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Le débauchage de salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en lui-même fautif. Il devient déloyal, et donc illicite, si une faute peut être imputée au nouvel employeur.
Concernant la rémunération des salariés, le fait que ceux-ci aient bénéficié de meilleurs salaires ne peut être constitutif d’une faute de la part du nouvel employeur dès lors qu’il n’est aucunement justifié par les pièces communiquées que les deux cadres ont bénéficié d’une rémunération anormalement favorable au vu des fonctions exercées et du type de société. En l’espèce, il n’est pas justifié de démarches déloyales de la société Fauveder pour embaucher les 4 salariés de la société Seafrigo, étant rappelé que les salariés sont libres de changer d’employeur même s’ils sont tenus par une clause de non-concurrence. il n’est pas établi que la société Fauveder a procédé à un débauchage massif de salariés ayant entraîné une désorganisation de la société Seafrigo dès lors que le débauchage allégué ne concerne que 4 salariés sur 161, que ces 4 salariés ne constituaient pas une équipe unique au sein de la société dédiée à l’activité reefer dans la zone Asie/Australie, qu’il apparaît que la société Seafrigo connaissait un turn over important ayant déjà contribué à la désorganiser avant le départ des 4 salariés concernés, que 3 de ceux-ci ont respecté leur préavis et que la société Seafrigo ne démontre pas qu’elle ne pouvait les remplacer dans des délais raisonnables. |
Résumé de l’affaire : La société Seafrigo a fait appel d’un jugement. Le 15 janvier 2019, la cour d’appel de Rennes a constaté le désistement d’action de la société Entrepôts et transports [T] contre la SAS Fauveder, confirmé le jugement déféré et condamné la société Entrepôts et transports [T] à verser des sommes à la SAS Fauveder et à la SA Philippe Fauveder & Cie. Seafrigo a formé un pourvoi en cassation. Le 12 mai 2021, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Rennes et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Rouen.
Le 28 avril 2022, la cour d’appel de Rouen a rejeté certaines demandes de la société Philippe Fauveder et Cie, infirmé le jugement précédent, et condamné cette dernière à verser des dommages et intérêts à Seafrigo. Seafrigo a ensuite formé un pourvoi en cassation. Le 6 septembre 2023, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Rouen et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Caen. Seafrigo a saisi la cour d’appel de Caen le 14 septembre 2023, demandant des dommages et intérêts et la désignation d’un expert financier. La société Philippe Fauveder n’a pas conclu devant la cour d’appel de Caen. Les dernières conclusions de Philippe Fauveder devant la cour d’appel de Rennes demandaient la confirmation du jugement sauf pour certaines demandes reconventionnelles. La cour a rejeté la demande d’irrecevabilité des pièces de Philippe Fauveder, infirmé le jugement sauf pour le débouté de Seafrigo concernant les dommages et intérêts, et a condamné Philippe Fauveder à verser des sommes à Seafrigo. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°
NLG
ORIGINE : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT NAZAIRE en date du 04 MAI 2016 –
RG n° 2016000096
Arrêt de la Cour d’Appel de RENNES en date du 15 JANVIER 2019
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 MAI 2021
Arrêt de la Cour d’Appel de ROUEN en date du 28 AVRIL 2022
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 MAI 2021
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 10 OCTOBRE 2024
APPELANTE :
S.A.S. ENTREPOTS ET TRANSPORTS [T]
N° SIRET : 318 084 720
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A. PHILIPPE FAUVEDER ET COMPAGNIE
N° SIRET : 339 644 221
[Adresse 9]
[Adresse 5]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Florence TOUCHARD, avocat au barreau de CAEN,
Assistée de Me Lionel GOURVENNEC de la SCP BIARD & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE,
DEBATS : A l’audience publique du 20 juin 2024, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et Mme COURTADE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 10 octobre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
La SA Entrepôts et transports [T], exerçant son activité sous le nom commercial Seafrigo (société Seafrigo) et la SA Philippe Fauveder et compagnie (société Fauveder) sont toutes deux spécialisées dans le transport de marchandises sous température dirigée, dit ‘reefer’.
Au cours de l’année 2015, quatre anciens salariés de la société Seafrigo, M. [O], Mme [X], Mme [R] et Mme [N], ont été embauchés par la société Fauveder. M. [O] et Mme [X] étaient liés à leur ancien employeur par une clause de non-concurrence.
Par ordonnance du 6 octobre 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Nazaire a ordonné aux sociétés du groupe Fauveder de ne pas missionner sur les secteurs géographiques réservés pour l’activité reefer M. [O] jusqu’au 21 février 2016 et Mme [X] jusqu’au 17 février 2016, ces dates étant les dates d’échéance des clauses de non-concurrence ayant été insérées dans leurs contrat de travail.
Par arrêt du 23 mai 2017, la cour d’appel de Rouen, statuant sur l’appel du jugement du 4 septembre 2015 du conseil de prud’hommes du Havre dans le litige opposant Monsieur [O] à son ancien employeur la société Entrepôts et Transports [T] a dit que M. [O] avait violé la clause de non-concurrence qui le liait à son ancien employeur, la société Seafrigo, et l’a condamné au paiement d’une somme de 150.000 euros au titre de la clause pénale.
Par acte d’huissier de justice du 30 décembre 2015, la société Seafrigo a assigné la société Fauveder et la SAS Fauveder devant le tribunal de commerce de Saint Nazaire aux fins de les voir condamner à lui payer environ 800.000 euros de dommages et intérêts en raison d’actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 4 mai 2016, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Saint Nazaire a :
– débouté la SA Philippe Fauveder & Cie de sa demande de sursis à statuer ;
– rejeté la demande de la SA Philippe Fauveder & Cie tendant à ordonner à la SA Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo de communiquer son registre d’entrée et sortie du personnel ;
– débouté la SA Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo de toutes ses demandes ;
– rejeté les demandes de dommages et intérêts des sociétés SA Philippe Fauveder & Cie et SAS Fauveder ;
– condamné la SA Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo à payer la somme de 2.000 euros à la SA Philippe Fauveder & Cie et la somme de 2.000 euros à la SAS Fauveder au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la SA Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo aux entiers dépens de l’instance ;
– liquidé les frais de greffe à la somme de 93,60 euros dont TVA 15,60 euros.
Par arrêt du 15 janvier 2019, la cour d’appel de Rennes a :
– constaté le désistement d’action de la société Entrepôts et transports [T] contre la SAS Fauveder ;
– confirmé le jugement déféré ;
– condamné la société Entrepôts et transports [T] à payer sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
*à la SAS Fauveder la somme de 5.000 euros,
*à la SA Philippe Fauveder & Cie la somme de 10.000 euros.
La société Seafrigo a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt du 12 mai 2021, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Entrepôts et transports [T] de toutes ses demandes formées contre la société Philippe Fauveder et compagnie et en ce qu’il statue sur les dépens et l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre ces deux parties, l’arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes;
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rouen (…).
Pour statuer ainsi, la Cour de cassation a retenu, au visa de l’article 1382 du code civil devenu l’article 1240 de ce code, que :
‘Pour débouter la société Seafrigo de toutes ses demandes, l’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que la société Fauveder a pris des mesures pour faire respecter la clause de non-concurrence à compter du 15 octobre 2015, date des deux notes de service qu’elle a adressées à M. [O] et Mme [X] à la suite de l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 6 octobre 2015, afin de les inviter à respecter scrupuleusement leur obligation de non-concurrence jusqu’au 17 février 2016 pour le premier et 21 février 2016 pour la seconde, dates d’échéance de la clause.
En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le nouvel employeur connaissait dès le 20 mai 2015 l’existence de la clause de non-concurrence qui liait ses salariés à leur précédent employeur, de sorte qu’il était tenu, à compter de cette date, sans attendre celle du 15 octobre suivant, de s’assurer que la clause était respectée par ses salariés et ne pouvait, sans commettre de faute, maintenir ses salariés dans leurs fonctions en violation de leurs obligations stipulées dans la clause, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé’.
Par arrêt du 28 avril 2022, la cour d’appel de Rouen, cour de renvoi, a :
– rejeté la demande de la société Philippe Fauveder et cie tendant à voir déclarer caduque la saisine de la cour d’appel de Rouen, cour de renvoi, par la société Entrepôts et transports [T] ;
– déclaré recevables les conclusions du 19 novembre 2021 de la société Philippe Fauveder et Cie ;
– déclaré irrecevable la demande de la société Philippe Fauveder et Cie présentée au titre de la procédure abusive ;
– infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a :
* débouté la SA Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo de toutes ses demandes ;
* condamné la société la société Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo à payer la somme de 2.000 euros à la SA Philippe Fauveder et Cie au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société la société Entrepôts et transports [T] ayant pour nom commercial Seafrigo aux entiers dépens de l’instance ;
Statuant à nouveau :
– condamné la société Philippe Fauveder et Cie à payer à la société Entrepôts et Transports [T] la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts ;
– condamné la société Philippe Fauveder et Cie aux dépens de première instance ;
– condamné la société Philippe Fauveder et Cie à payer à la société Entrepôts et Transports [T] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;
– débouté la société Philippe Fauveder et Cie de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant,
– condamné la société Philippe Fauveder et Cie aux dépens en cause d’appel ;
– condamné la société Philippe Fauveder et Cie à payer à la société Entrepôts et Transports [T] la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.
La société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 6 septembre 2023, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, sauf en ce qu’il rejette la demande de la société Philippe Fauveder et compagnie tendant à voir déclarer caduque la saisine de la cour d’appel de Rouen, cour de renvoi, par la société Entrepôts et transports [T], l’arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ;
– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;
– condamne la société Philippe Fauveder et compagnie aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Philippe Fauveder et compagnie et la condamne à payer à la société Entrepôts et transports [T] la somme de 3.000 euros (…).
Pour statuer ainsi, la Cour de cassation a retenu, au visa de l’article 1037-1 du code de procédure civile, que :
‘7. Pour déclarer recevables les conclusions du 19 novembre 2021 de la société Fauveder, après avoir relevé que la société Seafrigo avait saisi la cour de renvoi par acte du 17 juin 2021, l’arrêt retient qu’il résulte des dispositions de l’article 1037-1 du code de procédure civile que les délais ne commencent à courir qu’à compter de la notification de l’avis de fixation, intervenue le 15 septembre 2021. Il en déduit que les conclusions signifiées le 13 août 2021 par la société Seafrigo à la société Fauveder n’ont pas eu pour effet de faire courir le délai de deux mois imparti à cette société pour conclure à son tour, et qu’ainsi, le délai imparti à la société Fauveder pour conclure expirait le 20 novembre à minuit.
8. En statuant ainsi, alors que, la société Seafrigo ayant signifié ses conclusions à la société Fauveder, qui n’avait pas constitué avocat, le 13 août 2021, soit dans le délai de trois mois suivant sa déclaration de saisine, le délai imparti à celle-ci pour conclure expirait donc le 13 octobre 2021, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt déclarant irrecevable la demande de la société Fauveder présentée au titre de la procédure abusive, condamnant cette société à payer à la société Seafrigo la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts et statuant sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif déclarant recevables les conclusions de la société Fauveder.’
Par déclaration du 14 septembre 2023 adressée au greffe, la société Entrepôts et transports [T] a saisi la cour d’appel de Caen, cour de renvoi.
Par dernières conclusions déposées 6 mai 2024, la société Entrepôts et transports [T] demande à la cour de :
– Déclarer la société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ recevable en son appel,
– Rejeter des débats les pièces communiquées par la société Philippe Fauveder & cie, à l’exception des pièces adverses n° 1, 2, 3, 24 et 47 communiquées en référé, et n° 3, 38, 50, 62 et 63 communiquées au fond,
– Infirmer le jugement rendu le 4 mai 2016 par le tribunal de commerce de Saint Nazaire en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Condamner la société Philippe Fauveder & cie à payer à la société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ à titre de dommages et intérêts les sommes de :
* 128.227 euros au titre du gain manqué,
* 711.579 euros au titre du manque à gagner,
* 116.505 euros au titre de la perte de productivité,
* 50.000 euros au titre de l’atteinte à la marque,
A titre subsidiaire, sur le préjudice,
– Désigner un Expert financier avec la mission suivante :
* examiner et se faire remettre tous documents utiles, les soumettre contradictoirement à discussion et entendre tous sachants,
* chiffrer le préjudice de la société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ subi du fait des agissements délictueux de la société Philippe Fauveder & cie tels que décrits par la demanderesse dans son exploit introductif d’instance du 30 décembre 2015 et les présentes écritures,
* dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il pourra se faire assister par tous sapiteurs de son choix d’une spécialité distincte de la sienne,
* dire que l’expert devra établir un prérapport avant le dépôt de son rapport final auprès du Tribunal, en laissant aux parties un délai suffisant d’au moins un mois pour lui faire part de leurs observations,
* dire que l’expert devra déposer son rapport dans un délai de 2 mois de sa saisine,
– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, en langue française ou anglaise, aux frais de la société Philippe Fauveder & cie, dans 3 journaux ou revues nationales ou internationales au choix de la société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ et ce, dans la limite de 20.000 euros HT,
– Ordonner l’affichage du dispositif de l’arrêt à intervenir durant 3 mois à compter du 8ème jour de la signification de l’ordonnance à partie sur la page d’accueil du site internet de la société Philippe Fauveder & cie (http://www.fauveder.com) ainsi que sa page facebook (https://fr-fr.facebook.com/fauveder) et ce, en langue française et anglaise, dans un encadré occupant toute la partie haute de la page et un tiers de la hauteur de la page, en caractères gras de taille suffisante pour occuper tout l’espace de l’encadré qui lui est réservé, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,
– Débouter la société Philippe Fauveder & cie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– Condamner la société Philippe Fauveder&cie à payer à la société Entrepôts et transports [T] ‘Seafrigo’ une somme de 45.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Fauveder n’a pas conclu devant la cour d’appel de Caen.
Par dernières conclusions régulièrement déposées le 16 octobre 2018, devant la cour d’appel de Rennes, la société Philippe Fauveder demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception du débouté des défenderesses de leurs demandes reconventionnelles,
– Recevoir les intimées en leur appel incident et condamner la SAS Entrepôts et transports [T] à l’enseigne Seafrigo à payer à la SAS Fauveder la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et à la SA Fauveder et cie la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
– Débouter la SAS Entrepôts et transports [T] de toutes ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire
– Dire que la mission de l’expert se limitera à la vérification du préjudice éventuellement subi par Seafrigo du seul fait des agissements prétendument déloyaux de l’une ou l’autre des sociétés Fauveder à l’exclusion du préjudice consécutif au départ d’autres salariés que Mme [R], Mme [N], M. [O], Mme [X] et à l’exclusion du préjudice lié à l’évolution du trafic maritime, du cours des monnaies, et des actes de concurrence des autres entreprises du même secteur,
– Condamner la SAS Entrepôts et transports [T] à l’enseigne Seafrigo à payer à chague défenderesse une somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2024.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Sur l’irrecevabilité des pièces communiquées par la société Fauveder le 15 avril 2024
La société Seafrigo fait valoir que la société Fauveder qui avait un délai jusqu’au 13 janvier 2024 pour notifier ses conclusions et communiquer ses pièces ne l’a pas fait, qu’elle a cependant communiqué des pièces n°1 à 106 le 15 avril 2024, qu’en application de l’article 906 du code de procédure civile, ces pièces sont irrecevables et que la société Fauveder n’a d’autre choix que de s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elle avait soumis à la cour d’appel de Rennes.
Selon l’article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l’être à tous les avocats constitués.
Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.
Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
Selon l’article 631 du même code, devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation.
Selon l’article 634, les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée. Il en est de même de celles qui ne comparaissent pas.
Selon l’article 1037-1, les conclusions de l’auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.
Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration.
La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l’article 911 et les délais sont augmentés conformément à l’article 911-2.
Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
Il s’en déduit que les parties ne sont pas tenues de déposer de nouvelles conclusions et sont dans ce cas réputées s’en tenir aux conclusions qu’elles avaient soumises à la juridiction dont la décision a été cassée. (2e Civ,. 25 février 2010, n°08-17.482)
Dès lors, la société Fauveder est bien fondée à se prévaloir de ses dernières conclusions déposées devant la cour d’appel de Rennes.
Ces conclusions étant recevables, il y a lieu de considérer qu’elle a régulièrement communiqué devant la cour d’appel de Caen des pièces au soutien de celles-ci, dès lors que l’obligation, imposée par l’article 906 du code de procédure civile, de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutienn n’impose pas au juge d’écarter des débats les pièces communiquées postérieurement à la notification des conclusions lorsque leur destinataire a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre, ce qui n’est en l’espèce pas discuté. ( Com., 15 décembre 2025, n°13-25.566)
La demande d’irrecevabilité des pièces communiquées par la société Fauveder sera par conséquent rejetée.
Sur la concurrence déloyale
La société Seafrigo reproche à la société Fauveder d’avoir embauché deux de ses anciens salariés tenus par une clause de non-concurrence et dont l’un au moins a violé ladite clause, d’avoir procédé à un débauchage massif de ses salariés sur une courte période ayant fortement destabilisé l’équipe commerciale, d’avoir détourné sa clientèle grâce aux activités de l’équipe débauchée.
La société Fauveder indique que la concurrence entre sociétés est licite et fait valoir l’absence de tout comportement fautif de sa part dès lors qu’elle n’a pas utilisé de procédés déloyaux contraires aux usages du commerce et qu’elle ignorait que deux salariés embauchés étaient tenus par une clause de non-concurrence.
Sur l’embauche de salariés tenus par une clause de non-concurrence
Il ressort des pièces du dossier que M. [O] a été embauché par la société Seafrigo en août 1998 en qualité de technico-commercial, son contrat de travail prévoyant déjà une clause de non-concurrence .
Un avenant au contrat de travail a été signé le 18 décembre 2013, M. [O] étant nommé au poste de ‘directeur commercial export Europe zone Asie/Australie’ statut cadre. Une clause de non-concurrence précisait qu’au vu de la nature de ses fonctions et des informations commerciales dont il disposait, M. [O] s’engageait, en cas de rupture du contrat de travail, pour quelques motifs que ce soit, à ne pas s’intéresser directement ou indirectement à titre onéreux ou gratuit à la clientèle de la société Seafrigo, à ne pas entrer au service d’une société concurrente, pendant une durée d’un an, sur le secteur géographique suivant : au Nord d’une ligne [Localité 4]-[Localité 7] et sur la Chine et le Japon, l’interdiction concernant la commercialisation de prestations de plateformes et commission de transport pour des produits sous température dirigée.
M. [O] a été embauché par la société Fauveder par contrat de travail du 24 février 2015 en qualité de directeur du développement reefer, ledit contrat précisant que M. [O] ‘déclare formellement n’être lié à aucune entreprise et avoir quitté son précédent emploi libre de tout engagement’.
Mme [X] a été embauchée par la société Seafrigo le 21 juillet 2010 en qualité de commerciale sous l’autorité de M. [O]. Un avenant à son contrat de travail a été signé le 16 avril 2013, Mme [X] étant promue responsable commerciale de la zone Chine/Taïwan/Australie statut cadre , une clause de non-concurrence étant prévue prévoyant que Mme [X] s’interdisait à l’expiration du contrat de travail :
– d’entrer au service d’une société concurrente ou exerçant une activité concurrente, soit la commission de transport en général, relative aux produits agroalimentaires sous température dirigée
– d’exercer directement et indirectement toute activité de commerce sur les zones dont elle aura la charge à la rupture du contrat qui sont au jour de la rédaction du présent avenant : Chine/Taïwan/Australie à l’export relative aux produits agroalimentaires sous température dirigée et auprès de la clientèle ainsi que des interlocuteurs dont elle avait la gestion au jour de la notification de la rupture du contrat et ce pendant une durée de douze mois, cette clause étant limitée géographiquement aux régions suivantes : Haute Normandie, Basse Normandie, Ile de France, Bretagne, Bouches du Rhône.
Mme [X] a été embauchée par la société Fauveder le 17 février 2015 en qualité de responsable commerciale du développement reefer et a déclaré formellement n’être liée à aucune entreprise et avoir quitté son précédent emploi libre de tout engagement.
La société Seafrigo dont le siège est au [Localité 3] (76) a comme activité toutes opérations de services auxiliaires des transports: entreposage, magasinage, manutention, service de marchandises réfrigérées, transport routier, service de transport de marchandise pour le compte d’autrui, transport national et international, commissionnaire de transports, commissionnaire en douane, tous services aux entreprises…
La société Fauveder & Cie dont le siège est à [Localité 1] (44) a comme activité l’affrêtement national et international par terre, air, mer, fer, transit, manutention, consignation, courtage, négoce, surveillance et stockage, commissionnaire de tranport , transports routiers de marchandise et location de véhicle industriel, commissionnaire en douane.
Il est ainsi établi que les deux sociétés ont des activités concurrentes.
Elles reconnaissent exercer notamment toutes les deux une activité de transport sous température dirigée et prospecter à l’étranger notamment en Asie.
La société Fauveder indique qu’elle ignorait l’existence des clauses de non-concurrence et que les salariés avaient eux-mêmes déclaré être libres de tout lien avec leur précédent employeur. La preuve de la connaissance de la clause de non-concurrence incombe à celui qui se prévaut de l’existence de la clause et qui recherche la responsabilité du tiers.
Il est constant que la société Fauveder a été informée le 20 mai 2015, date du procès-verbal de constat d’huissier de justice sur ordonnance, de l’existence des clauses de non-concurrence.
Dès cette date, il lui appartenait de prendre des mesures pour s’assurer que les salariés concernés respectaient lesdites clauses et elle ne pouvait les maintenir dans leurs fonctions.
Or ce n’est que le 15 octobre 2015 qu’elle a notifié par note de service à chacun des salariés l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 7 octobre 2015 lui enjoignant de faire respecter les clauses de non-concurrence.
Il n’est pas établi que la société Fauveder avait connaissance antérieurement à cette date des clauses de non-concurrence, l’argument selon lequel cette connaissance résulterait de manoeuvres de celle-ci pour dissimuler les fonctions exercées par les salariés n’apparaît pas probant dès lors que les fonctions de ceux-ci sont clairement indiquées dans les contrats de travail.
Si le constat d’huissier du 20 mai 2015 mentionne qu’un nommé ‘[W]’ est responsable qualité, il y a lieu de constater qu’il ne s’agit pas du nom de M. [O] qui au contraire selon les constatations de l’huissier était bien rattaché dans la messagerie au service ReeferDevSales.
Cependant, le nouvel employeur a une obligation de s’informer quant à l’existence d’une clause de non-concurrence lorsqu’il embauche un salarié d’une entreprise concurrente, doté d’une expérience confirmée et dans un domaine où une clause de non-concurrence est habituelle, ce qui est le cas en l’espèce.
Dès lors, la société Fauveder a également commis une négligence en se contentant des déclarations des salariés au moment de l’embauche et en ne procédant elle-même à aucune vérification notamment auprès de l’ancien l’employeur pour s’assurer qu’il n’existait pas une clause de non-concurrence.
Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier de justice du 8 juin 2015 que M. Fauveder a reconnu avoir embauché M. [O] comme directeur du développement reefer pour proposer aux clients étrangers une nouvelle activité, précisant que M. [O] travaillait à [Localité 1] au siège de la société Fauveder, qu’il avait récemment effectué un voyage en Asie plus précisément en Autralie, Japon, Nouvelle Zélande et Hongkong, ce voyage professionnel ayant pour but de rencontrer les correspondants du groupe et identifier sur place les structures pouvant permettre le stockage et la distribution.
La violation de sa clause de non-concurrence par M. [O] est établie.
La chambre sociale de la cour d’appel de Rouen a d’ailleurs constaté dans son arrêt du 23 mai 2017 que M. [O] ne demandait plus l’annulation de la clause de non-concurrence et a retenu que ladite clause avait été violée, M. [O] ayant voyagé en Chine et au Japon pour des motifs professionnels.
Il a à ce titre été condamné à payer à la société Seafrigo une clause pénale d’un montant de 150.000 euros.
Concernant Mme [X], aucun élément ne permet de retenir que celle-ci aurait exercé ses fonctions dans la zone géographique prévue par la clause de non-concurrence, la société Seafrigo ne soutenant pas que celle-ci aurait violé sa clause de non-concurrence.
Il n’est pas justifié que Mme [X] aurait quitté la société Seafrigo en effaçant tous ses fichiers informatiques et tous ses échanges par mails comme constaté par constat d’huissier de justice du 5 février 2015 alors que depuis le 6 janvier 2015, Mme [X] était absente pour congés puis en arrêt maladie et que dans un courrier du 20 février 2015 adressé à M. [T], celle-ci conteste avoir supprimé ses fichiers et messages professionnels et précise qu’elle a été remplacée pendant son absence et que n’importe qui a pu utiliser son poste pendant son absence.
Il sera relevé par ailleurs que si la société Fauveder avait l’obligation de faire respecter les clauses de non-concurrence pour ne pas se rendre complice de leur violation par les salariés et exercer ainsi une concurrence déloyale, elle n’avait pour autant pas l’obligation de licencier les salariés tenus par ladite clause si ceux-ci exerçaient des missions qui n’étaient pas contraires à leurs clauses de non-concurrence.
Sur le débauchage massif ayant désorganisé la société Seafrigo
La société Seafrigo soutient qu’elle a fait l’objet de la part de la société Fauveder d’un débauchage massif de salariés puisque celle-ci a débauché 4 salariés constituant une équipe dédiée au marché spécifique de la logistique LCL/LCL reefer notamment agroalimentaire à destination et en provenance de l’Asie et de l’Australie dans un laps de temps très court pour remplir son objectif de développer son propre service de groupage reefer en Asie et en Australie, la concurrence déloyale étant manifeste dès lors que la société Fauveder a usé de manoeuvres pour cacher l’identité des nouveaux salariés ou leurs fonctions, a embauché deux salariés tenus par une clause de non-concurrence à même de la renseigner sur les tarifs pratiqués par la société Seafricgo afin de capter la clientèle, Mme [X] étant partie après avoir pris soin de ‘nettoyer’ son ordinateur professionnel de tous fichiers et échanges de mails professionnels, et que la société Fauveder a proposé des conditions financières favorables et une rémunération anormalement élevée aux deux cadres.
La société Fauveder conteste avoir usé de manoeuvres pour débaucher des salariés et conteste toute désorganisation de la société Seafrigo dès lors que seulement 4 salariés sur 160 ont été embauchés, qui avaient chacun des raisons de quitter leur ancien employeur et qui ne travaillaient pas dans le même service.
Le débauchage de salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en lui-même fautif. Il devient déloyal, et donc illicite, si une faute peut être imputée au nouvel employeur.
En l’espèce, 4 salariés ont été embauchés par la société Fauveder sur un effectif de 161 sur la période du 5 au 21 février 2015.
il ressort des pièces communiquées que Mme [X] était en contact avec un cabinet de recrutement depuis au moins l’été 2014, ce qui établit que cette dernière envisageait de quitter la société Seafrigo sans qu’il ne soit justifié qu’elle était déjà en contact avec la société Fauveder à cette période.
Mme [N], agent logistique, qui n’était tenue par aucune clause de non-concurrence,atteste qu’elle souhaitait déménager dans la région des Pays de la [Localité 6] afin de se rapprocher de son compagnon, que la société Seafrigo a refusé de la muter sur le site de [Localité 1] et qu’en désespoir de cause, elle a recherché un emploi correspondant à ses compétences.
Concernant M. [O], il est communiqué l’attestation de Mme [Z] qui a travaillé chez Seafrigo comme assistance commerciale de 2009 à février 2016 et qui indique qu’elle a toujours travaillé sous la responsabilité de M. [O], qu’à son retour de congé maternité en septembre 2014, elle a constaté que celui-ci avait perdu presque toutes ses responsabilités et fonctions notamment sur le Japon et la Chine, les deux zones les plus importantes du service, qu’il avait perdu son bureau personnel, presque tous ses clients avec la réorganisation du service ainsi que la négociation des achats de frêts maritimes.
Elle précise qu’un an après le départ de M. [O], elle a démissionné de la société Seafrigo comme d’autres personnes.
Concernant Mme [R], qui était assistante commerciale et n’était pas tenue par une clause de non-concurrence, elle a été embauchée par la société Fauveder sans qu’il ne soit fait état de circonstances particulières ni de démarches déloyales de la part de cette dernière.
Il a été retenu ci-dessus qu’il n’était pas justifié que Mme [X] était partie de son ancien poste en effaçant toutes ses données informatiques avec l’intention de nuire et de commettre un ‘sabotage’ comme le lui reproche la société Seafrigo.
Il a également été retenu par la cour que la dissimulation des fonctions de M. [O] n’était pas établie.
Par ailleurs, l’annexe au procès-verbal de constat d’huissier de justice du 8 juin relative à un mail signé ‘[K]’ adressé à un client revendiqué par la société Seafrigo n’établit pas une dissimulation de l’identité de Mme [R].
Concernant la rémunération des salariés, le fait que ceux-ci aient bénéficié de meilleurs salaires ne peut être constitutif d’une faute de la part du nouvel employeur dès lors qu’il n’est aucunement justifié par les pièces communiquées que les deux cadres ont bénéficié d’une rémunération anormalement favorable au vu des fonctions exercées et du type de société.
Il n’est ainsi pas justifié de démarches déloyales de la société Fauveder pour embaucher les 4 salariés de la société Seafrigo, étant rappelé que les salariés sont libres de changer d’employeur même s’ils sont tenus par une clause de non-concurrence.
Le fait que la société Fauveder ait voulu développer un marché spécifique de la logistique LCL/LCL reefer notamment agroalimentaire à destination et en provenance de l’Asie et de l’Australie ne peut lui être reproché dans un secteur qui est très concurrentiel et où les mêmes intermédiaires peuvent être sollicités pour autant que les sociétés concurrentes n’utilisent pas de moyens déloyaux pour écarter leurs concurrents, ce qui n’est pas établi en l’espèce, aucun élément ne permettant notamment de retenir que la société Fauveder a bénéficié d’informations confidentielles par les salariés embauchés relatifs aux prix pratiqués et aux marges et qu’elle en a profité pour développer son activité.
Par ailleurs, la société Seafrigo invoque une désorganisation de ses services du fait du départ simultané de personnes constituant une équipe dédiée.
Elle communique les attestations de Mme [U], directrice commerciale, faisant état d’un départ sans passation des documents professionnels, ayant entraîné une désorganisation profonde et créé une tension importante sur l’équipe en place, des commerciaux ayant dû se rendre sur zone en toute urgence et de Mme [J], directrice des ressources humaines, qui témoigne avoir dû après le départ précipité de l’équipe de M. [O] gérer une situation de grande tension chez les salariés de la société ayant dû reprendre en catastrophe la gestion de la clientèle et la reconstitution des données détruites.
Cependant, s’il est établi que M. [O] n’a pas respecté de délai de préavis, il n’en est pas de même concernant les 3 autres salariés, Mme [X] ayant respecté un préavis de trois mois et ayant adressé sa lettre de démission le 23 octobre 2014, Mmes [N] et [R] ayant respecté leur délai de préavis fixé à 1 mois, ce qui permettait d’anticiper les départs.
Par ailleurs, la société Fauveder établit qu’il existait un ‘turn over’ au sein de la société Seafrigo, le tableau fourni par l’expert-comptable de la société Seafrigo établissant un turn over de 13,16% sur la période du 1er mars 2014 au 28 février 2015 pour un effectif de 171 salariés au 28 février 2014 et relevant 15 démissions sur cette période et 5 ruptures conventionnelles, dont deux directeurs commerciaux, le directeur logistique ayant de surcroît été licencié le 15 janvier 2015.
Il ressort de l’arrêt de la chambre sociale de [Localité 8], que M. [O] a été nommé directeur commercial export Europe zone Asie-Auxtralie en janvier 2014, qu’en février 2014, la zone Japon lui a été retirée, puis en juin 2014 lui a été retirée la zone Australie, Chine, Hongkong et Taïwan, que la société Seafrigo a ainsi voulu réorganiser la zone Asie et la confier non plus à M. [O] seul mais également à Mme [X] et à M. [L] sous la responsabilité de Mme [U] désignée coordinatrice des actions menées sur toute l’Asie, que l’organigramme de l’année 2012 mentionnait dans le service comercial Asie-Australie placé sous la direction de M. [O] 7 personnes, que M. [O] a reçu l’aval de l’employeur pour que ses homologues, Mme [X] et M. [L], disposent d’une équipe similaire.
Dans son attestation, Mme [Z] confirme la réorganisation du service.
Dans un message du 21 mai 2014 adressé à M. [E] [T], M. [O] informe ce dernier que compte tenu de la démission d”[V]’ de son poste de responsable opération sur les trafics à destination de l’Asie et Océanie, il apparaît important de renforcer l’équipe pour ne pas pénaliser les dossiers, ‘[V]’ étant la personne qui connaissait le mieux l’intégralité des dossiers et les clients comme lui-même et que son départ sera préjudiciable.
M. [O] attire dans ce mail l’attention de son employeur sur les retours de difficultés dans le suivi opérationnel précisant qu’il comprenait les difficultés de recrutement mais que cela affectait les performances et donc les résultats, relevant que s’il était difficile de ‘réussir à décrocher un nouveau client’, il était au contraire très facile de le perdre ‘dès les premières opérations non concluantes’.
Dans un couriel du 1er juin 2015, M. [G], dirigeant de la société FB solutions, indique au directeur de la société Fauveder que : ‘Ce qui reste très important c’est de bien conserver les mêmes contacts sur le long terme ce qui n’était plus le cas chez mon transitaire précédent où les changements de personnes se sont accumulées en 2014 ; la qualité du service en avait pâti fortement d’où le fait que je cède à tes sirènes.’
Au vu de ces éléments, il n’est pas établi que la société Fauveder a procédé à un débauchage massif de salariés ayant entraîné une désorganisation de la société Seafrigo dès lors que le débauchage allégué ne concerne que 4 salariés sur 161, que ces 4 salariés ne constituaient pas une équipe unique au sein de la société dédiée à l’activité reefer dans la zone Asie/Australie, qu’il apparaît que la société Seafrigo connaissait un turn over important ayant déjà contribué à la désorganiser avant le départ des 4 salariés concernés, que 3 de ceux-ci ont respecté leur préavis et que la société Seafrigo ne démontre pas qu’elle ne pouvait les remplacer dans des délais raisonnables.
Sur le détournement de clientèle
La société Seafrigo soutient que résultat des actions de démarchage agressif et déloyal menées par la société Fauveder, deux de ses très importants clients historiques, les sociétés Sill et FB solutions, ont brutalement cessé toute relation d’affaires avec elle pour les prestations FCL reefer, qu’elle a également perdu les clients Classic Fine Foods et Reci Tech, que la société Fauveder propose les mêmes services et démarche d’autant plus facilement ses clients qu’elle connaît ses prix et ses marges et qu’elle a entretenu une confusion avec la société Seafrigo, les clients conservant le même interlocuteur.
La société Fauveder fait valoir le jeu normal de la concurrence et l’absence de toute concurrence déloyale précisant qu’aucun des anciens salariés de la société Seafrigo tenus par une clause de non-concurrence n’a démarché des clients de la société Seafrigo en violation de ladite clause.
La liberté de la concurrence autorise le démarchage de la clientèle puisque celle-ci ne peut faire l’objet d’aucun droit privatif.
Ainsi, le démarchage de la clientèle d’un concurrent, même de la part d’un ancien salarié, ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale, s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal ou contraire aux usages de commerce.
Il en est de même du développement d’une activité concurrente à celle d’une autre société.
Il ressort des pièces du dossier que comme relevé supra, la société FB solutions a contracté avec la société Fauveder alors qu’elle n’était pas satisfaite du service de la société Seafrigo.
Par ailleurs, les pièces jointes au procès-verbal de constat sur ordonnance du 20 mai 2015 établissent que la société Sill était un client de la société Fauveder depuis 2009 avec un chiffre d’affaires total pour cette année de 401.202,43 euros et qu’il en était de même pour la société Classic Fine Foods dont il apparaît qu’elle est située aux Philippines.
La société Reso Tech est établie en Nouvelle-Zélande, en dehors des zones géographiques visées par les clauses de non-concurrence.
Aucune des pièces visées par la société Seafrigo dans ses conclusions n’établit la réalité de manoeuvres déloyales de la part de la société Fauveder pour démarcher ses clients notamment par l’utilisation d’informations confidentielles de la société Seafrigo ou encore par un démarchage des salariés tenus par une clause de non-concurrence. (pièces 22, 23, 31, 24, 18, 18bis, annexes 14, 15 de la pièce 10 visées par la société Seafrigo).Il sera relevé que la pièce 38 visée dans les conclusions n’a pas été communiquée volontairement par la société Seafrigo.
Il est communiqué un mail de Mme [F] de la société Elvir, dont la société Seafrigo indique qu’elle est sa cliente, à la société Metro le 9 mars 2015 pour lui indiquer : ‘Concernant votre commande PO 1691, elle est censée être chargée dans notre entrepôt. Qui s’occupera du chargement’ Seafrigo’
Dans l’attente de votre réponse afin de l’organiser.’
La société Metro a répondu à Mme [F] pour l’informer que que son nouveau transporteur était la société Fauveder.
Ce message unique ne permet pas de retenir des manoeuvres de la société Fauveder pour entretenir la confusion avec la société Seafrigo et détourner ainsi de manière déloyale des clients.
Il s’ensuit que la société Seafrigo ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’un détournement déloyal de sa clientèle par la société Fauveder.
Sur le préjudice
La société Seafrigo, se fondant sur le rapport d’expertise de M. [A] qu’elle a elle-même missionné, réclame le paiement :
– de la somme de 128 227 euros au titre de la perte d’un gain,
– de la somme de 711 579 euros au titre d’un manque à gagner actualisé sur la période postérieure à octobre 2015,
– de la somme de 116 505 euros au titre de la perte de productivité,
– de la somme de 50 000 euros au titre de l’atteinte à la marque.
Elle invoque le débauchage brutal d’une équipe opérationnelle ayant entraîné la désorganisation du service commercial et provoqué une baisse très sensible des résultats financiers sur les zones Asie du sud est, Australie/ Chine et Japon ainsi que le profit par la société Fauveder des investissements au moins intellectuels de la société Seafrigo qui lui a pemis de développer son activité dans le secteur du groupage de produits sous température dirigée LCL ou FCL à destination de l’Asie.
La société Fauveder soutient que M. [O] a déjà été condamné à indemniser la société Seafrigo qui ne peut obtenir une double indemnisation de son préjudice.
Elle critique par ailleurs le caractère probant du rapport d’expertise dont se prévaut la société Seafrigo et soutient que cette dernière ne justifie pas d’un préjudice en lien avec le départ de 4 salariés ni d’un lien de causalité entre une baisse de ses résultats et une activité prétendument déloyale de la société Fauveder.
La cour n’a pas retenu à la charge de la société Fauveder un débauchage massif de salariés ayant désorganisé la société Seafrigo ni un détournement fautif de clientèle.
Dès lors, le préjudice allégué à ce titre par la société Seafrigo, à savoir la perte d’un gain, le manque à gagner, la perte de productivité, n’est pas en lien avec une faute commise par la société Fauveder.
La seule faute retenue à l’encontre de la société Fauveder est sa négligence au moment de l’embauche et son absence de réaction du 20 mai 2015 au 15 octobre 2015.
Il convient de retenir qu’aucune preuve de la violation de sa clause de non-concurrence par Mme [X] n’est rapportée et que la société Seafrigo ne justifie donc pas d’un préjudice en lien avec la faute commise par la société Fauveder.
Il n’en est pas de même concernant M. [O] dont la violation de la clause de non-concurrence est établie.
La société Fauveder s’est donc rendue complice de la violation de la clause de non-concurrence.
Il s’infère nécessairement un préjudice de la participation fautive par une entreprise à la violation d’une clause de non-concurrence qui ne se confond pas avec la clause pénale au paiement de laquelle a été condamné M. [O] par la chambre sociale de la cour d’appel de Rouen.
C’est justement que la société Seafrigo fait valoir au soutien de sa demande formée au titre d’un préjudice lié l’atteinte à l’image de marque que la société Fauveder
a profité sans bourse délier des investissements tout au moins intellectuels de la société Seafrigo pour développer son activité groupage de produits sous température dirigée dans la zone Asie.
Au vu de ces éléments, le préjudice subi à ce titre par la société Seafrigo peut être justement évalué à la somme de 20.000 euros.
La société Fauveder sera condamnée au paiement de cette somme.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Les demandes de mesures de publication et d’affichage du dispositif de l’arrêt seront rejetées n’apparaissant pas de nature à réparer partiellement le préjudice subi au vu de la date de commission des faits fautifs, les clauses de non-concurrence ayant expiré en février 2016.
Sur la demande de dommages et intérêts
Le droit d’exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de son droit qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.
Faute pour la SA Fauveder et cie d’établir un tel abus, alors qu’il est partiellement fait droit à la demande d’indemnisation de la société Seafrigo, et la SAS Fauveder n’étant pas sur la procédure, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la soluction donnée au litige, les dispositions du jugement entrepris relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront infirmées.
La société Fauveder, qui est condamnée à paiement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, à payer la société Seafrigo la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande formée à ce titre, l’équité commandant en outre que la société Seafrigo conserve ses frais d’huissiers et d’expert.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine ;
Rejette la demande d’irrecevabilité des pièces communiquées par la SA Philippe Fauveder ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société Entrepôts et transports [T] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant ;
Condamne la société Philippe Fauveder et Cie à payer à la société Entrepôts et transports [T] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société Philippe Fauveder et Cie à payer à la société Entrepôts et transports [T] la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Philippe Fauveder et Cie aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY