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Vis-à-vis de l’Urssaf, cumuler la qualité de coproducteur et d’artiste (pour un spectacle où l’artiste intervient) peut être légal sous réserve de respecter certaines conditions.
CUMUL DE STATUTS
Le cumul des statuts (coproducteur / artistes) suppose que l’artiste puisse établir précisément la réalité de ses différentes tâches et que celles-ci soient distinctes. A titre d’exemple, l’artiste peut être coproducteur en procédant à un apport en nature ou en espèce, cet apport peut être évalué et démontré à l’égard des services de l’Urssaf en cas de contrôle. Les tâches artistiques peuvent être cantonnées aux missions créatives et l’exécution matérielle confiée à un tiers sur la base d’un contrat de travail.
PRÉSOMPTION DE SALARIAT ET STATUT D’ARTISTE DIRIGEANT
De plus en plus d’artistes exercent leur activité par l’intermédiaire d’une société commerciale dont ils sont les dirigeants. Le problème posé par ces montages est celui de la coexistence entre la présomption de salariat des artistes et de la présomption de non salariat des personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés.
AFFAIRE NOAH / CALOGERO
La société TS3 qui a pour activité l’organisation, la production, la distribution et l’exploitation de manifestations à caractère culturel et l’exploitation de la musique sous toutes ses formes a été redressée par l’URSSAF. L’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions dues par la société, des rémunérations non déclarées ou indûment plafonnées versées à des artistes du spectacle ainsi que la valeur des avantages en nature accordés aux salariés (plus d‘un million d’euros).
Le redressement a porté sur la requalification en salaire des sommes versées aux sociétés d’artistes NLONKAK et NINA PRODUCTIONS qui gèrent respectivement les droits de Yannick Noah et Calogero relatifs à la gestion et à l’exploitation de leur activité. L’URSSAF a estimé que l’ensemble des sommes versées à ces sociétés devaient être soumises à cotisations en application des dispositions des articles L 7121- 3 du code du travail et L 311- 3 15° du code de la sécurité sociale qui prévoient une présomption de salariat au bénéfice des artistes du spectacle.
POSITION DES JURIDICTIONS
L’article L7121-3 du code du travail pose le principe que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. L’article L8221-6 du code du travail prévoit également que les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription.
Il est constant que lorsqu’une société inscrite au registre du commerce et des sociétés vient substituer l’artiste dans la gestion et l’exploitation de ses droits de représentation, la présomption de salariat est écartée. En l’espèce, les artistes ont créé des sociétés commerciales dans le but d’assurer la gestion et l’exploitation de leur activité ; ce faisant ces sociétés se substituent aux artistes dans leurs relations avec les producteurs. En application des textes évoqués, les artistes Yannick Noah et Calogero étaient donc présumés ne pas être liés à la société TS3 par un contrat de travail.
PRÉSOMPTION SIMPLE
Toutefois, la présomption de non salariat est une présomption simple pouvant être renversée par la preuve de l’existence de prestations de travail dans des conditions plaçant les intéressés sous un lien de subordination juridique permanente à l’égard d’un donneur d’ordre. Il revient à l’URSSAF de rapporter la preuve de l’existence d’un lien de subordination juridique permanente entre la société TS3 et les artistes, à savoir l’existence du pouvoir de la société TS3 de donner des ordres et des directives aux deux artistes, de contrôler l’exécution des directives et de sanctionner les manquements des deux artistes.
La société TS3 a démontré que le contrat cadre de scène conclu avec chacun des artistes comportait des obligations réciproques antérieurement négociées et prévoyait les modalités techniques, financières et matérielles d’exécution de la prestation scénique de l’artiste ; en outre c’est l’artiste qui imposait à la société de production le modèle contractuel à appliquer ; ce faisant, le producteur n’était qu’un prestataire de l’artiste et non pas son employeur. Le lien de dépendance économique fait défaut dès lors que les conditions de travail des artistes ne sont pas fixées unilatéralement par la société de production de spectacles mais convenues conjointement avec la société dirigée par l’artiste (prestations scéniques, programmation musicale et choix artistiques).
NATURE DES SOMMES VERSÉES PAR LE PRODUCTEUR
Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d’activité sont attribués, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire (article L242-1 du code de la sécurité sociale).
En l’espèce, à chaque concert, la société d’artiste et le producteur concluaient un contrat d’engagement à durée déterminée de moins de 5 jours en vertu duquel le producteur versait un cachet soumis à cotisation à la société d’artiste. L’URSSAF a estimé à tort que ces sommes étaient des salaires et que de ce fait elles devaient être soumises à cotisations.
En effet, il convient de distinguer la rémunération directement versée à l’artiste pour sa prestation physique et scénique et la rémunération versée à la société de l’artiste sur les recettes du spectacle. La rémunération sur recette constitue en réalité une redevance non assujettie aux cotisations sociales salariales. Or, la société TS3 versait aux sociétés d’artistes un pourcentage de la marge dégagée par les représentations ; la somme ainsi versée ne rémunérait pas la seule prestation de l’artiste mais un droit de représentation et un droit à l’image. La rémunération sur recettes est indépendante de la présence même de l’artiste et ne peut être considérée comme étant un salaire puisqu’aucun contrat de travail n’est établi dans ce cadre dès lors qu’aucun lien de subordination n’est établi.
En conclusion, les artistes n’étaient pas des salariés mais agissaient en tant que travailleurs indépendants ; ils étaient intéressés aux résultats, c’est à dire tant aux bénéfices qu’aux pertes du spectacle ; ce faisant il existait un aléa économique pesant sur la rémunération des artistes de nature à écarter la qualification de salaire.