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Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 938 du code civil dipose que la donation dûment acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties ; et la propriété des objets donnés sera transférée au donataire, sans qu’il soit besoin d’autre tradition.
L’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle précise que la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel.
L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code, sauf dans les cas prévus par les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 123-4. Ces droits subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne pourront exiger du propriétaire de l’objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. Néanmoins, en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal judiciaire peut prendre toute mesure appropriée, conformément aux dispositions de l’article L. 121-3.
L’article 121-2 du même code précise que l’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
En l’espèce il est établi que par délibération du 30 janvier 2009 le conseil municipal de la ville de [Localité 4] a accepté la donation de deux sculptures de M. [F] [C], le ‘Grand Man’ et ‘le Minotaure 2005″.
Aucune mention n’apparaît quant au lieu précis où ces sculptures devaient être exposées.
Cependant il ressort de la nature de cette donation à une personne publique, de la taille des sculptures et leurs poids que ces dernières avaient vocation à être exposées au public, élément non contesté par la commune de [Localité 4].
Ainsi les deux sculptures ont été exposées [Adresse 6], dans les locaux de la médiathèque bâtiment ancien et historique de la ville datant de 1880, depuis leur donation de janvier 2009 jusqu’en 2021.
Cette exposition sur le lieu [Adresse 6], s’est révélée conforme aux intentions de M. [C], seul détenteur du droit de divulgation de ses oeuvres.
Néanmoins il est acquis que si l’auteur dispose du seul droit de définir les conditions de la divulgation de ses oeuvres, il ne saurait une fois-que celles-ci ont été portées à la connaissance du public invoquer le bénéfice de ce droit, qui ne subsiste plus en tant que tel pour contrôler la destination ultérieure de ces oeuvres.
Le droit de divulgation s’épuise par la première communication au public.
En l’espèce il est établi que les oeuvres de M. [C] ont été diffusées au public conformément à ses souhaits, comme l’atteste l’extrait du site internet de la commune de [Localité 4] du 15 juin 2022, la [Adresse 6] étant présentée avec l’oeuvre ‘le Minotaure 2005’ exposée sur le balcon surplombant l’entrée de la médiathèque et l’oeuvre ‘grand Man’, placé dans le hall d’entrée.
Cependant ce droit ayant été consommé par l’exposition de ses deux oeuvres ‘Le Minotaure’ et ‘Grand Man’, M. [C] ne peut plus contrôler leur destination ultérieure et leur utilisations subséquentes.
Par ailleurs, s’il ressort des échanges de courriers versés aux débats entre la commune et M.[C] que ce dernier a appris fortuitement, en 2021, le déplacement de ses deux oeuvres, il a été informé le 10 février 2022 du lieu précis d’entreposage de ses oeuvres et leur condition de stockage.
En outre la commune de [Localité 4] justifie de dégradations de la sculpture ‘le Minotaure’ depuis 2018, au niveau d’une aile et deux pieds, lié aux outrages du temps nécessitant des réparations.
M. [C] a pu établir un devis de restauration de sa sculpture Minotaure le 18 mars 2022 pour un prix de 10 200 euros.
Ainsi, eu égard à des impératifs de sécurité, la commune rapporte la preuve d’un retrait nécessaire de l’oeuvre, lié à un risque de chute sur le public visitant la médiathèque.
La commune verse également aux débats un rapport d’avis technique de la société SOCOTEC du 18 novembre 2021 duquel il ressort que la structure des planchers de la [Adresse 6] est affectée de désordres et préconise la diminution des charges, notamment dans les combles mais aussi de manière global afin qu’elles ne dépassent pas les 150 kgs/m2.
Par conséquent le déplacement des deux sculptures, pesant chacune plusieurs centaines de kilos, obéissant à des impératifs de sécurité, pour diminuer les charges des planchers apparaît nécessaire et justifié.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’aucun abus notoire constitutif d’un trouble manifestement illicite, n’a été commis par la commune de [Localité 4], portant atteinte au droit de divulgation de M. [C].
M. [C] est donc mal fondé à demander que la commune l’informe de la date à laquelle elle entend remettre ses oeuvres et lui fasse connaître ses intentions sur localication de leur future exposition, son droit à divulation ayant été épuise par la première communication de ses oeuvres au public.
M. [C] a demandé une provision pour réparer l’atteinte à son droit moral en tant qu’auteur. Cependant, aucun fait fautif de la commune de [Localité 4] en lien avec un préjudice subi par l’auteur n’a été établi. De plus, le droit de divulgation de M. [C] s’étant épuisé par la première communication de ses œuvres au public, la demande de provision a été rejetée.
La décision de condamner M. [C] à supporter l’intégralité des dépens et de ne pas accorder l’article 700 du code de procédure civile a été confirmée. M. [C] devra donc payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 16 NOVEMBRE 2023
N° 2023/731
Rôle N° RG 22/14306 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHPO
[F] [C]
C/
Commune COMMUNE DE [Localité 4]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Renaud ARLABOSSE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 13 juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00003.
APPELANT
Monsieur [F] [V] dit [F] [C]
né le 07 janvier 1947 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et assisté de Me Marie-Adélaïde BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
COMMUNE DE [Localité 4]
représentée par son Maire en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 5]
représentée par Me Renaud ARLABOSSE de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 10 octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme PERRAUT, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Florence PERRAUT, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE
Monsieur [F] [C] exerce la profesionn d’artiste peintre et plasticien.
Sculpteur et céramiste, il est l’auteur de nombreuses oeuvres monumentales exposées en France et à l’étranger.
Selon attestation du 19 décembre 2008, il a fait don à la commune de [Localité 4] qui les a acceptées, par délibération du conseil municipal du 30 janvier 2009, de deux oeuvres:
– la première intitulée ‘Grand Man’ est une sculpture d’une hauteur de 3 mètres ;
– la seconde intitulée ‘le Minotaure 2005″ est une sculpture d’une longueur de 3,56 mètres et d’une hauteur de 1,80 mètre.
Ces deux sculptures ont été placées, d’un commun accord avec la commune de [Localité 4], dans l’enceinte de la Médiathèque de la ville, elle même située dans des maisons ‘historiques’ de [Localité 4] sise [Adresse 1].
Par courrier recommandé avec accusé réception daté du 23 avril 2021, M. [C] demandait à l’adjointe déléguée au patrimoine et à l’action culturelle de la Mairie de [Localité 4] le devenir de ces sculptures, ces dernières n’étant plus dans leur lieu d’exposition.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 juin 2021, le conseil de M. [C] demandait au Maire de [Localité 4] de justifier du lieu d’entreposage des oeuvres, leurs conditions de stockage et la date à laquelle la commune envisageait des les remettre en place.
Par courrier daté du 6 juillet 2021, la commune lui faisait part de sa surprise à la réception de son courrier au vu du courriel envoyé le 9 janvier 2018 à ce dernier et le prévenant d’une dégradation de ses oeuvres, dont les morceaux risquaient de tomber sur le public.
Elle l’informait de la mise en sécurité nécessaire et de l’entrepôt de ses oeuvres dans les locaux des services techniques et restait dans l’attente des instructions de M. [C] pour la restauration de ses oeuvres.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 26 juillet 2021, réitéré le 8 décembre 2021, le conseil de M. [C] réitérait sa demande de communication du lieu précis d’entreposage des deux oeuvres, de leur condition de stockage et de la date à laquelle la commune entendait les remettre à leur place.
Par acte du 3 janvier 2022 M. [C] a fait assigner la commune de [Localité 4], devant le Président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, aux fins de la voir condamner :
– sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision à intervenir à lui faire connaître le lieu précis d’entreposage des oeuvres ‘le Grand Man’ et ‘le Minotaure’, l’état actuel de l’oeuvre le Minotaure, les conditions exactes de stockage et de conservation des deux oeuvres, la date à la laquelle la commune entend remettre ces oeuvres en place et ses intentions concernant leur exposition future ;
– à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision sur le préjudice subi du fait de l’atteinte au droit ;
– à lui verser la somme de 2 500 euros l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par ordonnance contradictoire en date du 13 juillet 2022, le juge a dit n’y avoir lieu à référé, dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de M. [C].
Le premier juge a estimé que la problématique complexe concernant le fait de savoir si la localisation particulière et spécifique des oeuvres en cause correspond ou non à leur élaboration et relèveraient de leur essence, relève de l’office du juge du fond et non de celui du juge des référés.
Il a fait valoir que les oeuvres déplacées n’ont été ni dégradées ni modifiées du fait de la commune de [Localité 4].
Il a considéré que le droit moral de l’auteur sur son oeuvre, donnée à une collectivité territoriale, ne saurait lui garantir une localication d’exposition perpétuelle quand celle-ci tend à contrevenir aux impératifs de sécurité auxquels sont soumis les bâtiments recevant du public.
Il a conclu qu’à l’absence de fait fautif de la commune commis au préjudice de M. [C] et donc qu’il n’y avait pas matière à l’allocation d’une provision pour atteinte au droit moral de l’auteur.
Les déplacements des oeuvres reposant sur des motifs justifiés, excluent tout trouble manifestement illicite.
Selon déclaration reçue au greffe le 27 octobre 2022 M. [C] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 29 aout 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il sollicite de la cour qu’elle réforme en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel et statuant à nouveau, qu’elle :
– ordonne à la commune de [Localité 4] de lui faire connaître la date à laquelle elle entend remettre les oeuvres Le Minotaure et Le Grand Man à la place convenue entre elles depuis 2009, soit à [Localité 4], [Adresse 6], sis [Adresse 1] à savoir :
– Le Grand Man dans le hall d’entrée de la Médiathèque situé [Adresse 6];
– Le Minotaure sur la terrasse extérieur Ouest non circulée jouxtant l’entrée de la [Adresse 6] ;
– fasse connaître à M. [C] ses intentions sur leur future exposition au plublic sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
– condamne la commune au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur les atteintes portées à son droit d’auteur ;
– condamne la commune au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Tollinchi- Vigneron.
Il fait valoir que l’auteur d’une oeuvre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
La propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel.
Selon lui en application de l’article L. 111-3 tout acquéreur ou détenteur d’une oeuvre d’art doit respecter les droits moraux énoncés à l’article L. 121 du code de la propriété intellectuelle et notamment le droit d’artiste au respect de l’oeuvre.
L’acquéreur est tenu à une obligation de conservation de l’oeuvre en l’état.
La commune qui acquiert une oeuvre d’art doit s’interdire toute altération de l’oeuvre de l’auteur par voie de modification substantielle.
Selon lui cette interdiction peut aller jusqu’à déplacer l’oeuvre.
Il expose être l’auteur des oeuvres litigieuses.
Le propriétaire, détenteur des oeuvres est la commune de [Localité 4] depuis l’acte de donation de janvier 2009.
Les oeuvres étaient depuis cette donation et en accord entre lui et le propriétaire des oeuvres, exposées au public [Adresse 6] à [Localité 4] (hall d’entrée pour le Grand Man et terrasse extérieure ouest pour le Minotaure).
Il insiste sur le fait que cette exposition n’a jamais entrainé de problèmes de sécurité.
Il estime que seul le Minotaure est affecté de désordres affectant le pied arrière gauche et l’épaule avant gauche sans le moindre risque pour le public ni pour le bâtiment compte tenu de l’exposition de l’oeuvre sur la terrasse extérieure non circulée.
Selon lui l’argument sécuritaire de la commune n’a aucun sens.
Sur la demande visant à lui faire connaître la date à laquelle la commune entend remettre les oeuvres ‘le Minotaure’ et ‘le Grand Man’ à leurs places convenues, il fait valoir l’absence de contestation sérieuse et qu’il faut juste appliquer un texte d’ordre public. Il estime que rien ne doit empêcher la cessation d’un trouble au droit de divulgation de l’auteur, trouble nécessairement illicite car conféré par la loi.
Selon lui, le premier juge a dénaturé le débat en se plaçant sur la question de la ‘destination initiale des oeuvres’, car elle est hors sujet puisque l’application de l’article L. 121-2 détermine le procédé de divulgation et fixe ses conditions.
Le principe accordé à l’auteur de voir son oeuvre divulguée ne peut pas permettre au propriétaire d’empêcher sa mise à disposition au public sauf à constituer un abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation.
Sur la demande d’indemnité provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur les atteintes portées à son droit d’auteur, il souligne que seul l’auteur a le droit de divulguer l’oeuvre et en détermine le procédé et les conditions.
Il considère que le déplacement intempestif des oeuvres, et l’absence de réponse du détenteur à ses demandes a porté atteinte à l’intégrité de l’oeuvre et constitue une violation de son droit d’auteur.
Il estime que l’absence de réparation constitue d’une part, un ‘abus notoire du propriétaire empechant le droit de divulgation’ et d’autre part, une atteinte au droit d’auteur.
Il dénie s’être engagé à réparer ‘le Minotaure’ et souligne l’absence d’élément probatoire versé par la commune.
Par dernières conclusions transmises le 14 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la commune de [Localité 4] sollicite de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise et déboute M. [C] de l’intégralité de ses demandes.
Elle sollicite la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Concernant le trouble manifestement illicite dans le déplacement des oeuvres sans en être informé, elle fait valoir que M. [C] a eu accès aux oeuvres et a pu se convaincre de leur état au mois de mars 2022.
Elle souligne qu’il n’y a pas eu de trouble manifestement illicite, M. [C] ayant toujours eu accès à ses oeuvres sans la moindre difficulté.
Elle insiste sur le fait que c’est M. [C] qui ne s’est pas manifesté auprès des services ou de l’élu concerné, alors qu’il a été sollicité à plusieurs reprises.
Elle considère son action en justice abusive.
Concernant l’atteinte à son droit moral en raison du déplacement de ses oeuvres, elle estime que cette demande relève d’une appréciation souveraine du juge du fond et excède les pouvoirs du juge des référés.
Tout d’abord, elle précise que la dégradation du ‘Minotaure’ était due aux outrages du temps et qu’en 2018 M. [C] n’avait pas daigné intevenir.
Ensuite elle invoque des conditions de sécurité tant à l’égard du bâtiment que des visiteurs.
Par ailleurs M. [C] ne démontre pas que ces deux oeuvres ont été créées pour être spécifiquement exposées au sein de la [Adresse 6].
Elle en conclut que la demande de localisation relève de l’appréciation du juge du fond.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 26 septembre 2023.
MOTIFS :
Sur l’atteinte au droit de divulgation:
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 938 du code civil dipose que la donation dûment acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties ; et la propriété des objets donnés sera transférée au donataire, sans qu’il soit besoin d’autre tradition.
L’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle précise que la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel.
L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code, sauf dans les cas prévus par les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 123-4. Ces droits subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne pourront exiger du propriétaire de l’objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. Néanmoins, en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal judiciaire peut prendre toute mesure appropriée, conformément aux dispositions de l’article L. 121-3.
L’article 121-2 du même code précise que l’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
En l’espèce il est établi que par délibération du 30 janvier 2009 le conseil municipal de la ville de [Localité 4] a accepté la donation de deux sculptures de M. [F] [C], le ‘Grand Man’ et ‘le Minotaure 2005″.
Aucune mention n’apparaît quant au lieu précis où ces sculptures devaient être exposées.
Cependant il ressort de la nature de cette donation à une personne publique, de la taille des sculptures et leurs poids que ces dernières avaient vocation à être exposées au public, élément non contesté par la commune de [Localité 4].
Ainsi les deux sculptures ont été exposées [Adresse 6], dans les locaux de la médiathèque bâtiment ancien et historique de la ville datant de 1880, depuis leur donation de janvier 2009 jusqu’en 2021.
Cette exposition sur le lieu [Adresse 6], s’est révélée conforme aux intentions de M. [C], seul détenteur du droit de divulgation de ses oeuvres.
Néanmoins il est acquis que si l’auteur dispose du seul droit de définir les conditions de la divulgation de ses oeuvres, il ne saurait une fois-que celles-ci ont été portées à la connaissance du public invoquer le bénéfice de ce droit, qui ne subsiste plus en tant que tel pour contrôler la destination ultérieure de ces oeuvres.
Le droit de divulgation s’épuise par la première communication au public.
En l’espèce il est établi que les oeuvres de M. [C] ont été diffusées au public conformément à ses souhaits, comme l’atteste l’extrait du site internet de la commune de [Localité 4] du 15 juin 2022, la [Adresse 6] étant présentée avec l’oeuvre ‘le Minotaure 2005’ exposée sur le balcon surplombant l’entrée de la médiathèque et l’oeuvre ‘grand Man’, placé dans le hall d’entrée.
Cependant ce droit ayant été consommé par l’exposition de ses deux oeuvres ‘Le Minotaure’ et ‘Grand Man’, M. [C] ne peut plus contrôler leur destination ultérieure et leur utilisations subséquentes.
Par ailleurs, s’il ressort des échanges de courriers versés aux débats entre la commune et M.[C] que ce dernier a appris fortuitement, en 2021, le déplacement de ses deux oeuvres, il a été informé le 10 février 2022 du lieu précis d’entreposage de ses oeuvres et leur condition de stockage.
En outre la commune de [Localité 4] justifie de dégradations de la sculpture ‘le Minotaure’ depuis 2018, au niveau d’une aile et deux pieds, lié aux outrages du temps nécessitant des réparations.
M. [C] a pu établir un devis de restauration de sa sculpture Minotaure le 18 mars 2022 pour un prix de 10 200 euros.
Ainsi, eu égard à des impératifs de sécurité, la commune rapporte la preuve d’un retrait nécessaire de l’oeuvre, lié à un risque de chute sur le public visitant la médiathèque.
La commune verse également aux débats un rapport d’avis technique de la société SOCOTEC du 18 novembre 2021 duquel il ressort que la structure des planchers de la [Adresse 6] est affectée de désordres et préconise la diminution des charges, notamment dans les combles mais aussi de manière global afin qu’elles ne dépassent pas les 150 kgs/m2.
Par conséquent le déplacement des deux sculptures, pesant chacune plusieurs centaines de kilos, obéissant à des impératifs de sécurité, pour diminuer les charges des planchers apparaît nécessaire et justifié.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’aucun abus notoire constitutif d’un trouble manifestement illicite, n’a été commis par la commune de [Localité 4], portant atteinte au droit de divulgation de M. [C].
M. [C] est donc mal fondé à demander que la commune l’informe de la date à laquelle elle entend remettre ses oeuvres et lui fasse connaître ses intentions sur localication de leur future exposition, son droit à divulation ayant été épuise par la première communication de ses oeuvres au public.
Il conviendra de confimer l’ordonnance entreprise de ce chef.
Sur la demande de provision à valoir sur la réparation de l’atteinte au droit moral de l’auteur :
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 121-2 du code de la proporiété intellectuelle précise que l’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
En l’espèce aucun fait fautif de la commune de [Localité 4] en lien de causalité avec un préjudice subi par M. [C], justifiant l’allocation d’une provision au titre de l’atteinte au droit moral de l’auteur, n’est établi avec l’évidence requise en référé.
Le droit de divulgation de M. [C] s’étant épuisé par la première communication de ses oeuvres au public, aucun abus notoire constitutif d’un trouble manifestement illicite n’a été commis par la commune de [Localité 4].
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [C] de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice moral, résultant de l’atteinte alléguéeà son droit d’auteur.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné M. [C] à supporter l’intégralité des dépens et dit n’y avoir lieu l’article 700 du code de procédure civile.
M. [C] sera condamné à supporter l’intégralité des dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP Tollinchi- Vigneron.
Il devra payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
Condamne M. [F] [C] à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
Condamne M. [F] [C] à supporter l’intégralité des dépens d’appel dont disptraction au profit de la SCP Tollinchi- Vigneron.
La greffière Le président