L’action en insuffisance d’actifs

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L’action en insuffisance d’actifs

L’insuffisance d’actif résulte de la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice.

Elle doit exister à la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions.

Il résulte des dispositions de l’article L 651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait, responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.

En application du texte susvisé, pour que l’action initiée par la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PACA NET, puisse prospérer il faut que soient établis :

une insuffisance d’actif,

une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Monsieur [O] [X] [I] en sa qualité de dirigeant de la SARL PACA NET,

un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif.

Il appert, comme l’a relevé le tribunal dans la décision querellée, qu’un seul état des créances a été dressé pour les deux sociétés, PACA NET et PACA NET NICE.

Au vu des documents produits et en l’absence d’identification du passif exigible et de l’actif disponible de la seule société PACA NET, la cour se trouve dans l’impossibilité de caractériser l’existence d’une insuffisance d’actif sans laquelle l’action initiée le liquidateur judiciaire de la société PACA NET ne saurait prospérer.

Il y a lieu, dans ces conditions, d’infirmer le jugement querellé et de débouter la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACA NET de sa demande de condamnation de Monsieur [O] [X] au titre de l’insuffisance d’actif de la société PACA NET.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2024

N° 2024/15

Rôle N° RG 23/02022 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKYGD

[I] [O] [X]

C/

SCP [F] [K] & A LAGEAT

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe RAFFAELLI

Me Alexandra BOISRAME

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Janvier 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2019L02238.

APPELANT

Monsieur [I] [O] [X]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Jean-Philippe DANIEL de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant

INTIMES

SCP [F] [K] & A LAGEAT, représentée par Me [F] [K], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PACA NET, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 7 juillet 2016,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Marion CACHIA, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Eric SEMELAIGNE de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocat au barreau de MARSEILLE,

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,

demeurant Cour d’Appel d’Aix en Provence, 20 place Verdun, 13100 AIX EN PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme VADROT, conseillère,a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Madame Agnès VADROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2024.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société PACA NET a été créée en 2008 pour exercer une activité de « nettoyage de locaux industriels et commerciaux ». Monsieur [I] [O] [X], qui en était le gérant de droit, a développé son activité vers la région niçoise par la création d’une nouvelle structure, la société PACA NET NICE.

Par jugement en date du 5 juillet 2012, le tribunal de commerce de Marseille a placé la société PACA NET en procédure de sauvegarde.

Le 8 novembre 2012, cette procédure a été étendue à la société PACA NET NICE.

Le 19 juin 2014, le tribunal a ordonné la résolution du plan de sauvegarde arrêté en 2013 et a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre des deux sociétés lesquelles ont bénéficié d’un plan de redressement homologué par la juridiction le 7 octobre 2015.

Par décision en date du 7 juillet 2016, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la résolution du plan de continuation susvisé et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard des sociétés PACA NET et PACA NET NICE.

Par acte en date du 25 juin 2019, la SCP [F] [K] & LAGEAT représentée par Maître [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACA NET, a assigné Monsieur [I] [O] [X] devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins de le voir condamné à lui payer la somme de 4 000 000 d’euros au titre de l’insuffisance d’actif de la société PACA NET au regard de ses fautes de gestion, à savoir la poursuite d’une activité déficitaire, le non paiement des charges sociales et fiscales, l’absence de désignation d’un commissaire aux comptes, la non reconstitution des capitaux propres, et l’incompétence manifeste de gestion.

Dans le cours de la procédure, elle a demandé sa condamnation à supporter l’insuffisance d’actif à hauteur de 3 808 246,49 euros à titre principal et à hauteur de 2 207 540,54 euros à titre subsidiaire, si le tribunal ne devait retenir que l’insuffisance d’actif de la société PACA NET.

Par jugement en date du 5 janvier 2023, le tribunal de commerce de Marseille a condamné Monsieur [I] [O] [X] à supporter l’insuffisance d’actif de la Sarl PACA NET et PACA NET NICE à hauteur de 150 000 euros.

Le tribunal de commerce, après avoir relevé que la responsabilité de Monsieur [O] [X] pouvait être recherchée sur l’intégralité du passif des deux personnes morales, les sociétés PACA NET et PACA NET NICE ayant fait l’objet d’une seule procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire, a retenu à l’encontre de ce dernier toutes les fautes dont il était saisi, à l’exception de l’incompétence manifeste de gestion, fautes qui avaient eu un impact direct et sans équivoque sur la performance de l’entreprise et sa capacité à honorer ses engagements et obligations.

Le tribunal de commerce de Marseille a indiqué tenir compte cependant de la situation de Monsieur [O] [X] dont la demande de surendettement avait été jugée recevable par la commission du Gard et a fixé à 150 000 euros le montant mis à sa charge au titre de l’insuffisance d’actif.

Par déclaration en date du 3 février 2023, Monsieur [O] [X] [I] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA en date du 28 juin 2023, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [I] [O] [X] demande à la cour, au visa des articles L651-2 et L653-3 et suivants du code de commerce, de :

– le recevoir en son appel et le juger bien fondé

– infirmer le jugement dont appel, en ce qu’il le condamne sous exécution provisoire à supporter l’insuffisance d’actif de la SARL PACA NET et PACA NET NICE à hauteur de 150 000 euros

Statuant à nouveau,

– débouter la SCP [K] & LAGEAT représentée par Maître [K] ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

– condamner la SCP [K] & LAGEAT à lui verser une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de son conseil,

Très subsidiairement,

– constater que la SCP [K] & LAGEAT n’a contesté ni la recevabilité de la procédure de surendettement ni le montant de la créance déclarée,

– dire et juger que la créance de la SCP [K] & LAGEAT ès qualités a été définitivement admise à hauteur de 4 000 euros et intégrée dans son plan de surendettement de sorte qu’aucune condamnation ne saurait intervenir pour un montant supérieur,

– infirmer le jugement en ce qu’il le condamne à verser une somme de 150 000 euros et ramener le montant de la condamnation à 4 000 euros,

– faire application de la faculté ouverte par l’article L 651-2 du code de commerce et le condamner à ne supporter que le dixième de l’insuffisance d’actif de la société PACA NET,

– dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Sur le périmètre de l’action

Monsieur [O] [X] soutient que l’action étant initiée par la SCP [K] & LAGEAT en sa seule qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PACA NET, il ne peut prétendre à voir prises en compte les éventuelles fautes de gestion commises dans la gestion de la SARL PACA NET NICE ainsi que l’insuffisance d’actif de cette dernière.

Il conteste la position des organes de la procédure qui arguent de l’existence d’une confusion des patrimoines rappelant que selon une jurisprudence constante l’extension de la procédure collective résultant d’une confusion de patrimoine cesse avec le jugement prononçant la résolution du plan.

Il fait valoir que si le tribunal de commerce a, par une même décision, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard des deux sociétés, il n’a à aucun moment dans sa décision constaté une confusion des patrimoines justifiant une liquidation judiciaire unique englobant les masses actives et passives des sociétés PACA NET et PACA NET NICE.

Il fait état de ce que la cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 11 octobre 2016, l’obligation pour les juges de constater le cas échéant une nouvelle confusion de leur patrimoine, ce que le tribunal n’a pas fait dans son jugement du 7 juillet 2016. Il en déduit que seul le patrimoine de PACA NET doit être pris en compte.

Il soutient qu’il appartenait au liquidateur judiciaire d’isoler le passif de la société PACA NET, seul à pouvoir être pris en considération dans le cadre de l’action en comblement d’insuffisance d’actif qu’il a introduite, et de déterminer le quantum de l’insuffisance d’actif à retenir, ce qu’il n’a pas fait.

Il relève à cet égard que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le quantum de l’insuffisance d’actif et se sont contentés de le condamner en sa qualité de dirigeant à supporter l’insuffisance d’actif des sociétés PACA NET et PACA NET NICE à une somme forfaitaire de 150 000 euros, sans explication ni justification particulière.

Il conclut que la carence probatoire du demandeur à l’action fait obstacle à son succès.

Sur les fautes de gestion

Après avoir rappelé les textes et la jurisprudence applicable, il conteste l’ensemble des fautes de gestion retenues à son encontre.

Il fait valoir que considérer la poursuite de l’activité comme constitutive d’une faute de gestion relevant de l’article L 651-2 du code de commerce, reviendrait à reconnaître la co-responsabilité des organes de la procédure et du tribunal, sans lesquels celle-ci aurait été impossible.

Il précise que contrairement à ce qu’ont affirmé les premiers juges, les éléments comptables ne suffisent pas à caractériser une quelconque faute de gestion, pas davantage que la simple constatation de dettes fiscales ou sociales.

Il conteste également la faute de gestion résultant de l’absence de désignation d’un commissaire aux comptes, dont le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif n’est pas démontré et alors que l’entreprise était placée sous le contrôle de la juridiction commerciale et des organes de la procédure collective.

Il conteste également la faute tendant à la non reconstitution des capitaux.

Subsidiairement, sur le montant de la condamnation

Monsieur [O] [X] indique se trouver dans une situation financière catastrophique précisant que sa demande de surendettement a été déclarée recevable.

Il fait valoir que cela entraîne durant la procédure de surendettement et pour deux ans, la suspension et l’interdiction des procédures d’exécution de l’ensemble des dettes autres qu’alimentaires. La dette née d’une action en comblement de passif n’est pas exclue du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers. Il en déduit que la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ne sera pas en capacité d’exécuter les éventuelles condamnations du jugement à venir.

Il indique qu’en application de l’article R 723-3 du code de la consommation, la SCP [F] [K] & A LAGEAT disposait d’un délai de 30 jours à compter de la réception de l’état d’endettement pour contester ou actualiser sa créance déclarée en produisant des justificatifs. N’ayant pas agi en ce sens sa créance est définitivement fixée à la somme de 4 000 euros telle que mentionnée dans l’état d’endettement.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA en date du 23 mars 2023, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SCP [F] [K] & A. LAGEAT représentée par Maître [F] [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PACA NET demande à la cour, au visa de l’article L 651-2 du code de commerce, de :

– débouter Monsieur [O] [X] de toutes ses conclusions, fins et prétentions,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 5 janvier 2023,

– condamner Monsieur [O] [X] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Sur la recevabilité de l’action

Le liquidateur judiciaire rappelle que par jugement du 8 novembre 2012, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé l’extension de la procédure de sauvegarde de la société PACA NET à l’égard de la SAS PACA NET NICE avec confusion des masses actives et passives et ordonné la jonction des procédures. Il en déduit qu’un seul patrimoine doit être appréhendé dans le cadre de cette action, rappelant que la cour de cassation considère que lorsque la confusion des patrimoines est constatée, c’est la masse active et passive totale qui doit être prise en compte pour apprécier s’il existe une insuffisance d’actif et s’il y a lieu, de mettre à la charge du dirigeant tout ou partie de cette insuffisance.

Il en conclut que c’est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que la responsabilité de Monsieur [O] [X] pouvait être recherchée sur l’intégralité du passif des deux personnes morales.

Il indique en tout état de cause que le passif de la seule société PACA NET s’élève à la somme de 2 874 318,14 euros et que les mêmes fautes ont été commises par Monsieur [O] [X] aussi bien dans la gestion de la société PACA NET SERVICE que dans celle de la société PACA NET.

Sur l’insuffisance d’actif

Le liquidateur judiciaire indique que le montant du passif déposé au greffe s’élève à la somme de 7 482 137 euros tandis que les actifs ont été réalisés à hauteur de 139 663,61 euros de sorte que l’insuffisance d’actif – sans tenir compte du passif à échoir et provisionnel ni de la créance de la CGEA- est de 7 086 950,41 euros.

En réponse aux écritures de Monsieur [O] [X] qui conteste le montant de l’insuffisance d’actif retenu au motif que la valeur des actifs n’est pas précisément établie et que l’action ne peut donc prospérer, il rappelle que la jurisprudence considère qu’il importe peu que tout l’actif ne soit pas immédiatement réalisable, ni réalisé ou même que son montant soit contesté, dès lors que l’insuffisance d’actif est certaine.

Il indique n’avoir occulté aucun élément d’actif et fait valoir que, selon la jurisprudence, il n’y a pas lieu, pour apprécier la faute de gestion d’un dirigeant, de rechercher les conditions dans lesquelles le liquidateur a réalisé les actifs de la société débitrice, les éventuels manquements du liquidateur n’étant pas de nature à exonérer le dirigeant de son obligation de contribuer à l’insuffisance d’actif constatée.

Sur les fautes de gestion

Il indique à titre liminaire que l’instauration d’une sauvegarde suivie de l’ouverture d’un redressement judiciaire des sociétés PACA NET et PACA NET NICE ne présente aucun caractère amnistiant et ne purge pas les fautes commises pendant ces périodes par Monsieur [O] [X] ; que la situation de surendettement de Monsieur [O] [X] n’exclut pas sa responsabilité et affirme, au visa d’un arrêt de la cour de cassation en date du 29 septembre 2022, que la dette mise à la charge du dirigeant en raison de la faute de gestion qu’il a commise n’est pas prise en compte dans l’appréciation de sa situation de surendettement conformément aux exigences de l’article L. 330-1 du code de la consommation, qui exclut les dettes professionnelles.

Il relève qu’en dépit de cette jurisprudence, la commission de surendettement du Gard a intégré la condamnation de Monsieur [O] [X] dans son plan de surendettement pour un montant de 150 000 euros.

Il soutient que sont caractérisées à l’encontre de Monsieur [O] [X] les fautes suivantes :

– la poursuite d’une activité déficitaire établie par les résultats déficitaires de la société et par le défaut de paiement des cotisations fiscales et sociales à compter de 2013,

– l’absence de désignation d’un commissaire aux comptes ayant empêché tout contrôle de la sincérité des comptes sociaux et privant PACA NET d’un avis sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ou non son activité,

-la non reconstitution des capitaux propres.

Ces fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, il sollicite la confirmation de la décision des premiers juges.

Par avis en date du 12 septembre 2023, le ministère public conclut à la confirmation du jugement querellé dans toutes ses dispositions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Il est constant qu’en cas de confusion des patrimoines, les personnalités juridiques des sociétés concernées subsistent, principe qui a pour conséquence qu’après complète exécution du plan ou résolution du plan, la confusion des patrimoines cesse.

Ainsi les liquidations judiciaires ouvertes consécutivement à la résolution du plan à l’encontre de chacune des sociétés dont les patrimoines avaient été confondus, sont des procédures distinctes. Elles ne peuvent être jointes pour conclure à l’existence d’une procédure unique, à moins de retenir l’existence d’une nouvelle confusion des patrimoines.

En l’espèce, le tribunal de commerce de Marseille a :

– par jugement en date du 8 novembre 2012, prononcé l’extension de la procédure de sauvegarde de la société PACA NET à la société PACA NET NICE ;

– par jugement en date du 19 juin 2014, ordonné la résolution du plan de sauvegarde arrêté en 2013 et ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre des deux sociétés, lesquelles ont bénéficié d’un plan de redressement homologué par la juridiction le 7 octobre 2015 ;

– par décision en date du 7 juillet 2016, prononcé la résolution du plan de continuation sus-visé et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard des sociétés PACA NET et PACA NET NICE, sans que soit constatée une nouvelle confusion des patrimoines.

Il en résulte que c’est à tort que les premiers juges ont considéré, après avoir relevé que les sociétés PACA NET et PACA NET NICE avaient fait l’objet d’une seule procédure de redressement convertie en liquidation judiciaire, que la responsabilité de Monsieur [I] [O] [X] pouvait être recherchée sur l’intégralité du passif des deux personnes morales, à savoir la somme de 7 086 950,41 euros.

La SCP [F] [K] & A. LAGEAT ayant engagé l’action en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PACA NET, seule l’insuffisance d’actifs de cette dernière et les fautes commises à l’occasion de sa gestion peuvent être prises en compte.

2/ Il résulte des dispositions de l’article L 651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait, responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.

En application du texte susvisé, pour que l’action initiée par la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PACA NET, puisse prospérer il faut que soient établis :

une insuffisance d’actif,

une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Monsieur [O] [X] [I] en sa qualité de dirigeant de la SARL PACA NET,

un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif.

L’insuffisance d’actif résulte de la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice.

Elle doit exister à la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions.

Il appert, comme l’a relevé le tribunal dans la décision querellée, qu’un seul état des créances a été dressé pour les deux sociétés, PACA NET et PACA NET NICE.

Au vu des documents produits et en l’absence d’identification du passif exigible et de l’actif disponible de la seule société PACA NET, la cour se trouve dans l’impossibilité de caractériser l’existence d’une insuffisance d’actif sans laquelle l’action initiée le liquidateur judiciaire de la société PACA NET ne saurait prospérer.

Il y a lieu, dans ces conditions, d’infirmer le jugement querellé et de débouter la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACA NET de sa demande de condamnation de Monsieur [O] [X] au titre de l’insuffisance d’actif de la société PACA NET.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d’appel seront employés comme frais de la procédure collective de la société PACA NET.

La SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités, succombant, se trouve infondée en ses prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [O] [X] l’intégralité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités sera condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en date du 05 janvier 2023.

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACA NET de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la SCP [F] [K] & A. LAGEAT ès qualités, à payer à Monsieur [O] [X] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les dépens d’appel seront employés comme frais de la procédure collective de la société PACA NET.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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