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L’exploitant d’un bar discothèque a assigné sans succès la SPRE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir juger que celle-ci n’était pas habilitée à lui demander le paiement de la rémunération prévue par l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle,
L’article 23 de la loi du 3 juillet 1985 (devenu l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle) organisait un mécanisme de négociation d’accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des utilisateurs de phonogrammes.
L’article 24 de cette même loi prévoyait que le barème de la rémunération équitable serait fixé par une commission à défaut d’accord entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération équitable et des utilisateurs redevables de ladite rémunération, intervenu dans les six mois de l’entrée en vigueur de la loi ou l’expiration du précédent accord ; de même, les versions ultérieures de ce texte, codifié à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, prévoyaient que le barème de la rémunération équitable serait fixé par une commission à défaut d’accord entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération équitable et des utilisateurs redevables, intervenu avant le 30 juin 1986 ou à l’expiration du précédent accord.
Ces textes ne prévoyaient aucun formalisme pour constater le défaut d’accord. En outre, les décisions contestées de la commission sont prises au visa de la loi du 3 juillet 1985 et ‘notamment de son article 24″ (décision du 9 septembre 1987) ou des ‘articles L. 214-1 à L. 214-5 (…) du code de la propriété intellectuelle’ (décisions des 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011), de sorte que ces visas valaient constatation par la commission que la condition de l’absence d’accord entre les bénéficiaires de la rémunération et les utilisateurs de phonogrammes dans le délai légal était remplie.
Il est donc indifférent, quant à la légalité des arrêtés et de celle, subséquente, des décisions prises à leur visa, que le ministre de la culture n’ait jamais pris les dispositions réglementaires nécessaires à l’entrée en vigueur de l’article 23 de la loi du 3 juillet 1985 (L. 214-3 CPI). Au demeurant, dans un arrêt n° 86672 du 5 juillet 1989, rejetant la demande d’annulation de l’arrêté du 27 janvier 1987 du ministre de la culture, le Conseil d’Etat a considéré qu’au regard des termes mêmes du dernier alinéa de l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, qui dispose que les organisations appelées à designer les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à designer sont déterminées par arrêtée du ministre chargé de la culture, ce dernier pouvait légalement fixer par arrêté la composition de la commission.
De même, est indifférente, en ce qui concerne la légalité des arrêtés des 22 octobre 2001, 13 octobre 2008, 27 septembre 2011 et 16 février 2009 portant composition de la commission ou nomination de son président, et de celle, subséquente, des décisions de la commission des 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011, l’absence d’accord entre les organisations des bénéficiaires de la rémunération et des utilisateurs due au fait que les branches d’activité et les conditions de représentativité des organisations concernées n’aient jamais été définies.
L’article L.214-3 du code de la propriété intellectuelle (qui reprend l’article 23 de la loi du 3 juillet 1985) n’édicte en effet aucune obligation de négociation préalable entre les organisations des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et les organisations d’utilisateurs de phonogrammes, ni aucune obligation quant à la mise en place par l’autorité publique de conditions censées permettre une telle négociation, relatives notamment à la désignation des branches d’activité et à la définition de la représentativité des organisations professionnelles visées à cet article.
Le ministre de la culture était compétent, en application de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, en l’absence d’accord entre les professionnels concernés au sens de l’article L. 214-3, pour prendre l’arrêté du 22 octobre 2001 portant composition de la commission à l’origine de la décision du 30 novembre 2001, ainsi que les arrêtés du 13 octobre 2008 et du 16 février 2009 à l’origine de la décision du 5 janvier 2010 et l’arrêté du 27 septembre 2011 visé par la décision du 30 novembre 2011.
Enfin, dans une décision du 14 octobre 2019, le Conseil d’Etat, saisi par deux sociétés, LUCAS et B C, de demandes tendant à voir déclarer nulles les décisions de la commission, notamment, des 9 septembre 1987, 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011, a rejeté les requêtes, disant que ‘Toutefois, les moyens qu’elles soulèvent tirés de ce que ces décisions ont été prises à la suite d’une procédure irrégulière en l’absence, d’une part, de décision désignant les organisations représentatives des artistes interprètes, des producteurs et des usagers de phonogrammes, et d’autre part, de constat par le ministre d’un désaccord sur la rémunération des artistes interprètes, des producteurs et des usagers de phonogrammes, et tirés de ce que les membres de ladite commission n’ont pas été régulièrement nommés ne sont, en tout état de cause, pas de nature à affecter l’existence même des décisions attaquées’.
Pour mémoire, la SPRE est une société civile qui perçoit et répartit par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes la rémunération due, selon l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, par toute personne utilisant dans un lieu public, sur le territoire français, un phonogramme publié à des fins de commerce.
La loi dite ‘Lang’ du 3 juillet 1985 a reconnu des droits exclusifs aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes. Elle a également prévu un régime de licence légale pour certaines utilisations publiques des phonogrammes du commerce. En contrepartie de la liberté de diffusion des phonogrammes publiés à des fins de commerce, les utilisateurs de ces derniers doivent s’acquitter d’une somme qualifiée de rémunération équitable, assise sur les recettes de l’établissement ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle, et qui est répartie entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. Cette rémunération est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre eux par un ou plusieurs organismes, au rang desquels figure la SPRE.
L’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle a prévu que le barème de la rémunération équitable est déterminé par voie d’accord entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes, et qu’à défaut d’accord intervenu avant le 30 juin 1986, le barème est fixé par une commission présidée par un représentant de l’Etat et composée à égalité de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires de la rémunération et de membres désignés par les organisations représentant les redevables de ladite rémunération. La même disposition prévoit que les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 11 MAI 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : 19/08811 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B72AG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/04830
APPELANT
Monsieur A X
Né le […] à Saint-Etienne (42)
Représenté et assisté de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974
INTIMÉE
SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE – SPRE
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 334 784 865
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Me Jean MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0584
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Agnès MARCADE, conseillère
Mme Nadège BOSSARD, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur A X est le gérant de la société Y qui exploite à Lyon une activité de bar, restaurant, spectacles et discothèque et qui dispose, dans ce cadre, d’un matériel de sonorisation.
La société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (ci-après, la SPRE) est une société civile qui perçoit et répartit par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes la rémunération due, selon l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, par toute personne utilisant dans un lieu public, sur le territoire français, un phonogramme publié à des fins de commerce.
La loi dite ‘Lang’ du 3 juillet 1985 a reconnu des droits exclusifs aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes. Elle a également prévu un régime de licence légale pour certaines utilisations publiques des phonogrammes du commerce. En contrepartie de la liberté de diffusion des phonogrammes publiés à des fins de commerce, les utilisateurs de ces derniers doivent s’acquitter d’une somme qualifiée de rémunération équitable, assise sur les recettes de l’établissement ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle, et qui est répartie entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. Cette rémunération est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre eux par un ou plusieurs organismes, au rang desquels figure la SPRE.
L’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, devenu l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, a prévu que le barème de la rémunération équitable est déterminé par voie d’accord entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes, et qu’à défaut d’accord intervenu avant le 30 juin 1986, le barème est fixé par une commission présidée par un représentant de l’Etat et composée à égalité de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires de la rémunération et de membres désignés par les organisations représentant les redevables de ladite rémunération. La même disposition prévoit que les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
Par acte du 29 mars 2017, la société Y a assigné la SPRE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir juger que celle-ci n’était pas habilitée à lui demander le paiement de la rémunération prévue par l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle, de la voir condamner à lui payer 10 000 euros pour pratiques commerciales trompeuses et exercice d’une activité dans des conditions tendant à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 5 avril 2018, M. X a été assigné par la SPRE aux fins d’intervention forcée, à titre personnel, dans la procédure engagée par la société Y.
Par conclusions d’incident transmises le 30 novembre 2018, M. X a soulevé la nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée à son encontre.
Par ordonnance du 29 mars 2019, le juge de la mise en état a notamment :
— rejeté la demande d’annulation de l’assignation en intervention forcée délivrée par la SPRE le 5 avril 2018 à l’encontre de M. X,
– condamné M. X à payer à la SPRE la somme de 1 000 euros pour procédure abusive,
— ordonné le renvoi de l’affaire à la mise en état,
— condamné M. X aux dépens et au paiement à la SPRE de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
le 19 avril 2019, M. X a interjeté appel de cette ordonnance.
le tribunal (devenu tribunal judiciaire de Paris) a rendu son jugement le 17 janvier 2020 par lequel il a, notamment :
— débouté la société Y et M. X de leur demande de sursis à statuer,
— débouté la société Y de sa demande de remboursement des sommes perçues par la SPRE au titre de la rémunération équitable,
— déclaré la SPRE recevable à agir en ses demandes reconventionnelles,
— condamné in solidum la société Y et M. X à verser à la SPRE la somme de 52 245,63 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
— débouté la société Y et M. X de leur demande pour procédure abusive,
— condamné in solidum la société Y et M. X aux dépens et au paiement à la SPRE de la somme 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— autorisé la publication du dispositif de la décision aux frais de la société Y et de M. X,
— ordonné l’exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions transmises le 18 janvier 2021, M. X demande à la cour :
— à titre préliminaire : vu le calendrier de procédure du 16 décembre 2020, de dire que les
conclusions de la SPRE du 13 janvier 2021, son bordereau de pièces communiqué le 18 janvier 2021 et ses pièces communiquées le 14 janvier 2021 sont irrecevables,
— à titre principal : de constater que le juge de la mise en état n’a pas transmis le dossier au ministère public et d’annuler l’ordonnance ‘du 15 février 2019″ dont appel,
— statuant à nouveau :
— de dire les demandes de transmission de questions préjudicielles de M. X recevables et qu’elles ne sont pas dénuées de sérieux,
— de transmettre au Conseil d’État les 17 questions préjudicielles suivantes :
1°. « L’arrêté du 27 janvier 1987 fixant la composition de la commission prévue à l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, pris par le ministre de la culture, sans que ce dernier ait invité les organisations professionnelles concernées à définir les branches d’activités dans le cadre desquelles les accords spécifiques prévus à l’article 23 de la loi devaient être négociés, ni pris une quelconque disposition réglementaire permettant l’opposabilité des accords de définitions des branches et le contrôle du juge administratif, et sans qu’aucune disposition réglementaire ne soit intervenue pour définir la représentativité prévue audit article et les conditions de sa sollicitation par une quelconque organisation des bénéficiaires de la rémunération et des usagers est-il pris par une autorité incompétente, est-il nul et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégal ‘ »
2°. « La seconde phrase de l’article 1 et l’article 2 du décret n° 86-537 du 14 mars 1986, en ce qu’ils prévoient que la commission est composée des représentants des organisations des bénéficiaires du droit à rémunération et des représentants des organisations d’utilisateurs de phonogrammes désignés par le ministre de la culture violent-t-ils l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteurs et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle ‘ »
3°. « La décision du 9 septembre 1987 de la commission prévue à l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, prise sans qu’il soit possible d’attester de l’existence des vingt-quatre membres titulaires et des vingt-quatre membres suppléants qui devaient être désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d’activité concernée, utilisent les phonogrammes et ayant vocation à être invités à participer aux délibérations, sans qu’il ait jamais été possible de connaître les noms et les dates de désignation de ces membres, ni les instrumentum attestant de leur désignation, ni de la convocation des membres de la commission aux réunions ayant délibéré en date du 3 août, 7 et 8 septembre 1987, doit-elle être considérée comme nulle et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégale ‘»
4°. « L’arrêté du 22 octobre 2001 portant composition de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, pris par le ministre de la culture, sans que ce dernier ait invité les organisations professionnelles concernées à définir les branches d’activités dans le cadre desquelles les accords spécifiques prévus à l’article L.214-3 du Code de la propriété intellectuelle devaient être négociés, ni pris une quelconque disposition réglementaire permettant l’opposabilité des accords de définition de branches et le contrôle du juge administratif, et sans qu’aucune disposition réglementaire ne soit intervenue pour définir la représentativité prévue audit article et les conditions de sa sollicitation par une quelconque organisation des bénéficiaires de la rémunération et des usagers est-il pris par une autorité incompétente, est-il nul et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégal ‘ »
5°. « La seconde phrase de l’article R.214-1 et l’article R.214-2 du Code de la propriété intellectuelle, en ce qu’ils prévoient que la commission est composée des représentants des organisations des bénéficiaires du droit à rémunération et des représentants des organisations d’utilisateurs de phonogrammes désignés par le ministre de la culture violent-ils l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle et l’article 432-12 du Code pénal ‘ »
6°. « La décision du 30 novembre 2001 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, prise alors que l’existence de 24 de ses membres et de leurs suppléants n’est pas rapportée, doit-elle être considérée comme nulle et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégale ‘ »
7°. « La décision du 30 novembre 2001 de la commission arbitrale prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui comprend en son sein M. le E F, chargé de mission à l’inspection générale de l’administration des affaires culturelles, nommé à titre de personnalité qualifiée par le ministre de la culture, alors qu’il lui est subordonné est-elle illégale comme contraire aux dispositions des articles L.214-3 et L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle et aux dispositions de l’article 432-12 du Code pénal sanctionnant la prise illégale d’intérêts ‘ »
8°. « L’article 5 de la décision réglementaire du 30 novembre 2001 prise par la commission composée de douze représentants de la Société pour la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (SPRE), qui organise le barème des rémunérations dues aux associés de ladite société et confie à ladite société SPRE la gestion et le contrôle du dispositif qu’elle est chargée d’organiser est-il illégal pour non-respect des dispositions de l’article 432-12 du Code pénal ‘ »
9°. « La décision réglementaire du 30 novembre 2001 prise par une commission administrative composée de douze représentants de la Société pour la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (SPRE) et qui confie sans procédure de mise en concurrence aux bénéficiaires représentés par ladite société SPRE, ou à une société de perception et de répartition des droits mandatée par elle, la mission de contrôler les éléments nécessaires au calcul de la rémunération et de recueillir le relevé de programmes diffusés est-elle illégale pour non-respect des dispositions de l’article 432-14 du Code pénal ‘ »
10°. « L’article 1er alinéa 1er de la décision du 30 novembre 2001 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle qui assujettit à la rémunération équitable de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle les discothèques et établissements similaires sur la totalité des recettes brutes produites par les entrées ainsi que par la vente de consommations ou la restauration sans aucune pondération en fonction du niveau d’utilisation des phonogrammes du commerce viole-t-il les dispositions combinées de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 12 de la Convention internationale sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961 et encourt-il à ce titre la sanction de l’illégalité ‘ »
11°. « Les arrêtés du 13 octobre 2008 portant nomination du président et du 16 février 2019 portant composition de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, pris par le ministre de la culture, sans que ce dernier ait invité les organisations professionnelles concernées à définir les branches d’activités dans le cadre desquelles les accords spécifiques prévus à l’article L.214-3 du Code de la propriété intellectuelle devaient être négociés, ni pris une quelconque disposition réglementaire permettant l’opposabilité des accords de définition de branches et le contrôle du juge administratif, et sans qu’aucune disposition réglementaire ne soit intervenue pour définir la représentativité prévue audit article et les conditions de sa sollicitation par une quelconque organisation des bénéficiaires de la rémunération et des usagers est-il pris par une autorité incompétente, est-il nul et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégal ‘ »
12°. « La décision du 5 janvier 2010 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, prise alors que la preuve de l’existence de 30 de ses membres titulaires et suppléants et de leur désignation n’est pas rapportée, doit-elle être considérée comme nulle et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégale ‘ »
13°. « L’article 1 er alinéa 1 er de la décision du 5 janvier 2010 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle qui assujettit à la rémunération équitable de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle les établissements exerçant une activité de café et restaurants (dont restaurant rapide) qui diffusent une musique de sonorisation, constituant une composante accessoire à l’activité commerciale, sans aucune pondération en fonction de l’utilisation effective du dit matériel de sonorisation à la diffusion de phonogrammes publiés à des fins de commerce, viole-t-il les dispositions combinées de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 12 de la Convention internationale sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961 et encourt-il à ce titre la sanction de l’illégalité ‘ »
14°. « L’article 7 de la décision réglementaire du 5 janvier 2010, prise par l’autorité administrative à compétence nationale créée par l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, ayant en son sein la Société pour la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (SPRE) et ses quinze représentants, et qui confie, sans aucune C préalable, ni mise en concurrence, à une unique société de droit privé, ladite société SPRE, ou à une société de perception et de répartition des droits mandatée par elle, la mission de contrôler les éléments nécessaires au calcul de la rémunération et de recueillir le relevé de programmes diffusés est-il illégal pour non-respect des dispositions des articles 432-12 et 432-14 du Code pénal ‘ »
15°. « L’arrêté du 27 septembre 2011 portant nomination du président de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle et l’arrêté du 16 février 2009 portant la composition de ladite commission, pris par le ministre de la culture, sans qu’un règlement soit venu définir les branches d’activités dans le cadre desquelles les accords spécifiques prévus à l’article 214-3 du Code de la propriété intellectuelle devaient être négociés, ni qu’aucune disposition réglementaire ne soit intervenue pour définir la représentativité prévue audit article et permettre sa sollicitation par une quelconque organisation des bénéficiaires de la rémunération et des usagers est-il pris par une autorité incompétente, est-il nul et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégal ‘ »
16°. « La décision du 30 novembre 2011 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle, prise alors que la preuve de l’existence de 30 de ses membres titulaires et suppléants et de leur désignation n’est pas rapportée, doit-elle être considérée comme nulle et de nul effet, ou à titre subsidiaire illégale ‘ »
17°. « L’article 1 er alinéa 1 er de la décision du 30 novembre 2011 de la commission prévue à l’article L.214-4 du Code de la propriété intellectuelle qui assujettit à la rémunération équitable de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle les établissements exerçant une activité de café et restaurants (dont restaurant rapide) qui diffusent une musique de sonorisation, constituant une composante accessoire à l’activité commerciale, sans aucune pondération en fonction de l’utilisation effective du dit matériel de sonorisation à la diffusion de phonogrammes publiés à des fins de commerce, viole-t-il les dispositions combinées de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle et l’article 12 de la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961 et encourt-il à ce titre la sanction de l’illégalité ‘ »
— à titre subsidiaire :
— d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 29 mars 2019,
— statuant à nouveau :
— d’annuler l’assignation en intervention forcée délivrée par la SPRE à l’encontre de M. X,
— d’annuler le calendrier de mise en état fixé par l’ordonnance dont recours,
— de condamner la SPRE à payer à M. X une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions numérotées 4 transmises le 13 janvier 2021, la SPRE demande à la cour :
— de juger que l’appel de l’ordonnance du 29 mars 2019 est devenu sans objet, en conséquence
de débouter l’appelant, tant de son appel que des demandes incidentes de transmission de questions préjudicielles,
— subsidiairement :
— de dire mal fondée la demande de nullité de la procédure sur le fondement de l’article 425 du
code de procédure civile,
— de dire irrecevables les demandes de transmission de questions préjudicielles par voie d’incident devant le conseiller de la mise en état,
— subsidiairement, de juger mal fondées les demandes de transmission de questions préjudicielles,
— de dire irrecevable la demande sursis à statuer par voie d’incident devant le conseiller de la mise en état,
— subsidiairement, de juger mal fondée la demande de sursis à statuer, et la dire devenue sans objet ensuite des arrêts du Conseil d’Etat du 14 octobre 2019,
— de dire mal fondé M. X en son appel,
— de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel,
— de débouter M. X de toutes ses demandes,
— de condamner M. X à payer à la SPRE 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2021.
Par requête transmises le 19 janvier 2020, la SPRE demande à la cour, sur le fondement des articles 184 et suivants du code de procédure civile, d’ordonner la comparution personnelle de M. X.
MOTIFS DE L’ARRET
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la recevabilité des conclusions de la SPRE du 13 janvier 2021, de son bordereau de pièces communiqué le 18 janvier 2021 et de ses pièces communiquées le 14 janvier 2021
M. X soutient que les dernières conclusions et pièces transmises par la SPRE, respectivement les 13 janvier et 14 janvier 2021, sont irrecevables dès lors qu’elles ont été communiquées postérieurement à la date du 6 janvier 2021 qui avait été impartie à l’intimée, selon calendrier de procédure du 16 décembre 2020.
Alors qu’aucun texte ne prévoit que le non respect du calendrier de procédure emporte de façon automatique l’irrecevabilité des conclusions et pièces transmises postérieurement aux dates fixées, M. X, qui a lui-même transmis des conclusions le 18 janvier 2021 en réponse aux conclusions de la SPRE du 13 janvier 2021, ne justifie ni ne prétend que le retard de la SPRE l’a mis dans l’impossibilité de se défendre utilement devant la cour.
Sa demande sera en conséquence rejetée.
Sur la disparition de l’objet de l’appel
La SPRE soutient que l’appel à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état est devenu sans objet pour une double raison : le jugement au fond rendu par le tribunal le 17 janvier 2020 a statué entre les mêmes parties et sur les mêmes points que ceux dont la cour est saisie ; M. X a abandonné dans ses conclusions d’appel contre ce jugement sa contestation de la légalité des décisions réglementaires fixant le barème de la rémunération de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle réclamée par la SPRE et celle portant sur la qualité à agir de la SPRE.
L’appelant objecte que le jugement au fond n’a aucune incidence au regard de la saisine de la cour qui doit statuer sur l’appel de l’ordonnance du juge de la mise en état ayant refusé de prononcer la nullité de l’assignation en intervention forcée à son encontre et, en tout état de cause, qu’il n’a pas statué sur les demandes présentées dans le cadre de la présente procédure.
La demande de la SPRE tendant à voir déclarer l’appel privé d’objet et M. X sans intérêt à agir n’est pas fondée dès lors que, comme le relève l’appelant, le jugement rendu sur le fond le 17 janvier 2020 n’a pas statué sur la demande de transmission des questions préjudicielles susmentionnées au Conseil d’Etat.
Sur la demande de M. X de transmission de questions préjudicielles au Conseil d’Etat
Sur la recevabilité
La SPRE soulève l’irrecevabilité de la demande en application de l’article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile car elle constitue une demande nouvelle qui n’a pas été soumise au juge de la mise en état dont l’ordonnance est l’objet de l’appel et qu’elle a pour finalité de faire statuer la cour sur la légalité de décisions réglementaires ayant fixé la barème de la rémunération équitable et non sur la nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre de M. X.
M. X répond que sa demande de transmission de questions préjudicielles est recevable en application de l’article 563 du code de procédure civile, en ce qu’elle constitue un moyen nouveau destiné à fonder les mêmes prétentions que celles présentées en première instance, à savoir obtenir la nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée par la SPRE.
L’article 910-4 du code de procédure civile impose aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’article 563 du code de procédure civile prévoit que ‘Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves’.
En l’espèce, M. X a sollicité du juge de la mise en état qu’il constate la nullité de l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par la SPRE, faute de qualité à agir de cette dernière. En appel, M. X poursuit l’infirmation de l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état en prétendant que la légalité de décisions adoptées par la commission prévue à l’article L.214-4 du code de la propriété intellectuelle, sur laquelle la SPRE se fonde pour justifier de son intérêt à l’assigner en intervention forcée, soulève des questions sérieuses qu’il convient de transmettre au Conseil d’Etat. Sa demande de transmission de questions préjudicielles est par conséquent un moyen nouveau visant à fonder les mêmes prétentions que celles présentées en première instance, recevable en appel en application de l’article 563 précité.
La fin de non-recevoir de la SPRE sera en conséquence rejetée.
Sur le bien fondé
M. X sollicite la transmission au Conseil d’Etat de 17 questions préjudicielles concernant, pour l’essentiel, directement ou indirectement, les décisions réglementaires prises par la commission prévue par l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, devenu l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, sur lesquelles la SPRE se fonde pour solliciter le paiement de la rémunération équitable.
La SPRE oppose que la condition du caractère sérieux des difficultés soulevées n’est pas remplie.
L’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile dispose : ‘Lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle’.
Sur les questions 1, 4, 11 et 15
Les questions 1, 4, 11 et 15 portent sur la légalité de cinq arrêtés pris par le ministre de la culture, en date des 27 janvier 1987, 22 octobre 2001, 13 octobre 2008, 16 février 2009 et 27 septembre 2011 ayant fixé la composition de la commission prévue à l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985 (devenu article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle) ou nommé le président de ladite commission, et de celle subséquente de quatre décisions prises par la commission (9 septembre 1987, 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011).
M. X soutient ainsi :
— en ce qui concerne l’arrêté du ministre de la culture du 27 janvier 1987 fixant la composition de la commission et la décision de la commission du 9 septembre 1987 prise au visa de cet arrêté :
que l’article 23 de la loi du 3 juillet 1986 – qui organisait un mécanisme de négociation d’accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération et des utilisateurs redevables de ladite rémunération – n’étant jamais entré en vigueur, l’arrêté du 27 janvier 1987 du ministre de la culture fixant la composition de la commission prévue à l’article 24 est susceptible d’être considéré comme émanant d’une autorité incompétente et d’être nul et de nul effet et la décision du 9 septembre 1987 prétendument prise par cette commission est en conséquence susceptible d’être considérée également comme nulle et de nul effet ou subsidiairement illégale (question 1) ;
— en ce qui concerne l’arrêté du ministre de la culture du 22 octobre 2001 portant composition de la commission et la décision de la commission du 30 novembre 2001 prise au visa de cet arrêté : que les dispositions réglementaires nécessaires à la détermination des branches d’activité dans lesquelles les négociations spécifiques prévues à l’article L.214-3 du code de la propriété intellectuelle devaient être engagées n’ont jamais été édictées, de même que les dispositions nécessaires à l’octroi de la représentativité aux organisations concernées, préalable à la possibilité d’une négociation ; qu’en conséquence, l’article L.214-3 n’est pas à ce jour entré en vigueur, et l’article L.214-4, qui n’a vocation à intervenir qu’à titre subsidiaire par rapport à l’article L.214-3, n’a pas davantage pu entrer en vigueur ; que le ministre de la culture n’était donc pas compétent pour mettre en place la commission à l’origine de la décision du 30 novembre 2001 ; qu’émanant d’une autorité incompétente, l’arrêté du 22 octobre 2001 portant composition de la commission doit être considéré comme nul et de nul effet, et à titre subsidiaire illégal, et la décision réglementaire du 30 novembre 2001 de même (question 4) ;
— en ce qui concerne les arrêtés du ministre de la culture des 13 octobre 2008 et 27 septembre 2011 portant nomination du président de la commission, du 16 février 2009 portant composition de la commission et les décisions de la commission du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011:
que les dispositions nécessaires à la détermination des branches dans lesquelles les négociations spécifiques prévues à l’article L.214-3 du code de la propriété intellectuelle devaient être engagées et à l’opposabilité des accords de définition des branches n’ont jamais été prises ; qu’il en est de même des dispositions nécessaires à l’octroi de la représentativité aux organisations concernées, préalable à la possibilité d’une négociation ; qu’en conséquence, l’article L.214-3 n’est jamais entrée en vigueur et l’article L.214-4 qui n’a vocation à intervenir qu’à titre subsidiaire par rapport à l’article L.214-3 n’a donc pas davantage pu entrer en vigueur ; que le ministre de la culture n’était donc pas compétent pour mettre en place la commission à l’origine de la décision du 5 janvier 2010 ; qu’émanant d’une autorité incompétente, les arrêtés du 13 octobre 2008 et du 27 septembre 2011 portant nomination du président de la commission et l’arrêté du 16 février 2009 portant composition de la commission doivent être considérés comme nuls et de nuls effets, et à titre subsidiaire illégaux, et les décisions réglementaires des 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011 de même (questions 11 et 15).
La SPRE conteste le caractère sérieux des questions dont la transmission est sollicitée, arguant notamment que l’appelant ajoute à la loi, laquelle ne prévoyait aucun formalisme pour acter le défaut d’accord entre les bénéficiaires de la rémunération et les utilisateurs de phonogrammes.
Ceci étant exposé, l’article 23 de la loi du 3 juillet 1985 (devenu l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle) organisait un mécanisme de négociation d’accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des utilisateurs de phonogrammes. L’article 24 de cette même loi prévoyait que le barème de la rémunération équitable serait fixé par une commission à défaut d’accord entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération équitable et des utilisateurs redevables de ladite rémunération, intervenu dans les six mois de l’entrée en vigueur de la loi ou l’expiration du précédent accord ; de même, les versions ultérieures de ce texte, codifié à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, prévoyaient que le barème de la rémunération équitable serait fixé par une commission à défaut d’accord entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération équitable et des utilisateurs redevables, intervenu avant le 30 juin 1986 ou à l’expiration du précédent accord.
Comme le souligne la SPRE, ces textes ne prévoyaient aucun formalisme pour constater le défaut d’accord. En outre, les décisions contestées de la commission sont prises au visa de la loi du 3 juillet 1985 et ‘notamment de son article 24″ (décision du 9 septembre 1987) ou des ‘articles L. 214-1 à L.
214-5 (…) du code de la propriété intellectuelle’ (décisions des 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011), de sorte que ces visas valaient constatation par la commission que la condition de l’absence d’accord entre les bénéficiaires de la rémunération et les utilisateurs de phonogrammes dans le délai légal était remplie.
Il est donc indifférent, quant à la légalité des arrêtés et de celle, subséquente, des décisions prises à leur visa, que le ministre de la culture n’ait jamais pris les dispositions réglementaires nécessaires à l’entrée en vigueur de l’article 23 de la loi du 3 juillet 1985 (L. 214-3 CPI). Au demeurant, dans un arrêt n° 86672 du 5 juillet 1989, rejetant la demande d’annulation de l’arrêté du 27 janvier 1987 du ministre de la culture, le Conseil d’Etat a considéré qu’au regard des termes mêmes du dernier alinéa de l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, qui dispose que les organisations appelées à designer les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à designer sont déterminées par arrêtée du ministre chargé de la culture, ce dernier pouvait légalement fixer par arrêté la composition de la commission.
De même, est indifférente, en ce qui concerne la légalité des arrêtés des 22 octobre 2001, 13 octobre 2008, 27 septembre 2011 et 16 février 2009 portant composition de la commission ou nomination de son président, et de celle, subséquente, des décisions de la commission des 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011, l’absence d’accord entre les organisations des bénéficiaires de la rémunération et des utilisateurs due au fait que les branches d’activité et les conditions de représentativité des organisations concernées n’aient jamais été définies. L’article L.214-3 du code de la propriété intellectuelle (qui reprend l’article 23 de la loi du 3 juillet 1985) n’édicte en effet aucune obligation de négociation préalable entre les organisations des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et les organisations d’utilisateurs de phonogrammes, ni aucune obligation quant à la mise en place par l’autorité publique de conditions censées permettre une telle négociation, relatives notamment à la désignation des branches d’activité et à la définition de la représentativité des organisations professionnelles visées à cet article. Contrairement à ce qu’affirme M. X, le ministre de la culture était compétent, en application de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, en l’absence d’accord entre les professionnels concernés au sens de l’article L. 214-3, pour prendre l’arrêté du 22 octobre 2001 portant composition de la commission à l’origine de la décision du 30 novembre 2001, ainsi que les arrêtés du 13 octobre 2008 et du 16 février 2009 à l’origine de la décision du 5 janvier 2010 et l’arrêté du 27 septembre 2011 visé par la décision du 30 novembre 2011.
Enfin, dans une décision du 14 octobre 2019, le Conseil d’Etat, saisi par deux sociétés, LUCAS et B C, de demandes tendant à voir déclarer nulles les décisions de la commission, notamment, des 9 septembre 1987, 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011, a rejeté les requêtes, disant que ‘Toutefois, les moyens qu’elles soulèvent tirés de ce que ces décisions ont été prises à la suite d’une procédure irrégulière en l’absence, d’une part, de décision désignant les organisations représentatives des artistes interprètes, des producteurs et des usagers de phonogrammes, et d’autre part, de constat par le ministre d’un désaccord sur la rémunération des artistes interprètes, des producteurs et des usagers de phonogrammes, et tirés de ce que les membres de ladite commission n’ont pas été régulièrement nommés ne sont, en tout état de cause, pas de nature à affecter l’existence même des décisions attaquées’. Les problématiques abordées par cette décision du Conseil d’Etat touchent aux questions soulevées par M. X dans la présente procédure, relatives i) à l’absence de négociation d’accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des bénéficiaires de la rémunération et des utilisateurs redevables de ladite rémunération (question préjudicielle 1) et ii) à l’absence de détermination des branches d’activité dans lesquelles les négociations spécifiques prévues à l’article L.214-3 du code de la propriété intellectuelle devaient être engagées et de définition de la représentativité des organisations concernées (questions préjudicielles 4, 11 et 15).
De ce qui précède, il résulte que les questions préjudicielles 1, 4, 11 et 15 ne présentent pas la difficulté sérieuse exigée par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.
Sur les questions 2 et 5
Les questions 2 et 5 portent sur la légalité des articles 1 et 2 du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 (question préjudicielle 2) codifiés sous les articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle (question préjudicielle 5).
M. X soutient ainsi que les articles 1 et 2 du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et les articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, en prévoyant que la commission est composée de ‘représentants’ des bénéficiaires du droit à rémunération et de ‘représentants’ des utilisateurs de phonogrammes ou de ‘représentants des organisations’ bénéficiaires du droit à rémunération et de ‘représentants des organisations’ d’utilisateurs de phonogrammes, alors que l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985 et l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle disposent que la commission est composée de ‘membres désignés par les organisations représentant’ ces professionnels, opèrent une confusion puisque le représentant d’une organisation directement intéressée aux délibérations d’une commission administrative chargée d’établir des barèmes officiels ne peut y participer sans créer un conflit d’intérêt. Il argue que le décret est totalement contraire à l’esprit de l’article 24 de la loi du 3 juillet1985 qui avait entendu mettre en place une commission arbitrale indépendante des parties et que l’impartialité est une condition de la légalité des décisions réglementaires prises par la commission. Il ajoute que le ministre de la culture a dans les faits reconnu l’illégalité de ces dispositions puisque son arrêté du 16 février 2009 est conforme aux dispositions de l’article 24 (codifié à l’article L. 214-4 du CPI), confiant aux organisations représentant les bénéficiaires et les utilisateurs le soin de désigner les ‘membres’ de la commission et non plus d’y envoyer leurs ‘représentants’.
La SPRE répond qu’après la fixation de la composition de la commission par le décret du 14 mars 1986 (article 2) et la désignation des organisations représentatives des utilisateurs et des bénéficiaires du droit à rémunération par l’arrêté du 27 janvier 1987, ces organisations ont régulièrement désigné les membres de la commission les représentant, en application de l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985 (L.214-4 du CPI).
L’article 24 de la loi du 3 juillet 1985 dispose: ‘La commission est composée de membres désignés par les organisations représentants les bénéficiaires de droits à rémunération’. L’article 1er du décret du 14 mars 1986 indique que chacune des formations de la commission ‘comprend un nombre égal de représentants des bénéficiaires du droit à rémunération et de représentants des utilisateurs de phonogrammes’ et l’article 2 du même décret indique également que ‘la commission comprend douze représentants des organisations bénéficiaires du droit à rémunération et douze représentants des organisations d’utilisateurs de phonogrammes, désignés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985. Un suppléant est désigné, dans les mêmes conditions, pour chacun des représentants titulaires des organisations de bénéficiaires du droit à rémunération et d’utilisateurs de phonogrammes. Les membres suppléants de la commission n’assistent aux séances et ne participent aux délibérations qu’en cas d’absence du représentant titulaire qu’ils suppléent’
L’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, qui a repris l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, prévoit que la commission est ‘composée, en nombre égal, d’une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, d’autre part, de membres désignés par les organisations représentant les [utilisateurs de phonogrammes] ‘. L’article R. 214-1 énonce que ‘ La commission prévue à l’article L.214-4 siège soit en formation plénière, soit en formations spécialisées dans une ou plusieurs branches d’activités. Chacune de ces formations est présidée par le président de la commission et comprend un nombre égal de représentants des bénéficiaires du droit à rémunération et de représentants des utilisateurs de phonogrammes’ et l’article R. 214-2 que ‘Un suppléant est désigné dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L.214-4 pour chacun des représentants titulaires des organisations de bénéficiaires du droit à rémunération et d’utilisateurs de phonogrammes. Les membres suppléants de la commission n’assistent aux séances et ne participent aux délibérations qu’en cas d’absence du représentant titulaire qu’ils suppléent’
Ceci étant exposé, sauf à jouer sur le sens des mots, le membre désigné par une organisation pour la représenter devient de facto, par l’effet de sa désignation, un représentant de cette dernière, et réciproquement, le représentant désigné par une organisation pour participer à une instance devient de facto un membre de cette instance. Au demeurant, l’article 2 du décret du 14 mars 1986, comme l’article R.214-2, reprennent in fine le terme de ‘membres’ pour désigner les suppléants appelés à remplacer les ‘représentants titulaires’. Il n’y a donc pas de contradiction ni de confusion entre les articles1et 2 du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et les articles R.214-1et R.214-2 du code de la propriété intellectuelle, d’une part, et les dispositions des article 24 de la loi du 3 juillet 1985 et de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, d’autre part. Par ailleurs, la composition paritaire de la commission, comprenant en nombre égal des membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et des membres désignés par les organisations représentant les utilisateurs de phonogrammes, est de nature à garantir l’équilibre des intérêts en cause.
De ce qui précède, il résulte que les questions préjudicielles 2 et 5 ne présentent pas la difficulté sérieuse exigée par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.
Sur les questions 3, 6, 12 et 16
Les questions 3, 6, 12 et 16 portent sur la légalité des décisions prises par la commission en date des 9 septembre 1987 (question préjudicielle 3), 30 novembre 2001 (question préjudicielle 6), 5 janvier 2010 (question préjudicielle 12) et 30 novembre 2011 (question préjudicielle 16) au regard de l’absence de preuve de l’existence d’une partie des membres de cette commission ou de leur désignation.
M. X soutient ainsi que :
— les décisions du 9 septembre 1987 et 30 novembre 2001 ont été prises par des commissions dont seuls trois membres avaient été nommés, respectivement par les arrêtés du 27 janvier 1987 et du 22 octobre 2001, la preuve de l’existence des 24 autres membres titulaires et suppléants et de la régularité des délibérations, alors que la commission ne peut siéger valablement que si les trois quarts de ses membres sont présents ou représentés, n’étant pas rapportée ;
— les décisions des 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011 ne visent pas les désignations des membres de la commission, à l’exception des arrêtés concernant son président, la preuve de l’existence des membres de la commission n’étant donc pas rapportée.
Il souligne que la SPRE n’a pas donné suite à sa sommation de lui communiquer les désignations des membres des commissions qu’elle invoque.
La SPRE oppose que cette contestation ne soulève pas une question de légalité, la preuve de l’existence des membres de la commission relevant du domaine de la justification d’un fait, et que l’appelant ne conteste pas sérieusement que la commission s’est réunie, nécessairement avec des membres, dans les conditions légales garanties par la procédure dont le respect est certifié par la signature de son président.
Ceci étant exposé, la décision du 9 septembre 1987 a été prise au visa de l’arrêté du 27 janvier 1987 fixant la composition de la commission créée par l’article 24 de la loi du 3 juillet 1985. Cet arrêté a désigné M. Y, conseiller à la Cour de cassation, M. Z, maître des requêtes au Conseil d’Etat, et M. G-H, inspecteur général de l’administration des affaires culturelles, mais a seulement mentionné le nombre de représentants de chacune des organisation professionnelles représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et les bénéficiaires des utilisateurs de phonogrammes, sans citer les noms des personnes concernées. Cependant, l’absence de précisions quant à l’identité de ces membres ne peut constituer un motif susceptible de porter atteinte à la légalité de la décision de la commission, l’arrêté au visa duquel elle a été prise n’ayant pas apporté davantage de précisions quant à cette identité. En outre, comme le souligne la SPRE, le respect de la procédure tenant à la composition de la commission lors de l’adoption de la décision est garanti par la signature de son président. Enfin, le Conseil d’Etat, dans la décision précitée du 14 octobre 2019, a rejeté les requêtes des sociétés LUCAS et B C en retenant que les moyens ‘tirés de ce que les membres de ladite commission n’ont pas été régulièrement nommés ne sont, en tout état de cause, pas de nature à affecter l’existence même des décisions attaquées’.
Ces considérations valent pour la décision du 30 novembre 2001 prise au visa de l’arrêté du 22 octobre 2001, dans les mêmes conditions.
La décision du 5 janvier 2010 a été prise aux visas de l’arrêté du 13 octobre 2008 portant nomination du président de la commission et de l’arrêté du 16 février 2009 portant composition de la commission. De même, la décision du 30 novembre 2011 a été prise aux visas de l’arrêté du 27 septembre 2011 portant nomination du président de la commission et de l’arrêté du 16 février 2009. L’arrêté du 16 février 2009, comme l’arrêté du 27 janvier 1987, mentionnent le nombre de représentants de chacune des organisation professionnelles représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et les bénéficiaires des utilisateurs de phonogrammes, sans citer les noms des personnes concernées. Pour les raisons qui viennent d’être exposées, l’absence de précisions quant à l’identité de certains membres de la commission ne peut constituer un motif susceptible de porter atteinte à la légalité des décisions prises.
De ce qui précède, il résulte que les questions préjudicielles 3, 6, 12 et 16 ne présentent pas la difficulté sérieuse exigée par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.
Sur les questions 8, 9 et 14
Les questions 8, 9 et 14 portent sur la légalité des décisions prises par la commission en date des 30 novembre 2001 (questions préjudicielles 8 et 9) et 5 janvier 2010 (question préjudicielle 14) au regard des articles 432-12 et 432-14 du code pénal visant respectivement le délit de prise illégale d’intérêt et celui de favoritisme.
M. X soutient ainsi que :
– la décision du 30 novembre 2001, en son article 5 qui prévoit que ‘les redevables sont tenus de fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération aux bénéficiaires représentés par la (…) SPRE ou par une société de perception et de répartition des droits mandatée par elle. le relevé des programmes diffusés est également transmis aux mêmes sociétés’, viole l’article 432-12 du code pénal et encourt la nullité en ce que la SPRE, qui revendique avoir participé à la commission chargée d’établir les barèmes et les conditions de la gestion de la rémunération équitable et en être le personnage le plus influent, se confie ainsi à elle-même le soin d’administrer, de gérer et de liquider ladite rémunération ;
— la décision du 30 novembre 2001, en son article 5, viole également l’article 432-14 du code pénal et encourt la nullité en confiant aux bénéficiaires de la rémunération représentés par la SPRE la mission de réunir les documents nécessaires à la perception de ladite rémunération, sans aucune C ou mise en concurrence préalable ;
— la décision du 5 janvier 2010, en son article 7, en ce qu’elle confie, sans aucune CONSULTATION préalable ni mise en concurrence, à la SPRE ou à une société mandatée par elle, la mission de perception et de répartition de la rémunération, viole également l’article 432-14 du code pénal et encourt la nullité.
La SPRE répond à juste raison que l’élément constitutif des infractions invoquées relatif à la qualité des personnes visées par les infractions invoquées ne se retrouve pas en l’espèce. La SPRE n’est pas, en effet, ‘une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public’ ou ‘une personne investie d’un mandat électif public’ au sens de l’article 432-12 du code pénal qui définit le délit de prise illégale d’intérêt, mais une société de droit privé chargée d’une fonction de gestion privée pour le compte de bénéficiaires de la rémunération équitable qui est de nature privée, ces bénéficiaires étant des personnes privées.
La SPRE n’est pas davantage ‘une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’État, d’un établissement public n’ayant pas le caractère industriel ou commercial, d’une collectivité territoriale ou d’un de ses établissements publics ou d’une société d’économie mixte’ ni une ‘personne agissant pour le compte de l’une de celles susvisées’, au sens de l’article 432-14 du même code qui définit le délit de favoritisme.
Du reste, dans son arrêt précité du 5 juillet 1989, le Conseil d’Etat a considéré que le ministre de la culture n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant comme seul représentant des bénéficiaires du droit de rémunération, la SPRE qui regroupe en son sein les organisations les plus représentatives des bénéficiaires du droit de rémunération.
Il ne peut donc être contraire à la loi que les redevables de la rémunération soient tenus de fournir à la SPRE, constituée aux fins de percevoir et répartir cette rémunération au bénéfice des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, les éléments justificatifs nécessaires à son calcul.
De ce qui précède, il résulte que les questions préjudicielles 8, 9 et 14 ne présentent pas la difficulté sérieuse exigée par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.
Sur les questions 10, 13 et 17
Les questions 10, 13 et 17 portent sur la légalité des décisions prises par la commission en date des 30 novembre 2001 (question préjudicielle 10), 5 janvier 2010 (question préjudicielle 13) et 30 novembre 2011 (question préjudicielle 17) au regard du fait que le barème de la rémunération fixé ne comporte pas de pondération en fonction de l’utilisation effective des phonogrammes, en violation des articles L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 12 de la convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion.
M. X soutient ainsi que les articles 1 alinéa 1 des décisions des 30 novembre 2001, 5 janvier 2010 et 30 novembre 2011, qui assujettissent à la rémunération équitable les entreprises exerçant une activité de discothèque ou établissement similaire ou les établissements exerçant une activité de café et restaurant (dont restauration rapide) qui diffusent une musique de sonorisation constituant une composante accessoire à l’activité commerciale, sur la totalité de leurs recettes brutes, sans prise en compte de la réalité de la diffusion de phonogrammes du commerce et de l’importance de cette diffusion éventuelle au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise et de ses différentes composantes, en omettant de tenir compte des critères de la rémunération équitable tels qu’issus de l’article 12 de la convention internationale sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961 ratifié par la France et de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, pourraient constituer un excès de pouvoir et encourir à ce titre la critique de l’illégalité.
La SPRE objecte qu’il n’est pas justifié en quoi il y aurait violation des dispositions légales et conventionnelles invoquées, compte tenu notamment du taux fixé et des modes de calcul de la rémunération, rappelant que les barèmes ont été fixés par la commission qui est composée à parité entre représentants des bénéficiaires de la rémunération et représentants des redevables.
Ceci étant exposé, les décisions critiquées ont été prises au visa de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que la rémunération équitable est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées notamment au 1° de cet article (communication dans un lieu public, hors spectacle) et qu’elle ‘est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4″, et auquel ces décisions n’ont pu ajouter en prévoyant une pondération en fonction du niveau d’utilisation effective des phonogrammes du commerce ou du matériel de sonorisation que l’article 12 de la convention invoquée (‘Lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé’ directement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public, une rémunération équitable et unique sera versée par l’utilisateur aux artistes interprètes ou exécutants, ou aux producteurs de phonogrammes ou aux deux. La législation nationale peut, faute d’accord entre ces divers intéressés, déterminer les conditions de la répartition de cette rémunération’) ne prévoit d’ailleurs pas. En outre, le caractère paritaire de la commission, composée à part égale de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et de membres désignés par les organisations représentant les utilisateurs de phonogrammes, est de nature à garantir que les intérêts de chacun soient préservés.
Les questions préjudicielles 10, 13 et 17 ne présentent pas la difficulté sérieuse exigée par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.
Sur la question 7
La question 7 porte sur la légalité de la décision du 30 novembre 2001 prise par la commission comprenant en son sein M. le E F, chargé de mission à l’inspection générale de l’administration des affaires culturelles, nommé à titre de personnalité qualifiée par le ministre de la culture, et à ce titre subordonné à ce dernier, au regard des articles L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle et 432-12 du code pénal.
M. X soutient ainsi que la désignation de M. le E F, placé sous l’autorité du ministre de la culture, a porté atteinte au caractère arbitral et paritaire de la commission et caractérise une prise illégale d’intérêt du ministre dans une opération dont il avait en charge l’administration.
La qualité de M. le E F de chargé de mission à l’inspection générale de l’administration
des affaires culturelles ne constituait pas un obstacle à sa désignation par le ministre de la culture en tant que personnalité qualifiée, conformément à l’article L. 214-4 dans sa version alors applicable, M. X ne caractérisant nullement la prise illégale d’intérêt qui aurait été ainsi recherchée par le ministre de la culture, le montant des rémunérations équitables ne bénéficiant qu’aux artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes.
Pour l’ensemble des motifs qui viennent d’être exposés, les demandes de M. X de transmission de questions préjudicielles au Conseil d’Etat et de sursis à statuer seront rejetées.
Sur les demandes de M. X concernant l’ordonnance du juge de la mise en état
Sur la demande d’annulation de l’ordonnance pour défaut de transmission du dossier au ministère public
Pour conclure à l’annulation de l’ordonnance entreprise, M. X soutient que l’audience du juge de la mise en état s’est tenue sans que ce juge ait justifié avoir communiqué le dossier au ministère public, ainsi que l’exigent les articles 425 et 428 du code de procédure civile.
La SPRE soutient que ces dispositions ne sont pas applicables en l’espèce.
L’article 425 code de procédure civile prévoit : ‘le ministère public doit avoir communication : (…)
2° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, des causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux et des procédures de faillite personnelle ou relatives aux interdictions prévues par l’article L.653-8 du code de commerce’.
L’article 428 du même code précise que la communication au ministère public est faite, sauf disposition particulière, à la diligence du juge et doit avoir lieu en temps voulu pour ne pas retarder le jugement.
Ces dispositions s’appliquent aux affaires dans lesquelles la procédure collective de la personne morale est étendue aux dirigeants sociaux. Elles ne trouvent donc pas à s’appliquer dans la présente espèce qui ne concerne nullement une telle hypothèse, la responsabilité pécuniaire de M. X étant recherchée, en dehors de toute procédure collective, en raison, selon la SPRE, de sa volonté délibérée de ne pas s’acquitter de la rémunération équitable réclamée.
La demande d’annulation de l’ordonnance entreprise sera en conséquence rejetée.
Sur la demande d’infirmation de l’ordonnance
Sur la nullité de l’assignation en intervention forcée
M. X soutient que l’ordonnance qui a rejeté sa demande d’annulation de l’assignation en intervention forcée délivrée à son encontre se fonde sur des sophismes reposant notamment sur une présentation dénaturante des statuts de la SPRE et sur le motif surabondant erroné selon lequel l’action de la société Y dirigée contre la SPRE interdirait à son gérant de solliciter la nullité de l’assignation en intervention forcée. Il fait valoir que l’objet social statutaire de la SPRE ne l’habilite pas à percevoir la rémunération équitable de l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle et que la SPRE n’est pas une société de gestion collective, de sorte qu’elle n’a pas capacité à agir à son encontre.
La SPRE oppose qu’elle a la qualité d’organisme de gestion collective prévu à l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle et qu’elle tient de ses statuts la capacité à percevoir la rémunération prévue à l’article L. 214-1, en application des articles L. 321-2 et L. 214-5 du même code.
Ceci étant exposé, la SPRE a été désignée par le ministre de la culture comme le seul organisme représentatif des bénéficiaires de la rémunération de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle et a été, à ce titre, désignée comme seule représentante des bénéficiaires du droit à la rémunération au sein de la commission chargée de fixer les barèmes de cette rémunération en application de l’article L. 214-4, décision validée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 juillet 1989.
En outre, l’article 5-2°) des statuts de la SPRE prévoit qu’elle a pour objet ‘de gérer ou d’exercer au nom de ses associés dont elle reçoit délégation à cet effet à titre exclusif du simple fait de leur adhésion et pour la durée de cette dernière, notamment au sein de la Commission chargée de définir les taux et modalités de la rémunération, le droit à Rémunération Equitable des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, ou de leurs ayants-droits, à l’occasion de la communication au public de phonogrammes publiés à des fins de commerce lorsque leur autorisation n’est pas requise’. C’est précisément le cas prévu à l’article L. 241-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose notamment que ‘Lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer :
1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle ; (…)
Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent article.
Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes (…)’.
Comme le relève la SPRE, la rémunération prévue à l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est soumise à une gestion collective en application de l’article L. 214-5 du même code qui dispose que ‘La rémunération prévue à l’article L. 214-1 est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du livre III’. La SPRE est un organisme de gestion collective, au sens de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle (‘Les organismes de gestion collective sont des personnes morales constituées sous toute forme juridique dont l’objet principal consiste à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins
de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires des ces droits, tels que définis aux livres Ier et II du présent code, à leur profit collectif, soit en vertu de dispositions légales …’) qui figure au titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle. L’article L.321-2 prévoit que les organismes de gestion collective régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont ils ont statutairement la charge et pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres.
Il résulte de ce qui précède que la SPRE a la capacité pour assigner en intervention forcée M. X, gérant de la société Y, afin de le voir condamner solidairement avec cette dernière à lui payer la rémunération qu’elle estime être due, ce dans le cadre de la procédure initiée par la société Y aux fins notamment de voir juger que la SPRE n’est pas habilitée à lui demander le paiement de la rémunération prévue par l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle et de la voir condamner à réparer un préjudice résultant de pratiques commerciales trompeuses et de l’exercice d’une activité dans des conditions tendant à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique.
Pour ces motifs, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle rejeté la demande de nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée par la SPRE à l’encontre de M. X.
Sur l’annulation du calendrier de procédure fixé par l’ordonnance déférée
La procédure devant le tribunal judiciaire de Paris s’étant poursuivie jusqu’au jugement rendu au fond le 17 janvier 2020, la demande est nécessairement sans objet.
Sur la condamnation pour procédure abusive
M. X relève à juste raison qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état, limitativement énumérés, de condamner à une indemnité pour procédure abusive.
L’ordonnance sera donc infirmée de ce chef.
Sur la requête de la SPRE en comparution personnelle de M. X
La SPRE a sollicité par requête la comparution personnelle de M. X afin que ce dernier confirme sa renonciation, dans le cadre de l’appel interjeté contre le jugement du 17 janvier 2020, à sa contestation de la validité de l’assignation en intervention forcée délivrée à son encontre et de la légalité des décisions réglementaires fixant le barème de la rémunération de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle réclamée par la SPRE.
Il n’y a pas lieu de faire droit à la requête, la comparution de M. X ne s’avérant pas nécessaire à la solution du litige.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. X, partie perdante au principal, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de M. X au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SPRE peut être équitablement fixée à 5 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme l’ordonnance déférée si ce n’est en ce qu’elle a condamné M. X à payer à la SPRE la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute la SPRE de sa demande pour procédure abusive,
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. X tendant à l’irrecevabilité des conclusions de la SPRE du 13 janvier 2021, de son bordereau de pièces communiqué le 18 janvier 2021 et de ses pièces communiquées le 14 janvier 2021,
Rejette la demande de la SPRE tendant à voir déclarer l’appel sans objet,
Rejette la fin de non-recevoir de la SPRE et dit la demande de M. X de transmission de questions préjudicielles au Conseil d’Etat recevable,
Déboute M. X de sa demande de transmission de questions préjudicielles au Conseil d’Etat,
Rejette la demande de M. X d’annulation de l’ordonnance,
Dit sans objet la demande de M. X d’annulation du calendrier de procédure fixé par l’ordonnance déférée,
Dit n’y avoir lieu de faire droit à la requête de la SPRE en comparution personnelle de M. X,
Condamne M. X aux dépens d’appel et au paiement à la SPRE de la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE