Selon l’article 1165 du code civil, dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.
Selon l’article 1105, alinéa 3, du code civil, les règles générales relatives à la formation, à l’interprétation et aux effets des contrats s’appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains contrats. Selon l’article 151, alinéa 1er, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, l’expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties. Il en résulte que les dispositions de l’article 1165 du code civil ne sont, conformément à l’article 1105, alinéa 3, du même code, pas applicables. En la cause, il est acquis qu’il n’y a pas eu de contrat et que dès lors la société fiduciaire d’expertise comptable ne peut réclamer unilatéralement un montant différent de celui contractuellement admis entre les parties depuis le début de leur relation contractuelle. |
Résumé de l’affaire : Le 31 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Bastia a ordonné à la société le garage [N] [P] de payer 54 291,90 euros à la société fiduciaire d’expertise comptable ‘Sofigec 20’ pour des factures impayées, avec intérêts à partir du 20 décembre 2019. La société le garage [N] [P] a contesté cette ordonnance. Le 27 janvier 2023, le tribunal a accueilli l’opposition, débouté Sofigec de ses demandes, et a condamné Sofigec à verser 3 000 euros à le garage [N] [P].
Le 7 février 2023, le garage [N] [P] a interjeté appel concernant le rejet de sa demande reconventionnelle de 9 234 euros pour des acomptes de comptabilité non réalisés. Le 2 mars 2023, Sofigec a également fait appel du jugement. Les deux appels ont été joints le 4 octobre 2023. Dans ses conclusions du 6 février 2024, le garage [N] [P] a demandé la confirmation du jugement du 27 janvier 2023, tout en sollicitant l’infirmation du rejet de sa demande reconventionnelle. Sofigec, dans ses conclusions du 1er février 2024, a demandé l’infirmation du jugement sur plusieurs points. Le 3 avril 2024, la cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Bastia dans toutes ses dispositions, débouté Sofigec de toutes ses demandes, et également le garage [N] [P] de sa demande reconventionnelle, sans condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissant chaque partie à ses dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Section 2
ARRET N°
du 09 OCTOBRE 2024
N° RG 23/00165 – N° Portalis DBVE-V-B7H-CF4Y VL-J
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 27 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 2022000583
S.A.R.L. SOCIETE FIDUCIAIRE D’EXPERTISE COMPTABLE ET DE GESTION
‘SOFIGEC 20″
C/
S.A.R.L. GARAGE [N] [P]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
NEUF OCTOBRE DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE
APPELANTE :
S.A.R.L. SOCIETE FIDUCIAIRE D’EXPERTISE COMPTABLE ET DE GESTION ‘SOFIGEC 20″
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP CABINET RETALI & ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
S.A.R.L. GARAGE [N] [P]
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Josette CASABIANCA CROCE, avocat au barreau de BASTIA, substituée par Me Cécile OLIVA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 juin 2024, devant Mme Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Valérie LEBRETON, présidente de chambre
Emmanuelle ZAMO, conseillère
Guillaume DESGENS, conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Vykhanda CHENG
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 octobre 2024
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par ordonnance d’injonction de payer du 31 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Bastia a condamné la société le garage [N] [P] à payer à la société fiduciaire d’expertise comptable ‘Sofigec 20″ une somme de 54 291,90 euros au titre des factures impayées avec intérêts de droit à compter du 20 décembre 2019, outre les dépens.
La société le garage [N] [P] a formé opposition à l’ordonnance.
Par jugement du 27 janvier 2023, le tribunal de commerce de Bastia a retenu l’opposition, a débouté la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ de toutes ses demandes, a débouté la société le garage [N] [P] de sa demande reconventionnelle et a condamné la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ à payer une somme de 3 000 euros, ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration du 7 février 2023, la société le garage [P] [N] a interjeté appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : en ce que le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de la Sarl Garage [N] [P] tendant à obtenir paiement de la somme de 9 234 euros TTC correspondant à 5 factures de janvier à juin 2019, versées à titre d’acomptes mensuels pour le suivi de la comptabilité de l’exercice 2019, non réalisé.
Et statuant à nouveau : voir condamner la Sarl Sofigec à payer à titre reconventionnel à la Sarl Garage [N] la somme de 9 234 euros TTC correspondant à 5 factures de janvier à juin 2019, versées à titre d’acomptes mensuels pour le suivi de la comptabilité de l’exercice 2019, non réalisé.
Par déclaration du 2 mars 2023, la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ a interjeté appel en ce que le tribunal de commerce de Bastia a retenu l’opposition, a débouté la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ de toutes ses demandes, a débouté la société le garage [N] [P] de sa demande reconventionnelle et a condamné la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ à payer une somme de 3 000 euros, ainsi qu’aux dépens.
Les deux appels enregistrés sous des numéros différents ont fait l’objet d’une jonction du conseiller de la mise en état le 4 octobre 2023.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 février 2024, la société le garage [P] [N] sollicite : la confirmation du jugement rendu le 27.01.2023, en ce que le tribunal a accueilli l’opposition de la Sarl Garage [N] et a débouté la Sarl Sofigec de sa demande en paiement de la somme de 54 291,90 euros ;
En ce que le tribunal a condamné la Sarl Sofigec à payer à la Sarl Garage [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’ aux dépens.
INFIRMER le jugement rendu le 27.01.2023, en ce que le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de la Sarl Garage [N] [P] tendant à obtenir paiement de la somme de 9 234 euros TTC correspondant à 5 factures de janvier à juin 2019, n° 92443 du 30.01.2019, 93073 du 26.02.2019, 93744 du 25.03.2019, 94297 du 26.04.2019, 94837 du 23.05.2019, pour un total de 9 234 euros TTC, versées à titre d’acomptes mensuels pour le suivi de la comptabilité de l’exercice 2019, non réalisé.
Et statuant à nouveau,
CONDAMNER la Sarl Sofigec à payer à titre reconventionnel à la Sarl Garage [N] la somme de 9 234 euros TTC correspondant à 5 factures de janvier à juin 2019, n° 92443 du 30.01.2019, 93073 du 26.02.2019, 93744 du 25.03.2019, 94297 du 26.04.2019, 94837 du 23.05.2019, versées indument à titre d’acomptes mensuels pour le suivi de la comptabilité de l’exercice 2019, non réalisé.
CONDAMNER la Sarl Sofigec à payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour en application de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens par application de l’article 696 du CPC.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er février 2024, que la cour vise pour l’exposé des moyens et prétentions, la société fiduciaire d’expertise
comptable ‘sofigec 20″ sollicite d’infirmer jugement en ce qu’il a jugé :
Retient l’opposition
Déboute la Société Fiduciaire d’Expertise Comptable et de Gestion (SOFIGEC) (SARL) de l’ensemble de ses demandes.
Déboute la Société Garage [N] de sa demande reconventionnelle
Condamne la Société Fiduciaire d’Expertise Comptable et de Gestion (SOFIGEC) (SARL) à payer à la Société Garage [N] [P] (SARL) la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) au titre de l’Article 700 du C.P.C.
Condamne la Société Fiduciaire d’Expertise Comptable et de Gestion (SOFIGEC) (SARL) aux entiers dépens.
Statuant à nouveau sur ces points :
REJETER l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par la société Garage [N] [P] ;
CONDAMNER la société Garage [N] [P] à payer à la Sarl Sofigec 20 la somme de 54 291,90 euros au titre des factures impayées ;
CONFIRMER le jugement pour le surplus et notamment en ce qu’il a débouté la société Garage [N] [P] de ses demandes reconventionnelles.
Y ajoutant :
CONDAMNER la société Garage [N] [P] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2024.
Sur la contestation des factures :
La société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ se fonde sur l’article 1165 du code civil pour justifier d’un prix fixé unilatéralement, en l’absence de convention.
Elle ajoute que les 10 euros HT étaient uniquement liés à l’établissement des bulletins de salaires et non les prestations rajoutées soit notamment les déclarations sociales nominatives, la tenue du journal des salaires, la réalisation des opérations de paie, le décompte des congés, ce qui justifie le prix de 25 euros HT demandé, qui est cohérent au regard des barêmes de la profession.
La société garage [P] [N] explique que l’article 1165 du code civil n’est pas applicable s’agissant d’une profession réglementée et qu’il convient d’appliquer les règles du décret du 30 mars 2012.
La cour relève que selon l’article 1165 du code civil, dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.
Selon l’article 1105, alinéa 3, du code civil, les règles générales relatives à la formation, à l’interprétation et aux effets des contrats s’appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains contrats.
Selon l’article 151, alinéa 1er, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, l’expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties.
Il en résulte que les dispositions de l’article 1165 du code civil ne sont, conformément à l’article 1105, alinéa 3, du même code, pas applicables.
Ainsi, il est acquis qu’il n’y a pas de contrat et que dès lors la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ ne peut réclamer unilatéralement un montant différent de celui contractuellement admis entre les parties depuis le début de leur relation contractuelle, soit une somme de 10 euros HT.
Il faut donc se référer à cette rencontre des volontés initiales, les échanges de courriels et notamment le courriel du 27 juin 2019 de l’expert comptable qui indique bien que le tarif convenu de 10 euros HT était celui prévu initialement et qu’il souhaite le réviser unilatéralement, ce qui n’est pas permis.
En conséquence, les factures au titre des révisions unilatérales du prix convenu initialement entre les parties seront rejetées et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle :
La société le garage [P] [N] sollicite une somme de 9 234 euros au titre de répétition de l’indu de factures contestées, soit les factures n°92443 du 30 janvier 2019, n°93073 du 26 février 2019, n°93744 du 25 mars 2019, n°94297 du 26 avril 2019, n°94837 du 23 mai 2019.
Elle indique qu’au cours du premier semestre 2019, les travaux comptables n’ont porté que sur l’année 2018, qui avaient déjà été facturés par acompte en 2018. Elle précise que la société n’a accompli aucune prestation s’agissant de la comptabilité 2019 et qu’elle doit restituer la somme de 9 234 euros à ce titre.
La société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ explique qu’il ne s’agit pas d’un indu, mais elle prétend que les provisions étaient sans contrepartie. Elle produit aux débats les salaires des mois de janvier à août 2019, mais également des mails échangés avec la société garage [P] [N], dans lesquels il est prévu des rendez-vous pour les paies de février et mars 2019.
Elle produit également les acomptes IS du 15 mars et du 15 juin 2019 réalisés par elle.
Elle conclut au rejet de la demande.
La cour relève que la société garage [P] [N] conteste l’exécution de la mission de la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″ et en demande le remboursement pour une prestation qu’il estime non faite.
Il ressort des pièces produites aux débats et notamment des courriels du 25 mars 2019, que la société d’expertise comptable a bien exécuté sa prestation pour les paies de février et mars 2019.
Les courriels des 16 avril, 2 et 6 mai qui sont des échanges entre la comptable du garage et de la société d’expertise comptable montrent bien le travail exécuté par cette dernière.
De même, est produite aux débats la déclaration pour l’impôt sur les sociétés des 15 mars et 15 juin 2019.
Le fait que le nouveau cabinet d’expertise comptable ait prévu de faire les exercices 2019 ne signifie pas qu’avant le 5 août 2019, rien n’a été fait par la société fiduciaire d’expertise comptable ‘sofigec 20″.
Au contraire, les échanges de courriels et les déclarations fiscales produites aux débats et faites avant le 1er août 2019 démontrent le contraire.
En conséquence, la demande de remboursement des acomptes pour travail non exécuté en 2019 par la société d’expertise comptable n’est pas fondée et pas justifiée.
La décision du tribunal de commerce de Bastia sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
En cause d’appel, l’équité ne commande pas que quiconque soit condamné au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Bastia du 27 janvier 2023 dans toutes ses dispositions
Y AJOUTANT
DEBOUTE la société fiduciaire d’expertise comptable ‘Sofigec 20″ de toutes ses demandes
DEBOUTE la société le garage [N] [P] de sa demande reconventionnelle
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE