Le démarchage commercial des clients de son ex-employeur est légal

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Le démarchage commercial des clients de son ex-employeur est légal
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Le principe vaut également à l’égard d’un ancien employeur : tout professionnel peut, en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, sauf à démontrer le recours à un procédé déloyal.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société Technic Burotic à la société JML Technology, créée par deux frères, suite à des soupçons de détournement de clientèle et de savoir-faire. Technic Burotic a obtenu du tribunal de commerce de Tours la désignation d’un huissier de justice pour recueillir des preuves de ces pratiques. Suite à un jugement rendu le 26 novembre 2021, Technic Burotic a été déboutée de ses demandes et condamnée à verser 4 000 euros à JML Technology. Technic Burotic a fait appel de cette décision et demande à la cour de réformer le jugement en sa faveur. JML Technology demande quant à elle des dommages et intérêts pour procédure abusive. L’affaire a été plaidée le 18 janvier 2024 et est en attente de délibéré.

Les points essentiels

Concurrence déloyale non établie

Il convient de relever que la société Technic Burotic n’a pas réussi à démontrer un acte de concurrence déloyale de la part de la société JML Technology. Aucune faute intentionnelle ou non, contraire à la loi, aux usages du commerce ou à l’honnêteté professionnelle, n’a été établie dans les rapports entre les deux sociétés.

Ressemblance des devis

La ressemblance entre certains aspects des devis établis par la société JML Technology et ceux de la société Technic Burotic ne constitue pas un acte de concurrence déloyale. La reproduction de termes usuels pour décrire les prestations proposées est licite, et la différence visuelle entre les devis exclut toute confusion.

Démarchage des clients

La société Technic Burotic n’a pas prouvé de démarchage déloyal de la part de la société JML Technology envers ses clients. Le principe de liberté du commerce et de l’industrie permet à tout professionnel d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents, sauf en cas de procédé déloyal.

Détournement de commande

Le détournement de la société Corefi par la société JML Technology constitue un acte de concurrence déloyale. La société Technic Burotic a subi un préjudice financier direct et une perte de chance, justifiant une indemnisation de 8 000 euros.

Condamnation et frais

La société JML Technology est condamnée à payer 8 000 euros à la société Technic Burotic à titre indemnitaire. Le jugement déféré est infirmé en ce sens, et la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive est rejetée. La société JML Technology est également condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme de 8000 euros allouée à la société Technic Burotic en indemnisation du détournement déloyal de la société Corefi
– Somme de 5000 euros allouée à la société Technic Burotic au titre des frais irrépétibles exposés pour l’ensemble de la procédure
– Frais de l’huissier instrumentaire désigné par le président du tribunal de commerce de Tours le 19 novembre 2019 à la charge de la société JML Technology
– Dépens de première instance et d’appel à la charge de la société JML Technology

Réglementation applicable

– Article 1240 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

– Article 1241 du Code civil : “Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

– Article 700 du Code de procédure civile : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

– Article 1240 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

– Article 1241 du Code civil : “Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

– Article 1240 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

– Article 1241 du Code civil : “Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

– Article 700 du Code de procédure civile : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
– Me Agathe LEOBET, membre de la SELARL SELARL EFFICIENCE

Mots clefs associés & définitions

– Motifs
– Société Technic Burotic
– M. [N] [R]
– Société SH Consulting
– Transaction
– Clause de non-concurrence
– Article 1240 du code civil
– Concurrence déloyale
– Huissier instrumentaire
– Proposition commerciale
– Devis
– Société JML Technology
– Liberté du commerce et de l’industrie
– Partenaire de proximité
– Sociétés Blanchet Provost et IDL Concept
– Liberté du commerce et de l’industrie
– Société Tween
– Société Arthames
– Société Carosserie Jocondienne
– Société Corefi
– Préjudice
– Dommages-intérêts
– Procédure abusive
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Frais irrépétibles
– Huissier instrumentaire
– Motifs: Raisons ou justifications qui sous-tendent une décision ou une action
– Société Technic Burotic: Entreprise spécialisée dans les solutions technologiques pour le bureau
– M. [N] [R]: Monsieur [Nom] [Prénom]
– Société SH Consulting: Cabinet de conseil en stratégie et management
– Transaction: Opération commerciale ou financière
– Clause de non-concurrence: Clause contractuelle interdisant à une partie de concurrencer l’autre partie pendant une certaine période
– Article 1240 du code civil: Article du code civil français concernant la responsabilité civile
– Concurrence déloyale: Pratique commerciale trompeuse ou parasitaire visant à nuire à un concurrent
– Huissier instrumentaire: Officier ministériel chargé de signifier des actes judiciaires
– Proposition commerciale: Offre commerciale faite à un client potentiel
– Devis: Estimation du coût d’un service ou d’un produit
– Société JML Technology: Entreprise spécialisée dans les technologies de l’information
– Liberté du commerce et de l’industrie: Principe garantissant la liberté d’exercer une activité économique
– Partenaire de proximité: Partenaire commercial proche géographiquement
– Sociétés Blanchet Provost et IDL Concept: Entreprises opérant dans différents secteurs
– Société Tween: Entreprise spécialisée dans la mode pour adolescents
– Société Arthames: Entreprise active dans le secteur de l’art
– Société Carrosserie Jocondienne: Entreprise spécialisée dans la réparation de carrosseries de véhicules
– Société Corefi: Entreprise spécialisée dans les services financiers
– Préjudice: Dommage subi par une personne du fait d’une action ou d’une omission
– Dommages-intérêts: Somme d’argent versée en réparation d’un préjudice
– Procédure abusive: Utilisation malveillante ou excessive d’une procédure judiciaire
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile français concernant l’indemnisation des frais de justice
– Frais irrépétibles: Frais non récupérables lors d’une procédure judiciaire
– Huissier instrumentaire: Officier ministériel chargé de signifier des actes judiciaires

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 mars 2024
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
22/00171
COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/03/2024

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

la SELARL SELARL EFFICIENCE

ARRÊT du : 14 MARS 2024

N° : 76 – 23

N° RG 22/00171 –

N° Portalis DBVN-V-B7G-GQGS

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 26 Novembre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266531566471

S.A.S. TECHNIC BUROTIC

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271473435506

S.A.S. JML TECHNOLOGY

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat Me Agathe LEOBET, membre de la SELARL SELARL EFFICIENCE, avocat au barreau de TOURS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 18 Janvier 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 21 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 18 JANVIER 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 14 MARS 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Technic Burotic exerce une activité de vente, location, maintenance de solutions d’impression, vente de matériels et maintenance informatique aux entreprises. Elle comptait parmi ses salariés M. [L] [R] depuis plus de 10 ans, lorsqu’elle a embauché M. [N] [R], son frère, suivant contrat du 24 septembre 2018 pour réaliser des opérations de maintenance informatique. Le contrat de travail prévoyait notamment une clause de non-concurrence en cas de rupture applicable sur le département de [Localité 3] et les départements limitrophes pendant une durée de 2 ans, rémunérée à hauteur de 25 % du salaire moyen des 12 derniers mois.

Le 5 octobre 2018, M. [N] [R] a en outre signé un engagement de confidentialité, lequel résultait par ailleurs des termes de son contrat de travail.

M. [N] [R] a mis fin à sa période d’essai à effet au 31 décembre 2018. Par la suite son frère M. [L] [R] a été licencié pour abandon de poste depuis le 3 janvier 2019.

Les deux frères ont créé la société JML Technology le 25 janvier 2019.

Le 20 février 2019, la société Technic Burotic et M. [N] [R] ont signé une transaction libérant ce dernier de sa clause de non-concurrence sans indemnité à payer, sous la condition de mener à bien des prestations chez deux clients, SH Consulting et Mutuelle Le Ralliement, contre une rémunération de 3 000 euros. Il était par ailleurs stipulé une obligation de discrétion, et M. [N] [R] déclarait formellement n’avoir en sa possession aucun document appartenant à la société Technic Burotic.

Considérant que les frères [R] se livraient à un détournement de sa clientèle et à un possible détournement de savoir-faire, la société Technic Burotic a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Tours le 19 novembre 2019 la désignation de Maître [J], huissier de justice, avec pour mission de :

– se rendre au siège social de la société JML Technology sis [Adresse 1] et,

– se faire remettre, éditer, photocopier, retranscrire et/ou photographier l’intégralité des devis et factures émis par la société JML Technology au profit des clients de la société Technic Burotic dont la liste sera remise audit huissier instrumentaire et ce pour la période allant du 25 janvier 2019 jusqu’au jour du constat,

– se faire remettre, éditer, photocopier, retranscrire et/ou photographier l’intégralité des modèles de l’ensemble des documents suivants : conditions générales de vente, conditions générales de maintenance, conditions générales de location de matériel, conditions générales de prestations informatiques, modèles de bon de commande, modèle de contrat de maintenant copieur, modèle de bon de livraison, modèle de factures avec entêtes de la société JML Technology, modèle de bon d’intervention de réparation de matériel et conditions générales de réparation de matériels en contrat et hors contrat, grille tarifaire des taux horaires de réparations et de prestations informatiques et bureautiques, tarification établie par le fournisseur Olivetti, grille tarifaire établie par la société Grenke, utilisés par la société JML Technonoly afin de pouvoir les comparer avec ces mêmes documents utilisés par la société Technic Burotic,

– se faire remettre, éditer, photocopier, retranscrire et/ou photographier par tout moyen tous les documents concernant et mentionnant le nom de la société Technic Burotic, et ce, que ces documents figurent ou non notamment sur les serveurs informatiques de la société JML Technology, sur les messageries, téléphones portables, ordinateurs portables de la société JML Technology et/ou M. [N] [R] et/ou M. [L] [R] et ce pour la période du 25 janvier 2019 jusqu’au jour du constat,

– se faire remettre, éditer, photocopier, retranscrire et/ou photographier par tout moyen toute correspondance entretenue par la société JML Technology et/ou M. [N] [R] et/ou M. [L] [R] avec les clients de la société Technic Burotic selon la liste remise à l’huissier instrumentaire au moyen de courriers, messageries électroniques, téléphones portables et ce pour la période comprise entre le 21 janvier 2019 jusqu’au jour du constat,

– se faire remettre, éditer, photocopier, retranscrire et/ou photographier par tout moyen le registre d’entrée et de sortie du personnel aux fins de déterminer si M. [L] [R] exerce des fonctions au nom et pour le compte de la société JML Technology,

– consigner tous dires prononcés en sa présence en réponse ou non à ses questions, en s’abstenant toute interpellation autre que celle nécessaire à l’accomplissement de sa mission.

Au vu du procès verbal établi par Maître [J] le 13 janvier 2020 et de l’étude des documents recueillis, estimant que la société JML Technology avait oeuvré de manière déloyale pour détourner sa clientèle, la société Technic Burotic l’a, par acte du 11 février 2020, faite assigner devant le tribunal de commerce de Tours, sollicitant avant-dire droit la communication d’une attestation de l’expert-comptable de la société JML Technology justifiant du chiffre d’affaires réalisé et comptabilisé avec l’ensemble de ses propres clients, et sur le fond la condamnation de la société à lui verser la somme de 210 325,54 euros.

Par jugement du 26 novembre 2021, le tribunal de commerce de Tours a :

Vu les articles 11, 138, 142 et 143 du code de procédure civile,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les pièces versées au dossier,

Vu les jurisprudences évoquées,

– débouté la SAS Technic Burotic de sa demande avant dire droit, et ordonné la levée du séquestre des pièces remises à Maître [J],

– débouté la SAS Technic Burotic de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

– débouté la SAS JML Technology de sa demande au titre de la procédure abusive,

– condamné la SAS Technic Burotic à payer à la SAS JML Technology la somme de 4 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté la SAS Technic Burotic de sa demande à ce titre,

– dit sa décision assortie de l’exécution provisoire,

– condamné la SAS Technic Burotic aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros, et mis les frais de l’huissier instrumentaire à la charge des parties, chacune pour moitié.

La SAS Technic Burotic a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 janvier 2022 en critiquant tous les chefs du jugement sauf le rejet de la demande indemnitaire formée par la SAS JML Technology au titre d’une procédure abusive.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2022, la société Technic Burotic demande à la cour de :

Vu l’article 11 du code de procédure civile,

Vu les articles 138 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’articles 142 du code de procédure civile,

Vu l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 1240 du code civil,

– réformer le jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 26 novembre 2021 en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu’il a :

‘ débouté la SAS Technic Burotic de sa demande avant dire droit et ordonné la levée du séquestre des pièces remises à Maître [J],

‘ débouté la SAS Technic Burotic de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

‘ condamné la SAS Technic Burotic à payer à la SAS JML Technology la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la SAS Technic Burotic de sa demande à ce titre,

‘ condamné la SAS Technic Burotic aux entiers dépens,

‘ mis à la charge des parties les frais de l’huissier instrumentaire, chacune pour moitié,

Statuant à nouveau,

Avant dire droit :

– ordonner à la société JML Technology de communiquer à la société Technic Burotic une attestation de son expert-comptable justifiant du chiffre d’affaires réalisé et comptabilisé par la société JML Technology avec l’ensemble des clients listés en pièce n°17 en matière de vente, directe ou par l’intermédiaire d’un organisme de financement, et maintenance de copieurs depuis le 25 janvier 2019, date de son immatriculation, et ce dans les quinze jours de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

Sur le fond :

– condamner la société JML Technology à verser à la société Technic Burotic la somme de 210 325,54 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance,

En tout état de cause,

– rejeter l’appel incident de la société JML Technology,

– dire irrecevable la demande de condamnation pour procédure abusive de la société JML Technology ou à tout du moins l’en débouter,

– débouter la société JML Technology de toutes demandes, fins et conclusions,

– condamner la société JML Technology à verser à la société Technic Burotic la somme de 13 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société JML Technology à verser à la société Technic Burotic la somme de 3 006,92 euros correspondant aux frais d’huissier,

– condamner la société JML Technology aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2022, la société JML Technology demande à la cour de :

Avant-dire droit,

Vu les articles 11 et 143 du code de procédure civile

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 26 novembre 2021 en toutes ses dispositions à savoir en ce qu’il a :

‘ débouté la SAS Technic Burotic de sa demande avant dire droit et ordonné la levée du séquestre des pièces remises à Maître [J],

‘ débouté la SAS Technic Burotic de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

‘ condamné la SAS Technic Burotic à payer la SAS JMLL Technology la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la SAS Technic Burotic de sa demande à ce titre,

‘ condamné la SAS Technic Burotic aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 26 novembre 2021 en ce qu’il a mis à la charge des parties les frais de l’huissier instrumentaire chacune pour moitié,

– condamner la société Technic Burotic à payer à la société JML Technology une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la société Technic Burotic à verser à la Société JML Technology la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Technic aux entiers dépens,

– condamner la société Technic Burotic à assumer la prise en charge totale des frais d’huissier instrumentaire qu’elle a avancés.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2023. L’affaire a été plaidée le 18 janvier 2024 et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS :

Il convient de relever à titre liminaire que si entre autres griefs la société Technic Burotic reproche à M. [N] [R] de ne pas avoir terminé le travail débuté en qualité de salarié auprès de la société SH Consulting conformément à la transaction régularisée le 20 février 2019, elle ne prétend pas pour autant que cette condition suspensive à la levée de la clause de non-concurrence n’aurait pas été réalisée. Elle ne forme par ailleurs aucune demande indemnitaire à l’encontre de M. [N] [R] au titre d’un non-respect de la transaction et n’agit que sur le terrain délictuel au visa de l’article 1240 du code civil, en reprochant à la société JML Technology des actes de concurrence déloyale.

Outre que le seul courriel interne à l’entreprise Technic Burotic produit en pièce n°35 n’est pas de nature à établir la carence alléguée de M. [N] [R] dans l’exécution du travail que celui-ci s’était engagé à terminer chez SH Consulting, un tel manquement, fût-il avéré, n’aurait pas été de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale de la part de la société JML Technology.

L’engagement de la responsabilité extracontractuelle d’une société pour concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil suppose en effet la démonstration d’une faute, intentionnelle ou non, résidant dans un procédé contraire à la loi, aux usages du commerce ou à l’honnêteté professionnelle de nature à fausser le jeu de la libre concurrence.

Une telle faute n’est pas établie ni même alléguée par l’appelante s’agissant des rapports entretenus entre la société JML Technology et SH Consulting.

Par ailleurs le fait que l’huissier instrumentaire ait retrouvé dans le système informatique de la société constituée par M. [N] [R] la proposition commerciale faite à SH Consulting par la société Technic Burotic le 21 décembre 2018 ne peut être considéré comme un détournement fautif de données clients, précisément au regard du fait que M. [N] [R] s’était engagé, aux termes de la transaction signée avec la société Technic Burotic, à mener à bien les prestations vendues par celle-ci à la société SH Consulting, de sorte qu’il se trouvait légitime à conserver par devers lui la proposition commerciale détaillant lesdites prestations.

Pour étayer son grief de concurrence déloyale, la société Technic Burotic fait ensuite état de la similarité de certains aspects des devis établis par la société JML Technology avec les siens, notamment quant à l’encadré relatif aux conditions générales et à l’énumération de ce que recouvre la prestation de maintenance (pièces 8 et 9 Technic Burotic). Toutefois une telle ressemblance ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, étant rappelé que la reproduction d’une création non appropriée est par principe licite en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, a fortiori quand elle porte sur des mots nécessaires et usuels pour décrire le contenu et les conditions des prestations proposées. En outre la différence très nette de visuel entre les deux devis produits exclut toute volonté de susciter une confusion de la part de l’intimée.

Il en est de même de l’emploi de la formule « votre partenaire de proximité pour vos besoins informatiques et vos systèmes d’impression » sur la page d’accueil du site internet de la société JML Technology, qui ne peut être rapprochée que partiellement de la formule de la société Technic Burotic « votre partenaire de proximité en vente, location et maintenance de solutions d’impression ». Outre que l’intimée démontre, par la production de divers liens, le recours fréquent des entreprises ayant une activité locale à l’expression « votre partenaire de proximité », les deux formules divergent, sans qu’il puisse être considéré que la société JML Technology, en choisissant un tel slogan, aurait volontairement créé un risque de confusion ou se serait inscrite dans le sillage de la société Technic Burotic en s’appropriant le travail de cette dernière en matière publicitaire.

Il sera observé au surplus que l’appelante, à qui il appartient d’établir la réalité du parasitisme qu’elle reproche à l’intimée, ne démontre pas son propre investissement particulier aussi bien dans la réalisation de la trame de ses devis que dans la création de son slogan.

Il suit des développements qui précèdent qu’il n’est pas établi d’imitation déloyale de la part de la société JML Technology.

La société Technic Burotic reproche encore à la société JML Technology d’avoir démarché directement les sociétés Blanchet Provost et IDL Concept, alors même que ces sociétés étaient toujours en contrat avec elle.

Il convient toutefois de rappeler que tout professionnel peut, en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, sauf à démontrer le recours à un procédé déloyal.

Or l’appelante n’établit aucun comportement fautif de la part de ses anciens salariés dans le démarchage des sociétés Blanchet Provost et IDL Concept. L’intimée fait au demeurant observer qu’IDL Concept est une société de M. [T] [R], frère de [N] et [L] [R], à qui il a paru naturel d’arrêter sa collaboration avec la société Technic Burotic pour aider ses frères dans le cadre de leur nouvelle société en devenant leur client.

La société Technic Burotic ne rapporte pas davantage la preuve d’un démarchage déloyal des frères [R] auprès de la société Tween. Il ressort en effet des échanges de mails (pièces 7, 24, 25 et 26 Technic Burotic) :

– que lorsque son interlocutrice habituelle de la société Tween est revenue vers lui début janvier 2019 pour solliciter des précisions d’ordre technique dans les suites de l’installation d’un matériel informatique en fin d’année 2018, M. [N] [R] ne lui a pas caché être en cours de création de sa propre société ( « notre société est en construction, on devrait pouvoir travailler fin janvier » ),

– que s’il a alors répondu aux interrogations de son interlocutrice, il n’a pour autant pas réalisé ni proposé de prestation pour la société Tween alors que la clause de non-concurrence avait toujours cours, sa première proposition de vente datant du 6 mai 2019,

– que la société Tween a elle-même invité les frères [R] à prendre rendez-vous pour lui présenter leur nouvelle structure et leurs prestations par mail du 7 mai 2019.

Il n’est dans ces conditions pas démontré que la société JML Technology aurait eu recours, pour attirer à elle la société Tween, à l’emploi de procédés fautifs.

Il en va de même pour la société Arthames, dont le gérant atteste avoir eu un contrat de maintenance avec la société Technic Burotic pour un copieur, et parallèlement un contrat de maintenance informatique contracté postérieurement avec la société JML Technology sur les recommandations de la société Technic Burotic (pièce 8 JML Technology). Il ressort d’un mail adressé par le dirigeant de la société Technic Burotic à son personnel en fin d’année 2018 que celui-ci connaissait à cette date parfaitement le projet des frères [R] de créer leur propre société, et qu’il indiquait même vouloir les recommander auprès de ses clients (pièce 1 JML Technology). Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, la recommandation en 2018 dont fait état le gérant de la société Arthames dans son attestation a parfaitement pu émaner du gérant de la société Technic Burotic. En tout état de cause, la société JML Technology était libre, une fois expirée la clause de non-concurrence de M. [R], de démarcher la société Arthames, quand bien même cette société était un client de son ancien employeur, sauf à employer un procédé déloyal, ce qui ne ressort pas de sa proposition du 3 janvier 2020 en vue d’un remplacement de copieur produite en pièce 29 par l’appelante.

Il n’est pas davantage établi de détournement fautif de la société Carosserie Jocondienne, et ce d’autant moins au regard de l’attestation de la gérante de cette société qui affirme avoir souhaité de son propre chef changer de prestataire à la suite d’une insatisfaction et alors qu’elle arrivait en fin de contrat avec la société Technic Burotic (pièce 10 JML Technology). Les échanges de correspondance entre cette société et la société JML Technology entre fin mars et fin avril 2019 ne démontrent pas l’inverse (pièces 30 et 31 Technic Burotic).

Il en va en revanche différemment s’agissant de la société Corefi. Il résulte en effet des échanges de courriels produits par l’appelante en pièce 27 que cette société est venue vers M. [N] [R] le 11 janvier 2019, en écrivant sur son adresse mail de la société Technic Burotic, alors qu’elle envisageait un changement de deux ordinateurs. Or M. [N] [R], plutôt que d’aviser la société Technic Burotic de cette demande, a transféré celle-ci sur son nouveau mail de la société JML Technology, pour y répondre le 4 février suivant sous le nom de sa nouvelle société en proposant deux devis, et en se bornant à indiquer après avoir explicité sa proposition « excuse-moi du délai pour ce devis, notre société est officiellement OK, nous pouvons donc nous concentrer entièrement sur notre activité ». Cette seule phrase de la part de M. [N] [R] ne permet pas de tenir pour acquis que la société Corefi avait été préalablement informée de ce qu’il ne faisait plus partie de l’effectif de la société JML Technology depuis début janvier 2019 et qu’elle aurait ainsi sciemment choisi de ne plus travailler avec cette société. L’intimée se garde d’ailleurs de produire une attestation de la société Corefi en ce sens, comme elle a pu pourtant le faire pour d’autres sociétés.

Surtout, outre les constats qui précèdent de nature à caractériser un détournement de commande par la nouvelle société JML Technology, celle-ci a commis en tout état de cause une faute engageant sa responsabilité délictuelle au titre de la concurrence déloyale, en ce que son gérant M. [N] [R] était toujours tenu à cette date par son engagement de non-concurrence à l’égard de la société Technic Burotic. Il est observé que cette prise de commande à l’insu de la société Technic Burotic a permis au passage à la société JML Technology de se positionner en tant que nouvel interlocuteur de la société Corefi, l’intimée s’étant même assurée dans les mois suivants de couvrir l’ensemble des besoins de ce client en lieu et place de son ancien employeur, faisant pour cela appel, dans le cadre de son démarchage, à ses souvenirs des prestations qui lui étaient auparavant délivrées par la société Technic Burotic (pièce 28 Technic Burotic).

Le courriel adressé par le dirigeant de la société Technic Burotic en fin d’année 2018 à son personnel, annonçant le départ des frères [R] de l’entreprise, leur souhaitant de réussir dans leurs projets, et faisant état d’une collaboration avec eux sous une forme différente (pièce 1 JML Technology), ne saurait être analysé comme un blanc-seing qui aurait permis à ses anciens salariés de répondre en lieu et place de la société Technic Burotic, au nom de leur nouvelle société, à des commandes de clients ou de s’exonérer de leur engagement de non-concurrence alors en cours.

Aussi le détournement de la société Corefi, à l’époque et dans les circonstances qui viennent d’être rappelées, constitue-t-il un acte de concurrence déloyale de la part de la société JML Technology.

S’agissant du préjudice subi de ce seul chef par la société Technic Burotic, il n’apparaît pas nécessaire d’alourdir davantage la procédure et d’ordonner la communication avant-dire droit d’une attestation de l’expert-comptable de la société JML Technology en vue d’établir le chiffre d’affaires exact réalisé avec la société Corefi, compte tenu de l’enjeu du litige qui se voit ramené aux conséquences du seul détournement de la société Corefi, et alors que le préjudice de la société Technic Burotic est constitué en partie d’une perte de chance et non uniquement d’une perte financière effective. Un tel préjudice peut en effet être suffisamment évalué à partir du devis établi par la société JML Technology pour le changement des deux ordinateurs de la société Corefi d’une part, et de l’attestation sur la perte de marge de la société Technic Burotic rédigée par le cabinet d’experts-comptables de cette dernière d’autre part (pièces 33 et 34 JML Technology).

Au regard d’une marge moyenne de 34 % sur les prestations informatiques, suivant les précisions apportées à cet égard par l’appelante dans ses écritures, il y a lieu de retenir que son préjudice découlant directement du détournement de la commande émise par la société Corefi et portant sur deux ordinateurs, dans les suites de laquelle un devis de 1941 euros a été établi par la société JML Technology, s’établit à 660 euros (1941 x 34%). S’y ajoute la perte de chance pour la société Technic Burotic d’obtenir un contrat de maintenance informatique mensuel tel que celui proposé par la société JML Technology à Corefi pour les deux ordinateurs, lequel préjudice peut-être évalué, en effectuant un prorata à partir du coût d’un contrat de maintenance facturé à la société Twin pour un parc informatique de 10 ordinateurs et de 1 à 3 serveurs suivant devis produit en pièce n°32 par la société Technic Burotic, et en considérant au cas présent une perte de chance élevée, à un montant de 50 euros par mois sur la base d’un contrat de 5 années, soit 3000 euros. En ajoutant enfin la perte de chance de garder la société Corefi parmi ses clients et de lui facturer à l’avenir d’autres prestations suivant l’évolution de ses besoins, laquelle perte de chance doit être considérée comme modérée dès lors que rien n’empêche l’intimée de démarcher à nouveau ce client de manière loyale, le préjudice financier total né du gain manqué pour la société Technic Burotic du fait du détournement fautif de ce client par la société JML Technology sera fixé à la somme totale de 8 000 euros.

La société JML Technology sera dès lors condamnée au paiement de cette somme à la société Technic Burotic à titre indemnitaire, et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Il résulte de ce qui précède que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société JML Technoloy ne saurait prospérer.

Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré devra également être infirmé en ce qu’il a condamné la société Technic Burotic aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, la société JML Technology, qui succombe, sera condamnée à payer à la société Technic Burotic une somme globale de 5000 euros sur ce fondement, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

La société JML Technology sera enfin condamnée aux dépens de l’ensemble de la procédure, première instance et appel, y compris les frais de l’huissier instrumentaire désigné par le président du tribunal de commerce de Tours le 19 novembre 2019.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la société Technic Burotic de sa demande avant dire droit, ordonné la levée du séquestre des pièces remises à Maître [J] et débouté la SAS JML Technology de sa demande au titre de la procédure abusive,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société JML Technology à payer à la société Technic Burotic la somme de 8000 euros en indemnisation du détournement déloyal de la société Corefi,

Déboute la société Technic Burotic du surplus de ses prétentions indemnitaires,

Condamne la société JML Technology à payer à la société Technic Burotic la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés pour l’ensemble de la procédure,

Condamne la société JML Technology aux dépens de première instance et d’appel, y compris les frais de l’huissier instrumentaire désigné par le président du tribunal de commerce de Tours le 19 novembre 2019.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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