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Le comportement fautif résultant de l’emploi de termes blessant d’un ton irrespectueux et de l’instauration d’un climat de crainte à l’égard des salariés, des fournisseurs et prestataires divers, justifie le licenciement d’un cadre.
En l’occurrence, il ressort de ces témoignages concordants émanant de plusieurs salariés ayant travaillé sous les ordres de Mme [N] que cette dernière était dénigrante, envers Mme [R] : « je ne servais à rien, j’étais inutile », envers Mme [O] « on se faisait traiter de nuls » , « vous me devez tout, c’est un honneur pour vous de travailler ici. ». Mme [X] énonce s’agissant de Mme [N] « m’a hurlé dessus et manqué de respect. ». Mme [J] fait état de paroles blessantes, moqueries intimidations et d’humiliations verbales. M. [K] [W] dénonce qu’elle lui parlait comme s’il était un chien.
Il résulte aussi de ces témoignages circonstanciés et concordants que Mme [N] exerçait sur les salariés placés sous son autorité, une surveillance au moyen de la vidéosurveillance tel que l’expliquent Mme [T] [O] et Mme Mme [J] et M. [W] qui expliquent que les salariés étaient « traqués » par Mme [N].
Le climat de crainte instaurée par la salariée résulte du témoignage de M. [W] qui décrit : « elle tapait comme une folle sur son bureau en criant : « c’est qui la patronne ici ‘ » et de Mme [T] [O] qui décrit une directrice d’établissement autoritaire en rapportant les propos de cette dernière « C’est moi la directrice de cet hôtel quand je parle on se tait »
M. [F] évoque un management de Mme [N] par la peur et l’intimidation.
La critique par la salariée de ces témoignages en raison du lien de subordination à la société SMH des salariés qui ont témoigné de son comportement fautif à leur égard, n’est pas opérante dans la mesure où il n’est pas contesté que sur 12 salariés et deux stagiaires, huit d’entre eux ont délivré des témoignages circonstanciés et tous concordants sur le manque de respect, les propos blessants, l’instauration d’un climat de crainte et de surveillance généralisée instaurée par Mme [N].
Par ailleurs, le fait que les différents courriers des salariés ayant témoigné soient datés après le licenciement de la salariée n’apparaît pas sujet à critique, dans la mesure où la société explique avoir dans un premier temps, Mme [N] étant en congé, recueilli le témoignage des différents salariés se plaignant du comportement de leur supérieure hiérarchique.
Pour rappel, en cas de litige, en vertu des dispositions de l’article 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave se définit comme étant un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarie’ qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarie’ dans l’entreprise et la poursuite du contrat et la charge de la preuve repose sur l’employeur qui l’invoque.
_________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
21e chambre
ARRET DU 07 JUILLET 2022
N° RG 20/01763 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T76E
AFFAIRE :
S.A.S. SMH
C/
[G] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 19/00350
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SMH
N° SIRET : 487 516 577
Novotel
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Isabelle ALGARRON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0300
APPELANTE
****************
Madame [G] [N]
née le 11 Avril 1973 à [Localité 5] (35)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCEDURE
Mme [N], née le 11 avril 1973, a été engagée à compter du 7 janvier 2013 en qualité de directrice d’établissement, par la société SMH, selon contrat de travail à durée indéterminée.
L’entreprise emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des Hôtels Cafés Restaurants.
En dernier lieu, Mme [N] occupait le poste de directrice d’établissement au sein de l’Hôtel Novotel [Localité 8] [Localité 6] [Localité 7].
Mme [N] expose avoir été victime d’un accident du travail le 23 février 2018, à savoir la luxation de sa hanche gauche, et elle a procédé à une déclaration d’accident du travail.
Un arrêt de travail lui a été prescrit jusqu’au 3 mars 2018.
Le 3 avril 2018, la société SMH a changé de propriétaires.
Mme [N] est partie en congés du 15 au 22 avril 2019.
Convoquée le 23 avril 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 mai suivant avec mise à pied à titre conservatoire, Mme [N] a été licenciée par lettre datée du 16 mai 2019 énonçant une faute grave.
Contestant son licenciement, Mme [N] a saisi, le 21 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et que soit condamnée la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes et a sollicité une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 8 juillet 2020, notifié le 13 juillet 2020, le conseil a statué comme suit :
Fixe le salaire de référence à 7 702,66 euros
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société SMH en la personne de ses représentants légaux à payer à Mme [N] les sommes suivantes :
— 30 810,72 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 12 195,88 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
— 23 107,98 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis,
— 2 310,79 euros à titre de congés payés sur préavis,
— 5 006,23 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
— 500,62 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
— 15 255,16 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2019,
— 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la société SMH de remettre à Mme [N] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, la remise des bulletins de paye et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
Dit que conformément à l’article 1153-1 du code civil, les intérêts moratoires dus sur les créances de nature salariale visées à l’article R 1454-14 du code du travail courent à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation, S’agissant des créances indemnitaires, il convient de fixer le point de départ des intérêts à la date de mise à disposition du présent jugement ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil
Ordonne l’exécution provisoire conformément à l’article 515 du code de procédure civile,
Déboute Mme [N] du surplus de ses demandes,
Dit que la société SMH devra déduire la somme de 50 euros au titre du téléphone portable BlackBerry non remis des sommes qu’elle devra verser à Mme [N],
Déboute la société SMH du surplus de ses demandes
Condamne la société SMH aux entiers dépens de la procédure.
Le 5 août 2020, la société SMH a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 9 mars 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 avril 2022.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 12 février 2021, la société SMH demande à la cour de :
Dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en son appel ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a:
— dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse
— condamné la société à payer à Mme [N] les sommes suivantes :
— 30 810,72 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
— 12 195,88 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
— 23 107,98 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis ;
— 2 310,79 euros à titre de congés payés sur préavis ;
— 5 006,23 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
— 500,62 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
— 15 255,16 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2019
— 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
— ordonné à la société SMH de remettre à Mme [N] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, la remise des bulletins de paye et une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.
— dit que conformément à l’article 1153’1 du code civil, les intérêts moratoire dus sur les créances de nature salariale visées à l’article R 1454-14 du code du travail court à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et s’agissant des créances indemnitaires, à compter de mise à disposition du jugement
— ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343’2 du code civil
— ordonné l’exécution provisoire conformément à l’article 515 du code de procédure civile
— débouté Mme [N] du surplus de ses demandes
— dit que la société SMH devra déduire la somme de 50 euros au titre du téléphone portable BlackBerry non remis, des sommes qu’elle devra verser à Mme [N]
— débouté la société SMH du surplus de ses demandes
— condamné la société SMH aux entiers dépens de la procédure.
Aux lieux et places :
Débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner Mme [N] à restituer son téléphone portable professionnel et sa carte SIM, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé de l’arrêt;
Condamner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé de l’arrêt, Mme [N] à restituer les documents de fin de contrat modifiés que la société a été condamnée à lui remettre en première instance;
Condamner Mme [N] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé de l’arrêt à restituer la totalité des sommes versées au titre de l’exécution provisoire soit 78 140,12 euros augmentés des intérêts à compter du prononcé de l’arrêt;
La condamner au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
‘ Selon ses dernières conclusions du 26 mars 2021, Mme [N] demande à la cour de :
Dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Débouter la société SMH de l’ensemble de ses demandes,
Dire que le salaire de référence est fixé à 9 522,26 euros
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu’il :
— dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse
— condamné la société SMH à lui verser la somme de :
— 5 006,23 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.
— 15 255,16 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2019.
— ordonné à la société SMH de lui remettre un certificat de travail, un reçu de solde de tout compte, la remise des bulletins de paye et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision du conseil de prud’hommes,
Infirmer le jugement pour le surplus et :
Condamner la société SMH à lui verser les sommes suivantes :
— 66 655,82 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 28 556,78 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis,
— 2 855,67euros à titre de congés payés sur préavis,
— 15 076,91 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
— 22 762,44 euros à titre de rappel de prime 2018,
— 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et rupture vexatoire,
Condamner la société SMH à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société SMH aux entiers dépens de la procédure et de son exécution.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I – Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
‘ Les explications recueillies auprès de vous lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 6 mai dernier au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [S], conseiller du salarié, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits reprochés.
Nous vous rappelons que vous avez été engagée à compter du 7 janvier 2013 en qualité de Directrice de l’hôtel Novotel de St Witz (cadre niveau V échelon 1), hôtel qui a été racheté par la société SMH en avril 2018.
A l’occasion de votre absence pour congés payés du 15 au 22 avril, nous avons eu l’occasion d’échanger avec d’autres salariés qui nous ont alertés sur leurs conditions de travail qu’ils considéraient critiquables et sur le souhait de plusieurs d’entre eux de quitter leur emploi si la situation devait perdurer.
C’est ainsi que nous avons découvert un certain nombre de faits graves qui ont justifié la mise en oeuvre de la présente procédure, sachant qu’en outre vous refusiez de tenir compte de nos alertes et demandes visant à vous aider dans la direction de l’Hôtel dont les résultats sont mauvais.
Ainsi :
— Vous avez à l’égard de salariés mais également de fournisseurs et prestataires divers, un comportement fautif résultant de l’emploi de termes blessants, d’un ton irrespectueux et de l’instauration d’un climat de crainte, à l’origine de conditions de travail difficiles qui ont entrainé plusieurs départs et beaucoup de mal-être.
Nous avons découvert la gravité de la situation durant votre absence, le 17 avril 2019 et les jours qui ont suivis, à l’occasion d’entretiens avec des salariés, prestataires et fournisseurs.
Plusieurs salariés nous ont fait part d’un réel mal-être au travail dû à votre mode de management qu’ils décrivent comme étant très autoritaire, irrespectueux et injuste.
Ainsi, ils nous a été rapporté que vous n’aviez « aucune empathie », qu’ils se sentaient traités « comme des animaux », qu’ils faisaient souvent l’objet de « reproches injustifiés », que « travailler avec elle est un supplice », « elle traite les gens comme du personnel de maison, voir des esclaves », « elle ne parle pas, elle hurle tout le temps » « tout le monde parlait de démissionner » « tout le monde a peur d’elle, elle fait ce qu’elle veut », « ce n’est que lorsque Madame [N] est absente que l’ambiance de travail est normale »’.
Une salariée nous a indiqué que vous l’avez poussé à la démission en lui interdisant régulièrement de prendre ses temps de pause, en refusant de lui payer ses heures supplémentaires, en organisant les plannings sans tenir compte des contraintes ou souhaits de chacun.
Plusieurs personnes nous ont révélé le fait que vous vous comportiez avec notamment les stagiaires, mais également les prestataires de services ou même fournisseurs, avec condescendance et sans aucune considération.
Cette méthode de management est gravement fautive car peut être très lourde de conséquences.
Elle n’est pas admissible car porte atteinte aux autres salariés ou personnes qui sont en contact avec vous, ce que nous ne pouvons laisser perdurer et devons faire cesser immédiatement.
C’est pourquoi, étant donné la gravité des faits révélés, nous avons dû vous mettre à pied à titre conservatoire le temps d’approfondir notre enquête.
La pluralité des plaignants et la concordance de leurs propos nous ont confirmé la réalité des dires.
Le fait que lors de l’entretien, vous ayez complètement nié avoir eu un comportement critiquable, n’ayez même pas pu entendre ce que nous vous indiquions et que vous vous soyez justifié en expliquant seulement être « exigeante mais juste » et en ne reconnaissant aucune erreur, n’a pas permis de modifier notre perception de la situation.
— Vous avez eu un comportement discriminatoire, vous favorisant vous-même et votre mari, Monsieur [N] : vous avez fait engager votre mari par l’hôtel en février 2016 en qualité de chef cuisinier après avoir poussé au départ son prédécesseur et avez ACCOR à votre mari et à vous-même des avantages anormaux car contraire au devoir d’exemplarité et d’équité qui pèse sur vous en votre qualité de directrice de l’établissement.
Ainsi, vous seule et votre mari aviez droit à trois semaines contiguës de congés payés l’été, la plupart des salariés ne pouvaient pas bénéficier de deux jours hebdomadaires de repos consécutifs contrairement à vous et à votre mari, vous n’assuriez aucun temps de présence le Week-end malgré une activité parfois soutenue et la nécessité pour d’autres d’être présents, la gestion de la prise des repos compensateur en cas d’heures supplémentaires était injuste , le bénéfice à votre seul profit de primes sur l’activité est incompris des autres salariés….
Ainsi, vous n’avez pas respecté le devoir d’exemplarité et d’équité attaché à votre fonction de
Directrice de l’établissement.
L’ancien chef nous a ainsi révélé avoir été poussé au départ car vous souhaitiez le remplacer par votre mari et nous a fait part de votre dureté à son égard : ‘c’était une dictatrice, nous demandant de revenir pendant les vacances ou temps de repos sous peine de licenciement ou mise à pied’, ‘elle interdisait les coupures ou les limitait, elle maquillait le planning …’.
Nous avons découvert ces faits le 17 avril 2019 et les jours qui ont suivis, à l’occasion d’entretien avec des salariés ou d’anciens salariés, dans le cadre des recherches que nous avons dû effectuer suite aux premières révélations faites.
Lors de l’entretien préalable, vous n’avez pas été en mesure de justifier ces différences de traitement ni ce comportement, si ce n’est en nous opposant que c’était « normal ”.
— Nous avons découvert l’existence d’une caisse noire, dite caisse fournisseur, dont vous avez reconnu l’existence lors de l’entretien préalable nous expliquant que vous seule la gériez, que vous y affectiez une partie des espèces résultant des paiements en liquide faits par les clients et que vous l’utilisiez en fonction des besoins.
Nous sommes parvenus à obtenir un listing de tenue de ce compte mais constatons que les indications mentionnées sont insuffisantes pour nous permettre de connaitre le nom des bénéficiaires de ces paiements en espèces, lesquels n’apparaissant quasiment jamais.
Il n’y a par ailleurs pas d’explication sur la raison de certaines dépenses (frais de restaurant, de
péage, d’essence…).
Cela rend ainsi impossible tout contrôle, ce qui est fautif.
En votre qualité de directrice d’hôtel, il est en effet fautif de tenir de la sorte les comptes de l’hôtel et de ne pas avoir en place une politique précise de remboursement des frais.
Cela est d’autant plus fautif que vous ne nous aviez pas informé de l’existence de cette caisse noire et que l’expert – comptable de l’hôtel nous indique ne pas avoir reçu copie de ce compte.
Figure parmi les justificatifs retrouvés dans cette caisse des frais d’essence.
Vous nous avez dit lors de l’entretien préalable que vous remboursiez parfois à certains salariés leur frais d’essence lorsque vous considériez cela nécessaire, sans pour autant qu’il y ait de règles arrêtées mais également que vous vous remboursiez vos propres frais d’essence correspondant à votre trajet journalier domicile /hôtel.
Vous n’avez pas été en mesure de nous donner précisément les noms des salariés bénéficiaires desdits remboursements et la raison de ces remboursements, lesquels n’apparaissent pas en comptabilité. Il résulte par ailleurs de notre enquête qu’aucun salarié n’a reconnu avoir obtenu régulièrement de remboursement de frais en espèce de votre part, que vous avez pu parfois versé à certain une indemnisation que vous déterminiez en fonction de règles qui vous étaient propres et que les tickets d’essence annexées seraient les votre uniquement ou ceux de votre mari.
Or vous n’avez jamais été autorisé à vous rembourser vos frais d’essence domicile /hôtel, a fortiori en espèce et sans traitement comptable.
Cela est donc également gravement fautif et ne peut en outre que provoquer une perte de confiance.
— Vous refusez d’utiliser les moyens qui étaient mis à notre disposition par le groupe ACCOR pour faciliter la gestion et la bonne organisation de l’hôtel alors que les résultats de l’hôtel sont mauvais
La société verse à ACCOR une redevance afin de bénéficier de leur conseil, accompagnement et expertise dans le domaine de l’hôtellerie –restauration.
Or, malgré mes demandes, vous refusez d’utiliser ces services, prétextant la plupart du temps qu’ils ne sont pas adaptés à notre hôtel, ce que vous avez de nouveau répondu lors de notre entretien préalable ‘les conseils d’ACCOR ne sont la plupart du temps pas applicables à notre Hôtel’.
Votre position m’a été confirmée par la directrice opérationnelle d’Accor.
Pourtant, leurs préconisations ont pour objectif l’amélioration du taux d’occupation, l’optimisation du prix moyen, le référencement, l’optimisation de l’utilisation des salles de séminaires …..ce dont nous aurions grand besoin.
Ainsi, malgré la dégradation du chiffre d’affaires de l’hôtel et mes demandes, vous continuez de refuser de modifier vos habitudes, les procédures en place et même juste de prendre conseil.
— Vous avez eu des relations conflictuelles avec différents services d’Accor, lesquelles se plaignent de votre agressivité et vous ne nous avez pas informés de ces difficultés relationnelles.
Là encore, dans le cadre de l’enquête menée pendant votre absence suite aux révélations évoquées ci-dessus, nous avons découvert que notre prestataire se plaignait de votre agressivité avec vos différents interlocuteurs. Un tel comportement est fautif.
Est également fautif le fait de ne pas informer ses supérieurs des difficultés rencontrées car cela nuit à la relation de confiance devant exister et, en outre, empêche ces derniers de tenter d’aider à l’amélioration de la situation et des rapports.
Lors de l’entretien, vous nous avez uniquement indiqué ne pas avoir de difficulté relationnelle avec les services et salariés du groupe Accor.
— Vous refusez de suivre nos consignes, d’entendre des idées nouvelles et n’êtes pas force de proposition
Depuis la reprise par notre société de l’hôtel, nous avons tenté d’échanger avec vous à plusieurs
reprises afin de vous aider à améliorer le fonctionnement et les résultats de l’hôtel (en ce y compris du restaurant) mais sommes contraints de constater que vous ne suivez pas nos préconisations et n’êtes pas davantage force de proposition.
Encore en dernier lieu le 5 avril dernier, nous avons dû vous alerter sur la nécessité de mettre en place des actions afin de redresser les résultats de l’hôtel et de la restauration.
En réponse, vous nous aviez indiqué avoir fait quelques démarches.
Ces dernières étant insuffisantes, nous avions décidé de vous convoquer à un entretien fixé au 23 avril, date de votre retour de congé, afin d’échanger de vive voix de nouveau avec vous sur la nécessité de ne pas vous mettre en opposition et de réfléchir aux mesures nécessaires à une
meilleure gestion de l’Hôtel.
Cet entretien n’a finalement pas pu se tenir en raison des autres faits découverts pendant votre absence et la mise à pied à titre conservatoire finalement notifiée, mais ce comportement fautif fait partie des faits reprochés.
Lors de l’entretien, vous avez de nouveau nié avoir un tel comportement.
— Vous avez eu un comportement fautif le 23 avril 2019
Après que nous vous ayons notifié le 23 avril courant votre mise à pied à titre conservatoire, vous avez quitté la salle de réunion où nous étions pour aller vous enfermer à clef dans votre bureau durant plus de 15 minutes.
Vous indiquiez vouloir téléphoner à votre avocat et avez refusé d’en sortir alors même que nous vous l’avons demandé à plusieurs reprises. Vous avez refusé de nous laisser accéder à votre bureau, en désobéissant ouvertement aux demandes qui vous étaient faites par la Direction et avez refusé de nous indiquer ce que vous avez précisément fait durant ces 15 minutes ou ce que vous avez emporté.
En sortant, vous avez demandé à la sous – directrice de vous aider à porter des affaires dans votre voiture, ce qu’elle a fait.
Lors de l’entretien, vous n’avez pas été en mesure de nous donner des précisions ni de justifier ce comportement.
Compte tenu de la gravité des faits reprochés et des conséquences d’une telle conduite sur les autres salariés, vos différents interlocuteurs et sur la bonne marche de |l’hôtel, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Cela signifie que votre contrat est rompu à compter de ce jour, sans indemnité de préavis ni de licenciement et que la période non travaillée de mise à pied à titre conservatoire courant à compter du 23 avril ne sera pas rémunérée’.
La société SMH critique le jugement qui a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse au motif notamment que les pièces produites n’étaient pas probantes. Elle soutient rapporter la preuve du comportement de Mme [N] et de sa gravité, qui constitue une faute grave.
Mme [N] rétorque que la lettre de licenciement émet plusieurs griefs distincts, qu’elle conteste et dont elle estime qu’ils ne sont pas sérieux, les éléments apportés par la société SMH étant très insuffisants pour établir le bienfondé des reproches qui lui sont faits.
En cas de litige, en vertu des dispositions de l’article 1235-1 du code du travail, le juge, a qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave se définit comme étant un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarie’ qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarie’ dans l’entreprise et la poursuite du contrat et la charge de la preuve repose sur l’employeur qui l’invoque.
Sur le comportement fautif de Mme [N] résultant de l’emploi de termes blessant d’un temps irrespectueux et de l’instauration d’un climat de crainte à l’égard des salariés ,des fournisseurs et prestataires divers, la société’ SMH produit aux débats:
Le témoignage de Mme [V], assistante de direction au sein de l’hôtel ayant travaillé avec Mme [N] de 2013 à 2019 selon lequel elle déclare : « (..) Un jour (..) [Z] a dû partir en urgence de son poste de travail hier sa femme qui était enceinte et avait une grossesse très compliquée, était transportée en urgence par les pompiers à l’hôpital. Le lendemain il se voyait convoqué dans le bureau de Mme [N] que cela n’était pas son problème et que s’il recommençait elle le mettra dehors. (..) [U] nous rappelle en pleurs pour nous annoncer que son frère est décédé et qu’elle ne serait pas présente les quelques jours suivants, j’ avais Mme [N] devant moi qui me dit : « Non, non, je ne veux pas le savoir, elle travaille ce week-end, ce que j’ai dit à [U], très gênée et sous le choc de la réaction de Mme [N] (..) Je pense que cette femme a traumatisé beaucoup de personnes qui ont travaillé dans l’établissement et que tout cela est très injuste que personne n’ait fait le nécessaire pour libérer l’équipe de ce duo de tyrans. ».
Le témoignage de Mme [R] employée au Novotel en qualité de responsable des étages qui relate : « Mme [N] a eu des comportements que je justifie blessants sur ma personne avec un certain manque d’empathie par exemple Mme [N] m’a convoquée un matin dans son bureau pour me donner le retour suite à des remarques sur TripAdvisor. Je lui ai répondu que ce jour-là, j’étais en repos, je n’étais pas présente à l’hôtel. Elle m’a fait comprendre et m’a dit que je ne servais à rien j’étais inutile. Comment bien faire son travail lorsqu’on occupe plusieurs postes à la fois et cela dans un même laps de temps. Certaines tâches imposées m’obligent à rester au-delà de mon temps de travail, elle me dit que cela fait partie de notre responsabilité quand on est chef de service. Ces horaires ne sont ni récupérés, ni payés sauf pour un chef de service privilégié ( le chef de cuisine) ; le plus douloureux a été l’obligation de devoir venir travailler pendant le recueil familial suite au décès soudain de mon jeune frère. Mme [N] a exigé ma présence au travail.
Le témoignage de M. [A] [C] qui déclare : « Mme [N] veut tout contrôler en permanence, une pression psychologique néfaste pour le personnel, si on ne suit pas les ordres de Mme [N], on se fait convoquer dans le bureau en privé, pour nous expliquer en hurlant et en tapant des poings sur le bureau qu’elle est la patronne et que nous devions faire selon ses règles, peu importe ce que nous avons à dire et ne veut rien entendre lors de ces entrevues. Sinon des représailles se feront sans tarder, par exemple pour ma part, étude de mon contrat pour voir si elle pouvait modifier mon planning à son bon vouloir pour me faire craquer et me pousser vers la sortie comme tous mes précédents collègues, profil bas pour éviter des représailles et garder mon poste. Mme [N] me demande de faire une chose, puis d’arrêter, faire autre chose pendant toute la journée, résultat tout recommencer et ne rien finir et je me prends une soufflante pour ne rien avoir fait. Je lui ai dit je ne peux pas être partout à la fois. Rien à faire, Mme [N] vous regarde et vous dit pas mon problème à vous de vous organiser. De plus, j’ai été témoin de ses crises à hurler au restaurant, comme quoi le travail n’était ni fait, ni à faire sur le maître d’hôtel ou sur le chef de service. Pour les deux responsables, impossible de faire leur travail sereinement pendant leur service. Ils devaient le faire pendant leur coupure. Résultat pas de coupure journée continue. (..) Concernant les heures supplémentaire, Mme [N] nous a bien fait comprendre que vu nos salaires il ne fallait pas y compter, ni payées, ni récupérées, je précise que je suis conscient de faire un métier de service et je ne suis pas à 1h près mais il y a des limites à part elle et son mari qui récupèrent quand ils veulent, ce qui est injuste.».
M. [K] [W] témoigne dans un courrier du 16 août 2019 : « Alors tous les mois ,j’ai été menacé sur la prime ratio, elle me donnait des tâches à faire et si ce n’était pas correctement fait je ne l’aurais pas, pour les chèques cadeaux de fin d’année également du chantage. J’ai eu trois jours de mises à pied pour être parti 12 minutes plutôt le soir et avoir mangé avec mes collègues au coin moquette du restaurant, je n’étais pas le seul à le faire mais le seul avoir la mise à pied (..) combien de fois le chef que ce soit le midi ou le soir partait plutôt même beaucoup plus tôt voire en plein service parce qu’il avait des choses à faire (..) Impossible de prendre la pause repas du midi car ils m’ont donné énormément de choses à faire pendant ce temps-là comme par hasard. (..) Combien de fois elle est venue en cuisine à hurler sur moi pratiquement deux à trois fois par semaine j’étais convoqué à son bureau pour me parler comme si j’étais un chien, elle voulait tout savoir de notre vie personnelle, elle nous donnait aucune motivation sur le travail, bien au contraire, c’était limite d’arriver sur le lieu de travail avec la boulot ventre. J’ai eu de très gros clash avec elle nous étions traqués par les caméras tous les jours avec comme conséquence d’être convoqué une fois de plus, elle tapait comme une folle sur son bureau en criant : « c’est qui la patronne ici ‘ » cela devenait très compliqué de venir travailler quand elle était là ».
Le témoignage de Mme [J] qui déclare : « Nous étions filmés par les caméras de vidéo- surveillance et Mme [N] les utilisait afin de nous surveiller ce qui est interdit par la loi et faire pression sur ses salariés de cette façon est intolérable. Nous devions accomplir les moindres désirs de la direction dès l’instant où elle l’exigeait à la seconde sinon elle mettait en doute nos capacités ou nous humiliait verbalement. Paroles blessantes, moqueries intimidations. J’ai effectué un mois au sein de cet hôtel, suite à cela, j’ai mis fin à ma carrière hôtelière, je souhaite qu’elle ne puisse jamais encadrer une équipe, que cela s’arrête. Elle n’a aucune connaissance hôtelière, aucune pédagogie, aucun esprit hôtelier, aucun respect envers les autres.
Le témoignage de M. [F] qui déclare : je tiens par la présente à vous informer des humiliations que j’ai pu constater et dont j’ai moi-même été victime par Mme [N] directrice du Novotel. En effet Mme [N] avait un management par la peur et l’intimidation.
Le témoignage de Mme [T][O] selon laquelle : « Je suis au regret de vous informer que j’ai subi des pressions, des propos dévalorisants et des remarques désobligeantes de la part de Mme [N] .En effet elle passait la majeure partie de son temps au bureau à regarder les vidéos de la veille afin de nous convoquer si elle considérait qu’on avait pas pris assez de temps pour passer la serpillière ou qu’on avait discuté un peu trop longtemps avec un collègue. Soit les yeux figés sur les caméras dans son bureau à épier nos faits et gestes. Et à chaque fois on se faisait traiter de nuls : « vous ne foutez rien remettez-vous en question vous ne valez pas votre poste, vous me devez tout, c’est un honneur pour vous de travailler ici. C’est moi la directrice de cet hôtel quand je parle on se tait », j’ai vu sortir mes collègues à plusieurs reprises de son bureau, tous en pleurs. Les heures supplémentaires n’étaient ni payées, ni récupérées et si par hasard on arrivait avec cinq minutes de retard, on se faisait convoquer pour explication. Travailler avec cette dame a été un supplice, je peux dire sans risque de me tromper que c’était de la maltraitance. ».
Le témoignage de Mme [X] qui relate : « je travaille à l’hôtel [Localité 6] [Localité 7] depuis mai 2017 avec une coupe de quelques mois en 2018, où je suis partie de moi-même suite à une mise à pied qui pour moi a été injuste. Je suis arrivée à mon poste à 17h, comme d’habitude et là le bazar, donc j’ai ralé, et le chef, M. [N] m’a dit « ta gueule », j’ai été me plaindre à Mme [N] qui m’a hurlé dessus et manqué de respect, le chef n’a rien eu. Tout le temps où la directrice Mme [N] était là je ne me sentais pas bien en arrivant au travail, je ne savais pas de quelle humeur elle allait être. Elle me convoquait pour des bêtises, trouvait toujours le petit truc pour me crier dessus, alors qu’il n’y a rien à dire sur mon travail en général, je gère ma salle et mon service seule. Elle était désagréable et pas humaine. Tous les mois elle me disait que je n’aurais sûrement pas ma prime ratio. Depuis qu’elle n’est plus là tout se passe très bien.
Si ces différents témoignages ont été délivrés dans un premier temps de façon spontanée par le biais de courriers adressés à la direction de la société Novotel, chacun des auteurs de ces témoignages les a ensuite régularisés conformément aux articles 202 du code de procédure civile de sorte que ces témoignages réguliers en la forme seront retenus par la cour. Par ailleurs, le fait que ces témoignages ne soient pas tous rédigés de façon manuscrite n’est pas de nature à amoindrir leur valeur probante.
Il ressort de ces témoignages concordants émanant de plusieurs salariés ayant travaillé sous les ordres de Mme [N] que cette dernière était dénigrante, envers Mme [R] : « je ne servais à rien, j’étais inutile », envers Mme [O] « on se faisait traiter de nuls » , « vous me devez tout, c’est un honneur pour vous de travailler ici. ». Mme [X] énonce s’agissant de Mme [N] « m’a hurlé dessus et manqué de respect. ». Mme [J] fait état de paroles blessantes, moqueries intimidations et d’humiliations verbales. M. [K] [W] dénonce qu’elle lui parlait comme s’il était un chien.
Il résulte aussi de ces témoignages circonstanciés et concordants que Mme [N] exerçait sur les salariés placés sous son autorité, une surveillance au moyen de la vidéosurveillance tel que l’expliquent Mme [T] [O] et Mme Mme [J] et M. [W] qui expliquent que les salariés étaient « traqués » par Mme [N].
Le climat de crainte instaurée par la salariée résulte du témoignage de M. [W] qui décrit : « elle tapait comme une folle sur son bureau en criant : « c’est qui la patronne ici ‘ » et de Mme [T] [O] qui décrit une directrice d’établissement autoritaire en rapportant les propos de cette dernière « C’est moi la directrice de cet hôtel quand je parle on se tait »
M. [F] évoque un management de Mme [N] par la peur et l’intimidation.
La critique par la salariée de ces témoignages en raison du lien de subordination à la société SMH des salariés qui ont témoigné de son comportement fautif à leur égard, n’est pas opérante dans la mesure où il n’est pas contesté que sur 12 salariés et deux stagiaires, huit d’entre eux ont délivré des témoignages circonstanciés et tous concordants sur le manque de respect, les propos blessants, l’instauration d’un climat de crainte et de surveillance généralisée instaurée par Mme [N].
Par ailleurs, le fait que les différents courriers des salariés ayant témoigné soient datés après le licenciement de la salariée n’apparaît pas sujet à critique, dans la mesure où la société explique avoir dans un premier temps, Mme [N] étant en congé, recueilli le témoignage des différents salariés se plaignant du comportement de leur supérieure hiérarchique.
Pour contester la portée de ces témoignages Mme [N] produit aux débats :
Un mail de la grand-mère d’un des stagiaires accueillis à l’hôtel Novotel remerciant Mme [N] et indiquant que son petit-fils s’était beaucoup plus et accordé avec le personnel. Elle confirmer que son petit-fils avait aimé l’établissement que rien ne lui avait manqué.
Le mail de remerciement de Mme [L], stagiaire, faisant état de six mois passés dans le département de la cuisine en relatant une expérience formidable tant sur le plan professionnel, que personnel et soulignant une très bonne intégration et un très bon accueil de toute l’équipe.
Un mail de Mme [P], chef de réception adressé à Mme [N] aux termes duquel elle déclare : « C’est aujourd’hui que je vous ai annoncé mon départ et pour tout vous avouer, j’ai un peu la boule au ventre de vous quitter .Sachez que ce coup de c’ur est partagé. J’ai eu la chance de travailler à vos côtés pendant quatre ans avec des hauts et des bas mais toujours avec votre soutien ! J’ai beaucoup évolué professionnellement que personnellement grâce à vous lors de mon entretien vendredi dernier, je n’ai pas hésité une seule seconde à souligner que je vous adorais et que j’avais beaucoup appris à vos côtés.
La satisfaction de deux stagiaires du temps passé lors d’un stage dans le Novotel dirigé par Mme [N], soit sur une durée limitée, contrairement aux salariés bénéficiant de contrat de travail, leur permettant une valorisation professionnelle, ne peut minimiser la portée des témoignages de salariés ayant eu à travailler parfois des années, avec Mme [N] dans le cadre d’une relation de subordination à long terme.
S’agissant du mail élogieux de Mme [P], même si la société SMH attribue ses remerciements au fait d’une relation privilégiée non établie entre cette dernière et Mme [N], la cour constate qu’il s’agit d’un témoignage isolé faisant état d’une relation empreinte de dépendance entre Mme [P], et la salariée, par l’utilisation des expressions telles que « vous êtes un peu ma maman Novotel » « quelqu’un qui m’a pris sous son aile durant quatre ans, qui m’a protégée et avec qui j’ai beaucoup partagé ».
Mme [N] produit des SMS qu’elle allègue avoir échangé avec Mme [R] au sujet du cancer de cette dernière, et aux termes desquels elle témoigne à la salariée de sa sympathie et lui adresse ses encouragements.
Mme [N] produit des SMS échangés avec une personne prénommée [A] ce dernier lui faisant part de difficultés à être présent pour la semaine suivante en raison d’une varicelle, de même qu’un SMS reçu d’ une personne prénommée [H], faisant part de difficultés d’être présente le lendemain en raison d’un décès, message auquel Mme [N] répond en faisant part de son affection.
Mais,la production par Mme [N] de ces SMS échangés avec trois salariés à l’occasion de difficultés de santé de ces derniers ou d’un décès, ne sauraient dans la mesure où ils se rattachent à des circonstances toute particulières et par définition exceptionnelles, retranscrire le quotidien d’une relation de travail de Mme [N] avec les salariés qu’elle dirigeaient.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le comportement fautif de Mme [N] à l’égard des salariés est pleinement caractérisé sans qu’il soit nécessaire d’examiner les griefs plus amples reprochés, ces seuls faits, avérés, rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise, le jugement sera infirmé en ce qu’il a jugé le licenciement de Mme [N] sans cause réelle et sérieuse et accueilli les réclamations indemnitaires subséquentes de la salariée.
II – Sur le rappel de primes 2018 et 2019
La société critique le jugement qui a retenu que l’avenant régularisé par les parties le 25 juillet 2018 accordait à Mme [N] diverses primes. Elle soutient que le conseil a, à bon droit, débouté Mme [N] de ses demandes au titre de l’exercice 2018 retenant que les montants perçus correspondaient à ceux qui lui étaient dus mais sollicite l’infirmation quant aux primes et bonus 2019, exposant que la salariée n’a pas travaillé durant 4,5 mois en 2019 mais durant 3 mois, de janvier au 5 avril 2019, qu’elle n’a pas perçue une prime 2018 du montant allégué, que les résultats de l’hôtel s’annonçait justement mauvais et que sur le principe, aucune prime ne lui était due puisqu’aucun avenant n’a été signé, Mme [N] n’étant pas restée suffisamment longtemps.
La salariée réplique que l’avenant lui accordait le bénéfice de trois primes distinctes pour l’année 2018 dont une n’a pas été versée et une autre qu’en partie. Elle soutient que l’argumentation confuse de la société SMH, tendant à la différenciation entre EBE, RBE et RBE retraité, ne sera pas prise en compte. Les termes de l’avenant sont clairs : les primes sont calculées sur la base du RBE stricto sensu, et non pas le RBE retraité.
Par ailleurs, s’agissant des primes 2019, Mme [N] explique que son contrat a été rompu le 16 mai 2019, soit une présence de 4,5 mois pour l’année 2019 et qu’en proratisant la prime 2018 aux 4,5 mois de présence en 2019, elle est fondée à obtenir la somme de 15 255,16 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2019.
L’avenant au contrat de travail conclu le 25 juillet 2018 entre la salariée et la société stipule en son article trois, s’agissant de la prime sur le résultat brut d’exploitation ( RBE) que pour l’année 2018 la salariée percevra une prime sur le résultat brut d’exploitation dans les conditions exposées à cet article.
Mme [N] conteste le choix de la société de retenir le RBE Retraité d’un montant de 874 085 euros, moins élevé que le RBE de 1 033 618 euros pour calculer la prime de 2018.
Les termes de l’avenant sont clairs en ce qu’ils prévoient le calcul de la prime sur la base d’un RBE stricto sensu et non pas sur le RBE Retraité. Dès lors, Mme [N] est bien fondée en sa demande de paiement du solde de la prime à hauteur de 12 762,44 euros.
S’agissant du bonus de 10 000 euros, l’avenant au contrat de travail stipule en son article 4 que sous réserve que le résultat brut d’exploitation annuel de la société SMH soit supérieur à 900 000 euros sur la période du 01 janvier 2018 au 31 décembre 2018, la salariée percevra une prime annuelle brute de 10 000 euros.
Le RBE étant pour l’année 2018 de 1 033 618 euros, donc supérieur à la somme de 900 000 euros prévue par l’avenant pour ouvrir droit au bonus de 10 000 euros, force est de constater que les conditions prévues par l’avenant sont réunies et que Mme [N] est bien fondée en sa demande de paiement de la somme de 10 000 euros à titre de bonus.
Il sera donc alloué à Mme [N] la somme totale de 22 762,44 euros au titre de la prime 2018.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
S’agissant de la demande de rappel de primes pour l’année 2019, Mme [N] affirme sans en justifier que le versement de ces primes était un usage constant dans l’entreprise et qu’elle est fondée à en obtenir le paiement. Son contrat de travail ayant été rompu le 16 mai 2019, elle demande la proratisation de la prime 2019 selon son temps de présence dans la société, soit à hauteur de 15 255,16 euros.
La société SMH conteste la durée de présence de la salariée pour l’année 2019 et la base de calcul retenue par la salariée ( prime 2018 ) dont elle a contesté le montant. Elle oppose également qu’aucun avenant n’a été signé pour l’année 2019 et qu’en tout état de cause, Mme [N] n’aurait pas été en mesure d’atteindre des objectifs annuels dans la mesure où elle n’a travaillé en 2019 que 3 mois.
Il résulte de l’avenant au contrat de travail que les différentes primes étaient calculées en fonction d’objectifs révisables chaque année, il s’ensuit que l’employeur était tenu de soumettre la rémunération variable à la fixation d’objectifs.
Toutefois l’avenant au contrat de travail, renvoie pour chacune des primes à des données annuelles sur la période du 01 janvier au 31 décembre et aucune stipulation ne prévoit un règlement au prorata temporis. Malgré l’absence de fixation d’objectifs par l’employeur, en l’absence d’une stipulation conventionnelle en ce sens et faute pour la salariée de démontrer l’existence d’un usage d’un règlement de primes au prorata temporis, l’obligation dont se prévaut Mme [N] à ce titre n’est pas justifiée. En conséquence, cette dernière sera déboutée de sa demande en paiement de primes pour l’année 2019.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
III – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail et la rupture vexatoire
Au soutien de sa demande de 30 000 euros de dommages et intérêts, Mme [N] expose qu’elle a particulièrement mal vécu la rupture de son contrat de travail et les accusations mensongères qui ont été proférées à son encontre par M. [I] qui était de mauvaise foi. Elle indique que l’image que la lettre de licenciement lui donne n’est absolument pas conforme à la réalité et porte une atteinte évidente à sa dignité et sa réputation et que la société SMH n’a pas hésité à la solliciter à plusieurs reprises pendant son arrêt de travail, ce qui est absolument interdit.
La société s’oppose à cette demande, affirmant que Mme [N] ne justifie d’aucune faute de la part de son employeur et en second lieu d’aucun préjudice pouvant justifier d’une telle demande, ni d’aucun chiffrage.
Mme [N] ne justifie pas de circonstances entourant son licenciement qui soient de nature brutale ou vexatoire. Sa mise à pied s’inscrit en effet dans les conséquences normales des griefs qui lui étaient reprochés et le déroulement de la procédure apparaît conforme aux dispositions légales. Par ailleurs, le motif du licenciement, qui a été retenu comme fondé , ne peut être considéré comme infamant.
Mme [N] sera déboutée de cette demande par confirmation du jugement entrepris.
IV – Sur les demandes reconventionnelles de la société
La société sollicite la condamnation, sous astreinte de 150 euros par jour, de Mme [N] à lui remettre son téléphone professionnel et sa carte SIM. Elle soutient avoir découvert que la salariée n’avait pas remis son téléphone lorsqu’elle a reçu des factures de téléphone pour le portable de Mme [N] après la rupture du contrat. L’employeur conteste que le téléphone portable utilisé après le Blackberry ait été son téléphone personnel.
La salariée réplique qu’elle a laissé son ordinateur et son téléphone (le téléphone lui appartenant, seule la carte SIM appartient à la société) au moment de son départ dans son bureau et que la société SMH sait pertinemment que le téléphone qu’elle lui avait fourni, un vieux Blackberry, n’était plus fonctionnel depuis longtemps et qu’elle avait dû faire usage de son téléphone personnel en remplacement.
La société produit aux débats l’attestation de Mme [V], assistante de Direction, ( pièce n° 42 de la société ) qui déclare avoir été témoin que Mme [N] a quitté l’hôtel avec son Bip et le téléphone de l’entreprise qui est un Iphone qui était utilisé à titre personnel par Mme [N] en précisant que ce téléphone remplaçait un vieux Blackberry qui avait disparu depuis.
Cependant, la société ne justifie pas de la remise à la salariée d’un Iphone portable professionnel, en conséquence, elle sera déboutée de sa demande.
Sur la remise des documents sociaux.
La cour accueillant la demande de Mme [N] en rappel de la prime de l’année 2018, il sera enjoint à la société SMH la délivrance à cette dernière d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision.
Par ailleurs, il sera enjoint à Mme [N] la restitution à la société SMH des documents de fin de contrat que la société a été condamnée à lui remettre en première instance, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte non nécessaire à son exécution.
Il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur la demande tendant à condamner Mme [N] à rembourser les sommes payées en exécution du jugement infirmé ; en effet, le présent arrêt infirmatif constitue le titre en vertu duquel ces sommes pourront être recouvrées à défaut de restitution spontanée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Il n’y aura pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront laissés à la charge de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de Montmorency 08 juillet 2020 seulement en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail et rupture vexatoire,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit le licenciement de Mme [N] par la société SMH fondé sur une faute grave,
Déboute Mme [N] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture,
Condamne la société SMH à payer à Mme [N] le somme de 22 762,44 euros bruts au titre de la prime 2018,
Déboute Mme [N] de sa demande de prime pour l’année 2019,
Déboute la société SMH de sa demande de restitution du téléphone portable professionnel,
Enjoint à la société SMH de délivrer à Mme [N] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision.
Enjoint à Mme [N] la restitution à la société SMH des documents de fin de contrat que la société a été condamnée à lui remettre en première instance,
Dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte,
Rappelle que le présent arrêt constitue le titre en vertu duquel Mme [N] est tenue de rembourser à l’employeur les sommes versées par ce dernier en exécution du jugement infirmé.
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d’appel seront laissés à la charge de chacune des parties.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,