La résolution du contrat d’adaptation audiovisuelle

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La résolution du contrat d’adaptation audiovisuelle
Ce point juridique est utile ?

Le juge des référés peut constater la résolution de la convention des parties par le jeu d’une clause claire et précise qui ne soulève aucune contestation sérieuse mais le juge du fond est seul compétent si la constatation de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations se heurte à une contestation sérieuse.

En l’espèce, l’inexécution de la clause de reddition de comptes à l’origine de la mise en jeu de la clause résolutoire du contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle est contestée par la société Futurikon, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur la constatation de celle-ci.

L’alinéa 2 de l’article 835 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Il est constamment jugé que le distributeur est tenu, comme le producteur, au paiement de la rémunération forfaitaire des auteurs, qui bénéficient contre lui d’une action directe.

Pour autant cette action est limitée à leur créance sur le producteur qui n’est pas connue et est l’objet d’un litige avec ce dernier qui soutient que l’avance versée à la signature du contrat couvre la totalité des droits d’auteurs à ce jour.

En toute hypothèse, les auteurs n’ont pas vocation à percevoir l’ensemble des recettes d’exploitation de la série animée adaptée de leur œuvre.

En la cause, les auteurs de la série Les Minijusticiers ont cédé les droits d’adaptation audiovisuelle à la société Futurikon, qui a ensuite confié la distribution à la société Mediatoon distribution. Suite à des différends et à une résiliation du contrat par les auteurs, Mediatoon distribution a demandé en référé le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la série. La société Futurikon a contesté cette demande, affirmant que les sommes lui étaient dues et que la résiliation du contrat relevait du juge du fond. Les auteurs ont également demandé la résiliation du contrat avec Futurikon et le paiement des redevances qui leur sont dues. Le juge des référés a ordonné aux parties de rencontrer un médiateur pour tenter de trouver une solution négociée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/54169
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54169 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5AWR

N° : 5/MC

Assignation du :
05, 06 et 07 Juin 2024

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 août 2024

par Irène BENAC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSE

S.A. MEDIATOON DISTRIBUTION
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Hervé LEHMAN de la SCP AVENS, avocat au barreau de PARIS – #P0286

DEFENDEURS

S.A. FUTURIKON
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Pierre GIOUX de la SELARL LEXMEDIA, avocat au barreau de PARIS – #J0140

Madame [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Delphine KERBOUCHE, avocat postulant au barreau de PARIS – D1390 et par Maître Oriane PICARD de L’AARPI WILLOW AVOCATS, avocat plaidant au barreau de Paris – D1985

Monsieur [M] [Y] dit [X]
[Adresse 8]
[Localité 1] / SUISSE

représentée par Maître Delphine KERBOUCHE, avocat postulant au barreau de PARIS – D1390 et par Maître Oriane PICARD de L’AARPI WILLOW AVOCATS, avocat plaidant au barreau de Paris – D1985

DÉBATS

A l’audience du 26 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Présidente, assistée de Marion COBOS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] et M. [Y] (ci-après les auteurs) sont les co-auteurs de livres pour enfant intitulés Les Minijusticiers et ils en ont cédé les droits d’adaptation audiovisuelle à la société Futurikon par contrat du 20 décembre 2006, amendé par avenants des 7 novembre 2012 (pour une saison 2) et du 23 mai 2016 (pour une saison 3).
La société Futurikon a confié la distribution de la série Les Minijusticiers (notamment de la saison 3) à la société Mediatoon distribution par contrat du 25 septembre 2015, amendé par avenants des 22 mai 2018 et10 février 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 1er ou 2 décembre 2022, le conseil des auteurs a notifié à la société Futurikon la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat du 20 décembre 2006 et de l’ensemble de ses avenants pour inexécution notamment de l’obligation de reddition de comptes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 décembre 2023, Mme [B] et M. [Y] ont mis en demeure la société Mediatoon distribution de cesser toute reddition de compte et tout paiement à la société Futurikon au motif de la résiliation précitée.
La société Mediatoon distribution n’a pas réglé à la société Futurikon sa facture n°2404023 d’un montant de 73.544,45 euros du 22 avril 2024 et celle-ci l’a mise en demeure de le faire à défaut de quoi le contrat serait résilié de plein droit par lettre du 13 mai 2024.
Une proposition de la société Mediatoon distribution de mise des sommes sous séquestre des recettes jusqu’à la résolution du différend a été rejetée tant par les auteurs que par la société Futurikon.
Par actes des 5, 6 et 7 juin 2024, la société Mediatoon distribution a fait assigner la société Futurikon et les auteurs devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé et lui demande, au visa des article 835 et 858 du code de procédure civile et 1955 du code civil, de :- ordonner le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers,
– interdire à la société Futurikon de résilier le contrat du 25 septembre 2015 pour inexécution de son obligation de paiement,
– dire n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient les mêmes demandes à l’audience.

A l’appui de sa demande, elle fait valoir qu’elle se trouve au centre d’un conflit qu’elle ne peut trancher, que son offre du 17 mai 2024 de séquestre conventionnel a été refusée et que la menace explicite de résiliation de son contrat par la société Futurikon constitue une urgence et un dommage imminent justifiant le référé.
Par conclusions signifiées le 25 juin 2024 et soutenues oralement à l’audience, la société Futurikon demande au juge des référés de :- à titre principal, rejeter la demande de consignation du montant de la facture n°2404023 du 24 avril 2024 de 73.544,45 euros et condamner la société Mediatoon Distribution à lui payer cette somme par provision,
– à titre subsidiaire, dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes des auteurs à son encontre la société Futurikon et les en débouter,
– en tout état de cause, condamner la société Mediatoon Distribution aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :- sa créance sur la société Mediatoon distribution est certaine, liquide et exigible et, en refusant de payer la facture de n°2404023 du 22 avril 2024 d’un montant de 73.544,45 euros, celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles;
– il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de la résiliation du contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle du 20 décembre 2006 ;
– les sommes que lui doit la société Mediatoon distribution sont les recettes liées aux exploitations de la série qui reviennent au seul producteur ;
– le contrat ne crée d’obligations qu’entre elle et la société Mediatoon distribution de sorte que cette dernière ne peut se prévaloir du fait que les auteurs prétendent avoir résilié le contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle et devenir ainsi attributaires des recettes dues au producteur ;
– le contrat de mandat de distribution ne prévoit aucunement une telle possibilité de sorte que le juge des référés ne peut que juger que les conditions juridiques pour la mise en œuvre d’une procédure de séquestre ne sont pas réunies;
– il n’existe aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite ;
– la résiliation du contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle conclu entre elle et les auteurs le 20 décembre 2006, opérée de mauvaise foi, relève strictement de la compétence du juge du fond et ne lui est pas opposable par la société Mediatoon distribution.

Par conclusions signifiées le 25 juin 2024 et soutenues oralement à l’audience, Mme [B] et M. [Y] demandent au juge des référés de :À titre principal :
– constater la résiliation du contrat de cession de droits conclu avec la société Futurikon,
– rejeter la demande de la société Mediatoon distribution d’ordonner le séquestre judiciaire des redevances de distribution relatives à l’exploitation de la saison 3 de la série,
– ordonner à la société Mediatoon distribution de leur payer ces redevances dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner à la société Futurikon de leur communiquer tous les contrats qu’elle a conclus avec les ayants-droits de la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
À titre subsidiaire :
– ordonner le séquestre judiciaire, entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris aux frais exclusifs de la société Futurikon, des redevances de distribution relatives à l’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers,
– condamner la société Mediatoon aux dépens de l’instance.

Ils soutiennent que :- vu la résiliation de plein droit du contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle du 20 décembre 2006 et ses avenants au 2 janvier 2023, il n’existe aucun litige quant à la propriété des redevances de distribution relatives à la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers arrêtées au 31 décembre 2023 et à venir qui justifierait un placement sous séquestre ;
– il n’existe ni urgence ni de dommage imminent pour la société Mediatoon distribution puisque son co-contractant n’a plus aucun droit à redevance ;
– aucune contestation sérieuse ne s’oppose au versement entre leurs mains des recettes d’exploitation dont le fait générateur est intervenu après la résiliation du contrat de cession ;
– quand bien même les coauteurs et coproducteurs de la saison 3 de la série sont copropriétaires des recettes d’exploitation, eux-mêmes sont en mesure de reverser les quote-parts de recettes dues aux coauteurs et coproducteurs, conformément aux contrats de ces derniers, accessibles à tous sur la base de données du Registre du Cinéma et de l’Audiovisuel (RCA);
– en leur réglant les recettes nettes distributeur dont le fait générateur est intervenu après la résiliation du contrat de cession (soit le 2 janvier 2023), la société Mediatoon distribution ne s’expose à aucun risque vis-à-vis de la société Futurikon.

L’audience a eu lieu le 26 juin 2024. Au regard de l’intérêt des parties à déboucher rapidement sur une solution librement négociée et confidentielle, le juge des référés leur a enjoint de rencontrer un médiateur aux fins d’information sur l’objet et le déroulement d’une médiation avant le 26 juillet 2024.

MOTIVATION

1 . Sur le placement sous séquestre

L’article 1961, 2°, du code civil prévoit que le juge peut ordonner le séquestre d’une chose mobilière “dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes.”
Il résulte des pièces du dossier que la société Mediatoon distribution se trouve au centre d’un conflit entre auteurs et producteur sur lequel elle n’a aucune information ni aucune responsabilité.En tant que sous-cessionnaire de droits d’exploitation des auteurs, elle est tenue à leur égard de la rémunération forfaitaire qui leur revient et qu’elle n’est pas en mesure de calculer, seule la société Futurikon ayant les données nécessaires. En tant que co-contractante de la société Futurikon, elle est tenue à son obligation principale de paiement des redevances convenues.

Le rejet de son offre de consignation du 17 mai 2024 et la menace explicite de résiliation de son contrat par la société Futurikon caractérisent une urgence et un dommage imminent justifiant le référé.
Au regard de la résiliation du contrat de cession de droits d’adaptation de l’œuvre Les minijusticiers, des contestations relatives à la rémunération dues aux auteurs au titre de ce contrat et du nombre et de la nature des contrats de sous-cession consentis par la société Futurikon pour la production de la saison 3 de la série, il existe une incertitude sur la part des recettes d’exploitation revenant respectivement au producteur, aux autres intervenants pour l réalisation de la série animée et aux auteurs de sorte que la propriété de ces fonds est litigieuse.

Considérant que, quoiqu’elle la conteste, la société Futurikon n’a pas saisi la justice d’une action contre la résiliation de plein droit mise en jeu par les auteurs de sorte que les restitutions qui en découlent ne sont pas déterminées.

Il y a donc lieu faire droit à la demande et d’ordonner le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers, en exécution de son obligation de paiement au titre du contrat du 25 septembre 2015 la liant à la société Futurikon et de dire que le versement sur ce séquestre est libératoire de son obligation de paiement à l’égard de la société Futurikon.
2 . Sur les demandes de provision de Mme [B] et M. [Y]

Le juge des référés peut constater la résolution de la convention des parties par le jeu d’une clause claire et précise qui ne soulève aucune contestation sérieuse mais le juge du fond est seul compétent si la constatation de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations se heurte à une contestation sérieuse.
En l’espèce, l’inexécution de la clause de reddition de comptes à l’origine de la mise en jeu de la clause résolutoire du contrat du 20 décembre 2006 est contestée par la société Futurikon, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur la constatation de celle-ci.
L’alinéa 2 de l’article 835 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Il est constamment jugé que le distributeur est tenu, comme le producteur, au paiement de la rémunération forfaitaire des auteurs, qui bénéficient contre lui d’une action directe. Pour autant cette action est limitée à leur créance sur le producteur qui n’est pas connue et est l’objet d’un litige avec ce dernier qui soutient que l’avance versée à la signature du contrat couvre la totalité des droits d’auteurs à ce jour.
En toute hypothèse, les auteurs n’ont pas vocation à percevoir l’ensemble des recettes d’exploitation de la série animée adaptée de leur œuvre.

La demande de Mme [B] et M. [Y] de versement d’une provision correspondant à la totalité des recettes de distribution de la saison 3 de la série Les Minijusticiers se heurte à une contestation sérieuse et est rejetée, de même que celle tendant à la condamnation de la société Futurikon de leur communiquer tous les contrats qu’elle a conclus avec les ayants-droits de la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers .
3 . Sur la demande de provision de la société Futurikon

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [B] et M. [Y] ont fait jouer la clause résolutoire prévue au contrat du 20 décembre 2006 à effet du 2 janvier 2023.
L’absence de droit de la société Futurikon à poursuivre après cette date l’exécution du contrat de distribution sans tirer les conclusions de cette résiliation et l’obligation du sous-cessionnaire au paiement des droits d’auteur constituent des contestations sérieuses au paiement de l’intégralité des redevances entre ses mains.
La demande de la société Futurikon de versement d’une provision correspondant aux recettes de distribution de la saison 3 de la série Les Minijusticiers est rejetée.
4 . Dispositions finales

Les défendeurs succombent mais les dépens de l’instance seront entièrement mis à la charge de la société Futurikon au regard de sa contestation passive de la résiliation de son contrat intervenue depuis plus de 18 mois et à l’origine du présent litige.
L’équité ne commande pas de faire droit aux demandes des auteurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Désignons en qualité de séquestre Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du barreau de Paris à l’effet de recevoir les sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers par la société Mediatoon distribution en exécution de son obligation de paiement au titre du contrat du 25 septembre 2015 et ses avenants la liant à la société Futurikon, à compter de celles objet de la facture n°2404023 du 22 avril 2024 et les redevances ultérieures, jusqu’à décision judiciaire ou accord des parties sur leur sort ;

Rejetons la demande de provision de la société Futurikon ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la constatation de la mise en jeu de la clause résolutoire du contrat du 20 décembre 2006 entre Mme [B] et M. [Y] et la société Futurikon ;

Rejetons la demande de provision de Mme [B] et M. [Y] et leur demande de condamnation de la société Futurikon à leur communiquer tous les contrats qu’elle a conclus avec les ayants-droits de la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers ;

Condamnons la société Futurikon aux dépens de l’instance ;

Rejetons les demandes de la société Futurikon et de Mme [B] et M. [Y] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait à Paris le 07 août 2024

Le Greffier, Le Président,

Marion COBOS Irène BENAC


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