La vente non autorisée de matériel de chantier par le salarié

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La vente non autorisée de matériel de chantier par le salarié

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 06 JANVIER 2023

N°2023/ 006

Rôle N° RG 19/04854 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEABN

[T] [Z]

C/

SAS ENTREPRISE GENERALE D’ELECTRICITE NOEL BERANGER

Copie exécutoire délivrée

le : 06/01/2023

à :

Me Jérome ZANETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 11 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00303.

APPELANT

Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS ENTREPRISE GENERALE D’ELECTRICITE NOEL BERANGER, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérome ZANETTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué pour plaidoirie par Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargé du rapport.

Madame Estelle De REVEL, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Mme Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [Z] a été engagé en qualité de chef d’agence secteur Var par la société Entreprise Générale d’Electricité Noel Béranger par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 27 février 2006.

Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par les dispositions de la convention collective des ingénieurs, assimilés et cadres des travaux publics, il percevait un salaire mensuel brut d’un montant de 4 821 euros, en qualité de cadre, niveau C1.

Le 25 janvier 2016, le salarié s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours.

Le 2 mars 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, fixé au 20 mars suivant.

Le 28 mars 2017, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, M. [Z] a, le 2 mai 2017, saisi le conseil des prud’hommes aux fins de le voir dire sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur au paiement de diverses indemnités et rappel de salaire.

Le 11 février 2019, le conseil des prud’hommes de Toulon a dit que le licenciement pour faute grave était fondé et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes. La demande reconventionnelle de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée et les dépens ont été laissés à la charge de chacune des parties.

M. [Z] a relevé appel de la décision le 25 mars 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [Z] demande à la cour de:

‘Infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] est fondé et a débouté Monsieur [Z] de l’ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

– JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

CONDAMNER la SAS ENTREPRISE GENERALE D’ELECTRICITE NOEL BERANGER au paiement des sommes suivantes :

– 4447,83 € brut au titre de la mise à pied à titre conservatoire

– 447,78 € brut au titre des congés payés sur la mise à pied

– 14463,00 € brut au titre de I’indemnité compensatrice de préavis

– 1446,30 € brut au titre des congés payés sur préavis

– 18.319,00 € net au titre de I’indemnité conventionnelle de licenciement

– 1 15.000,00 € net au titre de I’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– ASSORTIR les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes pour les demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil

– CONDAMNER la SAS ENTREPRISE GENERALE D’ELECTRICITE NOEL BERANGER à délivrer sous astreinte de 100 € par jour de retard, les documents sociaux rectifiés.

En tout état de cause

– CONDAMNER la SAS ENTREPRISE GENEMLE D’ELECTRICITE NOEL BERANGER au paiement de la somme de 3000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens’.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la SAS Entreprise Générale d’Electricité Noel Béranger demande à la cour de:

‘A TITRE PRINCIPAL :

CONFIRMER le jugement prud’homal rendu par le Conseil de Prud’hommes de Toulon du 11 février 2019

En conséquence,

DIRE ET JUGER que le licenciement de M. [Z] repose sur une faute grave

Et en conséquence

DEBOUTER M. [Z] de l’ensemble de ses demandes

A TITRE SUBIDIAIRE :

Dans l’hypothèse improbable d’une réformation du jugement entrepris,

DIRE ET JUGER pourvu d’une cause à la fois réelle et sérieuse le licenciement de M. [Z]

En conséquence,

LUI ALLOUER les sommes lui revenant de droit au titre de la rupture du contrat de travail à savoir :

Une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférent ;

Une indemnité conventionnelle de licenciement ;

Un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire été congés payés y afférent

DEBOUTER M. [Z] de sa demande indemnitaire et de toutes ses prétentions plus amples

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Dans l’hypothèse improbable d’une réformation du jugement entrepris, et si par extraordinaire la Cour devait faire droit à la demande indemnitaire de M. [Z] au titre de l’indemnisation de la rupture du contrat de travail

LIMITER l’indemnisation allouée à un montant purement symbolique en l’absence de fourniture par M. [Z] du moindre élément justificatif permettant de démontrer et de chiffrer la réalité d’un préjudice particulier

DEBOUTER M. [Z] de toutes ses prétentions plus amples

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

LE CONDAMNER à verser à la Société ENTREPRISE GENERALE D’ELECTRICITE NOEL BERENGER la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du CPC’.

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

M. [Z] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que:

– s’agissant du premier grief consistant en la vente de matériel de chantier :

– il s’agissait de rebuts définitivement inutilisables pour l’entreprise, sans valeur marchande, non consignés, encombrant le parc et présentant un danger ;

– ces pratiques existent depuis toujours dans l’entreprise;

– les sommes issues des ventes étaient utilisées pour des repas dans l’entreprise avant les congés d’été et de fin d’année dans le cadre d’une politique sociale ;

– les revenus étaient peu importants,

– l’employeur l’ayant mis à pied plusieurs jours après la découverte des faits, ne peut faire état de gravité et d’impossibilité de poursuivre le lien contractuel;

– la plainte pour vol déposé par l’employeur a été classée sans suite pour ‘infraction non constituée’

– s’agissant du reproche relatif au choix des fournisseurs de matériaux :

– l’employeur ne fait que qualifier ce choix de suspect sans démontrer de faute;

– il ne prouve ni favoritisme, ni la soi- disant proximité qu’il aurait avec une salariée du fournisseur ;

– de telles accusations portent atteinte à sa probité et son inacceptables;

– s’agissant du troisième grief relatif à une mauvaise gestion des stocks :

– il conteste l’écart de stock,

– le grief ne lui est pas imputable;

– le comportement managériale inacceptable consistant à tenir des propos à caractère vexatoire et inadapté n’est pas démontré par l’attestation d’un salarié qui n’en a pas été témoin;

– ses entretiens annuels d’évaluation sont très bons;

– son licenciement est un licenciement de circonstance lié aux difficultés économiques de l’entreprise; il n’a pas été remplacé après la rupture de son contrat de travail.

L’employeur soutient qu’il était fondé à licencier M. [Z] pour faute grave au motif que :

– S’agissant du premier grief :

– M. [Z] a vendu durant plusieurs semaines du matériel appartenant à la société sans autorisation, avec la complicité de membres du personnel placés sous son autorité et avec lesquels il a partagé les gains;

– les faits ont été découverts en février 2017 suite à une enquête interne, des témoignages de salariés et une comptabilité officieuse retrouvée sur le lieu de travail tenue par M. [Z];

– les faits étaient récurrents ;

– il faisait courir un risque social et fiscal à l’entreprise

– S’agissant du 2e grief:

– le salarié a choisi des fournisseurs de complaisance en lien avec un nouveau grossiste de matériel électrique;

– il avait des relations de proximité avec une salariée de l’entreprise grossiste;

– le choix n’était pas fondé sur des raisons objectives et ne correspondait pas à ce qui avait été convenu avec les clients aux termes des devis;

– S’agissant du 3e grief:

– un rapport d’audit a établit qu’il y avait un écart de stock au 30 janvier 2017 concernant des câbles type EDF;

– aux termes de sa fiche de fonction, il est responsable de la gestion des stocks et donc de la disparition constatée

– S’agissant du 4e grief:

– son management est vexatoire et brutal selon les attestations de deux salariés

– il avait déjà commis des violences physiques sur un salarié en novembre 2015 et avait été sanctionné disciplinairement.

Subsidiairement, l’employeur demande diminution des prétentions financières et application des montants minimaux et maximaux prévus par l’article L.1235-3 du code du travail.

Sur ce :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l’espèce, selon la lettre de licenciement adressée le 28 mars 2017 par la société à M. [Z], sont reprochés à celui-ci les griefs suivants :

1. la vente non-autorisée de matériel de chantier (tourets, palettes, ferrailles) appartenant à l’entreprise,

2. Le choix de fournisseurs de matériaux dans son propre intérêt,

3. Une mauvaise gestion des stocks

4. Un comportement managérial vexatoire et inadapté.

1) sur la vente de matériel de chantier (tourets, palettes, ferrailles) appartenant à l’entreprise mise à jour et réalisée dans les conditions et selon les modalités suivantes :

‘ Une annonce postée sur un site Internet de vente entre particuliers (« le bon coin ») a été diffusée pendant plusieurs jours à partir du 10 février 2017. Celle-ci propose la vente de tourets pour des montants de 20 à 50 euros suivant leur taille, photos à l’appui qui montrent le site de [Localité 3].

L’annonce postée par une certaine « [C]» précise que les particuliers devaient se rendre directement sur place aux heures de bureaux.

Le 16 février 2017, nous avons contacté cette fameuse « [C] » qui nous a effectivement proposé des tourets et nous a précisé que la vente pouvait s’effectuer directement auprès de M. [Z] et qu’il était préférable de venir payer à partir de 17h ou 18h mais que nous pouvions également lui faire un virement et nous a communiqué son RIB.

Nous avons alors découvert que cette « [C] » s’appelait Mme [Y], et était intérimaire au sein de l’agence de [Localité 3] depuis le 24 janvier 2017 en qualité d’agent d’entretien.

Lors de l’entretien, vous avez indiqué que les ventes de tourets existaient bien avant votre arrivée chez Noel Béranger, et avaient été validées par les directions précédentes.

Puis, vous avez ajouté qu’avec l’argent collecté, vous organisiez un repas avec le personnel, l’été et en fin d’année.

Vous avez, par ailleurs, expliqué que les tourets et palettes étaient des rebus d’exploitation, sans valeur pour l’entreprise et coûtaient en tant que déchets. Ceux de l’entreprise qui souhaitaient en emporter pouvaient le faire.

Vous avez enfin confirmé, avoir bien eu connaissance que la femme de ménage avait mis en vente les tourets sur Internet et pensiez qu’il n’y avait eu que deux ventes.

Pour notre part, si nous sommes extrêmement étonnés que vos directions précédentes aient pu vous valider de telles pratiques illégales, il est manifeste que vous n’avez pas recueilli l’accord de votre nouvelle Direction.

Par ailleurs, il est manifeste que vos explications sont assez contradictoires, ces ventes de tourets servaient à organiser des repas pour le personnel, mais également les salariés (dont vous faites partie) pouvaient les vendre. Et ne nous arrêtant pas là, une intérimaire présente depuis peu avait également ce droit.

Tout cela ne peut pas correspondre aux attentes que nous avons et que doit recueillir un chef d’agence qui a la pleine responsabilité de l’agence qui lui est confiée. Ce type de pratique est inadmissible et ne peut se reproduire compte tenu des conséquences qu’elles peuvent engendrer.

Vous avez conclu en indiquant que vous n’aviez fait aucun profit personnel et n’avez pas touché d’argent. Et pourtant, nous avons été amenés à visionner la vidéo surveillance, dont le système

de pilotage se trouve dans votre bureau et vous seul y avez donc accès. Or, une analyse des enregistrements met en évidence que :

– Certains passages ont été effacés, notamment lors des visites de personnes extérieures à l’entreprise (les enregistrements supprimés sont facilement repérables car l’horloge interne du système n’est plus continue).

– Lors de l’installation de la caméra six points de vue différents étaient programmés avec une patrouille automatique. Ces différents angles ont été supprimés afin de rendre la caméra fixe sur la cour de l’agence et ainsi augmenter les angles morts.

Nous notons donc une volonté de votre part de vouloir supprimer la trace de transactions.

Sur ce point, vous vous êtes contenté d’indiquer que c’était du « délire », que vous n’aviez jamais effacé des données.

Nous avons également entendu le personnel qui a confirmé que vous vendiez également de la ferraille et des candélabres. D’ailleurs, nous avons retrouvé « une caisse à ferraille », et dans cette caisse, était présente une facture d’achat de la Société Azur métaux à votre nom et adresse personnelle d’un montant de 95, 20 euros.

Vous nous avez expliqué que les ferrailleurs ne pouvaient plus payer en liquide donc vous preniez des chèques à votre nom… En contrepartie, vous assuriez personnellement les repas payés aux salariés (été et en fin d’année).

Nous vous avons alors demandé si vous aviez une trace des encaissements en espèces et des paiements pris en charge par vos soins, ce à quoi vous avez répondu par la négative.

Sans remettre en cause vos explications, certes douteuses, nous avons trouvé lors de notre audit votre procédure « revente ferrailles (candélabre HS, câble déposé, …)» datée du 9 avril 2015. Cette procédure que vous avez établi, explicite très clairement comment de telle vente devait se dérouler : « établissement d’une fiche détaillée entre le déposant et le magasinier, le montant collecté sera enregistré sur un document tenu par Mme [U], la caisse sera sous clef dans votre bureau et surtout les repas d’été et de fin d’année subventionnée par ces ventes sont annulées ».

Au vu des éléments versés aux débats, M. [Z] ne conteste pas la matérialité des faits mais conteste qu’ils soient constitutifs d’une faute.

Pour autant, la cour relève, après analyse de SMS échangés avec un client potentiel, que des palettes et des tourets ont fait l’objet d’annonces sur le site Le Bon Coin courant février 2017 pour être vendus, qu’il fallait contacter une certaine [C] [Y], qui était en réalité une intérimaire intervenue dans l’entreprise en tant qu’agent d’entretien; que celle-ci indiquait alors à son interlocuteur les modalités de paiement, par chèque ou virement sur son propre compte (communication de son RIB) et de retrait lequel se faisait sur le site même de l’entreprise. Mme [Y] précisait aussi la possibilité de venir ‘vers 18h si possible, vous pouvez régler au Monsieur’.

L’existence d’une activité commerciale en marge de son activité salariée développée par M. [Z] est corroborée par plusieurs attestations de salariés de l’entreprise :

– le témoignage de la secrétaire de l’entreprise qui indique ‘début février (2017) j’ai reçu un appel téléphonique de [C] [Y] (femme de ménage) m’indiquant qu’un ami à elle venait chercher des tourets (…) quelques jours plus tard un monsieur est venu me disant qu’il était là suite à l’annonce sur le Bon Coin et qu’il venait de la part de [C]. Une autre jeune femme est venue avec son petit garçon. J’ai vu également une autre femme qui est revenue et lui a parlé de prendre aussi des palettes.(…) M.[X] a téléphoné le 2 mars me demandant s’il pouvait venir, je lui ai demandé par quel moyen il était au courant de la vente de touret, ce Monsieur m’a répondu que c’était suite à l’annonce sur Le Bon Coin au nom de [C] mais que cette annonce n’était plus en ligne’ ;

– le témoignage de M. [P], responsable d’affaire qui affirme avoir à plusieur reprises vu M. [Z] vendre des tourets et des palettes à des personnes extérieures à l’entreprise qui venaient directement au dépôt pour les acheter. Il précise que le ’24 février vers 14h, deux femmes sont venues avec une camionnette et ont demandé M. [Z] que j’ai vu entrain de charger dans le véhicule quatre palettes. J’ai à cette occasion également vu un échange de sommes d’argent en liquide entre ces personnes et M. [Z]. Par ailleurs, le 21 février 2017, j’ai pu constater que deux femmes sont venues acheter un touret directement auprès de M. [Z]. Par la suite, j’ai pu constater une annonce sur Le Bon Coin avec des photos de notre parc pour des ventes de tourets entre 20 et 50 euros;

– l’attestation de M. [F], chargé d’affaire, indiquant à l’instar de ses collègues, avoir vu M. [Z] avec des personnes étrangères à l’entreprise pour charger des tourets sur le dépôt. Il évoque la date de décembre 2016 ou janvier 2017, soit une autre vente que celles susvisées. Il parle également de vente de ferraille.

Seule une note interne rédigée et signée par l’intéressé le 9 avril 2015 intitulée ‘Procédure à suivre pour la revente de ferraille’ à entête de la société, figurant dans les pièces de l’intimé, permet de considérer que pour ce type de produit, il existait une procédure pouvant être qualifiée d’officielle, ou à tout le moins de connue de l’employeur, dès lors qu’elle était affichée dans les locaux de l’agence de [Localité 3].

Cependant, des règles étaient stipulées telles ‘le matériel déposé en vue de son évacuation en décharge sera ramené à l’agence. Une fiche détaillée et quantifiée sera réalisée conjointement avec le déposant et le magasinier. Les matériels seront stockés sur le parc en attente de revente éventuelle et mise en décharge. (…) Ils seront évacués ou mis en décharge en présence du magasinier ou d’un des déposants. Le montant collecté de la vente sera enregistré sur un document tenu à jour par [W] [U]. La caisse sera sous clé dans mon bureau. Le partage des sommes collectés sera fait entre l’ensemble des salariés présents dans l’entreprise à minima deux fois par an. Il est à noter que les repas d’été et de fin d’année subventionnés par ces ventes sont annulés’.

Or, les éléments susvisés montrent que les ventes querellées ne concernaient pas que de la ferraille et ne suivaient absolument pas cette procédure, notamment s’agissant de l’inventaire, des règlements et des livraisons.

Au contraire, la teneur des attestations susvisée et des Sms permet d’observer que les ventes, le paiement et le retrait des marchandises se faisaient en catimini, hors la présence et la connaissance de l’employeur de telles pratiques.

Aucun document d’aucune sorte n’est produit par le salarié pour justifier qu’il était autorisé à procéder ainsi, c’est à dire à vendre ces biens dans les conditions sus-énoncées.

Les ventes avaient pour objet des tourets qui sont des pièces en bois servant à entourer les câbles électriques sur les chantiers, ou des palettes de manutention qui sont des accessoires servant à rationaliser la manutention, le stockage et le transport de marchandises.

Ces biens, quoique rebuts, ou même encombrants destinés à être évacués en décharge, demeuraient la propriété de l’entreprise et M. [Z] ne pouvait en disposer sans autorisation.

La production d’une facture d’achat au nom de M. [Z] datée du 30 octobre 2015 pour des ‘câbles alu’ d’un montant de 95 euros, ainsi que d’une feuille manuscrite portant sur le partage de recettes issues des vente (on y retrouve les 95 euros) entre plusieurs salariés à hauteur de 30 euros chacun, permettent de démontrer la valeur marchande des biens vendus, contrairement à ce qui est soutenu en défense.

Le fait que les recettes soient peu importantes, comme l’affirme l’appelant, n’enlève en rien au caractère fautif de la pratique qui, au vu des éléments susvisés, n’était pas exceptionnelle.

Le partage des recettes entre les salariés n’a pas pour effet de faire disparaître le grief; au contraire, il faisait courir un risque fiscal et social à la société.

Les éléments susvisés démontrent l’existence d’un commerce développé par l’appelant en marge de ses fonctions et de l’activité de l’entreprise, dans les locaux de celle-ci, avec la participation d’une salariée intérimaire, et portant sur du matériel de l’entreprise, sans l’autorisation de celle-ci.

La faute est caractérisée.

2) sur le choix des fournisseurs de matériaux dans son propre intérêt

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

‘Nous avons relevé dans les comptes l’apparition depuis quelques mois de nouveaux fournisseurs en lien avec un grossiste en matériel électrique nommé ELISE (Electricité Ligne Sud-est).

Si le choix de ce grossiste peut être justifié d’un point de vue « exploitation », le caractère économique semble moins évident.

En effet, il apparaît que vous privilégiez cette société sur la base d’un seul critère à savoir les liens que vous entretenez avec la commerciale multicartes Mme [A] [I].

Nous avons retrouvé la trace de la société ELISE sur des factures des fournisseurs DRAKA (câbles) et METALOGALVA. Le choix de ce dernier fournisseur de mats et lanternes nous semble encore plus suspect sachant que celui-ci est basé au Portugal. L’éloignement du fournisseur a déjà entraîné des problèmes de délai de livraison (7 semaines) sur certains chantiers de M. [E] (chargé d’affaires à [Localité 3] pour les chantiers d’éclairage public).

Par ailleurs, nous relevons des différences de prix unitaires notables entre les fournisseurs habituels et ceux privilégiés directement par vos soins.

Dans le cas du nouveau chantier Pyrotechnie, l’analyse comparative des deux devis met en exergue des écarts significatifs.

– Les lanternes d’éclairage routier type LED sont à 220€ HT chez le fournisseur Thom Lightning – Le luminaire équivalent chez Simon Lightning via la société ELISE est à 289 € HT

Contre toute attente, vous avez décidé de retenir les lanternes de la société ELISE alors que le produit acheté est le plus cher et ne correspond pas à celui présenté au client lors de l’obtention du marché.

Nous vous avons alors demandé pour quelles raisons aviez-vous décidé de ne pas suivre les v’ux du client qui plus est, étaient moins onéreux.

Vous vous êtes contenté d’indiquer ne jamais avoir défavorisé l’entreprise. Vous avez également ajouté n’avoir jamais passé de commande sur la Pyrotechnie et de manière générale vous ne passiez jamais de commande comme un despote. Selon vos explications, ils revenaient aux conducteurs de travaux/chargés d’affaires de mettre en concurrence les fournisseurs.

Et pourtant, vous étiez le seul à signer les commandes, en tant que seul détenteur d’une délégation de pouvoirs.

Contrairement à vos explications, vous étiez également le seul en contact avec Mme [A] [I] avec qui vous sembliez très proche. Ainsi à titre d’exemple, un mail professionnel du 4janvier 2017

« Coucou [T], (….) A demain. Biz ». S’il ne nous appartient pas de commenter la proximité de cet échange, il n’en demeure pas moins que vous avez été dans l’impossibilité d’apporter la moindre explication sérieuse permettant de justifier les raisons pour lesquelles vous avez commandé du matériel de marque Simon lighting et Métalogalva via la société Elise alors même que l’appel d’offre proposé des mats Petitiean avec des lanternes Thom.

Votre position inexplicable a impliqué un OS de la part du client et du mécontentement.’

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche à M. [Z] d’avoir choisi des fournisseurs en raison des liens privilégiés qu’il entretient avec une commerciale et contrairement à l’intérêt économique de l’entreprise.

Pour démontrer la réalité des relations privilégiées susvisées, l’intimé se borne à produire un mail d’une certaine [A] [I] de la société Elise, du 28 octobre 2016 dans lequel celle-ci écrit : ‘Coucou [T], Voici l’étude Dialux que tu m’as demandée hier. Dis-moi si c’est bon ou si on est complètement à côté de la plaque….:-) Bizzzz’

Ce seul élément ne suffit pas à établir que c’est la relation entretenue par l’appelant avec cette personne qui justifiait le choix du fournisseur Elise.

Sans qu’il n’y ait lieu à rechercher si le choix du fournisseur Elise avait un intérêt économique, il résulte de ce qui précède que le grief n’est pas établi.

3. sur la mauvaise gestion des stocks

La lettre de licenciement fait état du grief suivant :

‘Lors de l’inventaire physique des stocks réalisé le 30janvier 2017 par le contrôle de gestion Siège sur le site de [Localité 3] nous avions constaté qu’il manquait des câbles type EDF.

Il est apparu que vous aviez demandé à laisser ces câbles dans le listing des stocks afin de limiter les écarts d’inventaire de fin d’année.

Le montant comptabilisé au 3 1/12/2016 pour ces câbles est de 2 212€.

De façon catégorique, vous avez nié et fait part de votre étonnement. Selon vous, nous accordons beaucoup trop de crédibilité à une personne récemment arrivée dans l’entreprise et voulant démissionner avant cette affaire.’

La société produit le compte rendu d’audit – inventaire physique des stocks de Béranger au 30 janvier 2017. Aux termes d’un tableau figurant en annexe, il ressort que des pièces ont été listées dans l’état de stock de [Localité 3] mais ne sont pas présentes physiquement.

Cependant, les préconisations faites en fin de rapport, concernant le site de [Localité 3] dont M. [Z] était responsable étaient de :

– corriger les écarts d’inventaire en supprimant les références en doublon dans l’état du stock et l’ancien stock ERDF

– déprécier les articles inutilisables (à base de mercure).

En cet état, il n’est pas démontré que les écarts de stock, concernant le câbles type EDF soient fautifs.

Aucun élément n’est par ailleurs produit établissant l’affirmation de l’employeur selon lequel M. [Z] aurait demandé à laisser les câbles dans le listing des stocks pour limiter les écarts d’inventaire.

Le grief n’est pas constitué.

4. sur le comportement managérial vexatoire et inadapté

La lettre de licenciement est libellée comme suit:

‘Il nous a été remonté que vos propos avaient un caractère vexatoire et inadapté, à titre d’exemple:

– Surnom humiliant: « greluche » à l’attention de Mme [U],

– « rentre à la niche », « viens avec ton cerveau » à l’attention de M [E]’

Encore une fois, vous avez indiqué que « c’était du délire » et que vous n’aviez pas prononcé de telles paroles.

Et pourtant, nous avons déjà eu l’occasion de vous sanctionner pour vos pratiques managériales par une mise à pied à titre disciplinaire de 3 jours le 25janvier 2016.’

Au soutien, la société produit l’attestation de Mme [U] qui indique que M. [Z] pouvait se montrer irrespectueux ; ‘il m’interrompait, me reprenait de manière très sèche,’ (…) ‘Au départ de M. [G], M. [Z] a repris son comportement naturel et redevenu comme avant, plusieurs collègues m’ont vu pleurer’.

L’irrespect de M. [Z] envers Mme [U] est corroboré par l’attestation de M. [P] qui déclare que l’intéressé la qualifiait de ‘greluche. M. [P] affirme en outre plus largement que: ‘il m’est arrivé de voir M. [Z] manquer de respect envers mes collaborateurs’ et l’avoir entendu dire à M. [E] de ‘retourner dans sa niche’ ou à [L] de ne pas ‘oublier son cerveau’.

Ces déclarations, relevés par des salariés dont il n’y a pas lieu de remettre en cause la sincérité des déclarations en l’absence d’élément sur l’existence d’un contentieux qui les opposerait, font état de faits précis et détaillés.

Le fait qu’elles ne soient pas étayées par des plaintes ou des doléances des intéressés n’enlève rien à la réalité des faits qu’elle dénonce, Mme [U] précisant dans son attestation qu’elle était âgée de 55 ans et soucieuse de garder son emploi.

La cour relève que M. [Z] bénéficiait d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité et de santé et était ainsi davantage sensibilisé à ces questions.

La cour observe en outre qu’il s’est déjà vu sanctionner par une mise à pied disciplinaire pour un comportement inadapté envers un collègue le 25 janvier 2016, créant ainsi un précédent.

Le grief est caractérisé.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparait que la vente de matériel de chantier dans les conditions sus exposées et les propos humiliants de M.[Z] à l’égard de ses subordonnées caractérisent un manquement du salarié à ses obligations issues du contrat de travail d’une gravité telle qu’ils empêchent la poursuite de ce contrat, constitutifs d’une faute grave privative des indemnités de rupture.

Le jugement est en conséquence confirmé et le salarié débouté de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités de rupture, d’indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire.

Sur les autres demandes

Le salarié succombant sera condamné aux entiers dépens d’appel. Il sera en conséquence débouté de toute demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité sur ce fondement et en ce qu’il l’a condamné aux dépens.

L’équité commande de faire bénéficier la société Entreprise Générale d’Electricité Noel Béranger d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [Z] à lui verser une indemnité de 500 euros au titre de l’appel. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef et il y sera ajouté en ce qui concerne l’indemnité complémentaire.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [T] [Z] de ses demandes,

Condamne M. [T] [Z] à verser à la société Entreprise Générale d’Electricité Noel Béranger la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [Z] aux entiers dépens de l’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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