La Reclassification professionnelle dans le secteur de la restauration.

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La Reclassification professionnelle dans le secteur de la restauration.

Contexte de l’affaire

Les parties n’ont pas reconclu au fond et l’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2024. La cour se réfère aux dernières conclusions des parties pour un exposé plus détaillé de leurs prétentions et moyens.

Demande d’irrecevabilité de l’appel

La demande de déclaration d’irrecevabilité de l’appel a été rejetée, car une ordonnance d’incident du 23 septembre 2022 avait déjà déclaré l’appel recevable sans qu’il y ait eu de déféré.

Reclassification en chef de cuisine

Monsieur [V] a été engagé comme ‘second de cuisine’ et revendique une reclassification en tant que chef cuisinier. Il affirme avoir exercé les fonctions de chef à partir du départ de son prédécesseur, mais la charge de la preuve pèse sur lui. Les juges du fond doivent apprécier la réalité des fonctions exercées selon la convention collective. Les éléments fournis par Monsieur [V] n’ont pas été jugés suffisants pour établir qu’il avait effectivement exercé les fonctions de chef de cuisine.

Heures supplémentaires

Monsieur [V] réclame le paiement de 93 heures supplémentaires non rémunérées, affirmant avoir travaillé plus de 60 heures par semaine. Bien que certaines heures aient été payées, l’employeur n’a pas produit d’éléments justifiant les horaires réellement effectués. La cour a reconnu que Monsieur [V] avait bien effectué ces heures supplémentaires et a ordonné le paiement correspondant.

Contrepartie obligatoire en repos

Monsieur [V] a également demandé une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées. Cependant, la cour a confirmé que Monsieur [V] n’avait pas établi avoir dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires, rejetant ainsi sa demande.

Dommages et intérêts pour non-respect des règles de travail

Monsieur [V] a sollicité des dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail. La cour a constaté qu’il avait régulièrement dépassé les durées maximales de travail, lui accordant une indemnisation pour le préjudice subi.

Travail dissimulé

La demande de Monsieur [V] pour travail dissimulé a été rejetée, car il n’a pas été prouvé que l’employeur avait intentionnellement dissimulé le nombre d’heures travaillées.

Dommages et intérêts pour absence de visite médicale

Monsieur [V] a fait valoir qu’il n’avait pas bénéficié de visites médicales, ce qui a conduit à des conditions de travail inadaptées. La cour a reconnu ce manquement et a accordé des dommages-intérêts.

Rappel de salaire pour janvier 2019

Monsieur [V] a demandé le paiement d’un reliquat de salaire pour janvier 2019. La cour a déterminé qu’il restait dû une somme après déduction des paiements déjà effectués.

Licenciement pour inaptitude

Le licenciement de Monsieur [V] a été jugé sans cause réelle et sérieuse, car il a été établi que l’inaptitude était liée à des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

Conséquences financières du licenciement

La cour a fixé les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres indemnités dues à Monsieur [V], en tenant compte de son ancienneté et des heures supplémentaires réalisées.

Remise de documents sociaux

Le liquidateur judiciaire de la société PEPE a été ordonné de remettre à Monsieur [V] les documents nécessaires pour exercer ses droits aux prestations.

Garantie de l’AGS

L’arrêt sera opposable à l’AGS-CGEA dans la limite de sa garantie légale, sous réserve des avances déjà réalisées.

Dépens et frais irrépétibles

La SCP [C] [Z], en tant que liquidateur judiciaire, a été condamnée aux dépens d’appel, tandis que la demande de Monsieur [V] au titre des frais irrépétibles a été rejetée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
21/04205
8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°435

N° RG 21/04205 –

N° Portalis DBVL-V-B7F-R2CJ

M. [U] [V]

C/

Maître [Z][C] (Liquidation judiciaire de la

S.A.R.L. PEPE)

– Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

Sur appel du jugement du 04/06/2021 du Conseil de Prud’hommes de NANTES – RG 19/00212

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Gwenaela PARENT

-Me Christophe LHERMITTE

-Me Marie-Noëlle COLLEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Nadège BOSSARD, Présidente de la chambre,

Assesseur : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Septembre 2024

devant Mme Anne-Laure DELACOUR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [A] [I], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANT :

Monsieur [U] [V]

né le 12 Décembre 1973 à [Localité 8] (MAROC)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Gwenaela PARENT de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

La S.A.R.L. PEPE ayant eu son siège social [Adresse 3] – [Localité 5] aujourd’hui en liquidation judiciaire

Prise en la personne de son mandataire liquidateur :

La SCP de Mandataire Judiciaire [C] [Z] agissant par Maître [C] [Z] ès-qualités

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Véronique BAILLEUX, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

…/…

L’Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Avocat au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

La SAS PEPE avait une activité de restauration pizzeria qu’elle exerçait sous le nom commercial de CASA PEPE

Monsieur [U] [V] a été recruté par la SAS PEPE le 2 novembre 2017, selon contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de second de cuisine, niveau III, échelon 3 selon la Convention collective des hôtels, cafés et restaurants (HCR).

Le contrat de travail prévoyait une modulation du temps de travail sur la base de 1967 heures annuelles, soit une moyenne de 43 heures hebdomadaires.

Le 12 mai 2018, M. [V] a été victime d’un accident du travail (vive douleur au niveau du dos et du membre inférieur gauche alors qu’il soulevait des charges lourdes), puis placé en arrêt de travail.

Le 3 décembre 2018, après deux visites de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [V] inapte à son poste, précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans tout emploi au sein de l’entreprise.

Le 5 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nantes a placé la S.A.R.L. Pepe en redressement judiciaire.

Le 8 janvier 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 21 janvier 2019, il a été licencié pour inaptitude.

Le 20 février 2019, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Pepe.

Le 28 février 2019, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :

‘ Dire et juger que :

– M. [V] occupait un poste de chef de cuisine niveau IV, échelon 1 à compter du 1er février 2018,

– le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Fixer les créances suivantes au passif de la S.A.R.L. Pepe au bénéfice de M. [V] :

– 1 807,92 € bruts d’heures supplémentaires, outre 180,79 € bruts de conges payés afférents,

– 1 665,09 € nets de rappel de salaire (janvier 2019, après déduction du salaire perçu),

– 2 166,94 € nets d’indemnité de contrepartie obligatoire en repos,

– 5 000 € nets de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de repos,

– 24 743,10 € nets d’indemnité sur le fondement de l’article L.8223-1 du Code du travail,

– 4 000 € nets de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur quant à l’organisation d’une visite médicale,

– 18 000 € nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 5 794,14 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis

– 579,41 € bruts de congés payés afférents, et 149,02 € bruts, subsidiairement, de congés payés afférents

– 2 405,58 € nets d’indemnité de licenciement,

– 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– dépens,

‘ Remise des documents sociaux sous astreinte de 80 € par jour suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,

‘ Exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution,

‘ Fixer le salaire de référence à la somme de 4.123,85 €,

‘ Dire et juger opposable à l’AGS le jugement à intervenir.

La cour est saisie de l’appel régulièrement interjeté par M. [V] le 7 juillet 2021 contre le jugement du 4 juin 2021, par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Reçu l’AGS et le CGEA de [Localité 4] en leur intervention,

‘ Donné acte au CGEA de [Localité 4] de sa qualité de représentant de l’AGS dans l’instance,

‘ Fait droit à la demande de dommages et intérêts pour défaut d’organisation de visite médicale faite par M. [V] ;

‘ Fixé la créance de M. [V] à l’encontre du mandataire liquidateur de la S.A.R.L. Pepe et aux AGS CGEA de [Localité 4] aux sommes suivantes :

– 600 € nets au titre de dommages et intérêts pour défaut d’organisation de visite médicale,

– 1.100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonné1’exécution provisoire du présent jugement, à hauteur de 50 % des sommes allouées,

‘ Fixé le salaire de M. [V] à la somme mensuelle de 2 475 ,48 € bruts,

‘ Débouté M. [V] de toutes ses autres demandes,

‘ Débouté les organes de la procédure collective et les AGS de leurs demandes reconventionnelles,

‘ Déclaré le present jugement opposable à :

– Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. Pepe ;

– l’AGS et au CGEA de [Localité 4], son mandataire, dans la limite de sa garantie légale,

‘ Laisse les dépens à la charge des organes de la procédure collective, mais les dispense totalement du remboursement au Trésor Public des sommes avancées par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 avril 2022 suivant lesquelles M. [V] demande à la cour de :

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nantes le 4 juin 2021 en ce qu’il a :

– débouté M. [V] de ses demandes à l’exception des dommages et intérêts pour défaut d’organisation de visites médicales et de l’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

-fixé le montant des dommages et intérêts pour défaut d’organisation de la visite médicale à la somme de 600 € nets,

– fixé le salaire de référence à la somme de 2 475,48 €,

Statuant à nouveau,

‘ Dire et juger que :

– M. [V] a occupé un poste de chef de cuisine niveau IV, échelon 1 à compter du 1er février 2018,

– le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Fixer les créances suivantes au passif de la S.A.R.L. Pepe au bénéfice de M. [V] :

– 1 807,92 € bruts d’heures supplémentaires,et 180,79 € bruts de congés payés afférents,

– 2 166,94 € nets d’indemnité de contrepartie obligatoire en repos,

– 5 000 € nets de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de repos,

– 24 743,10 € nets d’indemnité sur le fondement de l’article L.8223-1 du Code du travail,

– 4 000 € nets de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur quant à l’organisation d’une visite médicale,

– 1 665,09 € nets de rappel de salaire (janvier 2019),

– 18 000 € nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 5 794,14 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis et 579,41 € bruts de congés payés afférents,

– 5 794,14 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 490,29,14 € bruts, subsidiairement, d’indemnité compensatrice de préavis et 149,02 € bruts, subsidiairement, de congés payés afférents

– 837,86 € nets de solde d’indemnité de licenciement,

– 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (appel),

– dépens,

‘ Ordonner la remise de documents sociaux (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi) par Me [Z] de la S.C.P. [Z] es qualité, sous astreinte de 80 € par jour suivant la notification de la décision à intervenir,

‘ Fixer le salaire de référence à la somme de 4.123,85 €,

‘ Dire et juger opposable à l’AGS le jugement à intervenir,

‘ Débouter Me [Z] de la S.C.P. [Z] es qualité et l’AGS CGEA de [Localité 4] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner Me [Z] de la S.C.P. [Z] es qualité aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 décembre 2021, suivant lesquelles Me [Z], liquidateur de la S.A.R.L. Pepe, demande à la cour de :

A titre principal,

‘ Déclarer irrecevables l’appel et les demandes subséquentes,

A titre subsidiaire,

‘ Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Nantes le 4 juin 2021 sauf en ce qu’il a condamné la S.C.P. [Z] à verser à M. [V] la somme de 1 100 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

En tout état de cause,

‘ Condamner M. [V] à verser à la S.C.P. [Z] ès qualité la somme de 4.000 € au titre de l’article 700,

‘ Condamner le même aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, suivant lesquelles l’association UNEDIC – délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

‘ Déclarer irrecevable l’appel de M. [V] à l’encontre du mandataire liquidateur et de l’AGS,

En tout état de cause,

‘ Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes,

‘ Débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

‘ Débouter M. [V] de toute demande excessive et injustifiée,

En tout état de cause,

‘ Fixer le salaire de référence de M. [V] à la somme brute de 2 475,48 €,

‘ Débouter M. [V] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

‘ Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du Code du travail,

‘ Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

‘ Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du Code du travail,

‘ Dépens comme de droit

Par ordonnance rendue le 23 septembre 2022, le conseiller de la mise en état, saisi d’une demande tendant à voir déclarer irrecevable sur le fondement de l’article 32 du code de procédure civile l’appel interjeté par Monsieur [V], a débouté Me [C] [Z] es qualité de cette demande, et a déclaré recevable l’appel interjeté par M. [V].

Les parties n’ont pas reconclu au fond et l’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2024.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– sur la demande tendant à voir déclarer l’appel irrecevable

Même si cette demande est reprise au sein des conclusions de Me [C] [Z] et de l’Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 4], il convient de rappeler que par ordonnance d’incident du 23 septembre 2022, qui n’a pas donné lieu à déféré, l’appel a été déclaré recevable.

‘ sur la demande de reclassification en chef de cuisine :

La qualification d’un salarié se détermine relativement aux fonctions réellement exercées par celui-ci qu’il appartient aux juges du fond de rechercher au regard de la grille de classification fixée par la convention collective.

L’appréciation de la réalité des fonctions exercées ressort du pouvoir souverain des juges du fond.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification.

En l’espèce, Monsieur [V] a été engagé par la SAS PEPE à compter du 2 novembre 2017 aux fonctions de ‘second de cuisine’ avec la classification conventionnelle suivante : employé qualifié – niveau III – échelon 3, comme cela résulte également des bulletins de salaire versés aux débats.

Monsieur [V] revendique la qualification de chef cuisinier, relevant du niveau IV échelon 1 de la convention collective, en indiquant avoir de fait exercé les fonctions du précédent chef de cuisine à compter du départ de celui-ci le 1er février 2018.

Selon lui il gérait l’organisation du travail des autres salariés, participait à la gestion des marchandises, et contrôlait la mise en place du restaurant, ajoutant avoir également refait la carte du restaurant, et il travaillait en autonomie.

Le liquidateur et les AGS rétorquent qu’outre l’absence de preuve apportée par le salarié des fonctions réellement exercées comme ‘chef de cuisine’, il y avait au moins 6 salariés à ses côtés suite au départ du chef, et qu’il n’avait pas à tout gérer comme un chef de cuisine.

Antérieurement à l’avenant n°30 du 31 mai 2022, la convention collective nationale des hôtels-cafés- restaurants définissait comme suit les échelons concernant le présent litige :

– un emploi de niveau IV est défini comme ‘exigeant normalement un niveau de formation équivalent au BTS ou au bac. Ce niveau de connaissance peut être acquis soit par voie scolaire, soit par une formation professionnelle interne équivalente, soit une expérience professionnelle confirmée et réussie’.

Le contenu de l’activité est ainsi décrit : ‘Travaux d’exploitation complexe faisant appel au choix des modes d’exécution, à la succession des opérations, et nécessitant des connaissances professionnelles développées ou étendues en raison du nombre et de la complexité des produits et/ou des services vendus et/ou des moyens et méthodes employés’.

Le degré d’autonomie requis est ainsi défini : ‘Instructions à caractère général portant sur le domaine d’activité. Un pouvoir de décision défini, mais concernant des modes d’exécution, les moyens et les méthodes, l’organisation du travail, la succession et le programme des activités, y compris pour des collaborateurs. Situations de travail qui font souvent appel à l’initiative’.

Sur le plan de la responsabilité, il est également spécifié : ‘responsabilité de l’organisation du travail de ses collaborateurs, responsabilité étendue à une participation à la gestion du matériel, des matières et du personnel’.

Un emploi de niveau IV échelon 1 requiert en termes de compétences acquises ‘des connaissances définies et vérifiées en matière d’hygiène, de sécurité et de législation sociale’.

Monsieur [V] revendique cette classification de chef cuisinier à compter du 1er février 2018, date à laquelle selon lui le précédent chef cuisinier a démissionné et quitté le restaurant.

Il ne communique aucun élément en lien avec son niveau de formation.

Le SMS adressé par son employeur le 30 janvier 2018 indiquant ‘[B] a donné sa démission ce soir effective ce soir. Il ne sera pas présent demain. Puis-je compter sur toi demain matin » n’établit aucunement que Monsieur [V] ait remplacé durablement ce salarié afin d’exercer les fonctions ou d’exécuter les tâches d’un chef de cuisine.

Si M. [V] produit l’attestation de son collègue Monsieur [H] [L] [W] lequel témoigne que M. [V] a exercé les fonctions de chef lorsque l’effectif a été réduit à deux personnes, sans en préciser la période ni la durée, cette attestation n’apporte toutefois pas d’éléments utiles et pertinents dès lors qu’elle fait état du nombre important d’heures de travail réalisées mais non de la réalité des tâches effectuées par Monsieur [V].

De même, l’attestation de Monsieur [R] [P], qui ne répond pas davantage aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, se bornant à indiquer en termes généraux que ‘Monsieur [V] était le chef du restaurant Casa Pepe pour la période du 01/02/2018 au jour de mon départ’, sans préciser la nature réelle des tâches exécutées par ce dernier, ne permet donc pas d’établir les fonctions exercées par l’intéressé.

Monsieur [V] se fonde par ailleurs sur l’attestation et le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement rédigé par Monsieur [E] [D] (conseiller du salarié) indiquant que ‘l’employeur reconnait que M. [V] s’est retrouvé seul en cuisine à produire tous les couverts servis en salle’; qu’en outre l’employeur n’a pas nié le fait que Monsieur [V] rappelle avoir refait la carte du restaurant, participant à renforcer la fréquentation de celui-ci et le nombre de couverts servis. Toutefois, de tels éléments, relatifs à l’attitude ou aux dires de l’employeur lors de l’entretien préalable au licenciement tels que relatés par un tiers, qui ne sont confortés par aucun autre élément objectif et qui ne relatent pas davantage la nature exacte des tâches dévolues à Monsieur [V], ne peuvent donc permettre de considérer qu’il ait exercé de facto les fonctions de chef de cuisine.

Ainsi, à l’examen des pièces versées aux débats, la cour considère que Monsieur [V] n’établit pas avoir accompli les tâches qu’il allègue telles que l’organisation du travail des autres salariés, ou la participation à la gestion des marchandises ou encore le contrôle de la mise en place du restaurant.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de reclassification formée par Monsieur [V] aux fonctions de chef de cuisine.

– sur les heures supplémentaires :

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Ainsi, la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, le contrat de travail régularisé entre les parties prévoit une ‘modulation’ de l’horaire de travail de Monsieur [V], susceptible de varier d’une semaine sur l’autre, sur la base de 1967 heures par an (soit un horaire moyen de 43H par semaine) calculé sur la période du 1er septembre au 31 août de l’année suivante. Il est ainsi mentionné que ‘les heures effectuées au delà de l’horaire moyen ne donnent lieu ni à majoration pour heures supplémentaires, ni à repos compensateur lorsqu’elles sont strictement compensées à l’intérieur de la période de référence’.

Monsieur [V] considère avoir réalisé des horaires de travail de plus de 60 heures par semaine entre les mois de février et mai 2018 (date de son accident du travail), soit 265,25 heures supplémentaires, dont certaines ont été rémunérées en mai et juin 2018.

Il sollicite en conséquence le paiement de 93 heures supplémentaires, qu’il indique ne pas avoir été rémunérées par l’employeur, soit 1807,92 €

Monsieur [V] produit au soutien de sa demande :

– des feuilles d’heures établies par semaine à compter de janvier 2018, faisant état d’un dépassement régulier des 43 heures par semaine, ayant même parfois travaillé plus de 11H par jour. Ces feuilles ne comportent toutefois que la signature du salarié. (Pièces n°4 et n°16 )

– l’attestation de Monsieur Monsieur [H] [L] [W] mentionnant que Monsieur [V] ‘fait des heures parfois 13 heures par jour et des semaines sans repos’ ‘il reste pour la mise en place (…) Le service du midi il fait préparer la mise en place pour le soir, surtout que le restaurant est ouvert tous les jours’ (…) ‘Y a des jours on finit à 1H du matin’ ‘avant on tournait à 6 salariés plus le plongeur et on est resté à deux le chef et moi et le plongeur qui vient le week-end’.

Les éléments apportés par le salarié étant suffisamment précis pour permettre un débat contradictoire, il appartient au mandataire liquidateur et à l’AGS de répondre en produisant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il résulte des bulletins de salaire versés aux débats que certaines heures supplémentaires ont été payées en mai et juin 2018. En effet 100,25 heures ont été payées à 150% en mai et 72 heures en juin.

Toutefois, hormis le paiement de ces heures supplémentaires, le liquidateur et les AGS ne produisent aucun élément justificatif des heures de travail effectivement accomplies par M.[V], tandis que ce dernier fait état d’horaires excédant régulièrement la durée contractuelle du travail y compris avec modulation de celle ci.

Les intimés se limitent à contester le caractère probant des décomptes faisant ainsi porter la charge de la preuve sur le salarié alors qu’en matière d’heures supplémentaires la charge est partagée et que celui-ci a apporté, comme cela est requis de sa part, des éléments suffisamment précis.

L’argument soulevé quant à l’absence de réclamation du salarié pendant le temps d’exécution du contrat de travail est inopérant pour déchoir l’intéressé de son droit à solliciter les rappels de salaires qui peuvent lui être dus dans les limites de la prescription triennale des salaires, alors même qu’il résulte du compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement du 17 janvier 2019 rédigé par Monsieur [E] [D] que ‘Sur la question de M. [V] l’employeur reconnaît devoir le paiement de 93 heures supplémentaires et indique qu’elles seront réglées’.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [V] a bien effectué les heures supplémentaires dont il sollicite le paiement à hauteur de 93 heures, soit, selon le calcul effectué sur la base d’un taux horaire de 12,93 euros et une majoration à 150%, la somme de 1 807,92 euros bruts outre 180,79 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société PEPE.

‘ Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

Selon l’article L3121-30 du code du travail, les heures effectuées au delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale.

Selon l’article L3121-33 du même code : ‘I.-Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :

1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ;

2° Définit le contingent annuel prévu à l’article L. 3121-30 ;

3° Fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévue au même article L. 3121-30. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Les heures supplémentaires sont accomplies, dans la limite du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après information du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.

Les heures supplémentaires sont accomplies, au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.

II.-Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut également :

1° Prévoir qu’une contrepartie sous forme de repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent ;

2° Prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent.

III.-Une convention ou un accord d’entreprise peut adapter les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement.’

Enfin, en vertu de l’article L3121-38 du code du travail, à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

L’article D3121-14-1 devenu l’article D3121-24 fixe le contingent annuel à 220 heures.

Le salarié, qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés afférents

En l’espèce, Monsieur [V] indique avoir largement dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisées lequel s’établit, selon lui, à 130 heures en considération de l’accord de modulation de forte amplitude.

Toutefois, l’article 21-5 du titre 6 de la convention collective fixe à 360 heures par an le contingent d’heures supplémentaires applicable pour les établissements permanents.

Selon les bulletins de salaire de mai et juin 2018, Monsieur [V] a réalisé 172,25 heures supplémentaires. La cour a en outre reconnu qu’il avait réalisé 93 heures supplémentaires non payées, portant ainsi à 265,25 heures supplémentaires réalisées au delà de la durée contractuelle de 43 heures par semaine pour la période de février à mai 2018, correspondant à la période pour laquelle Monsieur [V] a sollicité un rappel de salaire.

En conséquence, la cour relève que Monsieur [V] n’établit pas avoir effectué des heures supplémentaires au delà du contingent annuel .

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [V] de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de repos :

Les dispositions relatives aux durées maximales de travail participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail quotidienne ouvre droit à réparation. (Soc, 11 mai 2023, n°21.22281)

En l’occurrence, le salarié se réfère aux dispositions conventionnelles applicables en ce qui concerne la durée et l’aménagement du temps de travail au sein des hôtels, cafés et restaurants.

Selon l’article 4 de l’avenant n°19 du 29 septembre 2014 relatif à l’aménagement du temps de travail, auquel se réfère le contrat de travail et applicable à la situation de monsieur [V] eu égard à la modulation annuelle de son temps de travail, la durée journalière maximale de travail d’un cuisinier est de 11 heures par jour, et la durée maximale hebdomadaire est de 46 heures en moyenne sur 12 semaines et 48 heures de manière absolue, sauf dérogation spéciale dans les conditions prévues au code du travail (articles L3121-36 et R 3121-23 et suivants du code du travail).

En l’espèce, Monsieur [V] soutient qu’il a travaillé jusqu’à 13 heures par jour 6 jours sur 7, dépassant 48 heures par semaine, et qu’il n’a donc pas bénéficié des repos hebdomadaires et journaliers, ajoutant que les conditions de travail étaient difficiles, ayant finalement été victime d’un accident du travail. Il sollicite l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 5 000 euros.

Il résulte des fiches horaires versées aux débats que Monsieur [V] a régulièrement dépassé la durée maximale de 48 heures de travail par semaine, ayant également dépassé la durée maximale de 11 heures par jour. (Notamment le dimanche 28 janvier 2018, le samedi 3 février 2018, ou encore dans la semaine du 19 au 25 février 2018, ou la semaine du 5 au 11 mars 2018 ayant même mentionné 15H de travail quotidien le vendredi 30 mars).

En conséquence, Monsieur [V] est en effet bien fondé à solliciter l’indemnisation du préjudice subi pour non-respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de repos.
La relation de travail ayant toutefois duré 6 mois avant que Monsieur [V] ne soit placé en arrêt de travail, il lui sera accordé la somme de 1 200 euros à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société PEPE.

– sur la demande au titre du travail dissimulé :

En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, l’employeur ayant réglé une partie des heures supplémentaires en mai et juin 2018, il n’est donc pas établi qu’il ait intentionnellement cherché à dissimuler le nombre d’heures supplémentaires réellement effectuées par le salarié. Le fait qu’il ait reconnu, lors de l’entretien préalable au licenciement du 17 janvier 2019, devoir encore régler une partie de heures supplémentaires réalisées par l’intéressé lors de la relation de travail, dans une proportion moindre que celles qu’il avait précédemment mentionnées aux bulletins de salaire de mai et juin 2018, ne permet pas davantage d’établir l’intention de dissimuler la réalité des heures réalisées par Monsieur [V].

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [V] de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

‘ sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur quant à l’organisation d’une visite médicale :

Monsieur [V] fait valoir, au visa des articles L4624-1 et R46-24-20 du code du travail qu’il n’a bénéficié d’aucune visite médicale, que ce soit à son embauche, ou après, alors qu’il est travailleur handicapé. Il considère donc que ses conditions de travail n’ont pas été adaptées à sa situation, ayant conduit à son accident. Il conclut à la réformation du jugement sur le quantum des dommages et intérêts et sollicite à ce titre la somme de 4 000 euros.

Le liquidateur et les AGS reconnaissent l’existence d’un manquement de l’employeur à ce titre, en contestant toutefois le montant de l’indemnisation sollicitée.

Il n’est pas contesté que Monsieur [V] bénéficiait d’une reconnaissance du statut de travailleur handicapé selon décision de la MDPH du 8 novembre 2016, soit avant son embauche par la société PEPE. Faute de bénéficier de la visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche, il n’a donc pas pas été en mesure de déclarer son statut de travailleur handicapé et de bénéficier d’un ‘suivi individuel adapté à son état de santé’ comme le prévoit l’article L4624-1 du code du travail.

Alors qu’un tel suivi médical aurait pu permettre d’alerter l’employeur sur les risques particuliers en lien avec l’état de santé de Monsieur [V], le préjudice résultant de cette omission, distinct de celui résultant de l’accident du travail, justifie d’octroyer à Monsieur [V] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera donc infirmé du chef du quantum alloué et la créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société PEPE.

– sur la demande de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019

Monsieur [V] réclame le paiement du reliquat du salaire afférent au mois de janvier 2019 (du 1er au 21 janvier), faisant suite à l’avis d’inaptitude du médecin du travail du 3 décembre 2018, sachant qu’il a été licencié pour inaptitude le 21 janvier 2019. Il sollicite le paiement à ce titre de la somme de 1665,09 euros après déduction du salaire versé par le mandataire liquidateur à hauteur de 1221,60 euros.

Le liquidateur et les AGS indiquent que le relevé de créances salariales a été établi à ce titre et que Monsieur [V] a été rempli de ses droits.

Il résulte du courrier adressé par la SCP [Z] à Monsieur [V] le 28 février 2019 et du chèque correspondant, ainsi que du relevé des créances communiqué, qu’il a été réglé à Monsieur [V] la somme de 1 221,60 euros bruts au titre du salaire de base du 1er au 21 janvier 2019.

Toutefois, le salaire de base de Monsieur [V] s’élevant à 2 476,48 euros au regard des dispositions de son contrat de travail et des bulletins de salaire versés aux débats, ce dernier était donc en droit de percevoir la somme de 1 733,53 euros au titre du salaire brut pour la période du 1er au 21 janvier 2019.

Après déduction de la somme de 1 221,60 euros versée par le liquidateur, la créance de Monsieur [V] sera ainsi fixée à la somme de 511,93 euros au passif de la procédure collective de la société PEPE, par infirmation du jugement entrepris.

‘ sur le licenciement pour inaptitude

Selon l’article L.4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige :

‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’employeur est tenu d’une obligation de protéger la santé physique et mentale des salariés, et d’une obligation de prévention des risques professionnels.

Il doit également s’abstenir de tout comportement dont il ne peut ignorer qu’il engendre des dangers notamment en terme de risques psychologiques.

Il est interdit à l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés

En cas de litige, il appartient à l’employeur, tenu d’assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu’il a pris les mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation.

Si l’inaptitude du salarié a été directement causée par le comportement fautif de l’employeur, le licenciement en résultant est sans cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge de rechercher lorsqu’il y est invité, si l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité, et, dans une telle hypothèse, de caractériser le lien entre la maladie du salarié et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

En l’espèce, Monsieur [V] considère que son accident du travail est consécutif à plusieurs manquements de l’employeur à ses obligations, lesquels sont à l’origine de la dégradation de son état de santé.

Il reproche à son employeur, alors même qu’il bénéficiait de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé :

– une charge de travail trop importante impliquant la réalisation de très nombreuses heures supplémentaires et le non-respect des temps de repos,

– un non-respect de l’obligation de sécurité,

– une absence de fourniture de moyens humains, notamment quant au nombre de salariés,

– une mauvaise organisation du travail avec le port quotidien de charges lourdes.

Il a en effet été constaté par la cour qu’à compter du mois de février 2018, Monsieur [V] avait réalisé d’importantes heures supplémentaires au delà de la durée contractuelle moyenne de 48 heures par semaine. Il a en outre à plusieurs reprises travaillé au delà de la durée maximum conventionnelle de travail journalière et hebdomadaire.

Monsieur [V], qui n’a pas bénéficié de visite médicale d’embauche ni de suivi, justifie en outre des conditions de travail difficiles, comme cela résulte de l’attestation de monsieur [H] [L] [W] qui atteste que ‘les conditions de travail étaient dures’ (…) Y a des jours on finit à une heure du matin et le patron n’embauche pas. Avant on tournait à 6 salariés plus le plongeur et on est resté à deux le chef et moi et le plongeur qui vient le week-end’.

Il n’est pas contesté que monsieur [V] a subi un accident du travail le 11 mai 2018, après avoir soulevé des marchandises lourdes entraînant une vive douleur lombaire avec irradiation dans le membre inférieur gauche et cervicale.

Monsieur [V] verse également aux débats :

– le certificat médical relatif à l’accident du travail survenu le 12 mai 2018, pour cause de ‘lombalgies persistantes (suite au port de charges lourdes)’ mentionnant la consolidation avec séquelles à la date d’établissement du certificat soit le 26 octobre 2018.

– le compte-rendu de consultation de pathologie professionnelle et environnementale du 26 novembre 2018 dont il résulte qu’il rencontre encore des séquelles des suites de cet accident du travail et que des démarches sont réalisées en lien avec le médecin du travail pour une inaptitude.

– l’avis d’inaptitude sans reclassement envisageable établi le 3 décembre 2018 par le médecin du travail.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’en laissant perdurer une situation de travail dégradée faute de personnel suffisant, entraînant la réalisation d’heures supplémentaires, comme étant à l’origine d’une fatigue importante, et en n’organisant pas les visites médicales obligatoires avec la médecine du travail, l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires qui lui incombent afin de préserver la santé mentale et physique du salarié, sachant que le risque s’est réalisé par la survenue de l’accident du travail en lien avec le port de charges lourdes.

L’employeur, qui n’a pas anticipé ce risque et qui a au contraire créé les conditions de sa réalisation, a ainsi manqué à son obligation de sécurité.

En outre, l’inaptitude constatée par le médecin du travail étant consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, il y a lieu de dire que le licenciement prononcé le 21 janvier 2019 à l’encontre de M. [V], est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

– en ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L’article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié.

En l’espèce, dès lors que la société PEPE emploie habituellement moins de 11 salariés et que Monsieur [V], présentait 14 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise, il peut donc prétendre à une indemnité dont le montant s’élève entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut.

Monsieur [V] sollicite de voir écarter le barême en considération du préjudice causé par la rupture des relations contractuelles. Il sollicite ainsi l’octroi de la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts afin de réparer le préjudice causé par la perte d’emploi et le préjudice professionnel ainsi que par son préjudice moral dès lors qu’il n’a pas été en mesure de retrouver d’emploi pendant plusieurs mois du fait de ses conditions de travail dégradées.

Toutefois, l’article L1235-3 du code du travail prévoit que l’indemnisation d’un salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et dont l’ancienneté est inférieure à deux ans ans soit réparé par une indemnité comprise entre 0, 5 et 2 mois de salaire (s’agissant d’une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés). Cet écart, même faible, permet une appréciation différenciée des situations au regard de chaque situation individuelle et plus spécifiquement celle de Monsieur [V].

En outre, le plafonnement de l’indemnité vise un but légitime de prévisibilité de l’indemnisation et de son impact économique pour l’employeur tout en assurant une indemnisation proportionnée et met en oeuvre pour l’atteindre des moyens nécessaires et appropriés consistant en un barème.

Il n’appartient donc pas au juge du fond d’écarter les dispositions légales applicables, mais il lui incombe seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail.

En outre, un salarié ne peut pas former devant la juridiction prud’homale une demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice causé par le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité pour obtenir, en réalité, l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, laquelle relève de la compétence exclusive des juridictions du pôle social du tribunal judiciaire.

En considération de ces éléments, du salaire mensuel brut de référence incluant les heures supplémentaires réalisées par Monsieur [V] s’élevant ainsi à 3 334,74 euros, et de la situation personnelle de l’intéressé, âgé de 45 ans lors de la rupture, bénéficiant d’une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, mais ne justifiant pas de sa situation personnelle et professionnelle suite à son licenciement, il convient donc de lui octroyer la somme de 4 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Monsieur [V] indique qu’en application de l’article L5213-9 du code du travail, il devait bénéficier d’un préavis de deux mois et non d’un mois en considération de son statut de travailleur handicapé.

Toutefois, s’agissant d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, comme expressément mentionné sur le courrier de licenciement du 21 janvier 2019, Monsieur [V] était donc en droit, en application des dispositions de l’article L1226-14 du code du travail, de percevoir une indemnité compensatrice qui est égale à l’indemnité compensatrice de préavis de droit commun fixée à l’article L.1234-5 du code du travail.

Ainsi, c’est à bon droit que le liquidateur et les AGS indiquent que les dispositions de l’article L1226-14 du code du travail, dérogatoires et d’application stricte en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, excluent l’application des dispositions de l’article L5213-9 du code du travail tendant à voir doubler la durée du préavis en faveur des salariés handicapés, si bien que le salarié ne peut prétendre qu’à la seule indemnité compensatrice égale à l’indemnité compensatrice de préavis de droit commun, soit en l’occurrence un mois de préavis.

Subsidiairement, Monsieur [V] fait valoir que le montant de l’indemnité n’a pas inclu la totalité des heures de travail réalisées.

Dès lors qu’il réalisait de telles heures supplémentaires de manière habituelle, Monsieur [V] pouvait ainsi prétendre au cours du préavis à un salaire comprenant les dites heures supplémentaires.

Il résulte des pièces transmises que monsieur [V] a perçu la somme de 2 633,56 euros au titre de l’indemnité de préavis, alors qu’en incluant les heures supplémentaires réalisées il pouvait prétendre à un salaire mensuel de 3 334,74 euros, si bien qu’il reste dû la somme de 701,18 euros, étant rappelé que l’indemnité compensatrice n’ouvre pas droit à congés payés.

La créance en résultant sera ainsi fixée au passif de la procédure collective de la société PEPE.

– sur le reliquat d’indemnité de licenciement

En vertu de l’article L1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre également droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9.

Aux termes de l’article L 1234-9 du code du travail, le salarié licencié alors qu’il compte une ancienneté d’au moins huit mois au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave ou lourde, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié disposait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

L’article R1234-2 prévoit que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans.

Il résulte des pièces produites que Monsieur [V] a perçu la somme de 1 567,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement

En considération de l’ancienneté de Monsieur [V] lors du licenciement (14 mois), et de la moyenne des salaires des mois précédant son arrêt de travail pour maladie, prenant en compte les heures supplémentaires réalisées, Monsieur [V] était en droit de percevoir une indemnité de licenciement de 1 013,96 euros soit 2 027,92 euros au titre du doublement.

Il reste donc à percevoir la somme de 460,20 euros au titre de l’indemnité de licenciement, créance qui sera fixée au passif de la procédure collective

*

Sur la remise de documents sociaux :

En application de l’article R 1234-9 du Code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l’institution mentionnée à l’article L 5312-1.

L’article L 3243-2 du même code impose la remise au salarié d’un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l’employeur.

En conséquence de la présente décision, il appartiendra au liquidateur judiciaire de la SARL PEPE de remettre à Monsieur [V], dans les 45 jours suivant la notification du présent arrêt, un bulletin de salaire mentionnant les différentes sommes allouées ainsi qu’une attestation rectifiée destinée à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage.

Sur la garantie de l’AGS :

Le présent arrêt sera opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 4] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus à l’article D 3253-5 du même code, et sous réserve des avances déjà réalisées.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SCP [C] [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PEPE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

En raison des circonstances de l’espèce et alors que la SARL PEPE est en liquidation judiciaire, il n’est pas justifié de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [V] sera débouté de la demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [V] de sa demande de reclassification ainsi qu’en ce qui concerne la demande au titre du repos compensateur et l’indemnité pour travail dissimulé,

Infirme pour le surplus le jugement entrepris,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le licenciement de Monsieur [V] est sans cause réelle et sérieuse

Fixe comme suit la créance de Monsieur [V] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PEPE :

– 1 807,92 euros bruts au titre du rappel d’heures supplémentaires outre 180,79 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 1 200 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des règles relatives à la durée maximum du travail et au temps de repos

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi du fait de l’absence de toute visite médicale

– 511,93 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019

– 4 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 701,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice qui est égale à l’indemnité compensatrice de préavis de droit commun

– 460,20 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement

Dit que la SCP [C] [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PEPE devra remettre à Monsieur [U] [V], dans les 45 jours suivant la notification du présent arrêt, un bulletin de salaire mentionnant les différentes sommes allouées ainsi qu’une attestation rectifiée destinée à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage ;

Dit que le présent arrêt sera opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 4] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus à l’article D 3253-5 du même code ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCP [C] [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société PEPE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


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