lesquelles sont préremplies par l’administration fiscale et dont aucun élément ne permet de remettre en doute l’exhaustivité, ainsi que des ‘bordereaux de paiement’ et du tableau récapitulatif des piges réalisées par les parties, que Mme [C], pour chaque année de la période en cause, a tiré la quasi-totalité puis la totalité de ses ressources des sommes qui lui ont été versées par la société PRISMA MEDIA pour sa collaboration en tant que rédactrice au sein de la rédaction du magasine Gala. De plus cette collaboration avec la société PRISMA MEDIA s’est exercée chaque année depuis 2005 de manière régulière pour un nombre de piges oscillant entre quatre à sept piges lui procurant entre 4 939 et 13 296 euros de revenus annuels.
Il s’en déduit que l’appelante a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de la profession de journaliste et qu’elle peut donc revendiquer la qualité de journaliste professionnel et la présomption de contrat de travail, prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus, avec la société PRISMA MEDIA.
La société PRISMA MEDIA quant à elle, pour renverser cette présomption, se borne à alléguer, sans le démontrer, que Mme [C] ne travaillait pas dans les locaux de l’entreprise, qu’elle n’avait aucun horaire de travail, et qu’elle ne intervenait pas dans le contenu des articles rédigés par l’intéressée, qu’elle ne lui donnait aucune instruction et n’était pas soumise à un pouvoir disciplinaire. La société intimée ajoute que Mme [C] ‘n’avait d’autres obligations que celles de rendre ses articles dans les délais qui lui étaient impartis pour permettre le bouclage du magazine et respecter le format qui lui était aussi imparti’.
Dans ces conditions, la société PRISMA MEDIA ne renverse pas la présomption de salariat en litige.
Mme [C] est ainsi fondée à soutenir que la relation de travail avec la société PRISMA MEDIA, qui lui fournissait régulièrement du travail rémunéré à la pige ainsi qu’il a dit ci-dessus, s’analysait en un contrat de travail à durée indéterminée. Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Mme [C] demande la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société PRISMA MEDIA produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que depuis 2018, cette dernière manque à son obligation de lui fournir du travail et de lui payer la rémunération afférente. Elle réclame en conséquence des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société PRISMA MEDIA fait valoir qu’elle n’a pas l’obligation, à l’égard de Mme [C], reconnue comme pigiste salariée, de lui fournir de façon constante du travail, de sorte que la diminution du nombre de commandes d’articles ou l’interruption de la collaboration ne peuvent justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts.
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations. Il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s’apprécient à la date à laquelle il se prononce.
Si l’employeur d’un journaliste pigiste, employé comme collaborateur régulier, est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n’est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant.
En l’espèce, il ressort des débats que, depuis avril 2018, la société PRISMA MEDIA, même s’il n’est pas obligée de fournir un volume de travail constant, ne fournit plus le moindre travail à Mme [C] et ne lui verse donc aucune rémunération, et ce en dépit de ses réclamations exprimées dans des courriers d’avril et juillet 2018. Cette absence de fourniture de travail se poursuit à ce jour.
Il s’en déduit que la société PRISMA MEDIA a manqué à ses obligations essentielles d’employeur et que ces manquements rendent impossible la poursuite du contrat de travail.
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] aux torts de la société PRISMA MEDIA à la date du présent arrêt et de dire que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par suite, sur l’indemnité de licenciement, aux termes de l’article 44 de la convention collective nationale des journalistes : ‘ L’indemnité de licenciement sera calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel sur le dernier salaire perçu ou, pour les journalistes salariés ne percevant pas un salaire mensuel régulier, sur la base de 1/12 des salaires perçus au cours des 12 mois précédant le licenciement ou de 1/24 des salaires perçus au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement au choix du salarié. Cette somme sera augmentée de 1/12 pour tenir compte du treizième mois conventionnel défini à l’article 25. Lorsque l’ancienneté du journaliste professionnel dans l’entreprise sera inférieure à 1 an, l’indemnité de licenciement sera calculée sur la moyenne des salaires perçus pendant cette période’.
En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que, comme le soutient à juste titre la société PRISMA MEDIA, il y a lieu de prendre en compte le 1/24ème des salaires perçus par l’appelante au cours des 24 derniers mois précédant l’arrêt de toute fourniture de piges, qui est le mode de calcul plus favorable, et qui s’élève, treizième mois inclus à 815,87 euros. La revendication de Mme [C] tendant à la prise en compte, pour le calcul des indemnités de rupture, de la rémunération moyenne mensuelle de l’année 2016, au motif qu’elle était plus importante que celle de 2017 et 2018, est dépourvue de tout fondement.
Il sera ainsi alloué à Mme [C], eu égard à l’ancienneté de 15 années qu’elle revendique depuis 2004, et qui sera retenue par la cour puisque la salariée ne réclame pas une ancienneté supérieure, courant jusqu’à la date de la résiliation judiciaire, une somme de 12 238,05 euros.
Par suite également, il sera alloué, eu égard à la rémunération moyenne mensuelle de 815,87 euros mentionnée ci-dessus, une somme de 1 631,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 163,17 euros au titre des congés payés afférents.
Enfin, Mme [C] est fondée à réclamer, eu égard à l’ancienneté de 15 années qu’elle revendique, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre 3 et 13 mois de salaire brut en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail. Eu égard à son âge (née en 1956), à sa rémunération moyenne de 815,87 euros, à l’absence du moindre élément sur sa situation professionnelle actuelle, il y a lieu d’allouer une somme de 5 000 euros à ce titre.
Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces différents points.
Sur le rappel de salaire de 2017 à 2022 :
Mme [C] soutient que, après l’année 2016, la société PRISMA MEDIA lui a fourni de moins en moins de travail en 2017 et 2018, puis après mars 2018, ne lui a plus fourni aucun travail.
Elle soutient que la société PRISMA MEDIA a ainsi modifié unilatéralement le montant de sa rémunération en ne lui procurant plus aucun travail et qu’elle est fondée à obtenir ‘le versement des salaires dus depuis son éviction de la société PRISMA MEDIA’, outre un rappel de salaire pour les années 2017 et 2018 calculé sur la base de la rémunération annuelle de 10 248 euros qu’elle avait obtenue en 2016.
Toutefois la cour rappelle que, d’une part, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, l’employeur d’un journaliste pigiste ayant la qualité de collaborateur régulier n’est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant.
Il n’existe donc aucun fondement à la demande de Mme [C] de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018 calculé sur la base du travail fourni en 2016 et de la rémunération afférente.
D’autre part, pour la période postérieure à mars 2018, Mme [C] n’allègue pas être restée à la disposition de la société PRISMA MEDIA. Elle n’est donc pas fondée à réclamer un rappel de salaire pour cette période.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté des demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents.
Sur la remise de documents sociaux :
Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société PRISMA MEDIA de remettre à Mme [C] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi devenu France travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt. Le jugement sera infimé sur ce point.
Sur les intérêts légaux :
Il y a lieu de rappeler que les sommes allouées portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points.
La société PRISMA MEDIA, partie succombante, sera condamnée à payer à Mme [C] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu’il déboute Mme [D] [U] épouse [C] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents depuis l’année 2017,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que Mme [D] [U] épouse [C] est liée à la société PRISMA MEDIA par un contrat de travail à durée indéterminée,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] [U] épouse [C] aux torts de la société PRISMA MEDIA et dit qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du présent arrêt,
Condamne la société PRISMA MEDIA à payer à Mme [D] [U] épouse [C] les sommes suivantes :
– 12 238,05 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 1 631,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 163,17 euros au titre des congés payés afférents
– 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Odonne à la société PRISMA MEDIA de remettre à Mme [D] [U] épouse [C] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi devenu France travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt
Rappelle que les sommes allouées portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société PRISMA MEDIA aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président