Le droit de rétention du créancier

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Le droit de rétention du créancier

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L’obligation déclarative du tiers saisi naît de la saisie elle-même et si l’article 2286 du code civil permet notamment à « celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer» de se prévaloir d’un droit de rétention sur cette chose, il appartient à ce tiers d’en faire la déclaration « au moment de la saisie » ou « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » adressée à l’huissier, comme en dispose l’article R 221-29 du code des procédures civiles d’exécution.


 

 

 

République française
Au nom du peuple français

 

COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
 
Code nac : 78F
16e chambre
 
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 JANVIER 2023
N° RG 22/04648 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VKCK
 
AFFAIRE :
 
S.A.S.U MOTORSPORT TECHNOLOGY
 
C/
 
S.C.I. SCF
 
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2022 par le Juge de l’exécution de VERSAILLES
N° RG : 22/01839
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.01.2023
à :
Me Valérie YON de la SCP GAZAGNE & YON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U MOTORSPORT TECHNOLOGY (MTECH)
N° Siret : 829 785 773 (RCS Versailles)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Valérie YON de la SCP GAZAGNE & YON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511 – N° du dossier 2210153 Représentant : Me Jean-christophe NEIDHART, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2220
APPELANTE
****************
S.C.I. SCF
N° Siret : 494 439 458 (RCS Versailles)
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Céline BORREL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122 – Représentant : Me Sabrina ARIBI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0551
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Décembre 2022, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
Par acte sous seing privé du 30 juin 2017, la société Pariss et la société Motorsport Technonogies (exerçant une activité dans le domaine du véhicule automobile électrique sous le nom commercial M’Tech) ont conclu un contrat de prestation de services portant notamment sur l’achèvement de la réalisation d’un prototype P2, la conduite des travaux de conception et de développement d’un prototype P3 et l’assistance dans la transition du prototype P2 vers le prototype P3.
 
Agissant en vertu d’une ordonnance de référé rendue le 05 mars 2021 par le président du tribunal judiciaire de Versailles, la société civile immobilière SCF (ci-après SCI SCF) a fait signifier :
 
à la SAS Pariss, le 31 janvier 2022, un commandement aux fins de saisie vente pour avoir paiement de la somme totale de 48.203,08 euros,
une sommation interpellative, le 15 février 2022, à la société Motorsport Technology, à laquelle son représentant légal répond en décrivant les deux prototypes appartenant à la SAS Pariss qui lui doit encore environ 800.000 euros et mentionne : « Nous pratiquons une rétention jusqu’au parfait règlement. »
puis fait dresser un procès-verbal de saisie-vente du même jour entre les mains de la société Motorsport Technology portant sur les deux prototypes ci-dessus décrits.
 
Ce procès-verbal a été signifié à la société Motorsport Technologies le 15 février 2022 et, par acte du 15 mars 2022, cette dernière a assigné la SCI SCF et la société Pariss devant le juge de l’exécution aux fins de contestation de cette mesure d’exécution.
 
Par jugement réputé contradictoire (la société Pariss n’ayant pas constitué avocat) rendu le 24 juin 2022 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles rappelant que sa décision bénéfice de plein droit de l’exécution provisoire, a :
 
débouté la SAS Motorsport Technology de l’ensemble de ses demandes,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
 
condamné la SAS Motorsport Technology aux dépens et à payer à la SCI SCF la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Par dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 04 octobre 2022, la société par actions simplifiée Motorsport Technology (exerçant sous le nom commercial M’Tech), appelante de ce jugement, selon déclaration reçue au greffe le 13 juillet 2022, ceci à l’encontre de la seule SCI SCF, demande à la cour, au visa des articles 1612 et 2286 du code civil, R.221-29 et R.221-40 et suivants du code des procédures civiles d’exécution et des pièces communiquées :
de (la) recevoir en son appel et la disant bien fondée,
d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 juin 2022,
de juger que le délai de contestation ouvert au créancier a légalement couru à compter de la sommation interpellative du 15 février 2022 dressé dans le même temps que le PV de saisie vente et que faute de réponse ou d’action du créancier poursuivant dans le délai d’un mois expirant le 15 mars 2022, la SCI SCF était forclose pour contester le droit de rétention qui lui était opposé, l’instance engagée par la société MTECH ne lui ouvrant pas de nouveau délai à cette fin, alors que le juge de l’exécution devait statuer uniquement sur la mainlevée partielle de la saisie vente,
de juger que la société MTECH est recevable à exercer un droit de rétention lui permettant de s’opposer à la saisie vente des biens décrits dans le PV du 15 février 2022,
 
En conséquence
 
d’ordonner la mainlevée partielle de la saisie vente du 15 mars 2022 en ce qu’elle porte sur le prototype de course électrique roulant de couleur grise fabriqué à la demande de la SAS Pariss sur lequel (elle) exerce son droit de rétention,
de débouter la SCI SCF de ses moyens et conclusions,
 
de condamner la SCI SCF aux entiers dépens de l’instance sur le fondement des articles 695 et 696 du code de procédure civile (et) à payer à la société MTECH la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 14 octobre 2022, la société civile immobilière SCF, visant les articles R221-21 à R221-44 du code des procédures civiles d’exécution,1612 et 2286 du code civil et les pièces versées aux débats, prie la cour :
de (la) recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions et de la déclarer bien fondée,
de débouter la SAS Motorsport Technology de toutes ses demandes, fins et conclusions,
en conséquence
de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SAS Motorsport Technology de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile et aux dépens de première instance,
de réformer le jugement en ce qu’il a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
y ajoutant,
de condamner la SAS Motorsport Technology à payer à la SCI SCF, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
de condamner la SAS Motorsport Technology à payer à la SCI SCF, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (et) la même aux entiers dépens, conformément à l’article 699 du cpc.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022 à 10 heures.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
Sur la procédure
 
Il y a lieu de constater que la société Motorsport Technology a transmis au greffe, par voie électronique, le 22 novembre 2022 à 10h01 des « conclusions récapitulatives » alors que la clôture de l’instruction de la présente affaire était fixée ce même jour à 10h.
 
C’est à juste titre et conformément aux dispositions de l’article 802 du code de procédure civile que la SCI SCF, par message électronique du 22 novembre 2022 (à 14h33) dont elle a réitéré les termes le 1er décembre suivant, en demande à la cour le rejet, observant que l’appelante a omis de solliciter concomitamment le report de la clôture et en se prévalant du fait qu’elle avait conclu le 14 octobre 2022 et n’a pu, à nouveau, organiser utilement sa défense.
 
Seules seront, par conséquent, retenues les conclusions de l’appelante notifiées le 04 octobre 2022.
 
Par ailleurs, il convient d’observer qu’en dépit des énonciations liminaires du jugement entrepris relatives à la formulation du dispositif, la société appelante inclut dans le dispositif de ses dernières conclusions d’appel une reprise de moyens, alors qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est saisie que des prétentions qui y sont formulées.
Sur le droit de rétention opposé par le tiers au créancier saisissant
 
Sur la recevabilité de la contestation par le créancier
 
Evoquant les dispositions de l’article R 221-29 du code des procédure civiles d’exécution selon lequel
 
‘Si le tiers se prévaut d’un droit de rétention sur le bien saisi, il en informe l’huissier de justice par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à moins qu’il n’en ait fait la déclaration au moment de la saisie.
Dans le délai d’un mois, le créancier saisissant peut contester le droit de rétention devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le tiers. Le bien demeure indisponible durant l’instance.
 
A défaut de contestation dans le délai d’un mois, la prétention du tiers est réputée fondée pour les besoins de la saisie’,
 
la société Motorsport Technology appelante qui a initié, et non point la SCI créancière saisissante, la présente action, reproche au juge de l’exécution d’avoir interprété de manière erronée les pièces qu’elle soumettait à son appréciation.
L’appelante lui fait plus précisément grief de n’avoir tenu compte que du procès-verbal de saisie du 15 février 2022 et de l’absence de déclaration, au moment de la saisie, du droit de rétention qu’elle revendique et d’avoir, en outre, jugé qu’elle n’a pas informé l’huissier de justice de son intention de s’en prévaloir par pli recommandé en retenant que n’était produite que la copie d’une lettre non datée adressée à l’huissier de justice, ceci pour conclure qu’elle n’a pas respecté les prescriptions de l’article précité et que n’a donc pas couru le délai d’un mois prévu à l’article R 221-29 précité dans lequel est enfermée la faculté de contestation du créancier saisissant.
Au soutien de son appel, elle se prévaut de sa réponse en ce sens à la sommation interpellative concomitante en estimant que ces deux actes ne sont pas détachables, ainsi que de courriels postérieurs adressés à l’huissier sur ce point et entend en justifier.
Elle en déduit que le délai de contestation d’un mois ouvert au créancier a couru à compter du 15 février 2022, que passé ce délai la SCI SCF est forclose en sa contestation du droit de rétention qui lui était opposé, l’instance engagée ne lui ouvrant pas de nouveau délai à cette fin, et que la cour doit ordonner la mainlevée partielle de la saisie-vente litigieuse en ce qu’elle porte sur le prototype de course électrique roulant de couleur grise fabriqué à la demande de la société Pariss sur lequel elle exerce valablement un droit de rétention.
 
En réplique, la SCI SCF fait valoir que lors de la sommation interpellative les opérations de saisie n’étaient pas en cours, que pour répondre aux prescriptions de l’article R 221-29 précité, le tiers saisi qui entend opposer son droit de rétention au créancier saisissant doit en respecter le formalisme et par conséquent s’en prévaloir soit par déclaration à l’huissier instrumentaire au moment de la saisie soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
A défaut, au cas particulier, de telles déclaration ou information régulière, puisqu’il n’est produit qu’un courriel à l’huissier, elle estime qu’à juste titre le premier juge a considéré que le délai de contestation d’un mois qui lui était imparti n’a pas couru.
Ceci étant exposé, il convient de considérer que l’obligation déclarative du tiers saisi naît de la saisie elle-même et si l’article 2286 du code civil permet notamment à « celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer» de se prévaloir d’un droit de rétention sur cette chose, il appartient à ce tiers d’en faire la déclaration « au moment de la saisie » ou « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » adressée à l’huissier, comme en dispose l’article R 221-29 du code des procédures civiles d’exécution.
La société Motorsport Technology ne peut se prévaloir, comme elle le fait, d’une déclaration recueillie antérieurement à la saisie par un acte distinct, alors que son obligation déclarative n’avait pas encore pris naissance ou de déclarations postérieures qui ne respectaient pas le formalisme requis, pourtant rappelé dans l’acte de saisie.
Ainsi, faute d’avoir régulièrement informé l’huissier sur ses intentions, dans le cadre particulier de la saisie en cause, concernant le droit de rétention qu’elle revendique judiciairement, la société Motorsport Technology ne saurait valablement opposer à la SCI SCF, créancière saisissante, un moyen d’irrecevabilité tiré du caractère tardif de sa contestation.
L’appelante le peut d’autant moins qu’alors qu’il appartient au tiers saisi de faire une déclaration exacte, complète et sincère, elle oppose à la défense au fond de son adversaire, dans le seul cadre de la présente procédure, outre ce droit de rétention non régulièrement formulé, la titularité de droits de
propriété
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intellectuelle
et industrielle sur les biens objets de la saisie-vente.
Le jugement doit, par conséquent, être approuvé en ce qu’il rejette ce moyen d’irrecevabilité.
 
Sur le bien fondé de la contestation du droit de rétention par le saisissant
 
La société Motorsport Technology conteste également la décision entreprise qui lui dénie un droit de rétention sur le prototype de course électrique roulant de couleur grise fabriqué à la demande de la société Pariss au motif qu’elle ne démontre pas que sont satisfaites les conditions permettant la reconnaissance de la titularité d’un droit de rétention, s’agissant de la détention légitime d’une chose, de la titularité d’une créance certaine et exigible et enfin de l’existence d’un lien de connexité entre la détention et la créance.
 
L’appelante fait valoir qu’à tort le premier juge n’a pas retenu ce lien de connexité et a considéré qu’elle n’était pas titulaire d’une créance certaine et exigible dans la mesure où elle justifie du contrat de prestation de services du 30 juin 2017 qui la lie à la société Pariss, d’un décompte des sommes dues et impayées et du détail des factures qu’elle produit, auxquels elle ajoute en cause d’appel une attestation de son expert-comptable, la société Cap Synergie à laquelle est annexé un extrait du compte de la société Pariss au bilan, affirmant en outre que le fait qu’elle ne se soit jamais séparée des deux prototypes qu’elle retient établit « un lien de causalité suffisant entre le contrat et les factures ».
La SCI SCF rétorque que n’est nullement établi le caractère certain, liquide et exigible de la créance prétendue de 864.089,41 euros par la production des factures émises, dont l’ancienneté « interroge ».
 
Elle observe, à cet égard, que l’appelante ne communique pas ses documents comptables portant sur les exercices clos et précédents (Grand livre clients, liasses fiscales) ; qu’en outre, l’exercice accompagnant l’attestation de l’expert-comptable (soit des factures couvrant la période du 30 juin 2019 au 30 juin 2021 pour un solde débiteur de 864.089,41 euros) inclut des factures du 30 juin 2021 correspondant aux factures émises du 03 juillet 2018 au 29 mars 2019 et qu’il vient en contradiction avec le compte produit devant le juge de l’exécution (soit des factures sur la période du 03 juillet 2018 au 30 juin 2019 pour un solde débiteur de 864.089,41 euros).
 
Elle se prévaut, de plus, de délais de paiement abusivement consentis à la société Pariss eu égard à l’ancienneté des factures (dont le dernier règlement date du 30 juin 2019) alors que le contrat du 30 juin 2017 prévoyait leur règlement à 60 jours et tire argument du défaut de documents relatifs au respect des délais de paiement imposé aux professionnels par l’article L 441-16 du code de commerce, susceptible, selon elle, d’expliquer l’actualisation comptable de la créance de la société Motorsport Technology à l’encontre de la société Pariss et de faire douter de la réalité de la créance.
 
Elle estime enfin que ce dépassement des délais légaux de paiement est préjudiciable aux créanciers de la société Pariss, en ce qu’ils créent une apparence de solvabilité et rend vaine toute poursuite d’un créancier
Ceci étant exposé, s’il est vrai que le droit de rétention s’analyse en un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette, et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue, encore faut-il que le détenteur démontre qu’il est légitimement fondé à revendiquer ce droit.
 
En l’espèce, la société Motorsport Technology peut se prévaloir d’un lien de connexité juridique entre le le prototype quelle entend retenir et la créance dont elle se prévaut dès lors qu’elle justifie du contrat de prestation de services qui la lie à la société Pariss, débitrice de la SCI SCF.
Il ressort toutefois des éléments de la procédure que la société Motorsport Technology qui s’est abstenue d’interjeter appel à l’encontre de la société Pariss et qui s’abstient de répondre à l’argumentation de la SCI SCF ne peut lui opposer l’exercice légitime de son droit de rétention.
 
Certes, les incohérences que relève cette dernière quant à la créance à l’égard de la société Pariss ne permettent pas à la cour, eu égard aux documents comptables produits, de conclure à l’absence de certitude de cette créance.
Tout au plus la conduisent-elles à s’interroger sur son quantum mais cet élément n’affecte pas le droit de rétention qui, dans les rapports du créancier rétenteur avec son débiteur, peut être exercé sans abus jusqu’à complet paiement, la créance pouvant, quant à elle, être rendue liquide par une décision de justice prononcée au bénéfice du rétenteur.
 
Il n’en va pas de même de la condition d’exigibilité de la créance, par ailleurs requise, dans la mesure où l’exercice du droit de rétention, manifestation de l’intention de nuire au débiteur en ce qu’elle est destinée à provoquer sa gêne ou à lui causer un préjudice, se justifie par sa finalité, à savoir l’inciter au paiement de sa dette.
Force est en l’espèce de constater que la société Motorsport Technology, qui se présente comme créancière d’une somme non négligeable depuis plus de trois ans, ne verse aux débats ni même n’invoque une quelconque mise en demeure de la société Pariss destinée à obtenir le règlement de factures contractuellement payables à 60 jours, voire d’une procédure de recouvrement ou de mesures conservatoires à son encontre ou encore d’une action en résiliation du contrat fondée sur un manquement de la société Pariss à ses obligations contractuelles.
 
Tenue à l’égard du tiers saisissant d’une obligation de déclaration exacte, complète et sincère, comme il a été dit, elle ne peut de bonne foi lui opposer l’exercice du moyen de pression sur sa débitrice qu’est le droit de rétention sans s’expliquer sur les délais de paiement qu’elle lui accorde depuis plus de trois ans ou sans justifier de quelconques diligences tendant à assurer le recouvrement de sa créance ou bien à la recouvrer.
 
Elle se devait de lever l’opacité de la relation contractuelle sur ce point dénoncée par la SCI SCF.
 
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la société Motorsport Technology de sa demande de mainlevée partielle de la saisie vente du 15 mars 2022 en ce qu’elle porte sur le prototype de course électrique roulant de couleur grise fabriqué à la demande de la société Pariss sur lequel elle ne fait que revendiquer l’exercice d’un droit de rétention.
Sur la demande indemnitaire de la SCI SCF
Alors que le tribunal a rejeté sa demande «en l’absence de fondement», la SCI SCF la reprend en faisant valoir que « (son) préjudice à raison du soutien abusif de la société M’Tech à la société Pariss ne pourra qu’être réparé par l’allocation d’une somme de 5.000 euros ».
En dépit de l’absence de réponse sur ce point de la société Motorsport Technology appelante, il y a lieu de considérer que la seule faute incriminée consiste en des faits de soutien abusif, alors que l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire qui circonscrit le pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution (la cour présentement saisie statuant avec les mêmes pouvoirs) limite ses attributions à la condamnation à des dommages-intérêts fondée sur l’exécution ou l’inexécution dommageable de la mesure.
Faute de se prévaloir d’un tel manquement, la SCI SCF doit se voir opposer une fin de non-recevoir. Le jugement qui la « déboute » de sa demande sera infirmé en ce sens.
Sur les autres demandes
L’équité conduit à condamner la société Motorsport Technology à verser à la SCI SCF une somme complémentaire de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de ce dernier chef, l’appelante qui succombe supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
Déclare irrecevables les conclusions transmises au greffe par la société Motorsport Technology le 22 novembre 2022 à 10h 01 ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il « déboute » la SCI SCF de sa demande indemnitaire et, statuant à nouveau en y ajoutant ;
Déclare la SCI SCF irrecevable en sa demande indemnitaire fondée sur des faits de soutien abusif ;
Condamne la société Motorsport Technology à verser à la SCI SCF une somme complémentaire de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,

 


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