Le licenciement pour trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise est un licenciement pour motif personnel non disciplinaire.
Il appartient au juge du fond de vérifier la cause exacte du licenciement, et la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié licencié (Cass. Soc., 1er mars 2011, pourvoi n° 09-69.643) . Embauche de M. [A]M. [S] [A] a été embauché le 1er octobre 2011 par l’association Alpha Santé, maintenant représentée par l’association Groupe SOS Santé, en tant que médecin spécialiste dans le service de gériatrie d’un établissement à [Localité 7]. Il a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sous la convention collective de la FEHAP 51. Licenciement de M. [A]Le 17 octobre 2017, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu le 26 octobre 2017. Par la suite, le 13 novembre 2017, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, en raison de sa mésentente avec la hiérarchie et ses collègues, ce qui aurait gravement pénalisé l’activité du service et de l’hôpital. Fin de préavis et contestationM. [A] a demandé à mettre fin à son préavis pour accepter un autre emploi, ce qui a été accepté par l’association Groupe SOS Santé. Le 10 avril 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Thionville pour contester son licenciement et demander des indemnités. Une radiation a été prononcée le 4 octobre 2018, suivie d’une reprise d’instance en novembre 2019. Jugement du conseil de prud’hommesLe 4 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Metz a jugé la demande de M. [A] recevable mais mal fondée, confirmant la légitimité de son licenciement. M. [A] a été débouté de toutes ses demandes, et l’association Groupe SOS Santé a également été déboutée de sa demande d’indemnité. Appel de M. [A]M. [A] a interjeté appel du jugement le 29 novembre 2022, demandant l’infirmation de la décision et la reconnaissance de son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le versement de dommages et intérêts. Arguments de M. [A]M. [A] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, arguant que les motifs invoqués revêtent un caractère disciplinaire et que les procédures de la convention collective n’ont pas été respectées. Il conteste les accusations d’insubordination et d’opposition, affirmant qu’il n’a jamais fait l’objet de sanctions préalables. Arguments de l’association Groupe SOS SantéL’association Groupe SOS Santé défend que le licenciement de M. [A] est justifié par une mésentente objective avec la hiérarchie et les collègues, sans qu’il y ait eu de faute disciplinaire. Elle souligne que le comportement de M. [A] a perturbé le fonctionnement du service et a conduit à la démission de sa responsable. Décision de la courLa cour a infirmé le jugement du 4 novembre 2022, déclarant le licenciement de M. [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle a condamné l’association Groupe SOS Santé à verser 40 000 euros à M. [A] pour licenciement abusif, ainsi qu’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Remboursement des prestations de chômageLa cour a ordonné le remboursement par l’association Groupe SOS Santé des éventuelles prestations de chômage versées à M. [A] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, à compter de son licenciement jusqu’à la date de l’arrêt. DépensL’association Groupe SOS Santé a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, tandis que sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 a été rejetée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
23 octobre 2024
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N° RG 22/02678 –
N° Portalis DBVS-V-B7G-F3MA
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
04 novembre 2022
22/00323
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt trois octobre deux mille vingt quatre
APPELANT :
M. [S] [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Johann GIUSTINATI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Association GROUPE SOS SANTE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice HENON-HILAIRE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [S] [A] a été embauché à compter du 1er octobre 2011 par l’association Alpha Santé, aux droits de laquelle intervient l’association Groupe SOS Santé, en qualité de médecin spécialiste au sein du service de gériatrie de l’établissement [6] à [Localité 7] en exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés solidaires (dite ‘FEHAP 51″).
Par lettre remise en main propre le 17 octobre 2017, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 26 octobre 2017, auquel il s’est présenté accompagné d’un représentant du personnel.
Par lettre recommandée du 13 novembre 2017, M. [A] a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de sa mésentente avec l’ensemble de la hiérarchie et de ses confrères pénalisant gravement l’activité du service et de l’hôpital.
M. [A] a signifié à son employeur sa volonté de mettre fin à son préavis afin d’occuper un autre emploi le 31 janvier 2018, et sa demande a été acceptée par l’association Groupe SOS Santé.
Par requête enregistrée au greffe le 10 avril 2018, M. [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Thionville en contestant le bien-fondé de son licenciement et en vue d’obtenir des indemnités subséquentes.
Une décision de radiation a été rendue le 4 octobre 2018.
Suite à la demande de reprise d’instance de M. [A] le 29 novembre 2019, la procédure a été transmise à la section encadrement du conseil de prud’hommes de Metz, désignée par ordonnance de la présidente de la cour d’appel de Metz en date du 13 novembre 2019 pour connaître des affaires inscrites au rôle de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Thionville.
Conformément à la demande des deux parties, le retrait de l’affaire du rôle a été ordonné par le conseil de prud’homme de Metz le 18 juin 2021.
M. [A] a transmis des conclusions de reprise d’instance le 18 mai 2022.
Par jugement contradictoire en date du 4 novembre 2022, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Metz a statué comme suit :
« Dit et juge la demande de M. [S] [A] recevable mais mal fondée ;
Dit et juge que le licenciement de M. [S] [A] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Déboute M. [S] [A] de toutes ses demandes ;
Déboute l’association Groupe SOS Santé de sa demande fondée sur dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [A] aux éventuels frais et dépens de l’instance. »
Par déclaration électronique en date du 29 novembre 2022, M. [A] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 15 novembre 2022.
Par ses conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2023, M. [A] demande à la cour de statuer comme suit :
« Recevoir l’appel de M. [A]
Infirmer le jugement du 4 novembre 2022 du conseil de prud’hommes de Metz en ce qu’il a :
– Dit et jugé la demande de M. [A] recevable mais mal fondée ;
– Dit et jugé que le licenciement de M. [A] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– Débouté M. [A] de toutes ses demandes à savoir la condamnation de l’association SOS Santé lui payer la somme de 61 493,18 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [A] aux éventuels frais et dépens de l’instance ;
Statuant à nouveau,
Juger que le licenciement de M. [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamner l’Association Groupe SOS Santé à payer à M. [A] :
– 61 493,18 euros de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ces sommes portant intérêts légaux du jour de l’arrêt.
Condamner l’Association Groupe SOS Santé en tous les dépens d’instance et d’appel. »
M. [A] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car il revêt un caractère disciplinaire, et que les dispositions de la convention collective relatives au pouvoir disciplinaire n’ont pas été respectées.
Il fait valoir en ce sens :
– que ce sont des actes positifs et des abstentions volontaires en lien avec son activité professionnelle qui lui sont reprochés ;
– que la nature de ces actes relève incontestablement d’une faute, et qu’il a été licencié pour insubordination et opposition volontaire ;
– que l’employeur devait respecter les dispositions de la convention collective relatives à l’exercice du pouvoir disciplinaire prévues par l’article 05.03.02 en vertu desquelles aucun licenciement en dehors de la faute grave ne peut être prononcé sans sanction préalable qui constituent une garantie de fond et non de procédure ;
– qu’il n’a en effet jamais fait l’objet d’aucune sanction préalable au cours de son activité professionnelle ;
– que tous les faits reprochés dans la lettre de licenciement antérieurs à la date du 17 août 2017 dont l’employeur aurait eu connaissance ne peuvent plus être invoqués car prescrits ;
– que seule la prétendue attitude d’opposition consistant à boycotter une réunion au mois d’octobre 2017 peut être sanctionnée, mais que ce fait unique ne peut fonder un licenciement disciplinaire.
M. [A] considère que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif:
– que le boycott du 13 octobre 2017 a seulement été envisagé mais non suivi d’effet ;
– que s’agissant du déroulement de la réunion, il n’a fait qu’exprimer son désaccord avec sa direction ;
– qu’aucune injure n’est constatée par l’employeur dans les échanges de courriels entre le salarié et sa direction ;
– que s’agissant de sa contestation des chiffres annoncés par sa hiérarchie sur l’activité du service, il a simplement adressé les données du logiciel d’activités qui indiquaient une progression constante depuis 2013, contrairement à ce qu’a indiqué le directeur de l’association, et n’a fait qu’user de sa liberté d’expression ;
– que pour ce qui est du blocage de la tenue des réunions de CME (commission médicale d’établissement) lors de l’élection du président au mois de décembre 2016, comme d’autres collègues de travail il a refusé de voter à main levée afin de respecter le règlement intérieur qui prévoit un bulletin de vote secret ;
– que s’agissant de son absence lors d’une réunion CME au mois de mai 2016, il a omis de noter la date dans son agenda n’ayant pas été présent lors de précédente réunion et étant surchargé de travail, il a informé le directeur de son absence et a demandé un report de réunion qui a été accepté ;
– que son refus de transfert d’un patient tient au fait que cette admission n’entrait pas dans les missions du service et qu’il n’a refusé aucune admission sur ses six années d’activité à l’hôpital ;
– qu’il n’a fait l’objet d’aucune plainte de la part de patients en six années d’activité et que son attitude n’a jamais déréglé le fonctionnement de l’établissement hospitalier ;
– qu’au contraire son service était en progression de 2013 à 2017 ;
– qu’il a été le seul médecin de l’établissement à soutenir un projet médical de soins palliatifs au sein du service, qui a été transmis à sa hiérarchie et n’a jamais fait l’objet d’un retour ;
– qu’il ne peut lui être reproché de paralyser l’activité et la mise en ‘uvre de nouveaux projets médicaux essentiels au développement de l’activité de l’hôpital,
– qu’aucun témoignage de collègues de travail n’est produit, attestant d’une mésentente au sein de l’hôpital résultant de son comportement et de ses répercussions nuisant au bon fonctionnement du service.
Par ses conclusions transmises le 5 mai 2023 par voie électronique, l’association Groupe SOS Santé sollicite de la cour qu’il soit statué comme suit :
« Confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Metz en ce qu’il a dit et jugé le licenciement de M. [A] bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Metz en ce qu’il a débouté M. [A] de toutes ses demandes et prétentions ;
Au regard des éléments objectifs versés aux débats par l’Association, condamner M. [A] au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 3 000 euros ;
La (le) condamner aux entiers frais et dépens. »
L’association Groupe Sos Santé fait valoir :
– que M. [A] a été licencié pour un motif non disciplinaire, en l’absence de faute de sa part, au regard d’une mésentente établie par des faits objectifs qui lui sont imputables et ayant une incidence sur le bon fonctionnement du service et de l’hôpital ;
– que les éléments caractérisant la mésentente justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse ne sont enfermés dans aucun délai de prescription ;
– que le salarié a à de nombreuses reprises manifesté son désaccord à l’égard de la direction (M. [K]) et de sa responsable de service (docteur [E]) ou de collègues de travail (docteur [N]) et ce depuis 2015, sans jamais modifier son comportement malgré les réactions de sa responsable et de la direction ;
– que le comportement du salarié caractérise une attitude véhémente qui s’est aggravée au mois d’octobre 2017 ;
– que la mésentente résultant du comportement du salarié a perturbé le bon fonctionnement du service et de l’hôpital au point que la responsable hiérarchique de M. [A] a démissionné le 15 octobre 2017 en étant soutenue par le docteur [U] ;
– que cette mésentente ne repose sur aucune faute disciplinaire de M. [A], et qu’aucune procédure disciplinaire n’a d’ailleurs été mise en ‘uvre ;
– que la preuve est partagée en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
– que le salarié ne rapporte pas d’éléments de preuve à l’appui de sa contestation générale sur l’ensemble des griefs précis et objectifs retenus à son encontre ;
– qu’à plusieurs reprises M. [A] a reconnu des désaccords permanents avec sa direction et des divergences de point de vue.
L’ordonnance de clôture a été rendue par le magistrat chargé de la mise en état le 10 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures des celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Selon l’article L. 1232-1 du même code, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie, la réalité des faits ainsi que le sérieux des motifs invoqués par l’employeur, et de décider s’ils constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En application de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du débat (Cass. Soc., 27 février 2001, pourvoi n° 99-40.196 JurisData n° 2001-008373). Il appartient au juge de rechercher, au besoin d’office, si la lettre de licenciement énonce le ou les motifs de licenciement, et de se prononcer sur la qualification des faits pour s’assurer de la législation applicable (licenciement personnel non disciplinaire ou licenciement disciplinaire).
Le licenciement pour motif inhérent à la personne du salarié relève soit du pouvoir disciplinaire, soit du pouvoir de direction de l’employeur.
Le licenciement pour trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise est un licenciement pour motif personnel non disciplinaire.
Il appartient au juge du fond de vérifier la cause exacte du licenciement, et la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié licencié (Cass. Soc., 1er mars 2011, pourvoi n° 09-69.643) .
En l’espèce M. [A] a été employé par l’association Alpha Santé à compter du 1er octobre 2011, à hauteur de 10 demi-journées de travail hebdomadaire, en qualité de médecin généraliste exerçant au sein du centre hospitalier médico-gériatrique [6] à [Localité 7].
L’article 5 de son contrat de travail relatif à l’organisation du service d’affectation prévoit que :
« Le conseil d’administration décide, après consultation de la commission médicale, de la création, de la suppression, de la répartition des différents postes des médecins ou chefs de service en fonction de l’organisation souhaitée de l’établissement et des décisions de l’autorité régionale de santé, en tenant compte des nécessités de service et de la qualification des intéressés.
En cas de changement d’affectation nécessité par les besoins de service, le contractant sera tenu informé dans les meilleurs délais. »
L’article 6 consacré à l’« indépendance professionnelle » précise que le contractant conserve son « entière indépendance professionnelle dans le respect du code de déontologie médicale », et que « le contractant reste par ailleurs soumis à l’autorité de la direction pour toutes questions du ressort de l’administration, de l’organisation et de la direction des établissements d’Alpha Santé. »
Il ressort des données constantes du débat :
– que les relations contractuelles sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif qui prévoit notamment en son article 05.03.2 relatif à la procédure disciplinaire :
« L’observation, l’avertissement et la mise à pied dûment motivés par écrit sont prononcés conformément au règlement intérieur de l’établissement.
Toute sanction encourue par un salarié et non suivie d’une autre dans un délai maximal de 2 ans sera annulée : il n’en sera conservé aucune trace.
Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié, si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins une sanction citée ci-dessus.
Quelle que soit la sanction disciplinaire, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable. »
– qu’au cours de l’exécution de la relation contractuelle, l’employeur n’a à aucun moment exercé son pouvoir disciplinaire à l’encontre de M. [A] avant la procédure de licenciement qu’il a initiée par une lettre remise en mains propres au salarié le 17 octobre 2017 (pièce n° 5 du salarié) de convocation à entretien préalable fixé au 26 octobre 2017 mentionnant que « compte tenu des faits qui se sont déroulés ces derniers temps, nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une éventuelle mesure de licenciement ».
M. [A] a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 13 novembre 2017 dans les termes suivants :
« Nous faisons suite à votre entretien préalable à un éventuel licenciement, pour lequel vous avez été convoqué par lettre remise en mains propres le 17/10/2017 et qui s’est tenu le 26/10/2017.
Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de Monsieur [X] [L], représentant syndical et salarié au sein de notre association.
Nos échanges et vos explications ne nous ont cependant pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés. Par la présente, je vous notifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de votre comportement engendrant une mésentente avec l’ensemble de votre hiérarchie et nombre de vos confrères et pénalisant gravement l’activité du service et de l’hôpital.
En effet, nous avons encore eu récemment à devoir constater à nouveau votre attitude d’opposition systématique, allant jusqu’à « boycotter » une réunion institutionnelle pour des raisons totalement infondées par mail du 13/10/2017.
Cette attitude est d’autant plus dommageable à l’activité du service et de l’Hôpital qu’elle est récurrente, ainsi, au cours de la réunion en date du 11/10/2017, vous avez une nouvelle fois ouvertement contesté les chiffres annoncés par votre hiérarchie sur l’activité du service.
De même, au cours du dernier trimestre 2016, vous avez engendré le blocage de la tenue des réunions de CME en refusant de voter l’élection du Président en décembre 2016, alors même que le point était à l’ordre du jour depuis plusieurs mois ; en mai 2016, vous annonciez que vous ne seriez pas présent à une réunion CRUQPC pour laquelle vous étiez informé quatre mois auparavant’
Or, comme vous le savez, ces commissions sont essentielles pour l’activité d’un Hôpital, de sorte que ce blocage systématique des institutions de notre Hôpital n’est pas acceptable.
Votre comportement a en outre pour conséquence un blocage de l’activité du service : vous avez ainsi régulièrement refusé des transferts de patients sollicités par votre Chef de service, alors même que le taux d’occupation le permettait et qu’il s’agissait de répondre à une demande de votre supérieur s’inscrivant dans le cadre des procédures internes (notamment évènements de mai 2016, de juin 2017′).
Ce comportement récurrent est nuisible à l’organisation du service auquel vous êtes affecté et a des conséquences également sur l’activité de vos collègues et confrères qui nous font régulièrement part de l’impossibilité de collaborer avec vous.
Par ailleurs, votre attitude oblige systématiquement à une intervention de la Direction, paralysant d’autant l’activité du service. Cela n’est pas acceptable.
L’absence d’amélioration de votre comportement mais également de la qualité de vos rapports et de vos échanges avec votre hiérarchie et vos collègues paralysent l’activité et la mise en ‘uvre de nouveaux projets médicaux essentiels au développement de l’activité de l’Hôpital, et plus généralement à sa pérennité.
Ces nombreuses difficultés ci-dessus exposées ne nous permettent pas d’envisager la poursuite de nos relations contractuelles.
Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, votre préavis d’une durée de 6 mois débutera à la date de présentation de la présente. »
A l’appui de sa contestation du bien-fondé de son licenciement, M. [A] soutient que les motifs invoqués à son encontre revêtent un caractère fautif, que l’employeur a par là-même exercé son pouvoir disciplinaire sans respecter les dispositions la convention collective ci-avant rappelées, ni les règles applicables à la prescription de certains griefs anciens de plus de deux mois.
L’employeur rétorque que le motif personnel justifiant le licenciement de M. [A] n’est pas disciplinaire, car résultant de « la mésentente entre le salarié et l’ensemble de sa hiérarchie et ses collègues de travail pénalisant gravement l’activité du service et de l’hôpital ».
La mésentente, qui ressort de l’attitude du salarié ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné (Cass. Soc. 27 février 2007, pourvoi n° 05-42.356 ; Cass. Soc 2 juin 2010, pourvoi n° 08-44.634) tels qu’un comportement agressif permanent du salarié vis-à-vis de l’employeur ou d’autres salariés (Cass. Soc. 1er mars 2011, pourvoi n° 09-69.643).
Au soutien du motif allégué, l’employeur produit parmi ses 21 pièces :
1 – quatre échanges de courriels en 2015 (ses pièces n° 5bis, 6, 6bis et 7), correspondant à :
. des messages entre Mme [N], pharmacienne au sein de l’établissement, et M. [A] entre le 6 et 10 mars 2015, à l’occasion de la transmission par Mme [N] de l’ordre du jour d’une réunion COMEDIMS suivie d’interrogations formulée par le médecin concernant une prescription, et auxquelles la pharmacienne n’a pas su répondu en sollicitant à cette fin un autre interlocuteur (M. [H]) « au secours » par un message qui paraît avoir mis fin aux échanges de Mme [N] avec M. [A] ;
. deux courriels émis le 29 juillet 2015, le premier adressé par les services de l’UDAF 57 à M. [A] à propos des problèmes posés par la prise en charge à domicile d’une patiente hospitalisée au sein du service, et le deuxième concernant l’information donnée par M. [A] à M. [K], directeur de l’hôpital, de la situation sociale inextricable de cette patiente « qui une fois de plus n’avait rien à faire en SSR » après avoir été acceptée « en SSR (soins de suite et de réadaptation) à la demande de la médecine E sur une fausse certitude d’acceptation du dossier EHPAD de [5] » ;
. un courriel adressé le 3 septembre 2015 par Mme [E], médecin chef de service de la filière somatique à laquelle M. [A] était également affecté, au directeur M. [K] ‘ sous couvert du « docteur [U] » – relatif à une réunion COMEDIMS lors de laquelle M. [A] était absent, et qui mentionne :
« J’ai évoqué l’implication nécessaire des médecins et leur obligation de participer aux différentes actions transversales. Dr [A] m’a répondu que seul le directeur pouvait l’obliger à se rendre à ce type de réunion. Devant tant d’immobilisme et de mauvaise foi, je demande votre soutien pour rappeler à chacun ses obligations » ;
. un courriel adressé le 29 septembre 2015 par M. [A] au directeur M. [K] ‘ communiqué à dix autres médecins parmi lesquels Mme [E] ‘ déplorant que les droits d’accès à un logiciel »PMSI Pilot » aient été revus à la baisse, à l’occasion d’une mise à jour, et de ne plus avoir la possibilité d’une « analyse médico-économique de l’établissement », et ajoutant :
« Personnellement je trouve la méthode stalinienne, très efficace pour faire disparaître certaines évidences. Cette restriction eut pu être explicitée aux intéressés jeudi dernier et me semble terriblement antinomique avec une étude de la »qualité au travail » » ;
2 – quatre échanges de courriels en 2016 (ses pièces n° 8, 9, 10 et 11), qui correspondent à :
. une succession de plusieurs messages émis le 20 mai 2016 :
– le premier adressé par Mme [E] à M. [K], directeur, avec pour objet »dr [A] » et mentionnant « je sollicite, une nouvelle fois, votre appui » suite à un refus d’admission provisoire SSR du docteur [A] pour une personne hospitalisée en médecine pour une démence Alzheimer afin de différer son retour à domicile ;
– le second émanant de Mme [Y] affectée au service d’administration de soins, déplorant auprès du directeur M. [K] le « comportement entre médecin » à propos de cette personne hospitalisée ;
– le troisième adressé par M. [K], directeur, à M. [A], médecin, et le remerciant de prendre en considération le contexte social et familial de la patiente et de procéder à son transfert en admission SSR ;
– le quatrième envoyé par Mme [E] à M. [K], directeur, afin de le remercier pour son intervention ;
– le cinquième étant la réponse donnée par M. [A] à la sollicitation d’admission par M. [K], directeur, dans les termes suivants :
« le dossier [F] a été récusé par Dr [D] et moi-même lors de la réunion médecines-SSR le mercredi 18 mai dernier car ne rentrant pas selon notre connaissance du dossier dans les missions d’un SSR spécialisé gériatrique. En contrôle T2A, ce séjour serait retoqué. Je prends note de l’avis opposé du directeur du Kem qui s’impose à nous. Pour ma part, j’en tirerai les conséquences sur la base d’une contrainte, en opposition avec l’article 5 du code de déontologie médicale et sa traduction dans le code de santé publique R.4127-5 »,
– le cinquième mettant fin à ces échanges, adressé par M. [K] à M. [A] dans les termes suivants :
« Je vous remercie de l’attention portée à ma demande, et surtout celle du patient et de sa famille.
D’autre part, si le poste de médecin salarié vous est trop contraignante (sic), je vous invite également à en tirer conséquences.
Cordialement et bon week-end ».
. des messages dont Mme [N], pharmacienne, est à l’initiative le 19 septembre 2016 en ayant demandé à sept médecins parmi lesquels M. [A] de ne plus effacer de leur propre chef les ‘mémos’ qui leur étaient adressés par son service, M. [A] ayant répondu à cette demande en expliquant les raisons qui le conduisaient ainsi que plusieurs autres médecins à agir, tout en précisant « il n’y a pas de mauvaise volonté de notre part », et Mme [N] ayant mis fin aux échanges dans les termes suivants : « ce sera mon dernier mail, n’ayant ni le temps, ni l’envie de polémiquer » ;
. un courriel de M. [A] adressé le 17 novembre 2016 à Mme [O], responsable qualité, en réaction à la communication par celle-ci de données statistiques relatives à l’évaluation de la qualité et la sécurité des soins, le médecin s’étonnant « des mauvais scores du SSR » en faisant part de ses observations sur certains chiffres ;
. un courriel adressé le 28 décembre 2016 par Mme [E] à M. [Z] (responsabilité ignorée) sous couvert de MM [K] et [U], rédigé au nom de Mme [E] mais aussi de M. [U], ayant pour objet »entreprise de déstabilisation au Kem », qui évoque des courriels envoyés par « les docteurs [A], [W] et [V] [C], » et que « certains de nos confrères ont eu, en effet, une attitude déplorable et inadmissible vis-à-vis de la direction en remettant en cause les chiffres annoncés par M. [K] », puis mentionne qu’en l’absence de président de CME (Commission Médicale d’Etablissement) depuis plusieurs mois les projets médicaux sont bloqués et « nous demandons votre soutien et appui pour faire cesser cette situation qui nuit gravement à la bonne marche de l’hôpital et qui dégrade les relations humaines au sein de notre établissement. Si cet état de crise devait se prolonger nous nous interrogerons sur la poursuite de notre collaboration dans notre hôpital. » ;
3 – plusieurs courriels émis en 2017 (ses pièces n° 12 à 19), qui correspondent à :
. des échanges entre les docteurs [A] et [E], sous couvert de M. [K], suite à des propos tenus par le médecin chef de service le 31 janvier 2017 en présence de M. [Z] relatifs à la déontologie de M. [A], et dont il ressort que Mme [E] n’a répondu à la demande d’explications de M. [A] sur »un dossier » le concernant en possession du directeur qu’après relance de M. [K] ;
. des échanges entre M. [A] et Mme [N] relatifs au compte rendu du COMEDIMS dont le contenu est purement professionnel ;
. une succession d’échanges du 13 au 16 juin 2017 entre le docteur [A] relatifs aux missions du SSR, le docteur [E], et le directeur M. [K], après sollicitation de celui-ci par Mme [E] le 8 juin 2017 par message – également transmis à M. [U] et M. [Z] – suite à l’émission par M. [A] le 8 juin 2017 d’une FEI (fiche d’évènement indésirable) concernant l’admission le même jour au sein du SSR d’un patient en raison des vacances de l’aidante principale, puis la rédaction le 12 juin 2017 par Mme [E] d’un courriel réagissant à cette FEI en indiquant à M. [A] qu’elle n’avait « pas lieu d’être » au regard d’une admission du patient « discutée le 14 juin dernier, lors de la réunion hebdomadaire médecine/Ssr, réunion à laquelle tu n’as pas assisté. Je te rappelle que cette réunion est obligatoire’ », auquel M. [A] a répondu en indiquant notamment que son absence n’était pas de son fait mais due à des rendez-vous fixés à des horaires inadaptés ;
. un courriel du 13 octobre 2017 rédigé par M. [A] et établi également au nom des docteurs [T], et [W] et adressé à Mme [E], ayant pour objet »réunions médecines SSR », et mentionnant :
« les conditions dans lesquels s’est déroulée la dernière réunion médecines-SSR le 11 octobre avec des attaques de la part d’un médecin chef mettant en cause une fois de plus et directement ses collègues, en présence de multiples personnes que cela ne regardait nullement, nous amène nous-co-signataire de ce mail- à boycotter cette réunion du mercredi jusqu’à nouvel ordre, sauf à en revoir les conditions, le contenu et les objectifs. Cordialement, Dr [T], Dr [A], Dr [W] » ;
. un courriel rédigé deux heures après celui de M. [A] le vendredi 13 octobre 2017 par Mme [E] à l’attention de M. [K], mais également adressé à M. [U], Mme [Y], et M. [Z], ayant pour objet »réunions médecines SSR », faisant part de son intention de démissionner de sa fonction de chef de service et qui indique notamment :
« Une bonne fois pour toutes, je souhaite que ces donneurs de leçons, irrespectueux de leur hiérarchie tant médicale qu’administrative, ces pleutres aux horaires élastiques soient mis au pas. Dr [M] qui n’était pas présent à cette réunion est curieusement signataire de ce mail. Je ne peux plus supporter qu’ils mettent impunément en danger la pérennité de l’établissement dans lequel je m’investis depuis plus de 15 ans. » [‘] ;.
Ces documents révèlent certes de difficultés ponctuelles rencontrées par Mme [E], médecin chef du service SSR dans l’exercice de ses fonctions durant plusieurs années, mais montrent que celles-ci ont concerné ses relations avec plusieurs de ses confrères parmi lesquels le docteur [A] ‘ seul le docteur [U] (ancien président démissionnaire du CME ‘ pièce n° 19 de l’employeur) ayant manifesté son soutien à la médecin chef de service, et que Mme [E] a sollicité à plusieurs reprises l’intervention du directeur de la structure pour obtenir son soutien et mettre ainsi fin à ces difficultés, en l’incitant même à faire usage de son pouvoir disciplinaire.
La cour relève que la lettre de licenciement liste des reproches faits à M. [A] en lui imputant la responsabilité de toutes les difficultés rencontrées par la chef de service Mme [E], en usant des formules suivantes : « attitude d’opposition systématique, allant jusqu’à « boycotter » une réunion institutionnelle pour des raisons totalement infondées par mail du 13/10/2017 », lors d’une « réunion en date du 11/10/2017, vous avez une nouvelle fois ouvertement contesté les chiffres annoncés par votre hiérarchie sur l’activité du service », d’avoir « engendré le blocage de la tenue des réunions de CME en refusant de voter l’élection du Président en décembre 2016, alors même que le point était à l’ordre du jour depuis plusieurs mois », et d’avoir adopté un comportement ayant « en outre pour conséquence un blocage de l’activité du service : vous avez ainsi régulièrement refusé des transferts de patients sollicités par votre Chef de service, alors même que le taux d’occupation le permettait et qu’il s’agissait de répondre à une demande de votre supérieur s’inscrivant dans le cadre des procédures internes (notamment évènements de mai 2016, de juin 2017’) », et d’avoir une attitude qui « oblige systématiquement à une intervention de la Direction, paralysant d’autant l’activité du service. Cela n’est pas acceptable ».
Le caractère fautif des illustrations données par l’employeur au comportement caractérisant la « mésentente (de M. [A]) avec l’ensemble de votre hiérarchie et nombre de vos confrères et pénalisant gravement l’activité du service et de l’hôpital », ressort également clairement :
– du compte rendu de l’entretien préalable rédigé par le représentant de l’employeur, M. [K] directeur (sa pièce n° 4), qui transcrit les propos qu’il a lui-même tenus à cette occasion en mentionnant : « opposition systématique entre [S] [A] et le directeur sur les chiffres et les actions menées » [‘]« [S] [A] est salarié de l’établissement et doit respecter l’organisation, la hiérarchie mises en place » [‘] « Les positions de Dr [A] et sa posture de contestation permanente vis-à-vis de sa hiérarchie et de sa direction sont des choix que Dr [A] doit assumer et qui peuvent exprimer un mal-être qui ne peut plus durer » [‘] « Cette situation démontre une fois de plus le dénigrement et l’insubordination de [S] [A] à l’égard de sa hiérarchie et de sa direction. [S] [A] est salarié qui ne peut refuser et boycotter une réunion de travail. » ;
– du courriel de Mme [E] ci-avant évoqué (sa pièce n° 18) adressé au directeur M. [K] le vendredi 13 octobre 2017 en début de soirée afin de l’informer de son intention de démissionner et qui formule notamment son souhait que les « donneurs de leçons » soient « mis au pas » en ajoutant :
« Avec le respect que je vous dois et l’amitié que je vous porte, je pense que malheureusement, dr [A] qui dispose de ses chiffres et qui ne se sent pas responsable selon ses termes, n’a tiré aucun enseignement de votre intervention mercredi dernier. ».
– du courriel de Mme [E] afin de confirmer sa démission (sa pièce n° 19), adressé au directeur de l’établissement M. [K] le dimanche 15 octobre 2017, soit deux jours avant la convocation remise en mains propres à M. [A] à l’entretien préalable à licenciement, qui évoque :
« Depuis plusieurs mois, nous connaissons de grandes difficultés et de dures attaques de la part de certains de nos confrères.
Je ne vous rappelle pas les circonstances qui ont poussé Dr [U] à démissionner de la présidence de la CME, ni les différents messages d’appels au secours envoyés par mail. Ces derniers ont été entendus, M. [Z] est intervenu à 2 reprises.
[..]
Je me sens bien seule dans ma mission, face à trois médecins qui se permettent de discuter les chiffres d’activité de l’administration, qui insultent leur directeur en disant que ses décisions sont staliniennes, qui manquent de respect envers leur chef de service en réalisant des FEI, qui ont des horaires de travail de faible amplitude’ Je m’arrête là. Je n’en peux plus.
Je ne peux poursuivre dans ces conditions et vous remets dans un premier temps ma démission de la chefferie de service. Je m’interroge également sur le fait de continuer au sein du KEM. »
Il ne ressort pas de ces éléments que c’est le comportement de M. [A] qui est à l’origine d’une mésentente avec l’ensemble de sa hiérarchie et avec ses collègues pénalisant gravement l’activité du service et de l’hôpital, ni que ce comportement caractérise un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise.
Il en résulte en revanche que l’employeur entendait en réalité sanctionner une attitude fautive de M. [A] en lui reprochant une opposition ouverte à l’encontre de sa hiérarchie tant administrative que médicale, ainsi qu’à l’encontre de plusieurs autres collègues de travail.
En l’état des données du débat, étant rappelé que le salarié n’avait jusqu’à la procédure de licenciement été destinataire d’aucune sanction, il ne peut être valablement reproché à M. [A] des manquements fautifs à ses obligations professionnelles, de surcroît commis dans les limites du délai de prescription de deux mois avant sa convocation à entretien préalable, et ce à l’appui de la cause réelle et sérieuse de licenciement.
En effet le seul fait datant de moins de deux mois ‘ soit un courriel du 13 octobre 2017 rédigé par M. [A] adressé à sa hiérachie également au nom de deux autres médecins ‘ ne peut à lui seul caractériser le comportement fautif qui lui a été reproché par l’employeur.
En conséquence, la cour déclare le licenciement de M. [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement querellé est infirmé en ce sens.
L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
Le salarié qui est licencié abusivement subit nécessairement un préjudice dont le juge apprécie l’étendue que le salarié n’est pas tenu de prouver pour obtenir indemnisation.
En l’espèce, M. [A], qui comptait six années d’ancienneté complètes au moment de la rupture des relations contractuelles, est en droit d’obtenir une indemnité comprise entre un montant minimum de 3 mois et maximum de 7 mois de salaire. Il réclame une somme de 61 493,18 euros correspondant au montant maximum auquel il peut prétendre.
Au regard de l’âge de l’appelant au moment de la rupture (57 ans), de son salaire mensuel brut (8 784,74 euros brut), et étant observé qu’il a mis fin à son préavis de six mois afin de se consacrer à un nouvel emploi, il convient de lui allouer la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur le remboursement des prestations France travail
Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’association Groupe SOS Santé des éventuelles prestations de chômage versées par l’organisme France Travail (anciennement Pôle emploi) à M. [A] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage du jour du licenciement au jour du présent arrêt.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement de première instance relatives aux dépens sont infirmées.
L’association Groupe SOS Santé succombant à l’instance, est condamnée à payer la somme de 3 000 euros à M. [A] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa demande à ce titre est rejetée.
L’association Groupe SOS Santé est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La cour,
Infirme le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Metz;
Statuant à nouveau
Déclare le licenciement de M. [S] [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’association Groupe SOS Santé à payer à M. [S] [A] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne l’association Groupe SOS Santé à payer à M. [S] [A] la somme de
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne d’office le remboursement par l’association Groupe SOS Santé des éventuelles prestations de chômage versées par l’organisme France Travail (anciennement Pôle emploi) à M. [S] [A] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage du jour du licenciement au jour du présent arrêt ;
Rejette les prétentions de l’association Groupe SOS Santé au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’association Groupe SOS Santé aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente