Le commandement de payer valant saisie immobilière

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Le commandement de payer valant saisie immobilière

La SA BNP Paribas Personal Finance a engagé une saisie immobilière contre M. [J] [V] et Mme [P] [O] pour le recouvrement d’une créance de 331.434,67 euros, résultant d’un prêt notarié de 2006. Un commandement de payer a été publié le 25 octobre 2023, suivi d’une assignation à l’audience d’orientation, où les débiteurs ne se sont pas présentés. Le juge de l’exécution a déclaré l’action irrecevable pour cause de prescription, annulant le commandement de saisie et condamnant la banque aux dépens. La banque a fait appel, soutenant que plusieurs actes avaient interrompu la prescription. La cour d’appel a finalement déclaré l’action recevable, considérant la clause de déchéance du terme comme abusive, et a confirmé le jugement pour le surplus tout en condamnant la banque aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
24/07023
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/07023 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJIJF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2024-Juge de l’exécution de Créteil- RG n° 24/00006

APPELANTE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEOPOLD – COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [J] [V]

[Adresse 8]

[Localité 11]

n’a pas constitué avocat

Madame [P] [G] [D] [O]

[Adresse 8]

[Localité 11]

n’a pas constitué avocat

L

CRÉDIT LOGEMENT

[Adresse 4]

[Localité 5]

n’a pas constitué avocat

TRESOR PUBLIC

[Adresse 9]

[Localité 13]

n’a pas constitué avocat

TRESOR PUBLIC

[Adresse 3]

[Localité 7]

n’a pas constitué avocat

LE COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 10]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :

– RENDUE PAR DEFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière en date du 8 septembre 2023, publié le 25 octobre 2023 au service de la publicité foncière de Créteil 2, la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de l’Union de Crédit pour le Bâtiment (UCB), a entrepris une saisie des biens immobiliers de M. [J] [V] et Mme [P] [O] situé [Adresse 8] à [Localité 11] (94), pour avoir paiement d’une somme totale de 331.434,67 euros, en vertu d’un acte notarié de prêt du 26 avril 2006.

Par acte de commissaire de justice du 22 décembre 2023, la BNP Paribas Personal Finance a fait assigner M. [V] et Mme [O] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de vente forcée. Ces derniers n’étaient ni comparants ni représentés devant le juge de l’exécution.

Le commandement a été dénoncé, avec assignation à comparaître à l’audience d’orientation, au Crédit Logement, au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) du Val-de-Marne, au PRS de [Localité 13] et au PRS DNVST de [Localité 12], créanciers inscrits.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mars 2024, le juge de l’exécution a :

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la société BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de M. [V] et Mme [O],

– prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 8 septembre 2023 et publié au 2ème bureau du service de la publicité foncière de Créteil,

– condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu qu’il s’était écoulé plus de deux ans entre le 18 avril 2014, date de déchéance du terme rendant le capital exigible, et la date du commandement de payer valant saisie immobilière du 8 septembre 2023, et que le créancier poursuivant ne justifiait pas d’une cause d’interruption de la prescription.

Par déclaration du 17 avril 2024, la société BNP Paribas Personal Finance a fait appel de ce jugement. Puis elle a, par actes de commissaire de justice des 29 et 30 avril 2024, déposés au greffe par le Rpva le 13 mai 2024, fait assigner à jour fixe respectivement le Crédit Logement, le Trésor public (PRS [Localité 13] et PRS DNVSF de [Localité 12]), la trésorerie générale du Val de Marne, M. [V] et Mme [O] devant la cour d’appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance du 18 avril 2024.

Aucun des intimés n’a constitué avocat, étant précisé que les débiteurs ont été cités à étude, de même que le PRS de [Localité 13] et la trésorerie du Val de Marne, les autres intimés ayant été cités à domicile élu.

Aux termes de son assignation, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– déclarer en tant que de besoin irrecevables, ou à défaut mal fondés M. [V] et Mme [O] en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions le cas échéant à venir,

– constater, de par l’effet dévolutif de l’appel, que titulaire d’une créance liquide et exigible, elle agit en vertu d’un titre exécutoire comme il est dit aux articles L.311-2 et L.311-4 du code des procédures civiles d’exécution,

– constater que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l’article L.311-6 du code des procédures civiles d’exécution,

– statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes,

– déterminer les modalités de poursuite de la procédure et orienter en vente force les poursuites portant sur les biens visés au commandement, et ce sur la mise à prix de 78.000 euros,

– fixer le montant de sa créance en principal, frais, intérêts et autres accessoires à la somme de 331.434,67 euros arrêtée au 8 août 2023, outre les intérêts moratoires au taux de 1,74% l’an depuis le 9 août 2023 jusqu’au paiement complet ainsi que les frais y compris ceux du présent acte,

– lui donner acte le cas échéant de ce que, si une demande de conversion en vente amiable devait être sollicitée, elle s’en rapporte à la sagesse de la cour sur le principe d’une telle vente, sous la réserve que les conditions de l’article R.322-15 du code des procédures civiles d’exécution soient remplies,

– à défaut de vente amiable, orienter la procédure en vente forcée sur la mise à prix ci-dessus rappelée et telle que fixée par le cahier des conditions de vente,

– renvoyer en tout état de cause devant le juge de l’exécution pour la poursuite de la procédure d’exécution,

– déclarer que les dépens de l’incident (sic), comprenant notamment l’émolument proportionnel d’incident (article A444-200 du code de commerce) doivent être qualifiés de frais de justice privilégiés.

Elle invoque diverses causes d’interruption de la prescription, à savoir une saisie-attribution de loyers du 20 octobre 2015, une saisie-attribution du 1er juillet 2017, un commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 mai 2019, une procédure de saisie des rémunérations engagée à l’encontre de Mme [O] le 2 mars 2021, dont elle s’est finalement désistée afin de saisir le tribunal territorialement compétent, et la seconde requête en saisie des rémunérations en date du 17 mai 2022. Elle explique que le désistement d’une procédure de saisie des rémunérations motivé par l’incompétence de la juridiction saisie ne fait pas perdre à la requête aux fins de saisie des rémunérations son effet interruptif (Cass 2ème civ, 12 janvier 2023, n°21-18.334), et que la radiation de la seconde procédure de saisie des rémunérations n’implique pas non plus la perte de l’effet interruptif de prescription de la requête. Elle conclut que la prescription biennale ne pouvait être acquise que le 17 mai 2024.

Par message Rpva du 11 septembre 2024, jour de l’audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le moyen qu’elle entend soulever d’office tiré du caractère abusif de la clause de déchéance du terme automatique insérée dans le contrat de prêt.

Par note en délibéré du 18 septembre 2024, la BNP Paribas Personal Finance soutient que le caractère abusif de la clause s’apprécie au regard de ce qui est prévu concernant ses modalités de mise en ‘uvre ; qu’en l’espèce, aucun délai n’étant stipulé, il ne peut y avoir de délai de préavis déraisonnable ; que le prononcé de la déchéance du terme n’est qu’une possibilité pour le prêteur, qui doit se faire après une manifestation de volonté de se prévaloir de la clause, par mise en demeure, ce qui a été fait en l’espèce par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 mars 2014 laissant aux consorts [V]-[O] un délai de quinze jours pour régler l’arriéré ; que la délivrance d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme est parfaitement conforme à la jurisprudence, de sorte que l’exigibilité anticipée a été régulièrement considérée comme acquise ; que la clause de déchéance du terme, ne prévoyant formellement aucune résiliation de plein droit sans mise en demeure préalable ni au terme d’un délai de préavis déraisonnable, ne saurait être considérée comme étant abusive ; que si le délai de quinze jours, indiqué dans les mises en demeure, a été considéré par la Cour de cassation comme ne constituant pas un délai de préavis raisonnable, ce délai n’est pas repris dans la clause de déchéance du terme, dont la régularité s’apprécie in abstracto, peu important les conditions de mise en ‘uvre effectives. Par ailleurs, elle s’étonne de ce qu’un délai de quinze jours ne soit pas considéré comme raisonnable, alors que le plan de surendettement est caduc de plein droit quinze jours après une mise en demeure infructueuse en vertu de l’article R.732-2 du code de la consommation. Si la cour devait considérer la clause comme étant abusive, elle demande que son caractère abusif soit limité au fait que la clause ne prévoit pas de délai de préavis et/ou que le prononcé de l’exigibilité est laissé à la discrétion du prêteur, à l’exclusion des autres stipulations de la clause, notamment les différents cas de défaillance susceptibles d’entraîner la déchéance du terme.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Il n’est pas contesté que le délai de prescription applicable en l’espèce est le délai biennal de l’article L.137-2 ancien, devenu L.218-2, du code de la consommation.

Il est de jurisprudence constante qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ces fractions à compter de son échéance de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

Il résulte de l’article 2244 du code civil que le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée.

Selon l’article 2245 alinéa 1er du même code, l’interpellation faite à un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres.

En l’espèce, la déchéance du terme ayant été prononcée le 10 avril 2014, après une mise en demeure préalable du 11 mars 2014 (AR signés), et notifiée le 18 avril 2014 (pas d’AR), la prescription biennale expirait normalement le 10 avril 2016 pour le capital restant dû.

Le commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré le 8 septembre 2023.

Toutefois, le délai de prescription biennal a été interrompu par :

– le procès-verbal de saisie-attribution de loyers du 20 octobre 2015

– le procès-verbal de saisie-attribution de loyers du 1er juillet 2017

– le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 mai 2019.

L’appelante produit en outre :

– la citation en audience de conciliation devant le juge des saisies des rémunérations du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine en date du 22 avril 2021 à l’encontre de Mme [O] (ordonnance de désistement d’instance du tribunal d’instance d’Ivry du 3 juin 2021)

– une décision de radiation en date du 13 septembre 2022 du juge de l’exécution de Paris qui fait état d’une requête en saisie des rémunérations contre Mme [O] en date du 17 mai 2022.

Il résulte de l’article 2243 du code civil que l’interruption de la prescription par une demande en justice est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que seul le désistement pur et simple rend non avenue l’interruption de la prescription et non lorsqu’il énonce que l’action sera reprise ultérieurement. De même, le désistement d’instance, et non d’action, intervenu en réponse à une exception d’incompétence territoriale, sans que le créancier renonce à reprendre l’action devant la juridiction compétente, ne fait pas perdre à la requête en saisie des rémunérations son effet interruptif.

En l’espèce, l’ordonnance de désistement d’instance du tribunal d’instance d’Ivry du 3 juin 2021 est motivée ainsi : « Attendu que Mme [O] n’est plus domiciliée dans notre ressort (PV 659 du 22 avril 2021), que le tiers saisi se trouve à [Localité 12] ; Attendu que la partie demanderesse déclare se désister de l’instance par elle introduite afin de pouvoir déposer une nouvelle requête dans le ressort du tiers saisi ». Par conséquent, le désistement n’a pas fait perdre à la citation du 22 avril 2021 son effet interruptif de prescription puisqu’il était motivé par l’incompétence territoriale du juge de l’exécution d’Ivry et la volonté du créancier de déposer une nouvelle requête devant le juge de l’exécution territorialement compétent.

Par ailleurs, selon la Cour de cassation, la radiation de l’affaire est sans effet sur la poursuite de l’interruption découlant de l’introduction de l’instance. Dès lors, la requête en saisie des rémunérations du 17 mai 2022 a bien interrompu la prescription.

Ainsi, il s’est écoulé moins de deux ans entre la déchéance du terme survenue le 10 avril 2014 et chaque acte interruptif de prescription, et moins de deux ans entre le dernier acte interruptif et la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière. La prescription biennale n’était donc pas acquise au moment de la délivrance du commandement litigieux.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la société BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de M. [V] et Mme [O], et de déclarer le créancier poursuivant recevable.

Sur la régularité de la saisie immobilière

Il résulte de l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution que pour procéder à une saisie immobilière le créancier doit être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

S’agissant de l’exigibilité d’une créance résultant d’un acte notarié, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la déchéance du terme suppose la délivrance préalable d’une mise en demeure restée sans effet et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, et est donc abusive.

En l’espèce, le contrat, conclu entre la BNP Paribas Personal Finance, professionnel du crédit, et les consorts [V] et [O], consommateurs, comporte, une clause intitulée « Définition et conséquences de la défaillance » rédigée comme suit : « L’emprunteur est réputé défaillant sans qu’il soit besoin d’adresser une mise en demeure en cas de [‘] non-paiement à bonne date d’une somme quelconque due par lui » Il est stipulé également : « En cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du solde du compte ».

Il en résulte qu’aucune modalité de mise en ‘uvre de la clause n’est prévue par le contrat, que le prononcé de l’exigibilité anticipée du prêt est laissé à l’appréciation du prêteur, de même que les modalités de mise en ‘uvre. Aucune mise en demeure préalable prévoyant un délai de préavis n’est prévue en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit. Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, compte tenu de l’enjeu et des conséquences considérables d’une telle clause pour l’emprunteur qui se voit contraint de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues au titre du prêt au bon vouloir du prêteur, sans respect d’un délai de préavis d’une durée raisonnable, cette clause est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.

En outre, le fait que la BNP Paribas Personal Finance ait adressé aux emprunteurs, le 11 mars 2014, une mise en demeure préalable de payer la somme de 10.573,75 euros dans un délai de quinze jours les avertissant du prononcé de la déchéance du terme à défaut de paiement, puis les ait informés de la déchéance du terme par courrier du 18 avril 2014, est sans effet sur le caractère abusif de la clause. En effet, d’une part, le caractère abusif d’une clause s’apprécie in abstracto, comme l’admet l’appelante, et non pas en fonction des conditions effectives de sa mise en ‘uvre, qui sont en l’espèce laissées totalement à la discrétion du prêteur par la clause. D’autre part, le délai de quinze jours laissé aux emprunteurs pour faire obstacle à la résiliation de plein droit ne constitue pas un délai de préavis d’une durée raisonnable. A cet égard, la comparaison avec la caducité du plan de surendettement (quinze jours après une mise en demeure infructueuse) n’est pas pertinente, et il peut être rétorqué que la loi prévoit un délai de préavis de six semaines (deux mois avant le 28 juillet 2023) pour la mise en ‘uvre d’une clause résolutoire en matière de bail d’habitation, que le bailleur soit ou non un professionnel.

Par ailleurs, la Cour de cassation a pu admettre que pouvait être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes étaient abusives, dès lors qu’en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendaient abusive n’affectait pas sa substance, et que la clause pouvait survivre par voie de retranchement des dispositions prévoyant des causes de déchéance du terme extérieures au contrat (1ère Civ., 2 juin 2021, n°19-22.455).

En l’espèce, ce qui est abusif dans la clause litigieuse n’est pas la cause de déchéance du terme, à savoir le non-paiement des sommes dues par l’emprunteur, mais les conditions de mises en ‘uvre de la déchéance du terme, en cas de non-paiement, laissées totalement à la discrétion du prêteur, sans prévoir de mise en demeure préalable avec un délai de préavis d’une durée raisonnable. Les autres causes de déchéance du terme ne nécessitent pas nécessairement l’envoi préalable d’une mise en demeure avec un délai de préavis pour régulariser. La clause sera donc réputée abusive en ce qu’elle laisse à l’entière discrétion du prêteur tant le prononcé de la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur que les modalités de mise en ‘uvre de la clause, sans prévoir de mise en demeure préalable avec un délai de préavis d’une durée raisonnable permettant à l’emprunteur de faire obstacle à la déchéance du terme.

Par conséquent, la clause de déchéance du terme n’étant pas valable en l’espèce, la dette ne peut être considérée comme étant exigible, de sorte que le commandement de payer valant saisie immobilière n’est pas valable. Il convient donc, par motifs substitués, de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière.

Sur les dépens

L’issue du litige justifie de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le créancier poursuivant aux dépens et de le condamner aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 21 mars 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la société BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de M. [J] [V] et Mme [P] [O],

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

DECLARE recevable car non prescrite l’action de la SA BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de M. [J] [V] et Mme [P] [O],

DIT que la clause de déchéance du terme est réputée non écrite, comme étant abusive, en ce qu’elle laisse à l’entière discrétion du prêteur tant le prononcé de la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur que les modalités de mise en ‘uvre de celle-ci, sans prévoir de mise en demeure préalable avec un délai de préavis d’une durée raisonnable permettant à l’emprunteur de faire obstacle à la déchéance du terme ;

En conséquence,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens d’appel.

Le greffier, Le Président,


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