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En attendant une conciliation, la suspension de la résiliation du mandat de distribution de presse ne peut être obtenue en référé.
L’article L611- 7 du code de commerce ne donne pas au juge saisi dans le cadre d’une conciliation, le pouvoir de suspendre les effets d’une clause résolutoire, ses pouvoirs étant limités au report de la dette et/ou à son rééchelonnement. La procédure prévue aux articles L 611-7 et R 611-35 du code de commerce, procédure spéciale, est exclusive de la procédure de référé. Au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil à l’égard d’un créancier qui l’a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n’a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance. Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée de la mission du conciliateur. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. L’article 1343-5 du code civil pour sa part prévoit que : Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. Pour rappel, la distribution de presse et la vente chez les marchands de presse est réglementée par la loi Bichet de 1947, réformée le 18 octobre 2019. Le principe de la distribution en vente au numéro repose sur une logique de dépôt-vente, pour laquelle seul l’éditeur assume la responsabilité financière des invendus. L’activité relève de deux donneurs d’ordre, les sociétés agréées de distribution de presse : la société MLP (72% de l’activité) et la société FRANCE MESSAGERIE (28% de l’activité), qui donnent des mandats de dépositaires de presse aux sociétés spécialisées dans la distribution de presse, réparties sur le territoire national. Le dépositaire de presse est à la fois mandataire, commissionnaire, consignataire et ducroire pour les flux financiers. Les ressources de la société MLAP procèdent d’une rémunération ad valorem sur le chiffre d’affaires (7,1% en moyenne), outre la rémunération du transport jusqu’à chaque point de vente livré (6,41 euros pour une moyenne de 26200 livraisons mensuelles soit près de 315 000 points de livraisons par an). |
Résumé de l’affaire : La distribution de presse en France est régie par la loi Bichet de 1947, modifiée en 2019, et repose sur un système de dépôt-vente où l’éditeur est responsable des invendus. Deux sociétés, MLP et FRANCE MESSAGERIE, dominent le marché et mandatent des dépositaires de presse, dont la société MLAP, qui a été désignée le 15 novembre 2020 pour assurer la distribution quotidienne de la presse nationale.
MLAP a rencontré des difficultés financières dues à l’évolution du marché, à des coûts de transport jugés insuffisants et à une baisse de ses commissions. Malgré des tentatives de renégociation avec MLP et FRANCE MESSAGERIE, elle n’a pas réussi à régler ses dettes, s’élevant à plus de 1,1 million d’euros. En avril 2023, MLAP a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation, qui a été acceptée par le tribunal de commerce de Nantes. Le 12 mai 2023, MLP a mis en demeure MLAP de payer ses dettes, suivie d’une nouvelle mise en demeure le 19 mai. MLAP a alors sollicité un report d’exigibilité des créances. Le 28 septembre 2023, le tribunal a partiellement accueilli sa demande, reportant le paiement de certaines sommes et suspendant temporairement la résiliation de son contrat avec MLP. MLP a interjeté appel le 4 octobre 2023, contestant la décision de suspension de la résiliation. Dans ses conclusions, MLP a demandé l’infirmation de la décision du tribunal, tandis que MLAP a soutenu la recevabilité de sa demande et a demandé la confirmation de la décision initiale. La cour a finalement rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par MLP, a infirmé la suspension des effets de la résiliation, et a déclaré la demande de suspension de MLAP irrecevable, tout en rejetant les autres demandes des parties. MLAP a été condamnée aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°333
N° RG 23/05711 – N° Portalis DBVL-V-B7H-UE2S
(Réf 1ère instance : 2023004424)
S.A.S. MLP
C/
S.A.S. MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE (MLAP )
S.E.L.A.R.L. AJ UP
MINISTÈRE PUBLIC
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me VERRANDO
ME TOURNADE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de NANTES
MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre, Rapporteur
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Juin 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 24 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. MLP
immatriculée au RCS de Vienne sous le n°790 117 816, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laïd LAURENT de l’AARPI JEANTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean DELAPALME de l’AARPI JEANTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
S.A.S. MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE (MLAP )
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nantes, sous le numéro 889 512 364, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Mathilde PERSONNIC substituant Me Cyril TOURNADE de la SELARL HAROLD AVOCATS I, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.E.L.A.R.L. AJ UP
immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 820 120 657, prise en la personne de Me [P] [O] [X] désigné en qualité de conciliateur par décision rendue le 5 mai 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTES.
[Adresse 1]
[Localité 7]
Non constituée bien que régulièrement destinataire de la déclaration d’appel et des conclusions par actes de commissaire de justice en date des 29 janvier et 21 mars 2024 remis à domicile
MINISTÈRE PUBLIC
prise en la personne de Monsieur Le Procureur Général de la Cour d’Appel de Rennes,
[Adresse 8]
[Localité 3]
représenté par Monsieur Yves DELPERIE Avocat général entendu en ses observations à l’audience de 11 juin 2024. (Avis du 11 mars 2024)
La distribution de presse et la vente chez les marchands de presse est réglementée par la loi Bichet de 1947, réformée le 18 octobre 2019.
Le principe de la distribution en vente au numéro repose sur une logique de dépôt-vente, pour laquelle seul l’éditeur assume la responsabilité financière des invendus.
L’activité relève de deux donneurs d’ordre, les sociétés agréées de distribution de presse : la société MLP (72% de l’activité) et la société FRANCE MESSAGERIE (28% de l’activité), qui donnent des mandats de dépositaires de presse aux sociétés spécialisées dans la distribution de presse, réparties sur le territoire national.
Le 15 novembre 2020, la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE (MLAP) s’est ainsi vue attribuer un mandat de dépositaire de presse par les sociétés MLP et FRANCE MESSAGERIE aux fins de couvrir la distribution quotidienne de la presse nationale pour tous les titres de presse nationaux en vente chez les marchands de journaux.
Le dépositaire de presse est à la fois mandataire, commissionnaire, consignataire et ducroire pour les flux financiers.
Les ressources de la société MLAP procèdent d’une rémunération ad valorem sur le chiffre d’affaires (7,1% en moyenne), outre la rémunération du transport jusqu’à chaque point de vente livré (6,41 euros pour une moyenne de 26200 livraisons mensuelles soit près de 315 000 points de livraisons par an).
La société MLAP indique avoir rencontré des difficultés d’exploitation en raison de l’évolution du marché de la presse et de l’inadéquation de la formule pour la rémunération du transport.
Elle signale qu’elle a connu un déficit de ressources récurrent dès sa création et qu’elle s’est trouvée déficitaire en raison notamment de l’incidence du coût du carburant et de la baisse de la commission presse.
La société MLPA s’est rapprochée de la société MLP et de la société FRANCE MESSAGERIE pour évoquer l’absence de revalorisation de la rémunération du transport (au drop) qu’elle estimait largement inférieure à la réalité des coûts facturés par les transporteurs sous-traitants.
Les sociétés MLP et FRANCE MESSAGERIE n’ont pas accédé à sa demande de revalorisation de la rémunération du transport.
La société MLPA signale qu’en dépit de ses efforts elle n’a pas été en mesure de régler les sommes dues aux sociétés MLP (723.586,85 euros) et FRANCE MESSAGERIE (399.426,60 euros).
Au regard de ces difficultés, la société MLAP a sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation par requête en date du 25 avril 2023.
Par ordonnance du 9 mai 2023, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de conciliation au profit de la société MLAP et a désigné la SELARL AJUP en qualité de conciliateur.
Le 12 mai 2023, la société MLP a mis en demeure la société MLAP de régler sous 8 jours la somme de 723.586,85 euros. Le 19 mai 2023, la société MLP a adressé une nouvelle mise en demeure visant la clause résolutoire à défaut de paiement dans un délai de 8 jours.
La société MLAP a saisi le président du tribunal de commerce de Nantes ayant ouvert la procédure de conciliation, aux fins de solliciter le bénéfice d’un reportd’exigibilité des créances des sociétés MLP et FRANCE MESSAGERIE sur le fondement de l’article L.611-7 du code de commerce.
Par jugement du 28 septembre 2023 le président du tribunal de commerce de Nantes selon la procédure accélérée au fond a :
– Ordonné la jonction des affaires 2023004424 et 2023005375 ;
– Déclaré les demandes de la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE (MLAP) recevables et partiellement bien fondées;
– Reporté l’exigibilité de la somme de 506.000 euros au profit de la MLP, le règlement devra être effectué en deux mensualités de 253.000 euros les 24 janvier 2024 et 24 février 2024 ;
– Reporté l’exigibilité de la somme de 279 .000 euros au profit de FRANCE MESSAGERIE, le règlement devra être effectué en 2 mensualités de 139.500 euros dues les 24 janvier 2024 et 24 février 2024 ;
– Suspendu les effets de la résiliation prononcée par la société MLP jusqu’au 24 janvier 2024 ;
– Confirmé la résiliation prononcée par FRANCE MESSAGERIE à la date du 24 janvier 2024 ;
– Débouté la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE (MLAP) de ses autres demandes fins et conclusions ;
– Débouté la société MLP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– Débouté FRANCE MESSAGERIE de ses autres demandes fins et conclusions;
– Jugé qu’il y a lieu de réserver 1’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Jugé qu’il n’y a pas lieu de surseoir à l’exécution provisoire en application de I’article 514 du même code ;
– Jugé qu’i1 y lieu de réserver les dépens sur le fondement de1’article 696 dudit code dont frais de Greffe liquidés à 57.66 euros TTC.
La société MLP a interjeté appel par déclaration en date du 4 octobre 2023.
La société MLP a appelé à la cause la société AJ UP
La société MLP a refusé la proposition de médiation du président de la chambre commerciale de la cour d’appel de Rennes.
Dans son avis du 11 mars 2024 le ministère public conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il n’était pas fondé à suspendre les effets de la résiliation contractuelle décidé par la société MLP à l’égard de la société MLPA.
L’ordonnance de clôture est en date du 16 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 5 mars 2024 la société MLP demande à la cour au visa des articles L. 611-7 du code de commerce et 1343-5 du code civil, de:
– Recevoir la société MLP en son appel, et la dire bien fondée,
– Dire et juger que la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE est irrecevable à solliciter du juge de l’article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce la suspension de la résiliation d’un contrat,
En conséquence,
– Annuler et en tout cas infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a suspendu les effets de la résiliation prononcée par la société MLP jusqu’au 24 janvier 2024,
Et statuant à nouveau :
– Rejeter toute demande de suspension des effets de la résiliation notifiée par la société MLP à la société MLAP,
En tout état de cause ,
– Débouter la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,
– Condamner la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE à verser à la société MLP la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Dans ses écritures notifiées le 13 février 2024 la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE demande à la cour au visa des articles 31, 32, 873 et 700 du code de procédure civile, L. 611-7 du code de commerce, 1343-5 du code civil, de :
– Déclarer la demande de la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE en abrégé MLAP.recevable et bien fondée,
– Dire irrecevable les demandes de la société MLP pour défaut d’intérêt à agir par application de l’article 32 du code de procédure civile,
– Confirmer la décision rendue le 28 septembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Nantes en l’ensemble de ces dispositions,
Y ajoutant :
– Débouter la société MLP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, – Condamner la société MLP à verser la somme de 10.000 euros à la société MESSAGERIES LIGERIENNES ATLANTIQUE DE PRESSE en abrégé MLAP par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société MLP aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
L’intérêt à agir de la société MLP
La société MLPA soulève l’irrecevabilité des demandes de la société MLP pour défaut d’intérêt à agir aux motifs qu’elle a fait l’objet d’une cession de contrôle par acte du 10 janvier 2024 dans le cadre de la cession de ses titres le même jour par sa société mère, la société ORMA PHOENIX au profit des sociétés CONTINENTAL INVESTI et SOCIÉTÉ COSTARMORICAINE D’EXPLOITATION DE PRESSE.
Invoquant le caractère intuitu personae du contrat de dépositaire, elle considère qu’il a été résilié à compter de la cession de contrôle.
Contrairement à cette analyse la cession des titres de la société MLP postérieure à la procédure d’appel ne lui ôte tout intérêts à agir. En outre la société MLPA ne démontre pas que le contrat de dépositaire qui la lie à MLP aurait été résilié par ce seul fait.
Il convient donc de rejeter l’exception d’irrecevabilité des demandes de la société MLP soulevée par la société MLPA.
La suspension de la résiliation
La société MLP soutient que le président du tribunal de commerce saisi sur le fondement de l’article L 611- 7 du code de commerce a excédé son pouvoir en prononçant la suspension de la résiliation jusqu’au 24 janvier 2024.
Le président du tribunal de commerce a ordonné une conciliation par ordonnance du 5 mai 2023 au visa des dispositions des articles L 611-15 et suivants du code de commerce ce dont a été informée la société MLP par le conciliateur le 24 mai 2023 après sa mise en demeure du 19 mai 2023.
Alors que cette procédure de conciliation était en cours la société MLPA a saisi le président du tribunal de commerce le 2 juin 2023 au visa des articles L 611-7 du code de commerce et 1343-3 du code civil aux fins notamment de reporter l’exigibilité intégrale de la somme de 723 586,85 euros objet de la mise en demeure de la société MLP en date du 19 mai 2023, et ce à l’issue d’un délai de 2 ans à compter de l’ordonnance à intervenir.
Dans ses écritures devant la cour d’appel elle rappelle qu’elle a agi sur le fondement de l’article L 611-7 du code de commerce. Elle a au demeurant, suivi la procédure accélérée au fond conformément aux dispositions de l’article R 611-35 du code de commerce.
Elle n’a sollicité la suspension de la résiliation du contrat de dépositaire prononcée par la société MLP qu’en cours de procédure devant le président du tribunal de commerce.
L’article L611- 7 du code de commerce prévoit notamment que :
Au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil à l’égard d’un créancier qui l’a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n’a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance. Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée de la mission du conciliateur. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article 1343-5 du code civil pour sa part prévoit que :
Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
Ces dispositions ne donnent pas au juge saisi dans le cadre d’une conciliation, le pouvoir de suspendre les effets d’une clause résolutoire, ses pouvoirs étant limités au report de la dette et/ou à son rééchelonnement.
Pour justifier sa décision le président du tribunal de commerce a renvoyé aux dispositions de l’article 873 du code de procédure civile dans son jugement estimant qu’en raison d’un péril imminent pour la société MLPA il avait compétence pour suspendre la résiliation du contrat à titre conservatoire.
La société MLPA estime que l’article 12 du code de procédure civile permettait au président du tribunal de commerce de modifier le fondement juridique de sa demande.
Cette analyse n’est pas exacte. La procédure prévue aux articles L 611-7 et R 611-35 du code de commerce, procédure spéciale, est exclusive de la procédure de référé. La société MLPA ne s’y trompait pas puisque dans sa saisine originelle, elle ne sollicitait pas la suspension de la résiliation.
Les pouvoirs dévolus au président du tribunal dans le cadre d’une conciliation ne lui permettent pas de s’octroyer une compétence juridictionnelle que les textes ne lui donnent pas, y compris en utilisant un artifice de procédure.
La société MLPA soutient que la résiliation du contrat était de nature à
entraîner l’échec de la conciliation et à amener l’ouverture d’une procédure collective.
L’objet de la conciliation et des dispositions de l’article L 611-7 du code de commerce consiste à éviter que du seul refus de toute négociation par les créanciers, des possibilités d’accord amiables échouent. En aucun cas elle ne pourrait avoir pour objectif de retarder voire masquer un état de cessation de paiement.
La demande de suspension est irrecevable
Dans ces conditions il convient de réformer le jugement en ce qu’il a suspendu les effets de la résiliation prononcée par la société MLP jusqu’au 24 janvier 2024.
Les demandes annexes
Il n’est pas inéquitable de rejeter la demande de la société MLP au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société MLPA est condamnée aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour
– Rejette l’exception d’irrecevabilité des demandes de la société MLP soulevée par la société MLPA ;
– Infirme le jugement en ce qu’il a suspendu les effets de la résiliation prononcée par la société MLP jusqu’au 24 janvier 2024 ;
Statuant à nouveau :
– Dit que la demande de suspension des effets de la résiliation du contrat de dépositaire de presse prononcée par la société MLP est irrecevable ;
– Rejette les autres demandes des parties ;
– Condamne la société MLPA aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,