Le dirigeant d’une société peut se prévaloir de la disproportion de son cautionnement

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Le dirigeant d’une société peut se prévaloir de la disproportion de son cautionnement

Il ressort de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L 332-1, entré en vigueur antérieurement aux cautionnement litigieux, que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.

Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.

La banque n’a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.

Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Par ailleurs, il appartient à la caution d’établir la preuve de la disproportion. Or, les éléments peu clairs de la fiche de renseignements ne sont corroborés par aucun autre élément, et ne permettent pas de caractériser un engagement de caution manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au moment de sa souscription.

Résumé de l’affaire :

Contexte du contrat de crédit-bail

La société STAR LEASE a signé un contrat de crédit-bail avec la société PIZZA RAPIDO le 5 juin 2014, portant sur divers équipements pour un montant total de 33.989,29 euros HT. Le contrat stipulait une période irrévocable de 60 mois avec des paiements mensuels de 624,01 euros HT. Le matériel a été réceptionné par PIZZA RAPIDO, et deux personnes, Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y], se sont portées caution solidaire pour le montant total du contrat.

Défaillance de PIZZA RAPIDO

La société PIZZA RAPIDO a manqué à ses obligations de paiement des loyers. En conséquence, le Tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 18 février 2015, suivie d’une liquidation judiciaire le 29 avril 2015. STAR LEASE a déclaré sa créance auprès du liquidateur judiciaire et a demandé la restitution du matériel.

Actions judiciaires de STAR LEASE

Le 20 mars 2021, STAR LEASE a assigné en paiement les cautions, Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y], devant le tribunal judiciaire de Nantes. Dans ses conclusions, STAR LEASE a demandé le paiement d’une somme totale de 37.923,59 euros, incluant des loyers impayés, des créances et une indemnité de résiliation.

Réponses des cautions

Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] ont contesté les demandes de STAR LEASE, arguant que la créance n’était pas certaine, liquide et exigible. Ils ont également demandé la nullité de leurs actes de cautionnement, invoquant des erreurs dans les mentions légales. En outre, ils ont soutenu que leurs engagements étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs situations patrimoniales.

Décision du tribunal

Le tribunal a validé les actes de cautionnement, considérant que les erreurs étaient des imperfections matérielles sans impact sur la portée des engagements. Concernant la disproportion des cautionnements, le tribunal a jugé que les éléments fournis par les cautions n’étaient pas suffisants pour établir une disproportion manifeste.

Devoir de mise en garde et information

Le tribunal a examiné le devoir de mise en garde de STAR LEASE envers les cautions. Il a constaté que STAR LEASE n’avait pas informé les cautions de la défaillance de PIZZA RAPIDO dès le premier incident de paiement, entraînant la déchéance des pénalités et intérêts de retard.

Montant de la créance

La créance de STAR LEASE a été ajustée à 35.598,19 euros, après déduction des pénalités et intérêts de retard. Les cautions ont été condamnées solidairement à payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur assignation.

Conclusion et condamnations

Le tribunal a condamné Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] à payer la somme de 35.598,19 euros à STAR LEASE, ainsi qu’aux dépens de l’instance. Les demandes des parties au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ont été déboutées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nantes
RG
21/02498
SG

LE 07 NOVEMBRE 2024

Minute n°

N° RG 21/02498 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LD4Q

S.A. STAR LEASE

C/

[N] [Y]
[V] [Y]

Crédit-bail ou leasing – Demande en paiement des loyers et/ou en résiliation du crédit-bail

1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL BRG – 206
la SELEURL EDHALCO – 74

délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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QUATRIEME CHAMBRE

JUGEMENT
du SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Stéphanie LAPORTE, Juge,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 07 MAI 2024 devant Laëtitia FENART, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 10 SEPTEMBRE 2024 prorogé au 07 NOVEMBRE 2024.

Jugement Contradictoire rédigé par Laëtitia FENART, prononcé par mise à disposition au greffe.

—————

ENTRE :

S.A. STAR LEASE, dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 6]
Rep/assistant : Maître Edith COUTANSAIS de la SELEURL EDHALCO, avocats au barreau de NANTES

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

Monsieur [N] [Y], demeurant [Adresse 1] – [Localité 3]
Rep/assistant : Maître Charlyves SALAGNON de la SELARL BRG, avocats au barreau de NANTES

Monsieur [V] [Y], demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]
Rep/assistant : Maître Charlyves SALAGNON de la SELARL BRG, avocats au barreau de NANTES

DEFENDEURS.

D’AUTRE PART

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FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS

La société STAR LEASE a conclu un contrat de crédit-bail en date du 5 juin 2014 avec la société PIZZA RAPIDO prévoyant la mise à disposition du matériel suivant, représentant un investissement de 33.989,29 euros HT :

• 1 trancheur 300 START QUANTANIUM TOTAL 660X570X450MM IP54 230V, référencé selon
facture ;
• 1 M.CHR FOURN 4FX GAZ 800X800, référencé selon facture ;
• M.CHR FRITEUSE GAZ 15L GAM.8, référencé selon facture ;
• CPE LEGUME CL50 + EMINCEUR + RAP, référencé selon facture ;
• PLONGE1600X700 2 bacs EG/D, référencé selon facture ;
• 3 chariots cafétéria glissière or, référencé selon facture ;
• 1 desserte bar inox fob 187 ovi, référencé selon facture ;
• 1 vitrine bombee 2.995m cve-8-30, référencé selon facture ;
• 1 MEUBLE L.S2.00MMARAO, référencé selon facture ;
• 1 M.CHR. GRILLAD GAZ LISSE800X, référencé selon facture ;
• 1 TABLE A PIZZA 1.98M UP, référencé selon facture ;
• 1 VITRINET REFRIG. UP, référencé selon facture ;
• 1 DISTRIB. GLACE A L’I STAND. VA, référencé selon facture;
• 1 CELLULE REFROIDISSEMENT 13 KG, référencé selon facture ;
• 1 FOUR PIZZA GAZ 2CH.L STAND.-VA, référencé selon facture ;
• SUPPORT ROUE+GLISSIE STAND.VA, référencé selon facture ;
• 1 TABLE PRELAVAGE GAUCHE 120CM, référencé selon facture ;
• 5 ARMOIRES POSTITIVE 600 L GN 2/1, référencé selon facture ;
• 1 HORECA-TABLE-IX140XX70-ADOSSEE, référencé selon facture ;
• 1 LAVE VAIS. CAPOT EVO 50 H.S, référencé selon facture ;
• 1 HORECA TABLE IX100X70 ADOSSEE, référencé selon facture.
Le contrat a été conclu pour une période irrévocable de 60 mois et prévoyait le règlement de 60 loyers mensuels d’un montant unitaire de 624,01 euros HT.

Le matériel a été dument réceptionné par la société PIZZA RAPIDO.

Par acte en date du 5 juin 2014, Monsieur [V] [Y], gérant de la société PIZZA RAPIDO, s’est porté caution solidaire de cette dernière pour un montant de cautionnement en principal, pénalités ou intérêts de retard de 33.989,29 euros.

Par acte en date du 23 juin 2014, Monsieur [N] [Y] s’est porté caution solidaire de la société PIZZA RAPIDO, pour un montant de cautionnement en principal, pénalités ou intérêts de retard de 33.989,29 euros.

La société PIZZA RAPIDO a été défaillante dans le règlement des loyers.

Par jugement en date du 18 février 2015, le Tribunal de commerce de NANTES a ouvert une procédure de redressement judiciaire simplifiée au bénéfice de la société PIZZA RAPIDO et désigné la SCP [D] prise en la personne de Maître [D] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier en date du 13 mars 2015, la société STAR LEASE a déclaré sa créance à titre provisoire et chirographaire.

Par décision en date du 29 avril 2015, le Tribunal de commerce de NANTES a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société PIZZA RAPIDO et désigné Me [D] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier AR en date du 8 juillet 2015, la société STAR LEASE a déclaré sa créance définitive auprès de Me [D] ès-qualités.

Par courrier recommandé AR en date du 8 juillet 2015, la société STAR LEASE a sollicité auprès de Me [D], ès-qualités, la restitution dudit matériel.

Par courriers recommandés AR en date du 8 juillet 2015, la société STAR LEASE a d’une part, informé Messieurs [N] [Y] et [V] [Y] en leur qualité de caution solidaire, de la déclaration de créances définitive adressée au liquidateur judiciaire, et d’autre part leur a rappelé la faculté dont ils disposaient de se porter acquéreurs dudit matériel.

Par acte d’huissier du 20 mars 2021, STAR LEASE a assigné en paiement Monsieur [N] [Y] et Monsieur [V] [Y] devant le tribunal judiciaire de Nantes, en leur qualité de caution solidaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 mars 2024, la société STAR LEASE demande au tribunal, de:

Vu l’article 2288 du Code civil,
Vu l’ancien article 1134 du Code civil,
Vu les articles 1370 et 1376 du même code,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces communiquées,

– Débouter Monsieur [V] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société STAR LEASE;

– Débouter Monsieur [N] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société STAR LEASE;

– Condamner Messieurs [V] [Y] et [N] [Y] en leur qualité de caution solidaire de la société PIZZA RAPIDO, à payer à la société STAR LEASE la somme totale de 37.923,59 euros se décomposant comme suit :

– 1.700,26 euros TTC au titre des loyers échus impayés,
– 1.528,90 euros au titre des créances article L622-17 du Code de commerce,
– 34.694,43 euros HT au titre de l’indemnité de résiliation ;

– Condamner la partie succombante à payer la somme de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner la partie succombante aux entiers dépens d’instance;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 15 février 2024, Monsieur [N] [Y] et Monsieur [V] [Y] demandent au tribunal, de:

Vu l’article 2313 du code civil, dans sa version applicable,
Vu les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation, dans leur version applicable,
Vu l’article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable,
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version applicable,
Vu les articles 2292, 2293 et 2313 du code civil, dans leur version applicable,

A titre principal,

– Constater l’absence de caractère certain, liquide et exigible de la créance invoquée par la société STAR LEASE,

Et,

– Débouter la société STAR LEASE de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

– Constater la nullité du cautionnement en date du 5 juin 2014 de Monsieur [V] [Y],

– Constater la nullité du cautionnement en date du 23 juin 2014 de Monsieur [N] [Y],

Par conséquent,

– Débouter la société STAR LEASE de ses demandes, fins et conclusions.

A titre très subsidiaire,

– Constater la disproportion manifeste de l’engagement en date du 5 juin 2014 de Monsieur [V] [Y] et son patrimoine,

– Constater la disproportion manifestement de l’engagement en date du 23 juin 2014 de Monsieur [N] [Y] et son patrimoine,

Par conséquent,

– Décharger Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] des cautionnements souscrits au profit de la société STAR LEASE, et dont se prévaut à tort cette dernière.

Et,

– Débouter la société STAR LEASE de ses demandes,

A titre encore plus subsidiaire,

– Constater le manquement de la société STAR LEASE à son devoir de mise en garde à l’égard de Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y],

Par conséquent,

– Débouter la société STAR LEASE de ses demandes,

À défaut,

– Condamner la société STAR LEASE à payer à Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] la somme de 37.000 € à titre de dommages et intérêts, pour manquement à son devoir de mise en garde et, dans l’hypothèse où Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] étaient condamnés au paiement de tout ou partie des sommes réclamées par la société STAR LEASE,

– Ordonner la compensation de la créance indemnitaire avec les sommes dues par Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] au titre de leurs engagements de cautions,

A titre infiniment subsidiaire,

– Constater le manquement de la société STAR LEASE à ses obligations d’informations à l’égard de Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] es qualité de cautions, et PRONONCER ainsi la déchéance totale de ses droits aux intérêts et pénalités de retard incluant l’indemnité de résiliation à hauteur de 34.694,43€,

A titre infiniment plus subsidiaire,

– Constater l’absence de cautionnement des accessoires de la dette et Débouter la société STAR LEASE de sa demande condamnation des cautions au paiement de la somme des sommes de 34.694,43€ au titre d’une indemnité de résiliation et de 152,89€ au titre d’une clause pénale,

A titre infiniment plus subsidiaire encore,

– Réduire le montant de l’indemnité de résiliation d’un montant de 34.694,43€ à un euro symbolique,

Et en toutes hypothèses,

– Débouter la société STAR LEASE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la société STAR LEASE à payer à Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société STAR LEASE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me SALAGNON, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il sera renvoyé à l’assignation et aux conclusions, conformément aux dispositions de l’article 455 du CPC.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité des actes de cautionnement des consorts [Y]

Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] concluent à la nullité des cautionnements souscrits par actes des 5 et 23 juin 2014, en faisant valoir d’une part, que l’acte du 5 juin 2014 contient un terme supplémentaire “ le débiteur cautionné”, et que d’autre part, l’acte du 23 juin 2014 fait mention “ des pénalités de retard” et non “ des pénalités et intérêts de retard” tel que prévu par l’article L341-2 du Code de la consommation.

STAR LEASE rétorque qu’il est de jurisprudence constante que l’ajout d’un terme à la mention obligatoire légale au titre du cautionnement n’a pas pour effet de rendre l’acte nul dès lors que le sens et la portée de l’engagement n’est pas modifiée. Elle ajoute que la seule exigence instituée par le législateur réside dorénavant dans l’obligation pour la caution d’apposer une mention qui exprime avec suffisamment de précision la nature et la portée de son engagement.

Aux termes de l’article L. 331-1 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits: “ Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

“ En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même’.”

Si cette disposition est strictement appliquée et qu’il est retenu que le cautionnement est nul en l’absence d’identité entre la mention manuscrite et la mention légale, cette rigueur est tempérée lorsque les différences existant entre la formule légale et la mention manuscrite n’en affectent ni le sens, ni la portée, comme c’est le cas d’une simple erreur matérielle.

En l’espèce, si l’acte de cautionnement de Monsieur [V] [Y] contient les termes supplémentaires “ le débiteur cautionné”, force est de constater que cet ajout qui ne fait que préciser la qualité de la société RAPIDO PIZZA, ne change ni le sens ni la portée de son engagement. Il y a donc lieu de considérer que l’acte de cautionnement du 5 juin 2014 est valide.

S’agissant de l’acte de cautionnement de Monsieur [N] [Y], la mention manuscrite portée par ce dernier à l’acte de cautionnement du 23 juin 2014 est ainsi rédigée :

“(…) en me portant caution de la SARL PIZZA RAPIDO, dans la limite de la somme de 33.989,29 € trente-trois mille neuf cent quatre-vingt-neuf euros et 29 centimes couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités de retard et pour la durée de 72 mois, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si SARL RAPIDO n’y satisfait pas lui-même.”

A la lecture de l’acte de cautionnement, il apparaît qu’il existe bien une mention manuscrite de la part de Monsieur [N] [Y] dans l’acte du 23 juin 2014, et si elle ne reproduit pas exactement celle exigée par l’article L. 331-1 du code de la consommation puisqu’il manque le mot “intérêts de retard” dans l’énoncé des sommes qu’il s’est engagé à garantir, tout le reste est conforme à la formule légale.

Sur ce point, il est constaté que l’imperfection dans la mention tirée de l’omission du terme “ intérêts de retard”, consiste en une erreur matérielle dès lors :

– que Monsieur [N] [Y] a signé et paraphé chacune des pages de l’acte de cautionnement sur lequel figure, en première page en gras et en majuscules, la mention du montant de l’engagement de 33.989,29 euros incluant “principal, pénalités ou intérêts de retard”,

– que cet engagement fait suite à la conclusion par la société PIZZA RAPIDO, au titre de laquelle les consorts [Y] étaient associés, d’un contrat de crédit-bail en date du 5 juin 2014 avec la société STAR LEASE.

Compte-tenu de ces éléments, desquels il ressort que l’omission du terme “ intérêts de retard” dans la mention manuscrite apposée par Monsieur [N] [Y] ne permet pas de douter de la connaissance qu’il avait de la portée de son engagement, il y a lieu de considérer que l’acte de cautionnement du 23 juin 2014 est valide.

Sur la proportionnalité des contrats de cautionnement aux biens et revenus

Les consorts [Y] font valoir que les cautionnement seraient manifestement disproportionnés eu égard à leur situation patrimoniale et professionnelle.

Il ressort de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L 332-1, entré en vigueur antérieurement aux cautionnement litigieux, que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.

Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.

La banque n’a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.

Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Sur la proportionnalité du cautionnement de Monsieur [V] [Y]

La société STAR LEASE soutient que Monsieur [V] [Y] ne produit aucun élément concernant son patrimoine immobilier au jour de son engagement.

En l’espèce, la fiche de renseignements porte la mention manuscrite suivante apposée par M. [V] [Y] juste avant sa signature : “je certifie l’exactitude des renseignements donnés ci-dessus et j’atteste n’avoir pas connaissance d’autres charges que celles énoncées.”

Cette fiche fait apparaître que Monsieur [V] [Y]:

– est divorcé,
– dispose de revenus annuels de 14.400 euros,
– dispose d’un appartement estimé à 180.000 euros,
– rembourse un crédit immobilier d’un montant restant dû de 84.700 euros.

Monsieur [Y] justifie qu’il s’était en outre engagé en qualité de caution dans les conditions suivantes:

– cautionnement antérieur pour un montant de 187.200 euros.

Il sera relevé que ces éléments ne sont pas clairs et ne sont pas développés, en ce qu’il n’est pas précisé en quoi consiste ce cautionnement antérieur qui semble correspondre au coût de l’appartement de Monsieur [Y].

Par ailleurs, il a été relevé qu’il appartient à la caution d’établir la preuve de la disproportion. Or, les éléments peu clairs de la fiche de renseignements ne sont corroborés par aucun autre élément, et ne permettent pas de caractériser un engagement de caution manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au moment de sa souscription.

Au regard de l’absence de disproportion de l’engagement de caution au moment où il a été conclu, il n’y a pas lieu de rechercher si le patrimoine de Monsieur [V] [Y] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé.

Sur la proportionnalité du cautionnement de Monsieur [N] [Y]

La fiche de renseignement faisait apparaître que Monsieur [Y] percevait un revenu annuel de 18.000 €, une assurance vie d’une valeur de 18.000 € et un PEL d’une valeur de 6.000 €.

Il indiquant également supporter la somme de 800 € au titre des charges annuels.

Si Monsieur [Y] indique que son engagement de caution était manifestement disproportionné, les éléments fournis dans la fiche de renseignements ne sont pas corroborés par d’autres éléments probants. Par ailleurs, il sera relevé que ces seuls éléments font état d’un patrimoine supérieur au montant du cautionnement. Sur ce point, il n’appartenait pas à la banque de vérifier la réalité du patrimoine ainsi déclaré, peu important alors l’utilisation alléguée de l’argent de l’assurance-vie aux fins de régler les dettes de la société PIZZA RAPIDO.

Au regard de l’absence de disproportion de l’engagement de caution au moment où il a été conclu, il n’y a pas lieu de rechercher si le patrimoine de Monsieur [V] [Y] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé.

Sur le devoir de mise en garde

Les consorts [Y] affirment que la société STAR LEASE a commis une faute en ne les mettant pas en garde contre un risque particulier d’endettement au regard de leurs situations personnelles respectives.

Il est constant que le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. La charge de la preuve d’un manquement de la banque à ce titre incombe à la caution qui l’invoque.

A l’égard de la caution avertie, le banquier n’est tenu d’un tel devoir que s’il avait sur les revenus de l’emprunteur, sur son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

Il a été démontré que l’engagement des cautions était adapté à leurs capacités financières au jour où ils sont intervenus. Même si l’on devait admettre que les consorts [Y] avaient la qualité de caution non avertie, la seule affirmation d’un risque particulier d’endettement, qui n’est étayée par aucun élément précis, notamment quant à d’éventuelles difficultés de trésorerie, ne permet pas d’établir l’inadaptation du prêt aux capacités de l’emprunteur, ni un risque particulier d’endettement, de sorte que la preuve d’un manquement à l’obligation de mise en garde n’est pas rapportée.

Sur l’information de la caution

Aux termes de l’article 2303 du Code civil pris dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable dès le 1er janvier 2022, y compris aux cautionnements souscrits antérieurement,  »Le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.’”

La société PIZZA RAPIDO a cessé de payer les mensualités à compter du mois de janvier 2015 et la société STAR LEASE ne justifie d’aucune information auprès des consorts [Y] de la défaillance du débiteur principal dès ce premier incident de sorte que l’organisme financier doit être déchu des pénalités et intérêts de retard compris entre cette première date et le 8 juillet 2015, date à laquelle les consorts [Y] en ont été informés par lettre recommandée.

Il ressort de l’article 11 des conditions générales que  »la résiliation du contrat impose au locataire l’obligation de verser immédiatement au bailleur (‘) outre les loyers échus impayés TTC et tous leurs accessoires, en réparation du préjudice subi, une indemnité égale à :

a) la totalité des loyers HT, restant à échoir postérieurement à la résiliation, majorée du montant de l’option d’achat HT prévue contractuellement,

b) augmentée pour assurer la bonne exécution du contrat, d’une peine égale à 10 % de la totalité des loyers HT restant à échoir majorée de l’option d’achat HT prévue contractuellement.

L’indemnité ci-dessus portera intérêt au taux défini à l’article 3.7.

Le taux défini à l’article 3.7 est de 1,50 % par mois.

Le 8 juillet 2015, la société Star Lease a adressé à Maître [D], ès qualités, sa déclaration de créance définitive pour un montant de 37.923,59 euros soit :

Echu impayé au 18 février 2015:

– 2 loyers de 764,45 euros du 10 janvier 2015 au 10 février 2015: 1.528,90 euros

– intérêts au 18 février 2015: 18,47 euros

– clause pénale : 152,89 euros

Indemnité de résiliation au 29 avril 2015:

– 50 loyers de 624,01 euros du 10 mai 2015 au 10 juin 2019: 31.200,50 euros

– option d’achat de fin de contrat : 339,89 euros

– indemnité contractuelle : 3.154,04 euros

= 37.923,59 euros

La somme de 3.154,04 euros libellée  »indemnité contractuelle » par la société STAR LEASE constitue en réalité selon les dispositions des conditions générales ci-dessus citées une pénalité.

La somme de 37.923,59 euros comprend ainsi des intérêts de retard de 18,47 euros outre des pénalités de 152,89 euros et de 3.154,04 euros qui doivent être déduits de la créance invoquée, compte tenu de la déchéance prononcée plus haut.

Il en résulte d’une part, que la créance de la banque s’élève à la somme de 35.598,19 euros
( 37.923,59 euros – ( 152,89 euros + 18,47 euros + 3.154,04 euros) ; d’autre part que le moyen tiré de la déchéance de la société STAR LEASE du droit aux intérêts sur le fondement du défaut d’information annuel de la caution est sans objet.

Les consorts [Y] seront condamnés solidairement au paiement de la somme de 35.598,19 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2021, date à laquelle ils ont été assignés en paiement de leur engagement de caution.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] succombant à l’instance doivent être condamnés in solidum aux dépens.

L’équité commande de ne pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aucune circonstance ne justifie que soit écartée l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement par décision contradictoire rendue en premier ressort,

CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] en leur qualité de caution solidaire de la société PIZZA RAPIDO, à payer à la société STAR LEASE la somme totale de 35.598,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2021;

CONDAMNE in solidum Monsieur [V] [Y] et Monsieur [N] [Y] aux dépens;

DEBOUTE les parties des demandes formées au titre de l’article 700 du CPC;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GASNIER Laëtitia FENART


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