La société Saint Cyr Am a lancé des travaux de construction d’un ensemble immobilier, avec la société Farcot comme maître d’œuvre et la société Abt pour le gros-œuvre. En décembre 2019, la société Abt a assigné Saint Cyr Am devant le tribunal de grande instance de Paris, réclamant le paiement de 92.587,41 € pour des acomptes de dépenses communes, ainsi que des intérêts et des dommages-intérêts. En réponse, Saint Cyr Am a demandé le rejet des demandes d’Abt et a formulé des demandes reconventionnelles pour des trop-perçus et des dommages-intérêts.
Le jugement du 22 mars 2022 a débouté les deux parties de leurs demandes respectives et a condamné Abt aux dépens. Un appel a été interjeté, et la procédure est en cours devant la Cour d’appel de Paris. Parallèlement, la société Abt a cité d’autres parties, y compris Saint Cyr Am, pour réclamer un solde de marché de travaux et des dommages-intérêts. Saint Cyr Am a contesté ces demandes, invoquant l’autorité de la chose jugée. Des conclusions ont été échangées entre les parties, et un incident a été fixé pour audience en juin 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
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6ème chambre 1ère section
N° RG 23/08565 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C2DP3
N° MINUTE :
Assignation du :
26 juin 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 27 août 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. ACTIVITE BATIMENT ET TECHNIQUE (ABT)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1661
DEFENDERESSE
SCCV SAINT-CYR AM
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Olivier BANCAUD de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0301
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Clément DELSOL, Juge
assisté de Catherine DEHIER, Greffier lors de l’audience et de Marie MICHO, Greffier lors de la mise à disposition.
DEBATS
A l’audience du 10 juin 2024 à 10h10, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 27 août 2024.
ORDONNANCE
Contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcée par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signée par Clément DELSOL, juge de la mise en état et par Marie MICHO greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les entités suivantes ont participé aux opérations :
la société Farcot a Associés en qualité de maître d’œuvre,
la société Abt en qualité de titulaire du lot gros-œuvre et de la gestion des dépenses communes comptabilisées sous le compte prorata.
Par acte d’huissier de justice délivré le 17 décembre 2019, la société Abt a fait citer la société Saint-Cyr Am devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle formait les prétentions suivantes :
« Vu les articles I 134, I 147 el 1799-1 du code civil
A – Condamner la SCC SAINT CYR AM à payer a la Sociélé ABT la somme de 92.587,41 € TTC au titre des factures d’acomptes des dépenses communes
Dire que celle somme sera majorée des intérêts au Taux légal en vigueur,
majoré de 10 points :
à partir du 31 janvier 2019 pour 36.274,13 € TTC
à partir du 30 avril 2019 pour 56.313,28 € TTC
Dire que ces sommes portant indélibérés seront caporalisées.
B – Ordonner a la SCCV SAINT CYR AM de remettre a la société ABT la garantie de paiement prévue par l’article 1799~1 du code civil, dans les conditions et formes codifiées audit texte, soit par la remise d’un cautionnement bancaire, soit par la mise en place d’une délégation de paiement entre les mains de l’établissement de la banque de la SCCV SAINT CYR AM
Dire que cette injonction sera assortie d’une astreinte calendaire de 500 € par jour de retard à compter de la date de délivrance de la présente assignation.
C – Condamner la SCCV SAINT CYR AM au paiement d’une indemnité de 20.000 € a titre de dommages et intérêts,
D – Condamner la SCCV SAINT CYR AM au paiement de la somme de 6.000 € TTC au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.
Ordonner |’exécution provisoire. »
Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 22 février 2021, la société Saint-Cry Am formait les prétentions suivantes :
« Vu les stipulations du CCAP de l’opération,
Vu les articles 1102 et 1104 du Code civil,
DEBOUTER la société ABT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel,
CONDAMNER la société ABT à verser à la SCCV SAINT CYR AM les sommes de :
24.710,15 euros HT pour trop-perçu à titre d’acompte dans le cadre de la gestion du compte prorata, 38.846,08 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux sommes exposées par le maître d’ouvrage au-delà des provisions prélevées, DECLARER irrecevable et infondé le second projet de décompte définitif notifié par la société ABT le 23 janvier 2020,
ENTERINER le décompte définitif établi par le maître d’œuvre FARCOT et condamner la société ABT à verser au maître d’ouvrage SCCV SAINT CYR AM la somme de 154.422,96 euros HT au titre du solde négatif de ce décompte définitif
En conséquence,
CONDAMNER la société ABT à verser à la SCCV SAINT CYR AM la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société ABT au paiement des entiers dépens d’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir. »
Par jugement du 22 mars 2022, la 7e chambre du tribunal judiciaire de Paris a statué ainsi :
« DEBOUTE la SARL ACTIVITE BATIMENT et TECHNIQUE de l’ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE la SCCV SAINT-CYR AM de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
DIT n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL ACTIVITE BATIMENT et TECHNIQUE aux entiers dépens;
AUTORISE le recouvrement direct des dépens dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement. »
Il a été interjeté appel de ce jugement, la procédure étant actuellement pendant devant la 5e chambre du pôle 4 de la Cour d’appel de Paris sous la référence n°RG22/17488. La société Abt produit des conclusions d’appel n°2 notifiées le 04 juillet 2023 et la société Saint-Cyr Am a notifié des conclusions d’intimée et d’appel incident le 10 avril 2023.
Concomitamment, par acte de commissaire de justice délivré le 26 juin 2023, la société Activité Bâtiment et Technique (Atb) a fait citer Billard Durand et Associés, Terrell, Valode et Pistre Architectes, Mutuelle la société Saint Cyr Am devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle forme les prétentions suivantes :
« Vu les articles 1104, 1231-1 du code civil
Condamner la SCCV SAINT CYR AM à payer à la Société ABT la somme de 130.131,47 € TTC au titre du solde du marché de travaux
Dire que cette somme sera majorée des intérêts moratoires capitalisés à partir du 1er septembre 2019
Condamner la SCCV SAINT CYR AM au paiement d’une indemnité de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
Condamner la SCCV SAINT CYR AM au paiement de la somme de 6.000 € TTC au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens. »
Par conclusions d’incident n°2 notifiée par voie électronique le 31 mai 2024 à 13:02, la société Saint Cyr Am forme les prétentions suivantes :
« Vu les articles 122, 787 et 789 du Code de procédure civile,
Vu l’article 1355 du Code civil,
Il est demandé au Juge de la mise en état de :
JUGER irrecevables les demandes formées par la société ACTIVITE BATIMENT ET TECHNIQUE à l’encontre de la SCCV SAINT-CYR AM, en ce qu’elles se heurtent à l’autorité de la chose jugée,
DEBOUTER la société ACTIVITE BATIMENT ET TECHNIQUE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONSTATER l’extinction de l’instance,
CONDAMNER la société ACTIVITE BATIMENT ET TECHNIQUE à verser à la SCCV SAINT-CYR AM la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société ACTIVITE BATIMENT ET TECHNIQUE aux dépens. »
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2024, la société Abt forme les prétentions suivantes :
« Vu l’article 1355 du code civil
Vu le jugement du 22 mars 2023 du Tribunal judiciaire de Paris
Débouter la SCCV SAINT CYR AM de sa demande d’irrecevabilité
Condamner la SCCV SAINT CYR AM au paiement de la somme de .000 € TTC au titre de l’article 700 du CPC. »
Pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à la lecture des écritures susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’incident a été fixé à l’audience sur incident du 10 juin 2024.
I. La recevabilité
La société Saint-Cyr Am soutient que les prétentions aux fins de condamnations formées par la société Abt se heurtent à l’autorité de la chose jugée en référence au dispositif du jugement rendu le 22 mars 2022.
L’article 122 du code de procédure civile dispose constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 1355 du code civil dispose que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’article 4 du code de procédure civile dispose que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Il est constant qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci (n°04-10.672).
Il est constant que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif (n°08-16.033) et qu’ il n’est pas interdit d’éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de la décision (n°81-13.368).
Il est constant que si l’autorité de chose jugée s’attache seulement au dispositif des arrêts et non à leurs motifs, elle s’étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif (n°93-19.016).
En l’espèce, il convient à titre liminaire de préciser que les parties à l’instance sont les mêmes que dans la procédure ayant abouti au jugement du 22 mars 2022 agissant en la même qualité de maître d’ouvrage s’agissant de la société Saint-Cyr Am et de locateur titulaire du lot gros-oeuvre et en charge du compte prorata s’agissant de la société Abt, l’intégralité des prétentions formées dans le cadre des deux instances ayant pour objet l’exécution de ce marché et les opérations de construction sur la parcelle située [Adresse 5] à [Localité 6].
Ainsi, il reste à déterminer si la chose demandée est la même.
A ce titre, au cours de la première instance au fond, si le locateur a notamment formé des demandes en paiement au titre du solde du compte prorata et de l’abus de droit, le maître d’ouvrage a formé une demande de condamnation en paiement au titre du solde du marché de travaux tel qu’il résulte du décompte général définitif établi par le maître d’œuvre.
Ainsi, peu importe que le locateur n’ait pas procéduralement répondu à cette demande reconventionnelle formée par le maître d’ouvrage d’une part et que le tribunal judiciaire ait débouté ce dernier de cette prétention, il demeure que la 7e chambre du tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre de la procédure n°RG20/00585, a valablement été saisi par le défendeur d’une demande reconventionnelle ayant pour objet de condamner le locateur à régler une somme au titre du solde du marché et suivant un décompte général définitif produit aux débats.
De plus, la lecture des conclusions produites dans le cadre de la procédure d’appel permet de démontrer que la Cour d’appel de Paris est actuellement saisie par le maître d’ouvrage d’une prétention identique aux fins de condamnation du locateur à lui payer 154 422,96 € ht au titre du solde négatif du marché tel que cela résulte, selon elle, du décompte général définitif établi par le maître d’œuvre.
Enfin, il est manifeste que la prétention formée au fond dans le cadre de la présente instance par la société Abt et correspondant aux termes suivants : « Condamner la SCCV SAINT CYR AM à payer à la Société ABT la somme de 130.131,47 € TTC au titre du solde du marché de travaux » a pour objet la fixation du montant du solde du marché et recouvre de fait un objet identique à celui dont est notamment saisi la Cour d’appel de Paris.
En outre, le fait que la société Atb n’ait pas conclu au cours de l’instance n°RG20/00585 sur la demande reconventionnelle du maître d’ouvrage relatif au solde définitif du marché n’est pas de nature à exclure cet objet de la saisine du tribunal et du jugement rendu le 22 mars 2022.
Par ailleurs, le moyen de défense de la société Abt suivant lequel elle n’a pas formé de prétention au titre du solde du marché dans son assignation délivrée le 17 décembre 2019 n’est pas pertinent dans la mesure où c’est la société Saint-Cyr Am qui a saisi reconventionnellement le tribunal de cette prétention par ses conclusions notifiées le 22 février 2021, ceci de telle sorte que la demande a été formée entre les mêmes parties et pour elles ou contre elles en la même qualité (Req. 28 févr. 1911: DP 1913. 1. 405).
Le moyen de défense suivant lequel le jugement du 22 mars 2022 vise uniquement l’arrêté des comptes n’est pas pertinent en ce que le dispositif de cette décision déboute la société Saint-Cyr Am de sa demande reconventionnelle aux fins de condamnation en paiement du solde négatif du marché, ceci de telle sorte qu’il statue, même négativement, sur une prétention ayant pour objet le solde du marché.
Le moyen de défense suivant lequel il existe un principe de concentration des moyens mais en aucun cas un principe de concentration des demandes n’est pas pertinent dans la mesure où l’objet relatif au montant du solde définitif du marché a été mis aux débats devant le tribunal judiciaire par une demande reconventionnelle du maître d’ouvrage (Req. 28 févr. 1911: DP 1913. 1. 405).
En conséquence, aucun partie n’ayant, même à titre subsidiaire, sollicité un renvoi de l’affaire à la Cour d’appel de Paris fondé sur l’exception de connexité, il convient de déclarer la société Atb irrecevable en ses demandes, l’autorité de la chose jugée dans le dispositif du jugement du 22 mars 2022 et l’effet dévolutif de l’appel interjeté contre le jugement du 22 mars 2022 excluant désormais tout pouvoir juridictionnel au tribunal de Paris pour statuer sur la demande en condamnation à régler le solde du marché et ses accessoires.
II. Les décisions de fin d’ordonnance
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Abt qui succombe est condamnée aux dépens.
L’équité commande de condamner la société Abt à payer 3 000,00 € à la société Allianz Iard en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Nous, Clément Delsol, juge de la mise en état près du tribunal judiciaire de Paris statuant par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,
DECLARONS la société Abt irrecevable en ses prétentions formées contre la société Saint-Cyr Am ;
CONDAMNONS la société Abt aux dépens ;
CONDAMNONS la société Abt à payer 3 000,00 € à la société Saint-Cyr Am en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Faite et rendue à Paris le 27 août 2024
Le Greffier Le Juge de la mise en état