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L’intention malveillante du déposant peut justifier l’opposition au dépôt d’une marque y compris entre filiales du même groupe. L’action en revendication ne nécessite pas, pour aboutir, que soit établie l’existence de droits antérieurs sur le signe mais celle d’intérêts sciemment méconnus par le déposant.
Et il est admis que la mauvaise foi du déposant s’apprécie au regard de la légitimité du but poursuivi et qu’est constitué de mauvaise foi le déposant qui n’agit que dans le souci de priver un concurrent de l’exploitation du signe déposé.
Le litige qui oppose les sociétés France Fluides et Quatris, toutes deux anciennes filiales du groupe Dalta, exerçant dans le même domaine d’activité de la fabrication et de la commercialisation de produits et matériels d’entretien et de nettoyage professionnel, notamment des produits d’entretien et de nettoyage d’armes, a pour cadre la convention de cession des 1 500 parts de la société France Fluides en date du 9 mai 2012 conclue entre la société Dalta, représentée par M. [W] [I] et M. [N] [Z], laquelle mentionne expressément :
-en son ‘ article 10.10 : Droits de propriétés intellectuelles :
La société a la libre disposition de tous les droits de propriété intellectuelle, notamment droits de la marque, noms de domaines, brevets, dessins et modèles, droit de propriété littéraire et artistique requis pour l’exercice de son activité, soit pour être propriétaire, soit au travers d’une licence,
Concernant les marques visées ci après utilisées par la société dans le cadre de son activité, le cédant déclare autoriser le cessionnaire à en continuer l’exploitation et à les déposer pour le compte de la société : CANON ARMENET …
La société France Fluides reproche à la société Quatris d’avoir déposé la marque verbale ARMENET en classes 1,2,3 et 4, le 20 mars 2017, dans l’unique souci de faire obstacle à ses droits sur la marque sachant qu’elle exploitait la marque depuis 1999, y compris en 2017 , date du dépôt de la marque.
La société Quatris conteste toute intention malveillante observant que la convention de cession ne conférait aucun droit à la société France Fluides sur la marque ARMENET et qu’au terme de l’article 5-3 de la convention, elle disposait en tout état de cause d’un délai de 3 ans pour déposer la marque ce qu’elle n’a pas fait, en sorte que la marque était redevenue disponible et, qu’ayant elle-même déposé la marque en 2017, après avoir fait une recherche d’antériorité négative, elle s’estime au contraire victime d’actes de dénigrement et de concurrence déloyale. Elle conteste en tout état de cause l’usage antérieur de la marque par France Fluides, lequel ne serait pas établi.
La juridiction a apprécié uniquement si, en déposant la marque verbale ARMENET pour des produits en classe 1,2, 3 et 4, le 20 mars 2017, pour commercialiser des produits de nettoyage d’armes, la société Quatris a agi en fraude des droits de la société France Fluides, la privant de tous droits sur un signe indispensable à son activité.
C’est à bon droit que la société Quatris observe qu’il ne ressort pas de la convention de cession en litige que la société France Fluides se soit vu céder des droits de propriété intellectuelle sur la marque ARMENET mais uniquement, notamment, sur la marque CANON ARMENET, en sorte qu’il ne peut être reproché aux premiers juges qui se sont déterminés uniquement en considération de la démonstration d’un usage antérieur de la marque par la société France Fluides de n’avoir tenu aucun compte de la dite convention.
En effet, il importe peu que la convention ait conféré des droits sur la marque CANON ARMENET et non pas ARMENET et que ces droits n’aient été conférés le cas échéant que pour trois ans si la société France Fluides est en capacité de démontrer un intérêt antérieur pour le signe ARMENET et notamment, qu’elle commercialisait des produits nettoyant d’armes de la marque ARMENET depuis 1999, ainsi qu’elle le soutient en sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a statué en ce sens.
Au rang des preuves de cette commercialisation par France Fluides de produits nettoyant pour les armes sous la marque litigieuse, le tribunal a retenu la commercialisation par plusieurs catalogues de produits nettoyant pour armes ARMENET, sans association du terme CANON, comme les catalogues Ducatillon pour les années 2006/2007 et Ediloisirs 2006/2007 et 2008/2009, alors que la société Quatris aurait elle même vendu des produits ARMENET provenant de la société France Fluides entre 2010/2012, peu important selon le tribunal que la société France Fluides n’ait le cas échéant pas commercialisé ces produits au moment du dépôt de la marque en 2017.
La société France Fluides y ajoute la commercialisation de produits ARMENET par le biais du catalogue Unifrance en 2004/2005 mais il n’est pas établi que les produits nettoyant ARMENET commercialisés par Unifrance selon ce catalogue provenaient de France Fluides dès lors que, contrairement à ce que prétend la société France Fluides, il est versé une facture émise par la société Quatris en décembre 2005 à l’encontre de la société Unifrance, la société France Fluides ne produisant elle-même aucune facture attestant que les produits ARMENET commercialisés par le biais de ce catalogue provenaient de France Fluides.
Mais surtout, il est notable qu’en dehors d’extraits de catalogues, la société France Fluides ne verse aux débats aucune facturation postérieure à 2009 de produits nettoyant ARMENET et qu’au delà de cette date, l’intérêt de la société France Fluides pour le signe ARMENET ne résulterait que :
– d’un extrait de l’annuaire Français Cynégétique 2012/2013 selon lequel il apparaît notamment que la marque CANON ARMENET y est indiquée comme fabriquée par France Fluides à l’exception toutefois de la marque ARMENET,
– de deux extraits des éditions 2016/2017 BricoScopie et JardiScopie des guides du jardin et du bricolage mentionnant, en présentation du catalogue, le nom de la société France Fluides comme faisant partie de leurs fournisseurs, nom associé notamment à la marque ARMENET, mais à l’exception de toute preuve que des produits ARMENET provenant de France Fluides figuraient encore effectivement dans l’offre de vente de ce catalogue 2016/2017, ou de toute facturation contemporaine émanant de France Fluides, ce qui n’apparaît dès lors pas suffisant à établir que la société France Fluides continuait effectivement à cette date, antérieure ou concomitante du dépôt de la marque, à distribuer auprès de cette jardinerie et de ce magasin de bricolage des produits nettoyant de la marque ARMENET.
En tout état de cause, il ne ressort d’aucun de ces éléments que la société Quatris ait été informée qu’en 2016/2017 la société France Fluides aurait commercialisé des produits nettoyant de la marque ARMENET auprès de ces deux établissements, dont il n’est pas allégué qu’ils faisaient partie des clients de la société Quatris.
Il ne saurait davantage être retenu comme établi que, pour les années 2010/2012, la société Quatris commercialisait elle-même des produits ARMENET provenant de France Fluides, comme ressortant notamment de ce qu’elle aurait été destinataire en 2011 des tarifs 2012 de la société France Fluides alors que la pièce versée aux débats par la société Quatris à laquelle la société France Fluides se réfère à ce propos ne laisse apparaître aucun produit de la marque ARMENET mais uniquement CANON ARMENET.
Après avoir retenu que l’action en revendication de marque de l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle n’exigeait pas la preuve de droits antérieurs sur le signe litigieux mais celle d’un intérêt sciemment méconnu par le déposant, le tribunal a fait droit à l’action en revendication de marque intentée par la société France Fluides à l’encontre de la société Quatris en retirant des éléments versés aux débats la preuve que la société France Fluides justifie d’un usage préexistant de la marque ARMENET concernant des produits pour nettoyer les armes depuis les années 2000, ce que la société Quatris, ancienne société soeur de France Fluides et qui avait elle-même commercialisé des produits de la marque France Fluides ne pouvait ignorer, de sorte que, dans ce contexte, le dépôt de la marque ARMENET pour désigner des produits identiques à ceux commercialisés par France Fluides ne pouvait que relever d’une intention malveillante.
Selon l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle ‘Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.’
Ainsi que l’ont justement rappelé les premiers juges, l’action en revendication ne nécessite pas, pour aboutir, que soit établie l’existence de droits antérieurs sur le signe mais celle d’intérêts sciemment méconnus par le déposant.
Et il est admis que la mauvaise foi du déposant s’apprécie au regard de la légitimité du but poursuivi et qu’est constitué de mauvaise foi le déposant qui n’agit que dans le souci de priver un concurrent de l’exploitation du signe déposé.
Il n’est ainsi effectivement pas nécessaire que le signe ait été exploité au moment de son dépôt mais une telle exploitation participe nécessairement de l’intérêt du revendiquant pour le signe. Par ailleurs, si l’intérêt pour le signe ou l’usage du signe doit être antérieur, il ne peut s’agir que d’un intérêt existant au jour du dépôt.