Le non-respect d’un protocole transactionnel

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Le non-respect d’un protocole transactionnel

Le 23 février 2022, M. [U] [Z] a été licencié pour faute grave par la SAS Picardie Biomasse Energie. Il a contesté ce licenciement le 1er mars 2022. Un accord cadre a été signé le 17 mars 2022 entre M. [Z], la société Picardie Biomasse Energie et la SAS Pearl BioEnergie France, stipulant que M. [Z] devait régulariser un contrat de prestation de services et un contrat de consultant, avec des indemnités en cas de non-respect. Un contrat de prestation a été signé le 2 mai 2022, mais M. [Z] a mis en demeure la société PBF le 22 septembre 2022 pour la contractualisation de ses engagements. La société PBF a contesté l’existence de l’engagement pour le contrat de consultant et a répondu aux accusations de dénigrement. Un accord transactionnel a été signé le 17 octobre 2022, mais la société PBF a ensuite déclaré que cet accord était inopposable. M. [Z] a alors porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris. Il a demandé des condamnations financières à la société PBF et à M. [I], tandis que la société PBF et M. [I] ont demandé au tribunal de se déclarer incompétent et de rejeter les demandes de M. [Z]. Le tribunal a statué le 15 octobre 2024, déclarant irrecevables certaines demandes de la société PBF, condamnant cette dernière à verser 247.500 euros à M. [Z] et à payer 5.000 euros au titre des frais de justice. Les autres demandes de M. [Z] ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/00009
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

4ème chambre 1ère section

N° RG 23/00009
N° Portalis 352J-W-B7G-CYQRZ

N° MINUTE :

Assignations des :
16 et 23 Décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 15 Octobre 2024

DEMANDEUR

Monsieur [U] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Alain TREMOLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0036, avocat postulant, et par Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant

DÉFENDEURS

S.A.S. PEARL BIOENERGIE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Isabelle GUERY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J061

Monsieur [N] [I]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Isabelle GUERY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J061

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

Décision du 15 Octobre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 23/00009 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYQRZ

DÉBATS

A l’audience du 26 Juin 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DES FAITS

Le 23 février 2022, M. [U] [Z] a été licencié pour faute grave par son employeur, la SAS Picardie Biomasse Energie.
Le 1er mars 2022, M. [Z] a contesté son licenciement.
Le 17 mars 2022, un accord cadre a été signé entre M. [Z], la société Picardie Biomasse Energie et la SAS Pearl BioEnergie France (ci-après la société PBF), représentées par M. [N] [I], pour mettre fin à leurs différends.
Aux termes de cette convention, M. [Z] s’est engagé à régulariser :
*un contrat de prestation de services entre sa société prochainement créée (la société ThermoFi-Dev) et la société PBF pour une durée ferme de 2 ans pour un prix forfaitaire de 50.000 euros HT annuel ;
* un contrat de consultant avec la société PBF, en qualité de travailleur indépendant, pour une durée ferme de 4 ans pour un prix forfaitaire de 100.000 euros HT. L’accord prévoyait qu’en cas de défaut de régularisation de ce contrat avant le 1er septembre 2022, la société PBF devait régler une indemnité forfaitaire et globale de 350.000 euros à M. [Z].
La société PBF s’est engagée réciproquement dans les mêmes termes.
Le 2 mai 2022, un contrat de prestation de services a été signé entre la société PBF et la société ThermoFi-Dev pour une durée de 2 ans au prix forfaitaire de 50.000 euros HT.
Par courrier recommandé du 22 septembre 2022, M. [Z] a mis en demeure la société PBF de faire procéder à la « contractualisation de ses engagements fermes et définitifs » à savoir de lui confier la mission de consultant, pour un montant minimal de 100.000 euros H.T sur 4 ans, et de cesser immédiatement toute forme de dénigrement à son encontre.
Par lettre recommandée du 28 septembre 2022, la société PBF lui a répondu qu’il n’existait aucune trace de son engagement relatif à la conclusion d’un second contrat de prestation en qualité de consultant. Elle a également contesté être à l’origine des rumeurs proférées à son encontre portant sur son manque de professionnalisme, rappelant qu’elle n’était pas maîtresse des propos tenus par certains de ses salariés et que la liberté d’expression de chacun devait être respectée.
Dans le prolongement de ce différend, un accord transactionnel a été signé le 17 octobre 2022 entre M. [Z] et la société PBF, représentée par M. [I], pour mettre un terme à leur litige naissant.
Aux termes de ce second protocole, la société PBF s’est engagée à verser à M. [Z] une indemnité transactionnelle d’un montant de 247.500 euros à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice par lui allégué, résultant du non-respect des engagements relatifs au contrat de consultant et du dénigrement imputé à la société et à certains de ses responsables.
Le 18 octobre 2022, le conseil de la société PBF a indiqué au conseil de M. [Z] que le protocole de la veille était dénué de valeur juridique et inopposable à la société, M. [I] n’étant pas habilité juridiquement à engager la société. Le conseil de M. [Z] s’est opposé à la reprise des négociations telle que proposée.
Dans ce contexte, M. [Z] a attrait la société PBF et M. [I] devant le tribunal judiciaire de Paris, par actes d’huissier des 16 et 23 décembre 2022.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, M. [Z] demande au tribunal de :
« Faisant corps avec le présent dispositif, et tous autres à compléter et/ou suppléer si besoin était,
Vu notamment les articles 1103, 1104 et 1192 du code civil
Vu les articles 6 et 700 du Code de Procédure Civile
(…)
A TITRE PRINCIPAL
CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 350 000 € à M. [Z] en exécution du contrat du 17/03/2022 avec intérêts de droits nette de tout prélèvement obligatoire
CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 60 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociations contractuelles déloyales
CONDAMNER M. [N] [I] à payer la somme de 50 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociation malicieuse, usurpation de fonction et silence fautif
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 247 500 € à M. [Z] en exécution du contrat du 17/10/2022 avec intérêts de droits

CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 60 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociations déloyales
CONDAMNER M. [N] [I] à payer la somme de 50 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociation malicieuse, usurpation de fonction et silence fautif
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 247 500 € à M. [Z] en exécution du contrat du 17/10/2022 avec intérêts de droits ou toute autre somme que le tribunal décidera
CONDAMNER M. [N] [I] à payer la différence entre la somme à recevoir de la société PBF par M. [Z] et 247 500 €
CONDAMNER la société PBF à payer la somme de 60 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociations déloyales
CONDAMNER M. [N] [I] à payer la somme de 50 000 € à M. [Z] à titre de dommages et intérêts pour exécution et négociation malicieuse, usurpation de fonction et silence fautif
EN TOUTES HYPOTHESES
CONDAMNER in solidum la société PBF et M. [N] [I] à verser à M. [Z], la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER in solidum la société PBF et M. [N] [I] à supporter les entiers dépens de la procédure
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, la société PBF et M. [I] demandent au tribunal de :
« Vu les articles précités ;
Vu la jurisprudence précitée ;
(…)
A TITRE IN LIMINE LITIS :
– SE CONSIDERER incompétent pour juger le présent litige.
Si par impossible, le Tribunal devait rejeter l’exception d’incompétence :
A TITRE PRINCIPAL, SUR LE FOND :
– REJETER la production de l’accord-cadre signé entre PEARL BIOENERGIE France et Monsieur [Z] ;
En conséquence,
– REJETER la demande d’application de la clause pénale prévue à l’accord cadre.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– CONSTATER le défaut d’exécution par Monsieur [Z] de ses obligations contractuelles visées au contrat de prestations de service du 2 mai 2022 ;
– CONSTATER le manque de professionnalisme de Monsieur [Z] dans l’exécution du contrat de prestations de service du 2 mai 2022 ;
– CONSTATER l’existence d’une erreur sur la personne de Monsieur [Z] ;
En conséquence,
– DIRE ET JUGER que ces constats justifient l’annulation du contrat de prestations de service du 2 mai 2022 ;
– DIRE ET JUGER que ces constats justifient le refus de PEARL BIOIENERGIE France de procéder à la conclusion d’un second contrat de prestations de service avec Monsieur [Z] ;
– DIRE ET JUGER que ces constats justifient le refus de PEARL BIOIENERGIE France procéder au règlement de l’indemnité transactionnelle de 247.500 € à Monsieur [Z].
A TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE :
– DIRE ET JUGER que l’inexécution de Monsieur [Z] de ses obligations contractuelles justifie que la Société PEARL BIOENERGIE France ait refusé d’exécuter à son tour ses obligations contractuelles.
– DIRE ET JUGER que la Société PEARL BIOENERGIE France a exécuté de bonne foi l’accord cadre ;
– DIRE ET JUGER que le défaut de versement de ces diverses indemnités à Monsieur [Z] s’explique par ses manquements contractuels ;
– DIRE ET JUGER que la Société n’a commis aucun manquement à l’encontre de Monsieur [Z].
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– DEBOUTER Monsieur [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la Société PEARL BIOENERGIE France et Monsieur [I] ;
– CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à la Société et Monsieur [I], la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– CONDAMNER Monsieur [Z] aux entiers dépens ».
La clôture a été prononcée le 7 novembre 2023. L’audience des plaidoiries s’est tenue le 26 juin 2024.

Le 23 septembre 2024, le tribunal a invité les parties à faire valoir avant le 27 septembre 2024 leurs observations, en droit et en fait, sur l’application de l’article 70 du code de procédure civile aux demandes reconventionnelles formulées par la société PBF.

M. [Z] a transmis une note en délibéré le 27 septembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « juger » et « dire et juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes », si elles ne constituent pas une prétention, et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur l’exception d’incompétence soulevée par la société PBF et M. [I]

A titre principal, la société PBF et M. [I] soutiennent que l’accord cadre du 17 mars 2022 prévoit la compétence du tribunal de commerce en cas de litige. Ils en déduisent que le tribunal doit s’estimer incompétent pour analyser l’accord et appliquer la clause pénale y étant stipulée, au profit du tribunal de commerce.

En réponse, M. [Z] mentionne que M. [I] n’est pas signataire à titre personnel de l’accord, que la clause V alinéa 2 visée ne peut être interprétée comme une clause attributive de compétence, ce point étant réglé en clause IX, et surtout, que les exceptions d’incompétence doivent être présentées devant le juge de la mise en état.
Sur ce,
Conformément à l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les exceptions de compétence.
Dès lors, la société PBF et M. [I] sont irrecevables à soulever l’exception d’incompétence précitée.
Sur la demande de rejet de production de pièce

La société PBF et M. [I] demandent au tribunal d’écarter des débats la pièce produite par M. [Z] correspondant à l’accord cadre du 17 mars 2022, dans la mesure où elle ne peut être communiquée que devant le tribunal de commerce ou le conseil des prud’hommes, compétents pour apprécier le litige.

Sur ce,

A défaut pour les défendeurs de faire valoir tout autre moyen, distinct de celui relatif à l’incompétence du tribunal, pour justifier leur prétention, il n’y a pas lieu d’écarter l’accord cadre du 17 mars 2022 des débats. La demande ainsi formulée par la société PBF et M. [I] sera donc rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société PBF et de M. [I]

Les défendeurs formulent des demandes reconventionnelles tendant à voir annuler le contrat de prestations signé le 2 mai 2022 entre la société PBF et la société ThermoFi-Dev et à dire et juger que l’inexécution par M. [Z] des prestations prévues par ledit contrat justifie que la société PBF soit dispensée de régler la somme due en contrepartie, à savoir 50.000 euros. Ils observent à cet égard que M. [Z] reconnaît lui-même qu’aucune somme ne lui est due au titre de ce contrat et qu’il ne formule aucune demande en la matière.

Par note en délibéré, M. [Z] a transmis le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 juin 2024, lequel a notamment prononcé la résolution du contrat conclu entre la société ThermoFi-Dev et la société PBF le 2 mai 2022 aux torts exclusifs de cette dernière. Observant que l’exécution provisoire n’a pas été écartée, M. [Z] en déduit que les demandes reconventionnelles formulées devant le tribunal judiciaire de Paris ne sont pas fondées et n’apparaissent pas recevables.

Sur ce,

Conformément à l’article 70 du code de procédure civile, « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant (…) ».

Les deux prétentions formulées par les défendeurs ne présentent pas un lien suffisant avec la prétention originaire de M. [Z] dès lors que celui-ci ne formule pas de demande afférente à l’exécution ou à l’inexécution du contrat du 2 mai 2022, ce que la société PBF et M. [I] reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures.

Ils n’expliquent pas davantage en quoi le sort des accords conclus entre M. [Z] et la société PBF, notamment le protocole transactionnel signé le 17 octobre 2022, objet du litige dont est présentement saisi le tribunal judiciaire, serait d’une quelconque manière liée à la validité d’obligations souscrites le 2 mai 2022 entre les seules sociétés PBF et ThermoFi-Dev, laquelle n’est d’ailleurs pas en la cause prévenant tout débat contradictoire sur les manquements qui lui sont reprochés.

Au surplus, la société PBF a décidé de porter ce litige devant le tribunal de commerce, sollicitant devant cette juridiction de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 2 mai 2022 à titre principal, et à voir reconnaître comme fondé son exception d’inexécution à titre subsidiaire.

Dans ces conditions et conformément à l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles formulées par la société PBF et M. [I] seront déclarées irrecevables.

Sur l’opposabilité de l’accord transactionnel du 17 octobre 2022

Les défendeurs font valoir que l’accord du 17 octobre 2022 n’est pas opposable à la société PBF puisque M. [I] ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour signer cette convention. Ils relèvent qu’à la fin de son mandat, M. [I], remplacé par M. [O], a poursuivi la gestion des dossiers en cours et notamment les pourparlers avec M. [Z], parvenant à la signature d’un second accord transactionnel. Ils soulignent la parfaite mauvaise foi du demandeur qui a usé de manigances et de ses bonnes relations avec M. [I] pour obtenir une indemnité transactionnelle favorable.

M. [Z] expose qu’un schéma complexe a été mis en place pour obscurcir les responsabilités entre diverses sociétés du groupe (SAS Picardie Biomasse Energie, SAS Pearl BioEnergie, société PBF, SAS Cleg Conseil). Il indique que M. [I], président de la SAS Cleg Conseil, n’a jamais été président de la société PBF mais seulement représentant de la société PearlBioEnergie, présidente de PBF, elle-même présidée par la SAS Cleg Conseil jusqu’à la nomination de M. [O] à compter du 14 octobre 2022. Sur le fondement de la théorie du mandat apparent, il soutient que les circonstances entourant la signature de l’acte l’autorisaient à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de M. [I] de sorte que cette dernière convention est opposable à la société PBF.
Sur ce,
L’article 1156 du code civil consacre la théorie du mandat apparent et prévoit que l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Il est exigé, pour engager le représenté sur le fondement du mandat apparent, que la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
A titre liminaire, le tribunal observe qu’il existe une chaîne de direction et de contrôle entre les sociétés suivantes :
– la SAS Cleg Conseil, présidée par M. [I],
– la SAS Pearl BioEnergie, présidée par la SAS Cleg Conseil puis par M. [O] à compter du 14 octobre 2022,
– la société PBF, présidée par la SAS Pearl BioEnergie,
– la SAS Picardie Biomasse Energie, présidée par la société PBF du 13 août 2021 au 20 septembre 2022.

Les défendeurs ne contestent pas que M. [I] a poursuivi les négociations avec M. [Z] pour aboutir à l’accord du 17 octobre 2022, alors qu’il était dépourvu de tout mandat pour représenter la société PBF.
Etant observé la complexité des chaînes directionnelles et de contrôle existant entre les sociétés précitées, la publication au BODACC trois jours avant la signature de l’accord du 17 octobre 2022 du changement de présidence de la société PBF ne permettait pas à M. [Z] d’obtenir des renseignements sur le véritable représentant de ladite société sans procéder à des recherches plus avancées.
Or, rien ne l’invitait à procéder à de telles vérifications dès lors que M. [I] avait apposé sa signature sur l’accord cadre quelques mois auparavant et qu’il continuait, au moins en apparence, à gérer les affaires de la société PBF. Ainsi, il ressort des propres écritures des défendeurs qu’il entendait conserver une position dans la société en gardant un rôle de conseil auprès de la direction de la société PBF à l’issue de son mandat social, et qu’il poursuivait « son engagement par la signature dudit accord ».
En outre, le fait que le protocole a été signé dans les bureaux des avocats de la société PBF suffisait à convaincre M. [Z] de la régularité du mandat de M. [I]. Le tribunal relève d’ailleurs à cet égard qu’aux termes de l’article 4 du contrat litigieux, il est expressément indiqué que « Les Parties déclarent avoir la pleine capacité juridique de transiger au jour de la signature du présent protocole transactionnel, et être pleinement informées, notamment par le biais de leurs conseils respectifs, sur les termes et dispositions de ce protocole, de sorte que leur consentement est pleinement éclairé ».
M. [I], à lecture de cette mention, ne pouvait que s’interroger sur sa propre qualité à engager la société PBF, n’ignorant pas avoir vu son mandat social révoqué dans les jours précédant, et les conseils de la société PBF ne pouvaient non plus manquer d’en avertir les parties présentes.
Dans ce contexte, c’est en vain que les défendeurs allèguent d’éventuelles manigances de M. [Z] pour inciter M. [I] à signer le contrat litigieux, étant observé au surplus que les griefs ainsi formulés ne sont corroborés par aucune pièce.
Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, M. [Z] a pu légitimement croire, au moment de la signature, que M. [I] disposait toujours des pouvoirs nécessaires pour engager juridiquement la société PBF.
En conséquence, l’accord transactionnel du 17 octobre 2022 est pleinement opposable à la société PBF.
Sur la demande en paiement d’une indemnité prévue par l’accord cadre du 17 mars 2022 (350.000 euros)

M. [Z] relève que conformément à l’accord cadre du 17 mars 2022, en l’absence de régularisation avant le 1er septembre 2022 d’un contrat de consultant, la société PBF doit lui régler une indemnité forfaitaire de 350.000 euros.

En réponse, les défendeurs exposent que la société ThermoFi-Dev, représentée par M. [Z], a gravement manqué à ses obligations contractuelles en adoptant des pratiques déloyales et concurrentielles et en s’abstenant d’entreprendre les démarches pour exécuter les prestations visées par le contrat du 2 mai 2022. Ils en déduisent que la société PBF était bien fondée à refuser d’exécuter un second contrat de prestations de service avec M. [Z].

Sur ce,
Aux termes de ses dernières écritures, M. [Z] relate que la société PBF a refusé de respecter ses engagements contractuels pris le 17 mars 2022 et qu’« après de longues négociations menées avec M. [I], un protocole transactionnel a été signé le 17/10/2022 où la société PBF et M. [Z] ont transigé sur la base d’une indemnité de 247.500 euros ».

Il ressort par ailleurs de la lecture de la convention du 17 octobre 2022 que l’objet de la transaction porte sur la volonté commune des parties de mettre un terme à leur litige naissant et d’organiser la réparation des préjudices que M. [Z] allègue avoir subis du fait :
– d’une part, de l’absence de régularisation d’un contrat de consultant avec la société PBF malgré les termes du contrat cadre du 17 mars 2022 ;
– d’autre part, du dénigrement dont il dit avoir été victime de la part de la société PBF et de ses salariés.

Aux termes des motifs ci-avant adoptés, la transaction réalisée le 17 octobre 2022 est opposable aux deux parties. Or, cette dernière organise les conséquences du non-respect d’une partie des stipulations de l’accord cadre du 17 mars 2022, à savoir l’absence de régularisation d’un contrat de consultant. Ce protocole revient donc sur les prévisions du contrat cadre du 17 mars 2022 lequel stipulait initialement qu’une telle inexécution justifiait le versement d’une indemnité de 350.000 euros. M. [Z] ne peut donc valablement solliciter cette indemnité au regard de l’existence de l’accord transactionnel du 17 octobre 2022.

Dès lors, en vertu de la force obligatoire conférée au contrat du 17 octobre 2022 par l’article 1103 du code civil, M. [Z] a renoncé au bénéfice de l’indemnité prévue par l’accord cadre du 17 mars 2022.

M. [Z] sera donc débouté de sa demande tendant à voir condamner les défendeurs à lui payer la somme de 350.000 euros en exécution du contrat du 17 mars 2022.

Sur la demande en paiement de l’indemnité prévue par l’accord transactionnel du 17 octobre 2022 (247.500 euros)

M. [Z] réclame le paiement de l’indemnité prévue aux termes de l’accord du 17 octobre 2022.

Les défendeurs développent un argumentaire identique à celui précédemment adopté pour refuser le paiement de l’indemnité de 350.000 euros prévue aux termes du contrat du 17 mars 2022. Ils font en outre valoir que M. [I] n’avait pas de pouvoir pour signer cet accord.

Sur ce,

En vertu de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L’article 2.1 « Concessions de La Société » du protocole transactionnel du 17 octobre 2022 stipule que « Sans revenir sur la réalité du préjudice allégué par M. [Z], la Société accepte de prendre en compte les préjudices financiers, de réputation, de santé et moraux que celui-ci considère avoir subis et lui accorde à titre de dommages et intérêts compensant l’intégralité du préjudice allégué, une indemnité transactionnelle, nette, globale, forfaitaire et définitive d’un montant de 247 500 euros (deux cent quarante sept mille cinq cents euros) ».

Il est constant que la société PBF n’a pas versé à M. [Z] la somme demandée.

A suivre les défendeurs, la société PBF serait légitime à lui dénier cette indemnité puisque bien fondée à refuser de contracter à nouveau avec lui en raison du comportement qu’il a adopté dans le cadre de l’exécution du contrat signé entre la société ThermoFi-Dev et la société PBF (actes concurrentiels et inexécution des prestations de services). Toutefois, à supposer que la société PBF puisse démontrer des manquements graves de la part de M. [Z], représentant de la société ThermoFi-Dev, dans le cadre de l’exécution du contrat du 2 mai 2022, ceux-ci ne l’exempteraient pas de respecter les engagements qu’elle a pris par ailleurs à l’égard du demandeur le 17 octobre 2022, les deux contrats ayant deux périmètres distincts et n’étant pas interdépendants.

En outre, et ainsi qu’il a été précédemment rappelé, les dispositions de ce protocole ont force obligatoire à l’égard des parties, au regard du mandat apparent dont était investi M. [I].

Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la société PBF à payer à M. [Z] la somme de 247.500 euros en exécution du protocole transactionnel précité, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2022, date de délivrance de l’acte d’assignation à la société défenderesse.

Sur la demande indemnitaire de M. [Z] à l’encontre de la société PBF (60.000 euros)

M. [Z] explique qu’en refusant de manière déloyale d’exécuter les contrats qu’elle a signés, la société PBF lui a causé un préjudice résultant d’un « manque à gagner ».

La société PBF estime qu’aucun manquement ne peut lui être reproché dans le cadre de la négociation contractuelle intervenue pour résoudre le litige qui l’a opposé à M. [Z].

Sur ce,

En vertu de l’alinéa 3 de l’article 1236-1 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l’espèce, M. [Z] ne justifie pas avoir subi un ou des préjudices distincts de celui résultant du retard de paiement de sa créance et qui ne seraient pas suffisamment réparés par l’octroi des intérêts moratoires. Il sera débouté de sa demande indemnitaire formulée à l’encontre de la société PBF.

Sur la demande indemnitaire de M. [Z] à l’encontre de M. [I] (50.000 euros)

M. [Z] reproche à M. [I] sa malice et son silence dans le cadre de la signature du protocole du 17 octobre 2022. Il fait état d’un préjudice financier mais également d’un préjudice moral et d’anxiété résultant de la contrainte, pour lui, d’intenter une action en justice pour obtenir le paiement de l’indemnité contractuelle.

En réponse, M. [I] fait état d’une erreur et de sa bonne foi au moment de la signature du protocole du 17 octobre 2022.

Sur ce,

Aux termes de l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

M. [Z] n’établit pas que le refus de paiement de l’indemnité prévue au contrat du 17 octobre 2022 résulterait d’une opposition personnelle de M. [I] et, dès lors, ne justifie pas du lien causal entre les fautes éventuelles de ce dernier et le préjudice dont il réclame l’indemnisation.

Il sera débouté de sa demande indemnitaire formulée à l’encontre de M. [I].

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. En l’espèce, la société PBF, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. En l’espèce, il convient de condamner la société PBF à payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances engagées à compter du 1er janvier 2020, « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ». En l’espèce, rien ne justifie de l’écarter.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :

DECLARE irrecevable la demande formulée par la SAS Pearl BioEnergie France et M. [N] [I] tendant à ce que le tribunal se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce ;

REJETTE la demande de la SAS Pearl BioEnergie France et de M. [N] [I] tendant à voir écarter des débats l’accord cadre du 17 mars 2022 ;

DECLARE irrecevables les prétentions de la SAS Pearl BioEnergie France et de M. [N] [I] tendant à voir annuler le contrat signé le 2 mai 2022 entre la SAS Pearl BioEnergie France et la SAS Thermofi-Dev et à voir déclarer la SAS Pearl BioEnergie France bien fondée en son refus d’exécuter ledit contrat en application du principe d’exception d’inexécution ;

DEBOUTE M. [U] [Z] de sa demande en paiement de la somme de 350.000 euros au titre de l’accord cadre du 17 mars 2022 ;

CONDAMNE la SAS Pearl BioEnergie France à payer à M. [U] [Z] la somme de 247.500 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 2022 ;

DEBOUTE M. [U] [Z] de sa demande tendant à voir condamner la SAS Pearl BioEnergie France à lui payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

DEBOUTE M. [U] [Z] de sa demande tendant à voir condamner M. [N] [I] à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SAS Pearl BioEnergie France à payer à M. [U] [Z] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Pearl BioEnergie France aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est, de droit, exécutoire par provision ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.

Fait et jugé à Paris le 15 Octobre 2024.

Le Greffier La Présidente
Nadia SHAKI Géraldine DETIENNE


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