La résiliation judiciaire d’une reconnaissance de dette

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La résiliation judiciaire d’une reconnaissance de dette
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Mme [X] [R] a assigné Mme [D] [J] devant le tribunal judiciaire de Nantes le 26 mars 2024, demandant la résiliation judiciaire de la reconnaissance de dette du 17 mars 2023 en raison du non-respect de l’échéancier de remboursement. Elle a prêté 81.542,83 euros à Mme [D] [J], qui n’a honoré que les deux premières échéances. Mme [R] a également demandé le paiement de 80.255,40 euros, des intérêts contractuels, 2.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des frais liés à l’enregistrement de la reconnaissance de dette et à l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire.

Le tribunal a prononcé la résiliation du contrat de prêt aux torts exclusifs de Mme [D] [J], l’a condamnée à verser 80.255,40 euros avec intérêts, 2.000 euros de dommages-intérêts, et 1.500 euros au titre de l’article 700, tout en déboutant Mme [R] de sa demande concernant les frais d’enregistrement. Mme [D] [J] a également été condamnée aux dépens, incluant les frais d’inscription d’hypothèque.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Nantes
RG n°
24/01581
IC

G.B

LE 10 OCTOBRE 2024

Minute n°

N° RG 24/01581 – N° Portalis DBYS-W-B7I-M4KX

[X] [R]

C/

[D] [J] veuve [F], non comparante, non représentée

Le

copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
– Me Chloé Prault

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
———————————————-

PREMIERE CHAMBRE

Jugement du DIX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :

Président : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,

Greffier : Isabelle CEBRON

Débats à l’audience publique du 20 JUIN 2024 devant Géraldine BERHAULT, 1ère vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 10 OCTOBRE 2024, date indiquée à l’issue des débats.

Jugement Réputé Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.

—————

ENTRE :

Madame [X] [R]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 3]
Rep/assistant : Me Chloé PRAULT, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DEMANDERESSE.

D’UNE PART

ET :

Madame [D] [J] veuve [F], non comparante, non représentée
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 4]

DEFENDERESSE.

D’AUTRE PART

Exposé du litige et des demandes

Par assignation en date du 26 mars 2024, Mme [X] [R] a fait attraire Mme [D] [J] devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de :

– Prononcer à effet au jour de la décision à intervenir, la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de madame [D] [J] de la reconnaissance de dette du 17 mars 2023 établie à son profit en raison du non-respect de l’échéancier convenu aux termes de la reconnaissance repris dans la déclaration de prêt du 17 mars 2023 y annexée ;
– Condamner madame [D] [J] à lui verser la somme de 80.255,40 euros, outre intérêts contractuels au taux de 3% à compter de la délivrance de la présente assignation et jusqu’à complet paiement ;
– Condamner madame [D] [J] à lui verser la somme de 2.000,00 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle lui cause;
– Condamner madame [D] [J] à lui verser la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner madame [D] [J] aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais liés à l’enregistrement de la reconnaissance de dette et aux mesures d’inscriptions d’hypothèque judiciaire provisoire.

Mme [R] expose avoir prêté à son amie Mme [D] [J] la somme de 81.542,83 euros le 17 mars 2023. Une reconnaissance de dette a été établie le jour même qui prévoyait un remboursement à compter du 8 juillet 2023 jusqu’au 8 juin 2028 par règlement d’échéances mensuelles de 1.359,05 euros majoré d’un taux d’intérêt de 3% l’an.

La reconnaissance de dette, à laquelle était annexée une déclaration de contrat de prêt, a été enregistrée au service de la publicité foncière et de l’enregistrement le 31 mars 2023.
Elle indique qu’à l’exception des deux premières échéances, Mme [J] n’a pas honoré les règlements malgré mise en demeure.

Autorisée par ordonnance sur requête du 26 février 2024 du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nantes, Mme [R] prenait une inscription d’hypothèque provisoire sur les biens et droits immobiliers, bâtis et non bâtis, appartenant à Mme [J] situés [Adresse 4] à [Localité 6].

Mme [R] fonde sa demande de résiliation du contrat de prêt sur les dispositions des articles 1224 et suivants du code civil indiquant que tout règlement est interrompu depuis septembre 2023, ce qui constitue un manquement grave et persistant de Mme [J] à son obligation essentielle de remboursement de l’échéancier convenu.

Elle sollicite également des dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi estimant avoir été abusée par son amie qui a utilisé ses liens d’amitié pour obtenir le prêt d’une somme d’argent très importante qui provenait d’un héritage qu’elle venait de percevoir . Elle indique que Mme [J] avait connaissance de cet héritage et qu’elle a profité de sa situation professionnelle, comptable auprès d’une étude notariale, pour laisser croire que Mme [R] pouvait lui faire confiance. Elle indique également que Mme [J] l’a pressée de lui prêter cette somme se disant acculée et menacée d’une vente par adjudication de son bien immobilier.
Elle s’estime trahie et avoir été abusée de sa faiblesse.

Assignée selon les modalités de l’article 658 du code de procédure civile, la défenderesse n’a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé aux écritures de la demanderesse pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2024.

Motifs de la décision 

L’article 472 du code de procédure civile dispose que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

L’article 473 du code de procédure civile dispose que « lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur. »

Sur la demande de résiliation du contrat de prêt

L’article 1217 du code civil prévoit que :
La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1224 du code civil dispose que :
La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

L’article 1229 prévoit que :
La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Il est produit au débat une reconnaissance de dette du 17 mars 2023 de Mme [J] qui reconnaît devoir la somme de 81.542,83 euros à Mme [R] et qui prévoit les modalités de remboursement de la dette par des versements d’échéances à compter du 8 juillet 2023 et jusqu’au 8 juin 2028. Il était stipulé des intérêts au taux de 3%.

Cette reconnaissance de dette, à laquelle est annexée une déclaration de contrat de prêt, a été enregistrée au service de la publicité foncière et de l’enregistrement le 31 mars 2023.

Mme [R] justifie par la communication de ses relevés bancaires n’avoir perçu que deux échéances incomplètes d’un montant de 1500 euros soit 3.000 euros au total.

Mme [J] a cessé ses versements dès septembre 2023.

Les mises en demeure versées au débat sont restées infructueuses.

Dans ces conditions, il convient de constater que Mme [J] n’a pas respecté ses engagements sans explication connue et n’a proposé aucune solution pour respecter ses engagements de remboursement.

L’inexécution grave de ses engagements contractuels est avérée et justifie la résiliation du contrat de prêt aux torts exclusif de Mme [J].

Sur la demande en paiement :

Il est produit au débat, outre la reconnaissance de dette, l’échéancier du prêt et le justificatif des sommes déjà versées, de sorte que la créance de Mme [R] est de :

– 1.308,08 € correspondant aux intérêts contractuels échus et impayés du 08/09/2023 au jour de
l’assignation ;
– 78.947,32 € correspondant au montant du capital restant dû, outre intérêts contractuels au taux de 3 % à compter de l’ assignation et jusqu’à complet paiement.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande en paiement qui est justifiée.

Sur la demande de dommages et intérêts

I résulte des pièces versées au débat, notamment du mail adressé le 17 mars 2013 par Mme [J] à Mme [R], que les deux co-contractantes étaient visiblement proches corroborant ainsi les affirmations de Mme [R] sur le lien d’amitié les unissant ainsi que les circonstances précipitées dans lesquelles le prêt a été octroyé, Mme [R] expliquant que son amie se trouvait aux abois sous la menace d’une vente par adjudication de sa maison.

La confiance et l’amitié entre les deux co-contractantes était manifestement un élément déterminant ayant conduit Mme [R] a prêté une forte somme d’argent.

L’absence de paiement fautif, très rapidement après l’octroi du prêt, a nécessairement produit chez Mme [R] un choc et un sentiment de trahison occasionnant un préjudice moral qu’il convient d’évaluer à hauteur de 2.000 euros.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, «la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Par ailleurs, les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile permettent au juge, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de retenir des considérations d’équité pour fixer le montant d’une éventuelle condamnation au titre des frais irrépétibles, lesquels sont par définition distincts des dépens prévus à l’article 695 du même code.

Succombant à l’instance, Mme [D] [J] aura la charge des dépens qui ne peuvent cependant pas comprendre les frais liés à l’enregistrement de la reconnaissance de dette dès lors que l’article 695 du code de procédure civile les exclut dès lors qu’il s’agit de droits et taxes dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions de Mme [R].

Il serait, par ailleurs, inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Prononce au jour du présent jugement la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de Madame [D] [J] du contrat de prêt du 17 mars 2023 conclu entre Mme [D] [J] et Mme [X] [R] ;

Condamne Madame [D] [J] à payer à Madame [X] [R] la somme de 80.255,40 €, outre intérêts contractuels au taux de 3 % à compter du 26 mars 2024 ;

Condamne Madame [D] [J] à payer à Madame [X] [R] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Déboute Mme [X] [R] de sa demande de dire que les dépens comprendront le frais liés à l’enregistrement de la reconnaissance de dette ;

Condamne Madame [D] [J] à payer à Madame [X] [R] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [D] [J] aux dépens qui comprendront les frais liés aux mesures d’inscription d’hypothèque judiciaire ;

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Isabelle CEBRON Géraldine BERHAULT


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