L’action d’une collectivité face à une infraction d’urbanisme

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L’action d’une collectivité face à une infraction d’urbanisme

La SCP Le Bonheur, gérée par Mme [S] [X], a acquis une parcelle à Beaulieu-sur-Mer en septembre 2020, sur laquelle des travaux d’extension ont été réalisés sans autorisation. Suite à des signalements, un procès-verbal d’infraction a été établi en décembre 2021. En janvier 2022, la Commune a assigné Mme [X] et la SCP en référé pour obtenir l’enlèvement de la terrasse construite illégalement et des dommages-intérêts. Le tribunal a ordonné l’enlèvement de la terrasse et a imposé une astreinte en cas de non-exécution. Mme [X] et la SCP ont interjeté appel de cette décision. En mars 2023, des conclusions ont été déclarées irrecevables pour non-paiement des frais de procédure, mais l’affaire a été réinscrite en septembre 2023. En janvier 2024, la Commune a demandé la radiation de l’appel pour non-exécution des décisions antérieures. Les parties ont continué à échanger des conclusions, et la Commune a maintenu sa position sur l’illégalité des travaux. L’instruction a été close en juin 2024, avec des demandes de la Commune pour confirmer l’ordonnance initiale et des demandes de la SCP pour infirmer cette décision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
23/12088
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/546

Rôle N° RG 23/12088 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BL6D6

[S] [X]

S.C.P. LE BONHEUR

C/

Commune [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Hélène ABOUDARAM-COHEN

Me Jérôme LACROUTS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de NICE en date du 04 octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00039.

APPELANTES

Madame [S] [X]

demeurant [Adresse 4]

S.C.P. de droit monégaste LE BONHEUR

dont le siège socila se situe [Adresse 4]

représentées par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistées de Me Gérard BAUDOUX, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Commune [Localité 6]

représentée par son Maire en exercice

dont le siège social se situe [Adresse 7]

représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSÉ DU LITIGE

La société civile particulière (SCP) Le Bonheur, société étrangère de droit monégasque, dont madame [S] [X] est la gérante, a acquis, le 29 septembre 2020, une parcelle cadastrée section AD n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], sise [Adresse 5], à Beaulieu-sur-Mer, sur laquelle est implantée une villa.

Le service de l’urbanisme de la Commune a été informé par le voisinage de la réalisation de travaux d’extension, en façade sud-est, sans autorisation préalable.

Après s’être heurtée à la résistance des ouvriers présents sur site, la fonctionnaire habilitée aux constats a pu, avec l’autorisation de Mme [X], rédiger un procès-verbal d’infraction le 2 décembre 2021. Ce dernier a été notifié le 6 décembre suivant.

Par exploit en date du 4 janvier 2022, la Commune de Beaulieu sur Mer a fait assigner Mme [X] et la SCP Le Bonheur devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins de les entendre condamner, sous astreinte, à procéder à l’enlèvement de la terrasse surélevée édifiée sans autorisation, à remettre les lieux en leur état antérieur et à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire en date du 4 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

– déclaré recevable l’action introduite par la Commune de [Localité 6] ;

– condamné Mme [S] [X], gérante de la société Le Bonheur et la société Le Bonheur à procéder, dans un délai d’un mois à dater de la signification de sa décision, à l’enlèvement de la terrasse surélevée litigieuse et à la remise en état des lieux antérieurs, sis [Adresse 5], parcelle AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 6] ;

– dit qu’en cas d’inexécution de cette obligation, Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur seraient condamnées à payer à la Commune de Beaulieu sur Mer une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois à compter de la date de la signification ;

– condamné Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur à payer à la Commune de Beaulieu sur Mer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur aux dépens ;

– rejeté toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires.

Il a notamment considéré :

– sur la fin de non-recevoir que, conformément aux articles L 480-1, L 4801-14, L 422-3 du code de l’urbanisme, la commune conserve, en tout état de cause, sa compétence en matière de plan local d’urbanisme et sa qualité à agir en demande de démolition ou de mise en conformité et ce, nonobstant la compétence éventuelle de l’établissement public de coopération intercommunale ;

– sur la demande principale de démolition, qu’il apparaissait manifeste et incontestable, au vu des procès-verbaux établis par la ville de [Localité 6], les 8 juin et 2 décembre 2021, que la terrasse litigieuse avait été édifiée sans autorisation et qu’elle avait même été achevée entre les deux dates précitées malgré la visite de l’agent municipal assermenté ;

– qu’aux dates des constats, la SCP Le Bonheur était bien propriétaire des lieux ;

– que des images satellites de 2019 établissaient qu’à cette date ladite terrasse n’existait pas.

Selon déclaration reçue au greffe le 14 novembre 2022, Mme [X] et la SCP Le Bonheur ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par ordonnance en date du 7 décembre 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 24 octobre 2023, la clôture de l’instruction devant être prononcée le 10 octobre précédent.

Par ordonnance en date du 30 mars 2023, la conseillère déléguée de la chambre 1-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

– déclaré irrecevables les conclusions et pièces des défenderesses à l’incident pour non paiement du droit de procédure des articles 1635 bis P du code général des impôts et 963 du code de procédure civile ;

– prononcé la radiation du rôle de l’affaire enregistrée sous le n° 22/15100 ;

– dit qu’elle ne serait réinscrite au répertoire général que sur justification de l’exécution de la décision attaquée ;

– réservé les dépens ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 26 juillet 2023, le service des déclarations d’appel de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a reçu des conclusions de rétablissement au rôle établies par les appelants.

L’affaire a été réinscrite au répertoire général, sous la référence 22/12088, le 26 septembre 2023.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close le 16 janvier 2024.

Par conclusions d’incident transmises le 16 janvier 2024, la Commune de [Localité 6] a, au visa des articles 514 et 524 du code de procédure civile, sollicité de président de chambre qu’il :

– juge que Mme [S] [X], gérante de la société Le Bonheur, et ladite société, n’ont pas exécuté les condamnations prononcées à leur encontre par l’ordonnance du 04 octobre 2022, assortie pourtant de l’exécution provisoire ;

– radie l’appel formé par Mme [S] [X], gérante de la société Le Bonheur et ladite société à l’encontre de l’ordonnance du 04 octobre 2022 ;

– juge que l’affaire pourra être remise au rôle de la cour sur justification de l’exécution de l’ordonnance de référé dont appel ;

– condamne Mme [S] [X], gérante de la société Le Bonheur, et ladite société, à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l’incident.

Mme [S] [X] y a répliqué le 24 janvier suivant.

A l’audience ‘au fond’ du 30 janvier 2024, l’affaire a été renvoyée au 25 juin 2024, avec clôture le 11 juin précédent, et l’incident fixé au 15 mars 2024.

Par ordonnance en date du 18 avril 2024, le président de la chambre 1-2 de la cour d’appel de céans a :

– déclaré irrecevables les conclusions d’incident en réplique n° 2 de Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur ;

– dit n’y avoir lieu de radier à nouveau l’appel interjeté, le 26 septembre 2023, par Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur ;

– débouté la Commune de [Localité 6] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les dépens de l’incident suivraient le sort de ceux de l’instance principale.

Par dernières conclusions transmises 31 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur sollicitent de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

– déclare la Commune de [Localité 6] irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir sur l’action en démolition en l’absence de carence de l’établissement public intercommunal ;

– juge que le rapport de visite du 27 mai 2021, signé et daté du 10 juin 2021, le procès-verbal du 8 juin 2021 et le procès-verbal du 2 décembre 2021 sont entachés de nullité ;

– juge, en conséquence, que la commune de Beaulieu sur Mer échoue à démontrer l’existence d’une infraction au code de l’urbanisme et que les conditions de l’article 835 du code de procédure civile ne sont pas réunies, l’intimée ne justifiant pas de l’existence d’une obligation à la charge de la SCP Le Bonheur et de Mme [X], et, par la même, d’un trouble manifestement illicite et qu’il n’y pas lieu à référé ;

– juge que la sanction ordonnée par le juge des référés décidant de l’enlèvement de la terrasse surélevée litigieuse et de la remise en état des lieux antérieurs, sis [Adresse 5], parcelle AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 6], sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant un délai de trois mois à compter de la date de la signification, en cas d’inexécution de cette obligation, est disproportionnée ;

– en tout état de cause, vu le procès-verbal de Maître [R], commissaire de justice en date du 20 avril 2023, juge qu’ils ont exécuté l’ordonnance de référé du 4 octobre 2022 proportionnellement au but poursuivi ;

– en conséquence, déboute la Commune de [Localité 6] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamne la Commune de Beaulieu sur Mer au paiement d’une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Aboudaram, avocat au Barreau d’Aix en Provence ;

– condamne la Commune de Beaulieu sur Mer aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Aboudaram, avocat au barreau d’Aix en Provence.

Par dernières conclusions au fond transmises le 7 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Commune de [Localité 6] sollicite de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise et :

– juge que Mme [S] [X], gérante de la société dénommée Le Bonheur, et ladite société qui est propriétaire de la parcelle cadastrée Section AD n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 6], sise [Adresse 5], ont édifié une terrasse surélevée et ce, sans aucune autorisation d’urbanisme ;

– juge que Mme [S] [X], gérante de la société dénommée Le Bonheur et ladite société ont commis des manquements à la règlementation d’urbanisme telle celle indiquée dans les visas de l’assignation introductive d’instance, ce qui est constitutif d’une obligation non sérieusement contestable ;

– ce faisant, condamne Mme [S] [X], gérante de la société dénommée Le Bonheur, et ladite société à procéder dans un délai d’un mois à dater de la signification à parties de l’ordonnance à venir à l’enlèvement de ladite terrasse surélevée et la remise en état des lieux antérieurs et ce, à peine d’astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard qui courra pendant un délai de 3 mois maximum à compter de la date de signification ;

– y ajoutant, condamne, en cause d’appel, Mme [S] [X], gérante de la SCP Le Bonheur, et ladite société à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de la présente instance.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constater’, ‘donner acte’, ‘dire et/ou juger’ ou ‘déclarer’ qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d’appel.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Commune de [Localité 6]

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 122 du même code dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8 : l’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

De jurisprudence constante, ce texte ne prévoit aucunement que l’existence d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme priverait la commune de sa qualité à agir afin de voir cesser une situation illicite consommée sur son territoire (Ccass Civ3, 21 janvier 2021, n° 20-10.602). Par l’emploi de la conjonction de coordination ‘ou’, il établit, au contraire, une compétence concurrente entre les deux collectivités locales pour ester en justice, en sorte que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la Commune de [Localité 6] pouvait agir de manière autonome sans avoir à établir que la Métropole [Localité 8] Côte d’Azur avait été préalablement informée de l’infraction constatée ni qu’elle s’était volontairement abstenue d’y donner suite. Juger le contrairement reviendrait à ajouter au texte précité et à en affaiblir la porté visant à garantir l’efficacité optimale de la répression des infractions constatées en matière d’urbanisme.

Enfin, il ne saurait être fait grief à la commune d’avoir intenté son action sans avoir pris un arrêté interruptif des travaux étant précisé qu’un tel préalable n’est nullement imposé par la lettre de l’article L. 480-14, précité, du code de l’urbanisme, et que, du fait de l’absence de Mme [X] lors du transport sur les lieux de l’agent assermenté le 8 juin 2021, auquel elle avait pourtant été convoquée, l’infraction n’a pu être officiellement constatée que le 2 décembre suivant et donc à une époque où l’édification de la terrasse était achevée.

C’est donc par des motifs pertinents que le premier juge a déclaré recevable l’action introduite par la Commune de [Localité 6].

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Une exécution totale ou partielle de la décision entreprise, durant la procédure d’appel, est donc indifférente à son délibéré.

Pour contester l’ordonnance entreprise, les appelantes :

– arguent de la nullité des procès-verbaux de constat dressés les 8 juin et 2 décembre 2021 ;

– contestent la datation et donc l’imputabilité des travaux litigieux ;

– critiquent la démolition et remise en état ordonnées tant en regard du principe de proportionnalité que du caractère définitif de ces mesures.

Il n’est en revanche nullement soutenu que les travaux litigieux auraient été réalisés dans le respect des règles d’urbanisme dont ils relevaient.

Il résulte des ‘rapports de visite’et procès-verbaux rédigés, les 8 et 10 juin ainsi que le 2 décembre 2021, par Mme [B] [W], agent assermenté de la mairie de [Localité 6], qu’alertée par un riverain d’une construction en cours dans la Villa Magda, sise [Adresse 5], elle :

– s’est rendue sur place le 27 mai 2021 et, après avoir été autorisée à pénétrer dans la propriété par des ouvriers ne parlant pas le français, y a constaté, une extension en cours de la terrasse d’une quarantaine de mètres carrés, surélevée sur piliers d’environ 2,20 m de hauteur ;

– a convoqué Mme [X] par courrier du 28 mai 2021 pour une visite programmée le 8 juin suivant à 14 heures : à cette date, elle n’a pu pénétrer dans la propriété, le ‘réparateur’ de la piscine ne souhaitant pas prendre la responsabilité de l’y autoriser en l’absence de la propriétaire, mais a, depuis son positionnement à l’entrée, aperçu une extension en cours de la terrasse d’une quarantaine de mètres carrés surélevée de piliers, accolée à la limite séparative voisine : elle a alors informé son interlocuteur que cette extension (ne pouvait) être autorisée dans cette zone du PLU métropolitain où les construction doivent se tenir à 5 mètres des limites ;

– a, le 2 décembre 2021, en présence de Mme [X] et de son avocate, Maître [L], constaté la présence dans l’enceinte de la propriété de la SCP Le Bonheur d’une construction, sans autorisation et dans les marges de recul des limites séparatives, d’une terrasse surélevée accolée à la maison aux dimensions (de) 8,50 m de longueur, 6 m de largeur, 2,70 m de hauteur, constituant une emprise au sol d’environ 50 m2 lorsque le PLUM limite l’emprise à 20 % en zone UFb4 et se situant à 0,65 m de la limite séparative Sud-Est, au lieu des 5m prescrits par le PLUM en zone UFb4 : à l’issue de ce constat, elle a donc relevé une infraction aux articles L. 610-1, L. 174-4, L. 421-1, R. 421-1, R. 421-14, L. 421-14, L. 421-4, R. 421-17 et suivants, R. 425-1 et R. 425-30 du code de l’urbanisme, L. 621-1, L. 621-4, R. 621-1 à L. 621-34 du code du patrimoine, L. 341-1 et R. 341-1 du code de l’environnement.

Il s’évince de cette chronologie que l’action de la commune a été intentée sur la base des procès-verbaux des 8 juin et 2 décembre 2021 qui sont parfaitement réguliers en ce qu’ils ont été dressés depuis la voie publique, pour le premier, et, pour le second, au contradictoire de Mme [X], gérante de la SCP le Bonheur, qui a laissé pénétrer l’agent verbalisateur dans l’enceinte de la Villa Magda.

Ils sont totalement autonomes du ‘rapport de visite’ du 10 juin 2021, qui ne les fonde en rien dès lors que l’agent verbalisateur a initié ses investigations sur le renseignement antérieur d’un tiers. Il sera en outre souligné que, si ce dernier reconnaît avoir, à cette date, pénétré sur la propriété des appelants, sans pour autant y relever d’infraction, il prend soin de préciser qu’il l’a fait sur autorisation des ouvriers qui y travaillaient, et se sont donc présentés à lui comme les mandataires apparents de Mme [X] et la SCP Le Bonheur. A l’inverse, une telle autorisation lui ayant été refusée le 8 juin suivant, il a réalisé ses constats depuis la voie publique.

Il doit, à cet égard, être rappelé que, par application des dispositions de l’article 431 du code de procédure pénale, les constatations d’un agent assermenté font foi jusqu’à preuve contraire. Or les appelantes ne documentent en rien leur allégation selon laquelle la terrasse n’était pas visible depuis l’entrée de la propriété.

De même les deux photographies satellitaires, issues du site Google Map qu’elles versent aux débats, datées du 28 septembre 2019, pour la première, et du 11 mai 2022, pour la seconde, n’établissent pas que la terrasse litigieuse préexistait à leur acquisition du tènement immobilier, le 29 septembre 2020, en sorte que le constat en date du 8 juin 2021, d’une ‘extension en cours’ par Mme [W], fait foi. Ladite terrasse surélevée n’est d’ailleurs nullement mentionnée dans le paragraphe intitulé ‘identification du bien’ du titre de propriété de la SCP Le Bonheur, qui, pourtant particulièrement détaillé, n’inclut qu’un terrain attenant en nature de jardin avec piscine.

La preuve de la réalisation de travaux illicites par la SCP Le Bonheur étant rapportée, il appartenait donc au juge des référés du tribunal judiciaire de Nice de mettre un terme au trouble manifestement illicite ainsi caractérisé.

Pour ce faire, il tenait des dispositions des articles 835 alinéa 1 du code de procédure civile et L. 480-14 du code de l’urbanisme le pouvoir d’ordonner la démolition de la terrasse litigieuse, seule mesure permettant, en l’absence de possibilité de régularisation, la réalisation de l’objectif d’intérêt général qui s’attache au respect des règles d’urbanisme. Celle-ci n’a en outre, nullement porté atteinte à l’habitabilité de la [Adresse 9], s’agissant d’un ouvrage extérieur d’agrément et ce, alors même que ce bien ne constitue pas la résidence principale de Mme [S] [X], résidente monégasque. Cette dernière n’est donc pas fondée à exciper d’une atteinte disproportionnée à l’intimité sa vie privée ou à son droit de propriété.

Il ne saurait, en outre, être sérieusement soutenu que la démolition de la terrasse litigieuse mettrait en danger un ‘avocatier très imposant’, dont les branches sont imbriquées dans la structure metallique alors que, compte tenu de sa taille et de son âge, cet arbre préexistait à l’édification de cet ouvrage. Du reste, les photographies jointes au procès-verbal de constat dressé le 20 avril 2023 par Maître [R], commissaire de justice, établissent qu’un démontage précotionneux de ladite armature permettra de le sauvegarder.

Il sera enfin rappelé, en tant que de besoin, qu’aux termes d’une jurisprudence constante, initiée par un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 16 mai 2019 (n° 17-31.757), l’action en démolition intentée par une commune sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme n’est plus subordonnée à la preuve d’un préjudice.

L’ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu’elle a :

– condamné Mme [S] [X], gérante de la société Le Bonheur et la société Le Bonheur à procéder, dans un délai d’un mois à dater de la signification de sa décision, à l’enlèvement de la terrasse surélevée litigieuse et à la remise en état des lieux antérieurs, sis [Adresse 5], parcelle AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à [Localité 6] ;

– dit qu’en cas d’inexécution de cette obligation, Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur seraient condamnées à payer à la Commune de Beaulieu sur Mer une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard courrant pendant un délai de trois mois à compter de la date de la signification.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné in solidum Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur aux dépens et à payer à la Commune de Beaulieu sur Mer somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur, qui succombent au litige, seront déboutées de leur demande formulée sur le fondement de ce texte.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 3 000 euros en cause d’appel.

Mme [S] [X], gérante de la sociéte Le Bonheur, et la SCP Le Bonheur supporteront en outre les dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne in solidum Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur à payer à la Commune de Beaulieu sur Mer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur de leur demande sur ce même fondement ;

Condamne in solidum Mme [S] [X] et la SCP Le Bonheur aux dépens d’appel.  

La greffière Le président


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