L’action en nullité d’un testament

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L’action en nullité d’un testament
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République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL
D’ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
LP/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/02040 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ESQR
Jugement du 3 Octobre 2019
Tribunal de Grande Instance de SAUMUR
n° d’inscription au RG de première instance : 18/00219
ARRET DU 26 JANVIER 2023
APPELANTE :
Mme [J] [E] épouse [M]
née le 7 Mars 1949 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Christine COUVREUX EGAL de la SCP AVOCATS CONSEILS ASSOCIES BERTON-COUVREUX-EON-GRATON, avocat au barreau de SAUMUR – N° du dossier S17/0171
INTIMEE :
Mme [Y] [E] épouse [N]
née le 16 Mai 1956 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Magali DEVAUD de la SELARL CONFLUENCES AVOCATS, avocat au barreau de SAUMUR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 24 Novembre 2022, Mme PARINGAUX, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme COURTADE, présidente de chambre
Mme BUJACOUX, conseillère
Mme PARINGAUX, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 26 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [D] [P] veuve de M. [A] [E], née le 27 mai 1925, est décédée le 14 octobre 2012 à [Localité 4] (49), en laissant pour lui succéder ses deux filles, Mme [J] [E] épouse [M] et Mme [Y] [E] épouse [N].
Un testament olographe daté du 7 septembre 2012, dans lequel Mme [D] [E] a déclaré vouloir léguer à sa fille [Y] la quotité disponible de ses biens, a été déposé du vivant de Mme [D] [E] chez Maître [L] [F], notaire associé membre de la SCP [H] et [F], titulaire d’un office notarial à [Localité 8] (49), pour en assurer sa conservation.
Maître [F], chargé de la succession par Mme [Y] [E], a rédigé un projet d’acte de notoriété successorale tenant compte du testament olographe du 7 septembre 2012. Il a également établi un projet de déclaration de succession dans lequel l’actif successoral a été évalué à 47 091,39 euros, revenant à Mme [J] [E] pour 1/3 soit 15 697,13 euros, et à Mme [Y] [E] pour le surplus soit 31 394,26 euros.
Aux termes de cet acte, pour le calcul des droits de succession, il a été exposé que Mme [Y] [E] a bénéficié d’une prime d’assurance-vie pour un montant de 32 086,85 euros.
Maître [H] a pris la suite de Maître [F].
Mme [J] [E] a fait appel à l’office de Maître [O] notaire à [Localité 4].
Contestant le projet de partage de Maître [F], Mme [J] [E], par acte d’huissier de justice en date du 3 mars 2018, a assigné Mme [Y] [E] devant le tribunal de grande instance de Saumur afin principalement de voir annuler le testament pour insanité d’esprit et de voir sa soeur condamnée à rembourser à la succession les sommes perçues au titre de contrats d’assurance-vie.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 mars 2019, Mme [J] [E], au visa des articles 843, 844, 850, 919-1, 919-2, 90 du code civil, et des articles 2224 et suivants du code civil, a demandé au tribunal de :
– rejeter l’exception de prescription ;
– annuler le testament pour insanité au visa de l’article 901 du code civil ;
– condamner Mme [Y] [E] à rembourser à la succession les sommes perçues au titre des contrats d’assurance-vie avec intérêts de droit à compter de la demande, le rapport à la succession des contrats d’assurance-vie pour 7 355,67 euros et 63 102,42 euros ainsi que le contrat d’assurance-vie perçu par Mme [Y] [E] pour 32 086,85 euros ;
– dire que [Y] [E] devra communiquer l’intégralité des fonds qu’elle ou ses enfants ont reçu de la défunte au titre de contrats d’assurance-vie ainsi que les relevés de compte de la défunte au Crédit Agricole, Banque Postale et Caisse d’Epargne sur les 10 années précédant le décès, sous astreinte de 150 euros par jour à compter du jugement à intervenir si la communication n’était pas spontanée durant le cadre de la procédure ;
– rejeter la demande d’article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [Y] [E] ;
– condamner Mme [Y] [E] au paiement de la somme de 3 612,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés par la SCPA Avocats Conseils Associés Couvreux Eon Graton, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
– au subsidiaire, réduire à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession des libéralités constituées par les trois contrats d’assurance-vie susvisés.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives, signifiées par voie électronique le 15 avril 2019, Mme [Y] [E], au visa des articles 122,414-2 et 2224 et suivants du code de procédure civile, des articles 843 et suivants du code civil, a sollicité du tribunal de :
In limine litis :
– faire droit à l’exception de prescription ;
En conséquence :
– déclarer les demandes de Mme [J] [E] irrecevables ;
Au fond :
– débouter Mme [J] [E] de sa demande de nullité du testament olographe rédigé par Mme [D] [E] le 7 septembre 2012 ;
– débouter la même de sa demande de rapport à la succession des contrats d’assurance-vie ;
– débouter la même de sa demande de communication de l’ensemble des relevés bancaires sur 10 ans ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [J] [E] à lui verser la somme de 4 300 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la même aux dépens.
Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Saumur a notamment :
– dit que l’action de Mme [J] [E] visant à voir déclarer nul pour insanité d’esprit le testament de Mme [D] [E] en date du 7 septembre 2012 est prescrite ;
– en conséquence, l’a déclarée irrecevable ;
– débouté Mme [J] [E] de toutes ses autres demandes ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [J] [E] aux entiers dépens.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour d’appel d’Angers le 17 octobre 2019, Mme [J] [E] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a : ‘- dit que l’action de Mme [J] [E] visant à déclarer nul pour insanité d’esprit le testament de Mme [D] [E] en date du 7 septembre 2012 est prescrite, – en conséquence l’a déclaré irrecevable, – débouté Mme [J] [E] de toutes ses autres demandes, – condamné Mme [J] [E] aux entiers dépens.’
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 novembre 2022, l’affaire étant fixée pour plaidoiries à l’audience du 24 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 août 2021, Mme [J] [E] demande à la présente juridiction de :
– réformer le jugement entrepris ;
– dire non prescrite l’action en nullité de testament ;
– annuler le testament pour insanité au visa de l’article 901 du code civil ;
– condamner Mme [Y] [E] à rapporter à la succession les sommes perçues au titre des contrats d’assurance vie avec intérêts de droit à compter de la demande formulée par assignation du 3 mars 2018, soit les contrats d’assurance vie pour 7 355, 67 euros, 63 102,42 euros et 32 086,85 euros en capital ;
– dire que Mme [Y] [E] devra communiquer l’intégralité des fonds qu’elle ou ses enfants ont reçu de la défunte au titre de contrats d’assurance vie ainsi que les relevés de compte de la défunte au Crédit agricole, Banque postale et Caisse d’épargne sur les 10 années précédant le décès, sous astreinte de 150 euros par jour à compter du jugement et intervenir si la communication n’était pas spontanée ;
– rejeter la demande d’article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [Y] [E] ainsi que celle de condamnation aux dépens ;
– condamner Mme [Y] [E] au paiement de la somme de 7 224 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés par la SCPA Avocats Conseils Associés Couvreux Eon Graton, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
– au subsidiaire, réduire à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession des libéralités constituées par les trois contrats d’assurance vie susvisés.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 1er avril 2020, Mme [Y] [E] demande à la présente juridiction de :
– confirmer en tous points le jugement déféré, à savoir :
‘ déclarer prescrite l’action de [J] [E] visant à voir déclarer nul le testament de Mme [D] [E] pour insanité d’esprit irrecevable ;
– en conséquence, la déclarer irrecevable ;
– débouter la même de toutes ses autres demandes ;
Y ajoutant,
– condamner Mme [J] [E] épouse [M] à verser à Mme [E] épouse [N] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par Maître Devaud, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription de l’action en nullité du testament
L’article 2224 du code civil dispose que : ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
L’article 2234 du code civil énonce que : ‘La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure’.
Mme [J] [E] considère non prescrite son action en nullité, arguant de ce qu’elle n’a été informée de l’existence d’un testament et de contrats d’assurance vie que le 26 juillet 2013, lors du premier rendez-vous avec son notaire, Maître [O], qui lui a remis les documents envoyés le 19 juin 2013 par l’étude de Maître [H].
En application des dispositions de l’article 2234 du code civil, Mme [J] [E] estime donc que le délai pour agir en justice débutait le 26 juillet 2013, jour où elle a eu la connaissance effective des faits lui permettant d’exercer ses droits, et expirait le 26 juillet 2018, soit bien après qu’elle ait engagé l’action en justice par acte d’huissier du 3 mars 2018.
Mme [Y] [E] demande la confirmation du jugement qui a retenu que l’impossibilité absolue d’agir ne pouvait trouver à s’appliquer en l’espèce et que l’action en nullité intentée par Mme [J] [E] se prescrivait dans les cinq ans à compter du décès de Mme [D] [E] survenu le 14 octobre 2012.
Mme [Y] [E] argue de ce que la partie adverse ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance de l’existence du testament olographe de leur mère avant juillet 2013 et que d’ailleurs elle n’a jamais adressé le moindre reproche sur ce point à Maître [H] dans les courriers pourtant velléitaires qu’elle lui a adressés ultérieurement.
Sur ce,
Le délai de prescription de l’action en nullité d’un testament au motif de l’insanité d’esprit du testateur est de cinq ans conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil. Il est de jurisprudence constante que le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité exercée par les héritiers pour insanité d’esprit est le jour du décès du testateur.
En l’espèce il résulte du contenu des écritures des parties, convergentes sur ce point, que Mme [J] [E] n’avait plus de liens depuis plusieurs années avec sa mère.
Néanmoins, Mme [J] [E] n’a pas fait état de sa méconnaissance de la date du décès de sa mère.
Par ailleurs elle savait que l’étude de Maîtres [F], [B] et [H] notaires associés située au [Localité 8] (49) avait eu en charge la succession de son père, M. [A] [E] décédé le 2 mars 2005, comme en atteste l’acte d’abandon d’usufruit et de partage successoral du 29 juillet 2010 qu’elle a signé assistée de son notaire Maître [O] et ce qu’elle a confirmé dans son courrier du 17 décembre 2014 adressé au président de la chambre des notaires.
Il était donc loisible à Mme [J] [E] de se rapprocher après le décès de sa mère de l’étude notariale qui avait procédé à la liquidation de la succession de son père, ainsi qu’à d’autres actes notariés familiaux par le passé (notamment une donation partage consentie le 31 août 1991 à son bénéfice et celui de sa soeur par leurs deux parents), pour obtenir toutes les informations qu’elle souhaitait sur la succession de sa mère et en particulier l’existence d’un testament.
Maître [O], le notaire auquel Mme [J] [E] a fait appel, dans son attestation du 9 janvier 2020, confirme avoir eu un rendez-vous avec sa cliente le 26 juillet 2013 afin de l’informer des pièces reçues de son confrère Maître [H] parmi lesquelles figuraient le procès-verbal de dépôt de testament.
Mais le notaire ne relate aucun événement particulier de nature à constituer pour sa cliente un empêchement résultant de la loi ou de la force majeure susceptible de caractériser une impossibilité à agir auquel, entre la date du décès de sa mère et son intervention, elle se serait heurtée.
En particulier Maître [O] ne confirme pas les affirmations de Mme [J] [E], faites dans le courrier qu’elle a adressé au président de la chambre des notaires de Maine et Loire le 17 décembre 2014, selon lesquelles six mois après le décès de Mme [D] [E] il aurait été saisi de ses intérêts par Mme [J] [E] et aurait dû multiplier les courriers de relance auprès de l’étude de son confrère pour parvenir à obtenir des pièces avant le rendez-vous du 26 juillet 2013 en son étude.
Il apparaît donc que Mme [J] [E] ne rapporte pas la preuve des événements qui l’auraient privée de la capacité de contacter en temps utiles l’étude de Maître [F] et de ses associés qu’elle savait être l’office notarial habituel de ses parents, ou de charger avec diligence Maître [O] de se rapprocher de son confrère pour être fixée sur l’existence ou non d’un testament établi par sa mère.
Par suite il ne peut être fait application des dispositions de l’article 2234 du code civil, et l’action en nullité du testament pour insanité d’esprit introduite par Mme [J] [E] le 3 mars 2018 devant le tribunal judiciaire de Saumur, soit plus de cinq ans après la mort de Mme [D] [E] survenue le 14 octobre 2012, est prescrite.
Le jugement contesté de ce chef sera confirmé.
Sur le rapport des sommes perçues au titre des contrats d’assurance-vie
L’article L 132-8 du code des assurances dispose notamment que : ‘Le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre’.
Ce droit est personnel au souscripteur.
Aux termes de l’article L 132-13 du même code, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.
Les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance vie ne sont rapportables à la succession et ne peuvent donner lieu à réduction pour atteinte à la réserve des héritiers que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur.
Un tel caractère s’apprécie au moment du versement au regard de l’âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur. Enfin l’utilité de la souscription est l’un des critères devant être pris en compte pour évaluer le caractère exagéré ou non des primes versées.
Mme [J] [E] demande la réintégration à la succession de trois contrats d’assurance vie arguant de ce que leurs montants ne sont pas en adéquation avec les revenus modestes de la défunte constitués d’une petite retraite agricole de 897,17 euros en septembre 2012 et alors qu’elle a passé les dernières années de sa vie, pendant près de cinq ans, en maison de retraite avec des frais de prise en charge mensuelles de 1 645,86 euros.
A titre subsidiaire, elle demande la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers. Mme [J] [E] indique qu’elle a pu recenser l’existence d’au moins trois contrats d’assurance vie souscrits entre 2000 et 2006 et soupçonne qu’il en existe d’autres au profit de sa soeur que ses parents ont toujours plus privilégiée qu’elle.
Mme [Y] [E] argue de ce que lors du décès de M. [A] [E] en 2005, une différence de traitement délibérée avait déjà eu lieu entre les deux soeurs puisque le défunt avait souscrit un contrat d’assurance vie dont seules son épouse et leur fille [Y] étaient bénéficiaires à hauteur de 41 446 euros chacune.
Et qu’il en a été de même dans l’esprit de Mme [D] [E] qui a voulu récompenser [Y] qui s’est toujours occupée d’elle, alors que [J] avait coupé toutes relations avec ses parents depuis 1996.
Mme [Y] [E] indique que ses parents étaient de nature économes et avaient un train de vie modeste, ce qui leur a permis au cours des années de se constituer un patrimoine immobilier, constitué de deux maisons dont ils ont fait donation à leurs filles, comme de souscrire des contrats d’assurance vie.
Sur ce,
Le projet de déclaration de succession de Mme [D] [E] destiné à l’administration fiscale établi par Maître [F] mentionne une assurance vie (Predica Predige) souscrite auprès du Crédit agricole le 30 juin 2006 revenant à Mme [Y] [E] pour un montant de 32 086,85 euros, et que l’actif de la succession est composé principalement d’un compte de dépôt au Crédit agricole créditeur de 6 474,53 euros, d’un livret d’épargne populaire de 677,94 euros au Crédit agricole, d’actions sur un compte titre au Crédit agricole d’un total de 25 008,80 euros, d’un compte de dépôt créditeur de 38,95 euros à la Banque postale, d’un livret A à la Banque postale de 10 842,86 euros ainsi que de créances au titre de fermages annuels d’un total de 1 305,86 euros, tandis que le passif est néant.
Mme [D] [E] disposait donc à l’évidence au moment de son décès de facultés financières réelles, constituées de produits d’épargne ou assimilés rentables, de revenus réguliers provenant de sa pension de retraite de la MSA (897,17 euros par mois) et de fermages.
L’examen de ses relevés de comptes courant des années 2011 et 2012 démontre en outre qu’elle assumait de faibles dépenses mensuelles (un prélèvement pour un abonnement à un journal de 25,35 euros sur son compte courant usuel du Crédit agricole et des paiements par chèques n’excédant pas un total de 200 euros cumulés sur ce compte courant et celui moins utilisé de la Banque postale), et n’avait aucune dette notamment envers la maison de retraite où elle vivait depuis le 30 octobre 2008.
Les relevés bancaires de la défunte font également apparaître qu’elle opérait régulièrement, tous les trimestres environ, un virement de 2 400 euros de son contrat d’assurance vie Predica Predige sur son compte courant du Crédit agricole.
Ceci explique que son compte courant au Crédit agricole était toujours largement créditeur (de 3 964 euros un mois avant son décès et de 6 474,53 euros le 29 octobre 2012) et lui permettait sans difficulté d’honorer le paiement de ses frais mensuels de prise en charge en maison de retraite (1 647,86 euros en août 2012).
Par ailleurs, l’acte notarié du 22 juillet 2010 portant abandon d’usufruit par Mme [D] [E] au profit de sa fille [J] fait apparaître que cette dernière a reçu donation de la pleine
propriété
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d’une maison d’habitation située à [Localité 2] (49) (estimée à 100 000 euros) et de parcelles de terres dont elle avait déjà reçu la nue-<
propriété
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par un précédent acte de donation partage du 31 août 1991 du vivant de son père, et que Mme [Y] [E] a reçu également une maison d’habitation et des terres sur cette même commune, signe que ses parents possédaient un patrimoine immobilier conséquent.
Mme [J] [E] a également obtenu en 2010 le paiement d’une somme de 49 143,46 euros au titre d’une créance de salaires différés. Enfin le procès-verbal d’ouverture du coffre-fort de Mme [D] [E] du 19 novembre 1996 mentionne qu’il contenait 9 bons d’épargne d’une valeur de 1 500 euros (10 000 francs) chacun.
Ces éléments, contrairement à ce que soutient l’appelante, établissent que Mme [D] [E] avait une situation financière confortable qui lui permettait de souscrire en 2006 le contrat d’assurance vie produisant au décès la prime de 32 086,85 euros pour sa fille [Y] et les deux autres contrats d’assurance vie souscrits auprès de la MMA, respectivement le 25 février 2000 pour un capital au décès de 7 355,67 euros et le 15 décembre 2000 pour un capital au décès de 63 102,42 euros.
Les liquidités et revenus réguliers dont disposait Mme [D] [E], son train de vie, sont en adéquation avec les épargnes qu’elle a pu constituer tout au long de sa vie et les contrats d’assurance vie qu’elle a souscrit et ce particulièrement avant son admission au sein de la résidence [Adresse 5] le 30 octobre 2008 où elle a vécu jusqu’à sa mort.
Les primes versées par le souscripteur n’ont donc pas un caractère manifestement exagéré eu égard à ses facultés financières et avaient une utilité patente lorsqu’elle les a souscrites en 2000 et 2006, à 75 ans passés, celle de se constituer des liquidités disponibles en cas d’admission en maison de retraite.
La demande de rapport à la succession et, subsidiairement, celle de réduction pour atteinte à la réserve des sommes versées au titre des contrats d’assurance vie ne sont pas fondées et c’est à bon droit que le premier juge les a rejetées.
Par suite le jugement contesté sera confirmé.
Sur la communication des pièces
L’article 10 du code civil dispose que : ‘Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts’.
L’article 132 du code de procédure civile énonce que : ‘La partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance. La communication des pièces doit être spontanée’.
Mme [J] [E] demande l’infirmation du jugement qui a estimé que la partie adverse avait toujours produit les pièces réclamées par les notaires chargés de régler la succession et qui étaient en sa possession et qu’il n’était pas établi qu’elle possédait les pièces revendiquées.
Elle argue de ce qu’elle a formé une demande de communication devant le tribunal et qu’il importe peu que l’intimée ait partiellement satisfait à la demande dans le cadre des opérations de partage antérieures à la procédure.
Mme [J] [E] estime que sa soeur a intérêt à ne pas produire les relevés de compte des banques de leur mère en sa possession ainsi que les pièces relatives aux fonds qu’elle ou ses enfants ont reçus de la défunte au titre de contrats d’assurance vie.
Mme [Y] [E] explique avoir communiqué au notaire tous les relevés bancaires de sa mère en sa possession ainsi que les contrats d’assurance vie et qu’elle n’en détient aucun autre.
Mme [Y] [E] souligne que les relevés sur les deux ans antérieurs au décès de Mme [D] [E] font apparaître de manière flagrante l’absence de dépenses somptuaires ou suspectes à son profit ou celle de ses enfants comme le sous-entend l’appelante.
Sur ce,
Il ressort des courriers échangés entre Mme [Y] [E], son notaire et celui de sa soeur, et ceux échangés entre les deux officiers ministériels, que l’intimée, avant même la procédure judiciaire, a communiqué les relevés des comptes courant de Mme [D] [E] en sa possession du Crédit agricole des années 2011 et 2012, de la Banque postale pour l’année 2012 ainsi que les courriers du Crédit agricole et de la MMA relatifs aux contrats d’assurance vie souscrits par la défunte.
Mme [J] [E] est en possession de ces documents référencés au numéro 15 de ses pièces produites et exploitées à la présente instance.
Or Mme [J] [E] ne démontre pas que sa soeur aurait été en charge de la gestion des comptes de leur mère, qui n’était placée sous aucune mesure de protection judiciaire confiée à sa fille, disposait de ses facultés <
intellectuelles
comme en atteste le certificat médical du docteur [G] en date du 7 septembre 2012, et ne cohabitait pas avec sa fille cadette, ni qu’elle détiendrait d’autres pièces bancaires non communiquées remontant aux dix années ayant précédé la mort de Mme [D] [E].
Par ailleurs Mme [J] [E] a obtenu de la CNIL, comme en atteste le courrier du 27 août 2015, la liste de tous les comptes bancaires détenus par Mme [D] [E] au 23 novembre 2012 y compris ceux clos dans les années précédentes.
Il y apparaît tous les comptes courants ou d’épargne de la défunte au Crédit agricole et à la Banque postale recensés dans la déclaration de succession à l’exception de deux comptes ouverts à La Caisse d’épargne, deux Livrets A, en 1962 et 2001.
Néanmoins c’est aux notaires en charge du règlement de la succession de Mme [D] [E] qu’il incombe de les intégrer dans les éléments actifs de la succession et Mme [J] [E] ne rapporte pas la preuve que sa soeur disposerait de pièces bancaires qu’elle refuserait de communiquer dans les débats judiciaires en violation du principe du contradictoire, concernant ces deux livrets à l’évidence non utilisés, puisqu’ils n’apparaissent jamais dans les mouvements bancaires sur les deux comptes courant, du Crédit agicole et de la Banque postale, de Mme [D] [E].
Aussi il n’est pas fondé de faire droit à la demande de communication de pièces présentée par Mme [J] [E] dont il n’est pas démontré que sa soeur les détiennent, et au seul motif non étayé, hormis l’expression de ses suspicions, de l’existence de détournements qu’elle ou ses enfants auraient opérés au préjudice de la succession.
Par suite le jugement contesté de ce chef sera confirmé.
Sur les frais et dépens
Mme [J] [E] qui succombe en appel sera condamnée à verser à Mme [Y] [E] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés par Maître Devaud, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Saumur en toutes ses dispositions contestées ;
CONDAMNE Mme [J] [E] épouse [M] à verser à Mme [Y] [E] épouse [N] une somme de quatre mille euros (4 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [J] [E] épouse [M] aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de l’intimée.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE

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