La reconnaissance de dette entre particuliers

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La reconnaissance de dette entre particuliers

En matière de prêt entre particuliers, l’abandon de la dette ne peut être présumé (à propos de la contrepartie de la détention d’une partie du capital d’une SCI)

Résumé de l’affaire : M. [S] [R] a signé une reconnaissance de dette de 14.980 euros en faveur de M. [J] [T] et Mme [F] [U] le 08 juin 2021, avec un remboursement prévu pour le 02 juillet 2021. N’ayant pas reçu le remboursement à la date convenue, M. et Mme [T] ont mis en demeure M. [R] par courrier recommandé le 30 octobre 2023, mais sans résultat. En conséquence, ils ont assigné M. [R] en référé le 12 février 2024, demandant le paiement de la somme due, des dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que des frais de justice. M. et Mme [T] ont également produit des preuves de paiements effectués à M. [R]. En réponse, M. [R] a contesté la demande, arguant que les termes de leur accord avaient été modifiés verbalement, ce qui aurait conduit à l’abandon de la dette en échange d’une cession de parts de la SCI Coutume. Il a demandé le rejet des demandes de M. et Mme [T], une réduction de la dette, un report de remboursement, ainsi que des frais de justice. L’audience a eu lieu le 27 juin 2024, et l’affaire a été mise en délibéré pour le 12 septembre 2024, puis prorogée au 19 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Angers
RG
24/00108
LE 19 SEPTEMBRE 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ ANGERS
-=-=-=-=-=-=-=-

N° RG 24/108 – N° Portalis DBY2-W-B7I-HN4Y
N° de minute : 24/365

O R D O N N A N C E
———-

Le DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, Nous, Nadine GAILLOU, Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire d’ANGERS, assistée de Aurore TIPHAIGNE, Greffière présente lors des débats et lors de la mise à disposition, avons rendu la décision dont la teneur suit :

DEMANDEURS :

Monsieur [J] [T]
né le 21 Avril 1956 à [Localité 5] (06)
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Maître Linda GANDON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, Avocate au barreau d’ANGERS, Avocate postulante et Maître Mickael MOUHRIZ, Avocat au barreau de NICE, Avocat plaidant,

Madame [F] [U] épouse [T]
née le 02 Mars 1947 à [Localité 5] (06)
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Maître Linda GANDON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, Avocate au barreau d’ANGERS, Avocate postulante et Maître Mickael MOUHRIZ, Avocat au barreau de NICE, Avocat plaidant,

DÉFENDEUR :

Monsieur [S] [R]
[Adresse 3]
[Localité 6]
[Localité 2]
représenté par Maître Jean-philippe HAMEIDAT, Avocat au barreau d’ANGERS substitué par Maître Célia BRASSIER de la SELARL ABLC AVOCATS, Avocate au barreau d’ANGERS,

*

Vu l’exploit introductif du présent Référé en date du 12 Février 2024; les débats ayant eu lieu à l’audience du 27 Juin 2024 pour l’ordonnance être rendue le 12 septembre 2024. A cette date le délibéré a été prorogé au 19 septembre 2024, ce dont les parties comparantes ou représentées ont été avisées 

C.EXE : Maître Linda GANDON
Maître Jean-philippe HAMEIDAT
C.C :
Copie Dossier
le

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 08 juin 2021, M. [S] [R] a rédigé une reconnaissance de dette au bénéfice de M. [J] [T] et Mme [F] [U] épouse [T], pour la somme de 14.980 euros et remboursable à la date du 02 juillet 2021.

En l’absence de remboursement du prêt à la date convenue, M. et Mme [T] ont, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 octobre 2023, mis en demeure M. [R] d’avoir à régler la somme de 14.980 euros.

Cette mise en demeure n’a pas été suivie d’effet.

*

C’est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice en date du 12 février 2024, M. et Mme [T] ont fait assigner M. [R] en référé devant le président du tribunal judiciaire d’Angers, sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, aux fins de voir:
– condamner M. [R] à leur payer la somme provisionnelle de 14.980 euros à valoir sur la reconnaissance de dette signée le 08 juin 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 02 juillet 2021 ;
– condamner M. [R] à régler la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– condamner M. [R] à verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [R] aux entiers dépens de l’instance.

Par voie de conclusions en réponse n°1, M. et Mme [T] ont sollicité du juge de débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions. Ils ont réitéré le surplus de leurs demandes introductives d’instance.

A l’appui de leurs prétentions, M. et Mme [T] expliquent s’être associés à M. [R] au sein de la SCI Coutume, laquelle a été créée pour l’acquisition de deux biens immobiliers. Ils réfutent cependant avoir renoncé tacitement à percevoir les sommes objet de la reconnaissance de dette en contrepartie de ces acquisitions.

En outre, ils produisent aux débats des extraits de leur compte bancaire faisant état des sommes versées à M. [R].

*

Par voie de conclusions en réponse n°2, M. [R] a sollicité du juge, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, ainsi que des articles 1303 et suivants et 1343-5 du code civil, de :
– déclarer n’y avoir lieu à référé compte tenu de l’existence de contestations sérieuses ;
– débouter, en conséquence, M. et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– subsidiairement, réduire la dette dans les plus larges proportions et accorder un report pour son remboursement au jour de la vente des biens immobiliers de la SCI Coutume ou un délai de deux ans à compter de la présente ordonnance ;
– condamner M. et Mme [T] au paiement de la somme de 1.400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

A l’appui de ses prétentions, M. [R] fait valoir l’existence d’une contestation sérieuse dès lors que les parties auraient verbalement modifié les termes de leur accord, conduisant à l’abandon de la dette en contrepartie de la cession à M. et Mme [T] de 52%, puis 68% du capital de la SCI Coutume. Il fait ainsi valoir l’existence d’un enrichissement injustifié et envisage de réclamer amiablement ou judiciairement la part des bénéfices qu’il estime lui revenir.

*

A l’audience du 27 juin 2024, les parties ont réitéré leurs demandes et l’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2024, puis prorogée au 19 septembre 2024.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

I.Sur la demande de provision

Aux termes des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut toujours accorder une provision au créancier.

L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Par ailleurs, il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer, le cas échéant, qu’il existerait une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande.

Il y a lieu de rappeler que l’attribution d’une telle provision s’effectue aux risques du demandeur, qu’elle ne préjuge en rien de l’issue du litige et qu’elle peut être sujette à restitution.

En l’espèce, M. et Mme [T] justifient de leur créance en produisant aux débats, notamment:

– La reconnaissance de dette rédigée de manière manuscrite et signée par M. [R] le 08 juin 2021, aux termes de laquelle celui-ci a attesté avoir reçu de M. et Mme [T] la somme de 14.980 euros. Il a notamment attesté que “ce prêt a été fait le 02 juin 2021 pour une durée d’un mois. Ce prêt est de facto exigible au 02 juillet 2021, date à laquelle interviendra le remboursement. Je dis également que ce prêt m’a permis d’asseoir mon développement, c’est pour cela que je m’engage à offrir des parts de mes sociétés au couple [T].” ;

– Des extraits de leur compte bancaire, à la lecture desquels il ressort qu’ils ont effectivement versées la somme totale de 14.980 euros à M. [R] ;

– Le courrier de mise en demeure d’avoir à rembourser la somme due au titre de la reconnaissance de dette, adressée à de M. [R] le 30 octobre 2023.

M. [R] ne rapporte quant à lui aucune preuve qu’un accord tacite aurait été conclu avec M. et Mme [T] pour l’abandon de la dette en contrepartie de la détention d’une partie du capital de la SCI Coutume. Ainsi, il ne justifie d’aucune cause d’exonération.

Par conséquent, en l’absence de contestation sérieuse, M. [R] sera condamné à verser à M. et Mme [T] la somme de 14.980 euros à titre de provision à valoir sur la reconnaissance de dette signée le 08 juin 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 02 juillet 2021, date d’exigibilité de la reconnaissance de dette.

II.Sur la demande de délais

Par application des dispositions de l’article 510 du code de procédure civile, le juge des référés est compétent pour accorder un délai de grâce à la partie condamnée au paiement d’une provision.

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, à l’appui de sa demande de délai de grâce, M. [R] ne produit aucun élément permettant de justifier de sa sitution financière actuelle et ne présente aucun justificatif sur des modalités d’apurement possibles.

En conséquence, à défaut de justifier du bien fondé de sa demande, M. [R] en sera débouté.

III.Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

M. et Mme [T] ne produisent aux débats aucun élément permettant de caractériser une résistance abusive ou une particulière mauvaise foi de la part de M. [R] dans le remboursement de sa dette. Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.

IV.Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, M. [R], qui succombe, sera condamné aux dépens.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens.

Au cas présent, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [T] les sommes engagées par elle pour faire valoir leurs droits. Par conséquent, M. [R] sera condamné à leur payer une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles. M. et Mme [T] seront déboutés du surplus de leur demande.

PAR CES MOTIFS

Nous, Nadine Gaillou, vice-présidente du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

Vu les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Condamnons M. [S] [R] à payer à M. [J] [T] et Mme [F] [U] épouse [T] la somme de 14.980 euros à titre de provision à valoir sur la reconnaissance de dette signée le 08 juin 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 02 juillet 2021 ;

Déboutons M. [J] [T] et Mme [F] [U] épouse [T] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Déboutons M. [S] [R] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamnons M. [S] [R] aux dépens ;

Condamnons M. [S] [R] à payer à M. [J] [T] et Mme [F] [U] épouse [T] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboutons M. [J] [T] et Mme [F] [U] épouse [T] du surplus de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.

Ainsi fait et prononcé à la date ci-dessus par mise à disposition au greffe, la présente ordonnance a été signée par Nadine Gaillou, vice-présidente, juge des référés, et par Aurore Tiphaigne, greffière,

Aurore Tiphaigne, Nadine Gaillou,


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