La Validité et les Limites des Clauses de Non-Concurrence dans les Contrats Commerciaux

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La Validité et les Limites des Clauses de Non-Concurrence dans les Contrats Commerciaux

La SAS CESSCOMM a signé un contrat d’agent commercial avec madame [K] [C] le 18 décembre 2019, incluant une clause de non-concurrence interdisant à madame [C] de participer à des transactions immobilières dans l’agglomération [Localité 4] pendant douze mois après la rupture du contrat. Madame [C] a résilié son contrat le 17 juin 2022. La SAS CESSCOMM a estimé qu’elle ne respectait pas la clause de non-concurrence et lui a envoyé une mise en demeure. Le 9 mai 2023, la SAS CESSCOMM a assigné madame [C] devant le Tribunal Judiciaire de Draguignan pour obtenir une indemnisation, réclamant un total de 271.977 euros pour divers préjudices. Dans ses conclusions du 17 octobre 2023, madame [C] a demandé le rejet des demandes de la SAS CESSCOMM et, à titre subsidiaire, une réduction des dommages et intérêts à 20.000 euros. Elle a également formulé une demande reconventionnelle pour le paiement de commissions d’agence et d’autres sommes. L’instruction a été close par ordonnance le 27 février 2024, et l’affaire a été renvoyée pour audience au 14 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 août 2024
Tribunal judiciaire de Draguignan
RG
23/03492
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

DU 28 Août 2024
Dossier N° RG 23/03492 – N° Portalis DB3D-W-B7H-J2SB
Minute n° : 2024/ 435

AFFAIRE :

S.A.S. CESSCOMM C/ [K] [C]

JUGEMENT DU 28 Août 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Emmanuelle SCHOLL, Vice-présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Stéphanie STAINIER
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Nasima BOUKROUH

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024 prorogé au 28 Août 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

Copie exécutoire à Me Simon AZOULAY
la SELARL CABINET ISABELLE COLOMBANI
Délivrées le

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

S.A.S. CESSCOMM
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Me Simon AZOULAY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et assistée par Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

D’UNE PART ;

DEFENDERESSE :

Madame [K] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Isabelle COLOMBANI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’AUTRE PART ;

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat du 18 décembre 2019, la SAS CESSCOMM a conclu un contrat d’agent commercial avec madame [K] [C]. Une clause de non-concurrence a été intégrée et interdit à compter de la rupture et pendant une durée de douze mois à madame [C] de prêter son concours de quelques manière que ce soit à une opération de transaction immobilière sur l’agglomération [Localité 4].

Madame [C] a notifié le 17 juin 2022 à la société CESSCOMM la résiliation de son contrat d’agent commercial avec effet immédiat.

Considérant qu’elle ne respectait pas sa clause de non-concurrence, la SAS CESSCOMM lui a adressé une mise en demeure.

Par acte de commissaire de justice en date du9 mai 2023, la SAS CESSCOMM a assigné madame [C] devant le Tribunal Judiciaire de Draguignan aux fins d’indemnisation.

Dans son assignation valant conclusions déposées par RPVA le 12 mai 2023, la SAS CESSCOMM demande:
-la condamnation de madame [C] à lui verser les sommes suivantes:
* 20.000 euros au titre de la clause de non-concurrence,
*150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,
*10.000 euros au titre de préjudice moral,
* 37.977 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du préavis de l’article L134-11 du code de commerce,
* 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal renvoie à la lecture des conclusions pour les moyens au soutien des prétentions

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 17 octobre 2023, madame [C] demande:
– le rejet des prétentions adverses,
A titre subsidiaire:
– la fixation du montant des dommages et intérêts à 20.0000 euros,
A titre reconventionnel:
-la condamnation de la SAS CESSCOMM à lui verser les commissions d’agence due à savoir:
* 2.520 euros au titre de la facture du 3 mars 2023 mandat 7218,
* 1370 euros facture du 2 novembre 2022 mandat 7188,
-la condamnation de la SAS CESSCOMM à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,
-la condamnation de la SAS CESSCOMM aux dépens distraits au profit de maître Isabelle COLOMBANI,

Le tribunal renvoie à la lecture des conclusions pour les moyens au soutien des prétentions.

Par ordonnance en date du 27 février 2024, l’instruction a été close et l’affaire renvoyée au 7 mai 2024, audience déplacée au 14 mai 2024.

MOTIFS

Sur la clause de non-concurrence:

Aux termes de l’article L 134-14 du code de commerce, le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.

Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat.
La clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat.

En l’espèce, le contrat comprend la clause suivante :
“A partir de la date de la rupture du présent contrat, le mandataire s’interdit expressément pendant une durée de douze mois et dans le secteur suivant :Agglomération [Localité 4], de prêter son concours, directement ou indirectement , à quelque titre et de quelques manière que ce soit, à des opérations de transactions immobilières.

En cas de manquement à l’interdiction susvisée, le mandataire devra verser au Mandat une somme de 20.000 euros représentative de dommages et intérêts”.

Il est produit deux constats de commissaire de justice. Le premier est réalisé le 22 février 2023, soit pendant la période prévue par la clause de non-concurrence. Il reprend deux annonces de ventes de biens immobiliers situés sur la communes [Localité 4]. La personne à contacter sur la première annonce est madame [K] [C] (P27 et 38). La seconde annonce mentionne une personne à contacter dénommée [K] avec le même numéro de téléphone que sur la première annonce (P46 et 57). Sur les 4 annonces proposées, deux font bien état d’une participation de madame [C] malgré sa clause de non concurrence.

Le second constat d’huissier daté du 3 mars 2023 retrace les avis des personnes ayant vendus ou acquis par le biais de l’agence immobilière pour laquelle madame [C] travaille. Quatre avis mentionnent expressément une vente conclue par l’intermédiaire de madame [C], toutes “il y a trois mois” soit en décembre 2022- janvier 2023 (p. 25, 27, 29 et 31). L’avis sur Google émanant d’un “[I] [J]” doit être rapproché de l’avis de [I] [J] en page 29. Madame [C] produit à son sujet le mandat de vente qu’elle a elle-même signé, pendant la période de non-concurrence, pour un bien situé [Localité 4].

Il en résulte que madame [C] n’a pas respecté sa clause de non-concurrence.

Sur le quantum:

La clause de non-concurrence en ce qu’elle prévoit une pénalité doit être analysée comme une clause pénale.

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

En l’espèce, la clause pénale limite les dommages et intérêts à 20.000 euros. La SAS CESSCOMM se base sur les anciennes commissions et le chiffre d’affaires en résultant pour elle pour évaluer son préjudice et obtenir des dommages et intérêts en sus de ceux prévus par la clause de non-concurrence. Toutefois, le seul tableau sans autre justificatifs paraît insuffisant à justifier la réalité du préjudice et le caractère dérisoire de la pénalité convenue.

En conséquence, seule l’indemnité prévue au contrat sera allouée.

En conséquence, madame [C] sera condamnée à verser la somme de 20.000 euros.

Sur l’absence de préavis :

Aux termes de l’article L 134-11 du code de commerce, un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.
Lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.
La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l’absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d’un mois civil.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l’agent.
Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure.

Aux termes de l’article 1231 du code civil, à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.

En l’espèce, le contrat reprend une clause de préavis dans les mêmes termes que l’article précité.

Il est constant que le contrat a été rompu à l’initiative de madame [C], sans préavis. Toutefois, la SAS CESSCOMM ne justifie d’aucun refus de cette modalité de la rupture, ni même et surtout d’une mise en demeure d’exécuter ce préavis.

En conséquence, la demande sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en paiement des commissions :

Aux termes de l’article L 134-7 du code de commerce, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions
prévues à l’article L. 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat d’agence.

En l’espèce, si le contrat comporte bien la mention d’un droit de suite, il convient de relever que les éléments produits par madame [C] n’émanent que d’elle-même, que ce soit la liste des mandats encours dans sa lettre de rupture ou les factures. Il n’est versé aucun autre élément sur la réalité d’une vente par son intermédiaire.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande.

Sur les demandes accessoires :

Déboutée au principal, madame [C] sera condamnée aux dépens, et le droit de recouvrement direct sera accordé aux avocats en ayant fait la demande.

Elle sera en outre condamnée à verser une indemnité à la SAS CESSCOMM au titre de l’article 700 qu’il est équitable de fixer à 3.000 euros

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal,

Condamne madame [K] [C] à payer à la SAS CESSCOMM la somme de 20.000 euros au titre de la clause de non-concurrence,

Rejette les demandes en dommages et intérêts complémentaire formée par la SAS CESSCOMM,

Rejette la demande au titre de l’absence de préavis,

Rejette la demande de madame [K] [C] en paiement des commissions,

Condamne madame [K] [C] à payer à la SAS CESSCOMM la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne madame [K] [C] aux dépens,

Accorde le droit de recouvrement direct prévu à l’article 699 du code de procédure civile aux avocats de la cause en ayant fait la demande.

ainsi jugé et signé

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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