L’AVC susceptible de priver un associé d’agir en justice ?

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L’AVC susceptible de priver un associé d’agir en justice ?

En l’absence de preuve, un AVC qui n’a pas eu de séquelles sur les capacités mentales de l’associé n’est pas susceptible de le priver d’agir en justice. Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, « Constitue des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : – Le défaut de capacité d’ester en justice ; – Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant, soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ; – Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. » L’article 414-1 du code civil dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité et pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ». Aux termes de l’article 1383 du même code « L’aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire ».

Résumé de l’affaire : La société civile [T], fondée en 1993 par Monsieur [X] [Y] et Monsieur [K] [L], a connu plusieurs modifications de son capital social et de sa structure de gestion au fil des ans. En 1996, Monsieur [A] [N] a été agréé comme nouvel associé et co-gérant après un apport en nature. En 2006, Monsieur [X] [Y] a cédé ses parts à Monsieur [K] [L], qui a ensuite transféré une partie de ses parts à la société V.P.L en 2009. La société COFRED, dans laquelle la société [T] détenait une participation, a été dissoute en 2013, et un protocole de cession d’actions a été signé en 2012 avec la société UTD, qui a ensuite fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en 2017. Monsieur [K] [L], après un AVC en 2013, a affirmé avoir été écarté de la gestion de la société [T] par Monsieur [A] [N], qui a exercé seul la gérance. En 2023, Monsieur [K] [L] a assigné plusieurs parties, y compris Monsieur [A] [N] et la société EUREX, pour obtenir réparation de préjudices liés à la gestion de la société [T] et à l’absence de déclaration de créance par COFRED. Monsieur [A] [N] a soulevé des exceptions de prescription et d’irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [L]. Les parties ont échangé des conclusions sur ces incidents, et le juge a statué sur la recevabilité des actions de Monsieur [K] [L] contre Monsieur [A] [N] et la société EUREX, tout en renvoyant certaines questions au tribunal pour un examen au fond. L’affaire est prévue pour une audience de clôture en avril 2025.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 octobre 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/01713
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS [1] [1] C.C.C. délivrées le : à ■ PEC sociétés civiles N° RG 23/01713 N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT N° MINUTE : 1 Assignation du : 18 janvier 2023 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 21 octobre 2024 DEMANDEUR Monsieur [K] [L] Les Basses Buisses 26230 Chamaret représenté par Me Jean-philippe HUGOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2501 DEFENDEURS Monsieur [A] [N] 23, chemin de l’Abbaye 74940 ANNECY-LE-VIEUX représenté par Me Stéphane MAZARS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K30, et de Maître Catherine CHAT, avocat au barreau de CHAMBERY, avocat plaidant Monsieur [W] [M] 47 bis, avenue du 11 novembre 1918 31700 BLAGNAC représenté par Maître Charlotte HILDEBRAND de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0285 et Maître Cécile GUILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, 1ère chambre civile – 3ème section Sociétés civiles RG 23/01713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT Madame [C] [V], née [S] 28, rue Notre Dame des Victoires 75002 Paris Société EUREX PARIS (SAS) 28, rue Notre Dame des Victoires 75002 Paris représentées par Maître Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L34 Société [T] (SC) 23, chemin de l’Abbaye 74940 Annecy-le-Vieux défaillante MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Pascale LADOIRE-SECK, vice-présidente, assistée de Robin LECORNU, Greffier DEBATS A l’audience du 29 avril 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 23 septembre 2024 puis prorogé au 21 octobre 2024. ORDONNANCE Rendue publiquement par mise à disposition au Greffe Réputé contradictoire Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE La société civile [T], immatriculée au R.C.S. d’Annecy, est une société civile qui a pour objet la propriété, la gestion et l’administration de tous biens ou droits mobiliers ou immobiliers, valeurs immobilières, qui a été constituée le 02 août 1993 par Monsieur [X] [Y] et Monsieur [K] [L]. Le capital social initial d’un montant de 10.000 francs divisée en 100 parts sociales était réparti de la manière suivante : 70 parts sociales étaient détenues par Monsieur [X] [Y] et 30 parts sociales par Monsieur [K] [L]. Monsieur [X] [Y] et Monsieur [K] [L] sont les co-gérants de la société [T]. La SAS EUREX prise en la personne de Madame [C] [S] épouse [V] est l’expert-comptable de la société [T]. Par décision prise en assemblée générale extraordinaire du 13 mars 1996, les associés de la société [T] ont : -approuvé l’apport à la société [T] par Monsieur [A] [N], de 157 parts sociales qu’il détenait dans la SARL « COMMERCE ET FINANCIERE DU REVETEMENT ET DE LA DECORATION – C.O.F.R.E.D » ; – agréé Monsieur [A] [N] en qualité de nouvel associé. Ainsi, le capital de la société [T] a augmenté par voie d’apport en nature, pour le porter à la somme de 20.100 francs, par la création de 101 part sociales, entièrement libérées et attribuées à Monsieur [A] [N]. Le solde de la valeur de l’apport en nature au crédit du compte-courant du nouvel associé a été inscrit à son nom dans les comptes de la société [T]. Monsieur [A] [N] a été désigné en qualité de co-gérant par l’assemblée générale extraordinaire du 25 mars 1996. Par acte sous seing privé du 13 septembre 2006, Monsieur [X] [Y] a cédé l’intégralité des parts qu’il détenait dans la société [T] à Monsieur [K] [L]. Le capital social a donc été réparti de la manière suivante : – Monsieur [K] [L] : 100 parts – Monsieur [A] [N] : 101 parts Monsieur [X] [Y] a démissionné de ses fonctions de co-gérant. Par acte sous seing privé du 06 septembre 2009, Monsieur [K] [L] a cédé à la société V.P.L, représentée par Monsieur [P] [J], 55 parts sur les 100 parts qui lui appartenaient dans la société [T]. La répartition du capital de la société [T] a ainsi été modifiée comme suit : – Monsieur [K] [L] : 45 parts – la société V.P.L : 55 parts – Monsieur [A] [N] : 101 parts Messieurs [K] [L] et [A] [N] sont restés les co-gérants de la société [T]. La SARL Commerciale et Financière du Revêtement et de la Décoration – COFRED, ci-après COFRED, a pour objet la prise de participation dans des sociétés de fabrication, de commerce de peinture, papiers peints. Son capital social de 94.518,39 euros, divisé en 6.200 parts sociales, est réparti de la manière suivante : Société [T] : 3.180 parts Société MAISON DE LA PEINTURE ET DU PAPIER PEINT :1.685 parts Société ACTEO :1.312 parts Société [A] [N] : 1 part Monsieur [A] [B] : 1 part Monsieur [P] [J] :1 part Monsieur [A] [N] : 7 parts Monsieur [O] [U] : 11 parts Monsieur [W] [M] : 1part Mademoiselle [R] [N] : 1 part Le 24 septembre 2008 a été constitué la SARL CENTRAL’DECO dont le capital social était détenu par la SARL COFRED à hauteur de 1.600 parts et par la société VTP à hauteur de 2.400 parts. 1ère chambre civile – 3ème section Sociétés civiles RG 23/01713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT Un protocole de cession d’actions a été conclu le 29 mars 2012 aux termes duquel la SARL COFRED a cédé à la société UTD sa participation dans la société CENTRAL’DECO moyennant la somme de 600.000 euros dont il était prévu que le règlement se ferait sur cinq ans à terme échu à chaque date anniversaire de la manière suivante : versement d’un acompte de 50.000 euros à la signature, soit le 29 mars 2012, puis règlement du solde de 550.000 euros en 4 échéances de 100.000 euros chacune et une dernière échéance de 150.000 euros le 29 mars 2017. L’assemblée générale extraordinaire du 20 septembre 2013 a décidé de la dissolution anticipée de la société C.O.F.R.E.D à effet immédiat et sa liquidation amiable, prévoyant que la société subsisterait pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci. Messieurs [A] [N] et [W] [M], co-gérants, ont été nommés co-liquidateurs de la société C.O.F.R.E.D. Par jugement du 17 août 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société UTD. La société COFRED à laquelle il restait dû en exécution du protocole de cessions d’actions du 29 mars 2012, la somme de 330.000 euros, n’a pas déclaré sa créance. Monsieur [K] [L] qui a été victime en 2013 d’un accident vasculaire cérébral affirme s’être trouvé empêché d’exercer ses fonctions de co-gérant de la société [T], de sorte que Monsieur [A] [N] a exercé seul la gérance de la société. Monsieur [K] [L] qui considère avoir été écarté de la gérance et n’avoir pas reçu communication des pièces sociales qu’il sollicite depuis 2017 ni d’explication sur l’absence de déclaration de créance par la société CODRED et avoir subi des préjudices importants a par acte de commissaire de justice des 18 janvier 2023, 23 janvier 2023, 24 janvier 2023 et 30 janvier 2023 assigné Monsieur [A] [N], Monsieur [K] [L], Monsieur [W] [M], la société EUREX, Madame [C] [S] épouse [V], en présence de la société COFRED et de la société [T] aux fins de : “ Juger Monsieur [L] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions, y compris celles au profit des Sociétés [T] et C.O.F.R.E.D, à l’encontre de Messieurs [N] et [M] et de Madame [V] et de la Société EUREX PARIS ; Condamner Monsieur [N] au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de Monsieur [L] à titre de dommages et intérêts, en réparation des manquements et fautes commis dans le cadre de la gérance de la Société [T] ; Condamner solidairement Madame [V] et la Société EUREX PARIS au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de Monsieur [L] à titre de dommages et intérêts ; Condamner solidairement Messieurs [N] et [M], au paiement de : ▪ la somme de 160.743 euros au profit de la Société C.O.F.R.E.D., déduction faite de la part revenant à la Société [T], ▪ la somme de 122.847 euros au profit de la Société [T], déduction faite de la part revenant à Monsieur [L], ▪ la somme de 37.896 euros à Monsieur [T] et de la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral. Condamner solidairement Monsieur [N], Monsieur [M], Madame [V] et la Société EUREX PARIS au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile ; Condamner solidairement Monsieur [N], Monsieur [M], Madame [V] et la Société EUREX PARIS aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Jean-Philippe HUGOT, conformément de l’Article 699 du Code de Procédure Civile ”. 1ère chambre civile – 3ème section Sociétés civiles RG 23/01713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT Par conclusions d’incident notifiées le 27 juin 2023, Monsieur [A] [N] a soulevé la prescription et l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [L]. Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 24 avril 2024, Monsieur [A] [N] demande au juge de la mise en état de : “− JUGER que Monsieur [K] [L] n’a pas d’intérêt ni de qualité à agir en réparation du prétendu préjudice subi par la société C.O.F.R.E.D ; − DECLARER prescrites les demandes de Monsieur [K] [L] sur le fondement de la faute de gestion du gérant de SARL ; − DECLARER prescrites les demandes de Monsieur [K] [L] sur le fondement du droit commun de la responsabilité ; EN CONSEQUENCE : − PRONONCER l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [L] pour le compte de la société C.O.F.R.E.D ; − PRONONCER l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [L] sur le fondement de la faute de gestion du gérant de SARL ; − PRONONCER l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [K] [L] sur le fondement du droit commun de la responsabilité ; EN TOUT ETAT DE CAUSE : − CONDAMNER Monsieur [K] [L] à payer à Monsieur [A] [N] la somme de 5.000 euros, en application des dispositions de l’Article 700 du Code de Procédure Civile. − CONDAMNER aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Stéphane MAZARS, conformément à l’Article 699 du Code de Procédure Civile.” Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 26 avril 2024, Monsieur [W] [M] demande au juge de la mise en état de : “DECLARER nulle et de nul effet l’assignation introductive d’instance pour défaut de capacité d’ester en justice de Monsieur [K] [L] ; A titre subsidiaire : DECLARER Monsieur [K] [L] irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt et de qualité à agir à l’encontre de Monsieur [M] en paiement de somme, que ce soit au bénéfice de la société COFRED, de la société [T] ou à son bénéfice ; DECLARER Monsieur [K] [L] irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [M] comme étant prescrites ; En toutes hypothèses : CONDAMNER Monsieur [L] à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maître HILDEBRAND, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.” Aux termes de leurs dernières conclusions d’incident notifiées le 15 avril 2024, la société EUREX et Madame [C] [V] demandent au juge de la mise en état de : “PRONONCER la nullité de l’acte introductif d’instance pour défaut de capacité d’ester en justice de Monsieur [K] [L], En tout état de cause, DECLARER Monsieur [K] [L] irrecvable faute de qualité à agir à l’encontre de la société EUREX et de Madame [C] [V] CONDAMNER Monsieur [K] [L] à verser la somme de 3.000 euros à la société EUREX et à Madame [C] [V] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, CONDAMNER Monsieur [K] [L] aux dépens.” Aux termes de ses dernières conclusions en réponse d’incident notifiées le 25 avril 2024, Monsieur [K] [L] demande au juge de la mise en état de : “▪ JUGER Monsieur [L] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions 1ère chambre civile – 3ème section Sociétés civiles RG 23/01713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT ▪ DEBOUTER Monsieur [M], Madame [V] et la société EUREX de leur demande de voir déclarer nulle et de nul effet l’assignation introductive d’instance pour défaut de capacité d’est en justice de Monsieur [K] [L] ; ▪ RENVOYER devant la formation de jugement les demandes d’irrecevabilité formulées par Messieurs [N] et [M], Madame [V] et la société EUREX tirées du défaut d’intérêt et de qualité à agir de Monsieur [L] et de la prescription de ses demandes, nécessitant que soit tranchée au préalable une question de fond ; En tout état de cause : ▪ DECLARER Monsieur [L], recevable en ses demandes ; ▪ DEBOUTER Messieurs [N] et [M], Madame [V] et la société EUREX de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ; ▪ FIXER le point de départ de la prescription à la date de la révélation du fait dommageable, ayant été dissimulé par Messieurs [M] et [N], à savoir le 17 juin 2022 et par conséquent, de DECLARER l’ensemble des demandes de Monsieur [L] parfaitement non prescrites et recevables ; ▪ CONDAMNER solidairement Messieurs [N] et [M], Madame [V] et la société EUREX au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Monsieur [L] ; ▪ CONDAMNER solidairement Messieurs [N] et [M], Madame [V] et la société EUREX aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Jean-Philippe HUGOT, conformément à l’article 699 du Code de procédure Civile ;” Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. L’incident a été plaidé à l’audience du 29 avril 2024 et mise en délibéré au 23 septembre 2024 puis prorogé au 21 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION Sur la nullité de l’assignation signifiée par Monsieur [K] [L] Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, « Constitue des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : – Le défaut de capacité d’ester en justice ; – Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant, soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ; – Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. » L’article 414-1 du code civil dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité et pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ». Aux termes de l’article 1383 du même code « L’aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire ». En l’espèce, Monsieur [K] [L] a indiqué dans l’acte introductif de la présente instance avoir en 2013 « été victime d’un accident vasculaire cérébral dont il conserve des conséquentes séquelles cérébrales et intellectuelles, le privant de ses pleines capacités. Il en est ainsi résulté un empêchement total dans l’accomplissement de ses fonctions de gérant ». Cette affirmation de la part du demandeur intervient pour expliquer qu’il n’a pas été capable à la suite de cet accident de santé de remplir ses fonctions de co-gérant, de sorte que Monsieur [A] [N] a assumé seul celles-ci, l’excluant de fait de la société et « le privant de ses droits d’associé depuis 2017 ». Ainsi, si Monsieur [K] [L] indique qu’à la suite de son accident vasculaire cérébral, il n’a pas été en mesure d’assumer ses fonctions de gérant, il n’affirme pas qu’il n’a pas la capacité pour agir en justice. En tout état de cause, si le demandeur indique conserver des séquelles cérébrales et intellectuelles, celles-ci qui peuvent prendre diverses formes en cas d’accident vasculaire cérébral (notamment hémiplégie, troubles de la parole, de la concentration, de l’écriture ou de la vue) ne sont pas précisées, de sorte qu’il ne peut être affirmé que si elles l’ont momentanément empêché d’exercer ses fonctions de gérant, elles le privent dix ans après de toute capacité et notamment de sa capacité d’agir en justice, ce que Monsieur [K] [L] ne dit pas. Ce dernier produit un certificat médical établi le 10 avril 2024 qui atteste qu’il ne présente qu’une invalidité physique importante et a toutes ses capacités mentales pour agir en justice et ne peut pas être considéré comme un majeur incapable au sens de la loi. Il résulte clairement de ce certificat que les seules conséquences de l’accident cérébral vasculaire dont a été victime Monsieur [K] [L] sont physiques et qu’il ne subsiste aucune dégradation intellectuelle ou cérébrale susceptible d’altérer ses capacités mentales, de sorte que ce dernier a toute sa capacité pour agir en justice. En outre, Monsieur [K] [L] ne fait l’objet d’aucune mesure de protection, ce qui démontre qu’il dispose pleinement de ses facultés mentales et que l’altération de ses facultés corporelles ne sont pas de nature à empêcher l’expression de sa volonté. En conséquence, Monsieur [W] [M], la société EUREX et Madame [C] [V] seront déboutés de leur demande de nullité de l’assignation pour défaut de capacité d’ester en justice de Monsieur [K] [L]. Sur les fins de non-recevoir Aux termes de l’article 122 du code de procedure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». L’article 789 du code de procédure civile dispose que « Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire. » Sur le défaut de qualité et d’intérêt à agir L’article 31 du code de procédure civile dispose que « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. » Aux termes de l’article 1843-5 du code civil, « Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ». En l’espèce, Monsieur [K] [L] associé et co-gérant de la société [T] elle-même associée de la société COFRED sollicite la condamnation de : -Monsieur [N] en sa qualité de gérant de la société [T], pour avoir commis des fautes de gestion et plus particulièrement de s’être soustrait à ses obligations : de consultation des associés en assemblées ou par écritde communication des livres et documents sociaux d’établissement du rapport annuel de gestion de mise à disposition des documents sociaux En sa qualité d’associé de la société [T], Monsieur [K] [L] qui reproche à Monsieur [A] [N] es qualité de gérant de cette société d’avoir commis des fautes de gestion a intérêt et qualité à agir à son encontre sans qu’il soit besoin d’examiner le fond de l’affaire. -Messieurs [W] [M] et [A] [N] en leur qualité de co-gérants et de liquidateurs de la société COFRED pour ne pas avoir réclamé à la société UTD le solde du prix de cession qui revenait à la société COFRED, ni d’avoir déclaré la créance de celle-ci au passif de la société UTD lorsque qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de celle-ci. Monsieur [K] [L] n’est pas associé de la société COFRED. Il n’a donc pas qualité pour solliciter la réparation du préjudice qu’aurait subi cette société du fait de ses dirigeants sans qu’il soit utile d’examiner le fond de l’affaire. Sa demande de condamnation au profit de la société COFRED sera donc déclarée irrecevable. En sa qualité de gérant de la société [T], Monsieur [K] [L] a qualité et intérêt pour représenter cette société et agir au nom de cette dernière pour obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait des fautes qu’auraient commises à son égard les gérants de la société COFRED. Sa demande de condamnation au profit de la société [T] sera donc déclarée recevable. Il ne peut être statué sur la recevabilité de l’action à titre personnel de Monsieur [K] [L] à l’encontre de Messieurs [W] [M] et [A] [N] es qualité de liquidateurs de la société COFRED, qu’après avoir déterminé si le préjudice individuel allégué par Monsieur [K] [L] est distinct de celui de la société [T] dont il est le gérant associé. S’agissant d’une question de fond, son examen sera renvoyé au tribunal. -la société EUREX PARIS et de Madame [C] [V], experts-comptables de la société [T] de ne pas l’avoir alerté face aux insuffisances et négligences qu’elles avaient selon lui constatées au nombre desquelles l’absence de transmission des pièces comptables de la part de Monsieur [A] [N] empêchant l’établissement des comptes de la société [T] depuis ceux du 31 décembre 2015, et avoir ainsi manqué à leurs obligations des loyauté, de conseil et de diligence tant à son égard qu’à l’égard de la société [T]. Si la responsabilité contractuelle de l’expert-comptable peut être mise en cause par l’entreprise au profit de laquelle il intervient, un tiers qui s’estime lésé par ses agissements peut mettre en cause sa responsabilité délictuelle. De même, conformément au principe de responsabilité posé par l’article 1240 du code civil, si en raison de la faute du commissaire aux comptes, un associé subit un préjudice personnel, celui-ci peut engager la responsabilité du professionnel fautif. En l’espèce, Monsieur [K] [L] associé de la société [T] a donc qualité et intérêt à agir à l’encontre des experts-comptables, à charge pour lui de démontrer un préjudice personnel. Sur la prescription Sur la prescription de l’action à l’encontre de Messieurs [W] [M] et [A] [N] es qualité de liquidateurs de la société COFRED au profit de la société [T] Aux termes de l’article 2224 du code civil «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer  ». -la prescription de l’action en paiement de dommages et intérêts au profit de la société [T] Monsieur [K] [L], co-gérant et associé de la société [T] affirme n’avoir été informé que le 17 juin 2022 de l’existence du protocole d’accord du 29 mars 2012 au terme duquel la société COFRED représentée par Monsieur [A] [N] et dont la société [T] est associée, a cédé à la société UTD sa participation dans la CENTRAL’DECO moyennant la somme de 600.000 euros. C’est en effet le 17 juin 2022 que le protocole d’accord du 29 mars 2012 a été communiqué par mail adressé par Madame [C] [V] au conseil de Monsieur [K] [L] à la suite des réclamations de ce dernier. Il est impossible pour Monsieur [K] [L] d’apporter la preuve qu’il n’a pas été informé du protocole d’accord avant cette date, s’agissant d’un fait négatif. Il appartient aux défendeurs qui affirment que Monsieur [K] [L] a été régulièrement informé de ce protocole d’accord, d’en justifier, ce qu’il ne font pas. Le dépôt au greffe du tribunal de commerce du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la société COFRED du 20 septembre 2013 ni le versement de dividendes de la société COFRED ne démontrent que le demandeur a été informé du protocole sans autre renseignement. En conséquence, l’action introduite par Monsieur [K] [L] au profit de la société [T] sera déclarée non prescrite à l’égard de Monsieur [A] [N] et de Monsieur [W] [M] es qualité de co-gérants puis de liquidateurs de la société COFRED. Sur la prescription de l’action à l’encontre de Messieurs [W] [M] et [A] [N] es qualité de liquidateurs de la société COFRED au profit de Monsieur [K] [L] L’examen des fins de non-recevoir au titre de la qualité et de l’intérêt à agir de de Monsieur [K] [L] dans le cadre de son action à titre personnel à l’encontre de Messieurs [W] [M] et [A] [N] es qualité de liquidateurs de la société COFRED ayant été renvoyée au tribunal statuant au fond, il apparaît d’une bonne administration de la justice, de renvoyer aussi au tribunal statuant au fond l’examen de l’éventuel prescription. Conformément à l’article 781 du code de procédure civile, le juge de la mise en état fixe au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire. Il y a donc lieu de renvoyer l’affaire à l’audience du juge de la mise en état de la 1ère chambre 3ème section de ce tribunal du 28 avril 2025 à 14 heures pour clôture et : – conclusions au fond de Monsieur [A] [N] pris en sa qualité de gérant de la société [T] en réparation des manquements et fautes qu’il aurait commis et qui lui sont reprochés par le demandeur dans le cadre de la gérance de la société [T] avant le 15 janvier 2025 – conclusions au fond de Monsieur [A] [N] et de Monsieur [W] [M] pris en leur qualité de co-gérants et de liquidateurs de la société COFRED en réparation des manquements et fautes qu’ils auraient commis au préjudice de la société [T] et de Monsieur [K] [L] avant le 15 janvier 2025 – conclusions au fond de la société EUREX et de Madame [C] [V] avant le 15 janvier 2025 – conclusions en réplique de Monsieur [K] [L] avant le 30 mars 2025 Les dépens et frais irrépétibles nés de l’incident seront tranchés avec la décision au fond sur ces dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance mise à disposition au Greffe, réputé contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile Déboute Monsieur [W] [M], la société EUREX PARIS et Madame [C] [V] de leur demande de nullité de l’assignation pour défaut de capacité de Monsieur [K] [L], Déclare recevable l’action de Monsieur [K] [L] à l’encontre de Monsieur [A] [N] pris en sa qualité de gérant de la société [T], Déclare irrecevable l’action de Monsieur [K] [L] en dommages et intérêts au profit de la société COFRED, Déclare recevable l’action de Monsieur [K] [L] en dommages et intérêts au profit de la société [T], Constate que l’action introduite par Monsieur [K] [L] au profit de la société [T] est non non prescrite à l’égard de Monsieur [A] [N] et de Monsieur 1ère chambre civile – 3ème section Sociétés civiles RG 23/01713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYRT [W] [M] es qualité de co-gérants puis de liquidateurs de la société COFRED, Renvoie l’examen des fins de non-recevoir au titre de la qualité, de l’intérêt à agir et de l’éventuelle prescription de l’action à titre personnel de Monsieur [K] [L] à l’encontre de Messieurs [W] [M] et [A] [N] es qualité de liquidateurs de la société COFRED, au tribunal statuant au fond, Déclare recevable l’action de Monsieur [K] [L] associé de la société [T] à l’encontre de la société EUREX et de Madame [C] [V], Renvoie l’affaire à l’audience du juge de la mise en état de la 1ère chambre 3ème section de ce tribunal du 28 avril 2025 à 14 heures pour clôture et : – conclusions au fond de Monsieur [A] [N] pris en sa qualité de gérant de la société [T] en réparation des manquements et fautes qu’il aurait commis et qui lui sont reprochés par le demandeur dans le cadre de la gérance de la société [T] avant le 15 janvier 2025 ; – conclusions au fond de Monsieur [A] [N] et de Monsieur [W] [M] pris en leur qualité de co-gérants et de liquidateurs de la société COFRED en réparation des manquements et fautes qu’ils auraient commis au préjudice de la société [T] et de Monsieur [K] [L] avant le 15 janvier 2025 ; – conclusions au fond de la société EUREX et de Madame [C] [V] avant le 15 janvier 2025 ; – conclusions en réplique de Monsieur [K] [L] avant le 30 mars 2025. Réserve les dépens et les frais irrépétibles. Faite et rendue à Paris le 21 octobre 2024 Le Greffier Le juge de la mise en état Robin LECORNU Pascale LADOIRE-SECK

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