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Les modalités de rémunération d’un commercial ne sont pas exclusives de la qualification d’agent commercial, qui peut, en l’absence de prévisions contraires des articles L. 134-5 et suivants du code de commerce, percevoir aussi bien une rémunération forfaitaire que variable.
Pour être qualifié d’agent commercial, il n’est pas nécessaire que le mandataire, dispose du pouvoir de modifier les prix des produits ou des services, non plus que les conditions des contrats conclus par le mandant, de sorte que les moyens afférents aux pouvoirs du commercial, avérés ou non, de conclure les contrats et/ou de les négocier sont inopérants. L’article L. 134-3 du même code prévoit, par ailleurs, que si l’agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants, il ne peut, toutefois, accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier. Le statut d’agent commercial a un caractère d’ordre public, de sorte qu’en cas de contestation, le juge ne doit pas tenir compte de la qualification donnée par les parties à leur relation, mais rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d’exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial (Com., 10 déc. 2003, n° 01-11.923, Bull. IV, n 198 ; Com., 21 juin 2016, n 14-26.938 ; Com., 27 septembre 2017, n° 16-11.507, 16-10.873). Aux termes de l’article L. 134-1, alinéa 1er, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021, applicable au jour de la conclusion des contrats litigieux, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ; il peut être une personne physique ou une personne morale. La qualité de mandataire indépendant de l’agent commercial s’entend tout à la fois de ce qu’il exerce son activité à ses risques et se trouve libre et autonome s’agissant de son organisation de travail. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre la société Scalefast et les sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC. Les sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC ont agi en justice pour obtenir le paiement de commissions et indemnités suite à la résiliation de contrats avec Scalefast. Après plusieurs étapes de procédure, le tribunal de commerce de Paris a qualifié la relation contractuelle de contrat d’agent commercial et a condamné Scalefast à verser des sommes importantes aux sociétés demanderesses. Les parties ont interjeté appel et le litige est toujours en cours.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 28 JUIN 2024
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :22/03183 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHTX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2018007998
APPELANTE
S.A.S. SCALEFAST
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au registre de commerce de Lyon sous le numéro 491 158 762
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jeanne BAECHLIN, de la SCP BAECHLIN, avocate au barreau de Paris, toque : L34
assistée de Me Martin DONATO, avocat au barreau de Paris
INTIMEES
Société KL CALIFORNIA LLC
société de droit américain, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
immatriculée sous le numéro 58888382
[Adresse 2]
[Localité 3] ETATS-UNIS
Société KL [Localité 5] LIMITED
Société de droit anglais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
immatriculée sous le numéro 08744948
C/O [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 7] ROYAUME-UNI
représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477
assistées de Me Olivier GUIDOUX, avocat au barrau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Caroline Guillemain, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis Ardisson, Président de chambre
Mme Marie-Sophie L’Eleu de La Simone, conseillère
Madame Caroline Guillemain, conseillère
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Damien Govindaretty
Greffière stagiaire : Mme [K] [N]
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le président empêché, et par Damien Govindaretty, greffier, présent lors de la mise à disposition.
La SAS Scalefast, fondée initialement sous le nom de Pepita UC Techology, fournit aux entreprises des services de distribution de leurs produits aux consommateurs par internet. Elle organise la création et l’exploitation des boutiques en ligne de ses clients, en particulier dans le secteur de la distribution des jeux vidéo, sous la marque « Pepita », devenue « Scalefast ». Ses fondateurs et dirigeants, M. [S] et M. [O], résident depuis 2013 en Californie. Elle a pour associé unique la société Scalefast INC, immatriculée dans l’Etat du Delaware aux États-Unis d’Amérique.
M. [G] [X] a été recruté par la société Scalefast, en tant que salarié, le 9 octobre 2012, pour exercer les fonctions de cadre commercial.
A la suite d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail, il a créé, le 23 octobre 2013, la société KL [Localité 5] Limited, de droit anglais, qui a pour activité le conseil en solutions de développement e-commerce.
Le 25 novembre 2015, M. [G] [X] a créé la société de droit américain KL California LLC, dont l’objet est identique.
La société Scalefast a conclu un premier contrat intitulé « Independent Sales Representative Agreement (contrat de représentant commercial indépendant) », le 12 novembre 2013, avec la société KL [Localité 5] Limited, qui a pris fin le 1er décembre 2015, par accord amiable.
La société Scalefast a conclu un second contrat intitulé « E-Commerce Solutions Consultancy Agreement (contrat de conseil en solutions e-commerce)», le 1er décembre 2015, avec la société KL California LLC.
Par courriel du 29 mars 2016, la société Scalefast a reproché à la société KL California LLC un manquement à ses obligations contractuelles, et lui a imparti un délai de quinze jours, pour y remédier.
Le 30 mars 2016, la société Scalefast a envoyé un projet de protocole transactionnel afférent à la rupture du contrat à la société KL California LLC, laquelle a refusé d’accepter ses conditions, par courriel du 8 avril 2016, doublé d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du même jour.
Par courrier du 26 avril 2016, adressé par l’intermédiaire de leur conseil, les sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC, invoquant le bénéfice d’un contrat d’agence commerciale, ont mis en demeure la société Scalefast de payer diverses sommes et de communiquer les documents comptables nécessaires au calcul des commissions et indemnités dues au titre de la rupture abusive du contrat.
N’ayant pas obtenu satisfaction, par exploit d’huissier du 13 mai 2016, les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited ont fait assigner en référé la société Scalefast devant le président du tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamner au règlement de certaines sommes à titre provisionnel et à communiquer certains éléments comptables.
Par ordonnance du 12 juillet 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevable la demande de communication de pièces, et dit n’y avoir lieu à référé concernant la demande paiement à titre de provision.
Par exploit d’huissier du 25 mai 2016, la société Scalefast a fait assigner la société KL California LLC devant le tribunal de commerce de Paris, à l’effet de voir annuler le contrat du 1er décembre 2015, du fait de manoeuvres dolosives, et d’obtenir la restitution des sommes versées au titre du contrat.
La société KL [Localité 5] Limited est intervenue volontairement au litige.
Par jugement du 4 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a notamment :
– Débouté la société Scalefast de sa demande de nullité du contrat signé avec la société KL California LLC
– Constaté la résiliation par la société Scalefast, du contrat à compter du 29 mars 2016,
– Condamné la société Scalefast à payer à la société KL California LLC deux factures des mois de février et mars 2016, pour un total de 36.000 $ ou sa contre-valeur en euros,
– Condamné la société Scalefast à payer à la société KL California LLC six mois de préavis contractuel non respecté, soit 108 000 $, ou sa contre-valeur en euros,
– Débouté la société Scalefast de ses demandes portant sur le remboursement de deux mois de commissions forfaitaires versées,
– Débouté la société Scalefast de sa demande de remboursement de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de réalisation d’une marge nette,
– Débouté la société Scalefast de sa demande au titre de l’atteinte à la réputation et à l’image de la société,
– Ordonné à la société Scalefast de fournir aux sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited un certain nombre de pièces,
– Débouté les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited, de leurs demandes reconventionnelles de provision et de remboursement de frais,
– Débouté les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited de leur demande visant à leur donner acte de ce qu’elles réservaient leurs demandes définitives de paiement des commissions ainsi que de leurs demandes indemnitaires liées à la rupture des relations contractuelles, après avoir reçu communication des informations comptables et financières sollicitées.
Les parties ont chacune interjeté appel du jugement, par déclaration respective des 25 octobre et 7 novembre 2017.
Suivant exploit en date du 19 janvier 2018, les sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC ont assigné, à leur tour, la société Scalefast devant le tribunal de commerce de Paris, afin de voir qualifier la relation contractuelle de contrat d’agent commercial et d’obtenir sa condamnation à leur payer une indemnité de cessation de contrat d’un montant de 429.883,63 €.
Le 28 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure d’appel.
Puis, dans un arrêt, rendu le 28 mai 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé toutes les dispositions du jugement du 4 octobre 2017 à l’exception de l’injonction de communication de pièces comptables autres que celles relatives à la relation nouée avec la société Bandaï Namco USA.
Enfin, après reprise de l’instance, par jugement en date du 3 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
– Dit que la relation contractuelle entre la société Scalefast et les sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC devait être qualifiée de contrat d’agent commercial,
– Condamné la société Scalefast à verser solidairement aux sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC, en application de l’article L. 134-12 du code de commerce, une indemnité de cessation de contrat égale à deux années de commissions équivalant à une somme de 429.883,63 € avec intérêts aux taux légal à compter du 29 mars 2016,
– Condamné la société Scalefast à verser à la société KL [Localité 5] Limited la somme de 161.296 €, au titre des commissions dues postérieurement à la rupture du contrat, en application de l’article L. 134-7 du code de commerce, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016
– Condamné la société Scalefast à verser in solidum aux sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Condamné la société Scalefast aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 168,57 € dont 27,67 € de TVA.
La société Scalefast a formé appel du jugement, par déclaration du 7 février 2022.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 15 septembre 2023, elle demande à la Cour de :
« Déclarer recevable et fondé l’appel formé par la société SCALEFAST.
Y faisant droit
Infirmer le jugement du 3 février 2022 en ce qu’il :
– Dit que la relation contractuelle entre la société SCALEFAST et les sociétés KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC doit être qualifiée de contrat d’agent commercial,
– CONDAMNE la société SCALEFAST à verser solidairement aux sociétés KL CALIFORNIA LLC et KL [Localité 5] LIMITED, en application de l’article L.134-12 du Code de commerce, une indemnité de cessation de contrat égale à deux années de commissions équivalant à une somme de 429.883,63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016 ;
– CONDAMNE la société SCALEFAST à verser à la société KL [Localité 5] LIMITED la somme de 161.296 €, au titre de commissions dues postérieurement à la rupture du contrat, en application de l’article L.134-7 du Code de commerce, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016 ;
– CONDAMNE la société SCALEFAST à verser in solidum aux sociétés KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
– Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
– Ordonne l’exécution provisoire,
– Condamne la société SCALEFAST aux dépens (‘) ».
Et statuant à nouveau,
In limine litis,
Vu les articles 564 et suivants et 910-4 du Code de procédure civile,
DECLARER irrecevables les nouvelles demandes de KL CALIFORNIA LLC telles qu’elles sont formulées dans les conclusions du 9 mars 2023 :
« – CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 85.000 € à KL CALIFORNIA à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations au titre de l’article R.134-3 du Code de commerce ;
– CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 80.000 € à KL CALIFORNIA au titre du préjudice moral ;
– CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 20.000 € à KL CALIFORNIA au titre de la résistance abusive ; ».
A titre principal,
Vu les articles L 134-1 et suivants du Code de commerce,
Vu les pièces versées au débat,
JUGER que KL [Localité 5] LIMITED, liée à SCALEFAST par un contrat entré en vigueur le 12 novembre 2013 et résilié le 1er décembre 2015, n’est pas intervenue en tant qu’agent commercial ;
JUGER que KL CALIFORNIA LLC, liée à SCALEFAST par un contrat entré en vigueur le 1er décembre 2015 et résilié le 29 mars 2016, n’est pas intervenue en tant qu’agent commercial ;
DEBOUTER KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC de l’ensemble de leurs demandes ;
DECHARGER la Société SCALEFAST de toute condamnation ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible la Cour confirme le jugement en ce qu’il a dit que la relation contractuelle entre la société SCALEFAST et les sociétés KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC doit être qualifiée de contrat d’agent commercial ;
RAMENER la condamnation de SCALEFAST sur le fondement de l’article L.134-12 du Code de commerce à un montant forfaitaire tenant compte du versement antérieur d’une indemnité de rupture équivalente à six mois de rémunération (108.000 USD) et des circonstances de l’espèce ;
DEBOUTER KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC de leurs demandes de condamner SCALEFAST à leur payer la somme de 161.296 € à titre de commissions ;
Si par impossible la Cour déclare les nouvelles demandes de KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC recevables ;
DEBOUTER KL CALIFORNIA LLC de sa demande de condamner la société SCALEFAST à lui payer la somme de 85.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations au titre de l’article R.134-3 du Code de commerce ;
DEBOUTER KL CALIFORNIA LLC de sa demande de condamner la société SCALEFAST à lui payer la somme de 80.000 € au titre du préjudice moral ;
DEBOUTER KL CALIFORNIA LLC de sa demande de condamner la société SCALEFAST à lui payer la somme de 20.000 € au titre de la résistance abusive ;
En tout état de cause,
CONDAMNER KL [Localité 5] LIMITED et KL CALIFORNIA LLC à verser chacune à SCALEFAST la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés directement par la Me Jeanne BAECHLIN, avocat aux offres de droit, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. »
Dans leurs dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 15 janvier 2024, la société à responsabilité limitée de droit américain KL California LLC et la société à responsabilité limitée de droit anglais KL [Localité 5] Limited demandent à la Cour de :
« CONFIRMER le jugement du 3 février 2022 en toutes ses dispositions ;
DEBOUTER la société SCALEFAST de son appel ;
Y ajoutant :
CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 85.000 € à KL CALIFORNIA à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations au titre de l’article R.134-3 du Code de commerce ;
CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 80.000 € à KL CALIFORNIA au titre du préjudice moral ;
CONDAMNER la société SCALEFAST à payer la somme de 20.000 € à KL CALIFORNIA au titre de la résistance abusive ;
CONDAMNER la société SCALEFAST à verser in solidum aux sociétés KL [Localité 5] et KL CALIFORNIA la somme de 50.000 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société SCALEFAST aux entiers dépens. »
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2024.
Sur la recevabilité des demandes complémentaires des sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited
Enoncé des moyens
La société Scalefast soulève l’irrecevabilité des demandes complémentaires de la société KL California LLC, comme étant nouvelles en cause d’appel. Elle fait valoir que ces demandes portent sur la réparation de préjudices, qui n’étaient pas évoqués en première instance, alors les demandes initiales des sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited tendaient à obtenir le versement d’indemnités en vertu du contrat d’agent commercial.
LA société KL California LLC ne formule pas d’observation.
Réponse de la Cour
Selon l’article 564 du code de procédure civile, « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
L’article 565 du même code précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »
Enfin, selon l’article 566 dudit code, « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »
Dans le dernier état de leurs prétentions devant le tribunal, les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited sollicitaient la condamnation de la société Scalefast au paiement, d’une part, d’une indemnité de cessation de contrat égale à deux années de commissions, sur le fondement de l’article L. 134-12 du code de commerce, et, d’autre part, du montant des commissions dues postérieurement à la rupture du contrat, au titre de l’année 2016, en application de l’article L. 134-7 du même code.
Les demandes de dommages et intérêts complémentaires de la société KL California LLC, au nombre de trois, visent, quant à elles, à compenser la perte des commissions restant dues sur l’année 2017, ainsi que le préjudice moral né de l’impossibilité de calculer les commissions afférentes aux contrats conclus postérieurement à la rupture, et le préjudice résultant de la résistance abusive en lien avec le défaut de communication des informations nécessaires pour calculer le montant desdites commissions.
Il est constant que ces demandes complémentaires ne tendent pas aux mêmes fins que les prétentions qu’elles avaient élevées en première instance, distinctes et de nature différente, et qu’elles n’en constituent pas l’accessoire, la conséquence ou le complément.
Elles seront, par suite, déclarées irrecevables.
Sur les demandes des sociétés intimées en lien avec la qualification de contrat d’agent commercial
Enoncé des moyens
La société Scalefast, invoquant les dispositions de l’article L. 134-1 du code de commerce conteste le statut d’agent commercial revendiqué par les sociétés intimées, au motif que la condition d’indépendance requise n’est pas remplie. Elle rappelle que la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 28 mai 2020, a fait application des contrats de prestations de service sans les requalifier, en limitant l’injonction de communiquer à un seul client de la société KL [Localité 5] Limited, et n’a pas opéré de renvoi à une autre instance. Selon elle, le changement de statut de M. [X], lors de la création des sociétés KL [Localité 5] Limited KL California LLC était purement théorique, la manière de travailler de celui-ci étant demeurée inchangée. Elle explique que l’intéressé avait ainsi souhaité déménager à [Localité 5], puis aux Etats-Unis, pour des raisons de convenance personnelle. Elle ajoute que les stipulations contractuelles interdisaient aux sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited d’avoir d’autres clients, cependant que M. [X] était tenu de lui consacrer 100 % de son temps d’activité. Elle ajoute que celui-ci percevait une rémunération fixe et garantie quels que soient les résultats de son activité, avec une faible proportion de rémunération variable, qui n’ayant rien de temporaire, tenait compte, en réalité, des coûts de l’entreprise. Enfin, elle souligne que l’intéressé exerçait son activité sous sa tutelle, dès lors qu’il rendait compte de toutes ses démarches, qu’il agissait dans le cadre d’un travail d’équipe, que ses frais étaient intégralement remboursés, au vu de justificatifs et après autorisation préalable, et qu’il ne disposait d’aucune marge de manoeuvre dans le cadre de la conclusion des contrats, qu’il ne pouvait pas ni modifier ni négocier.
Les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited expliquent que la société Scalefast a souhaité confier à M. [X], qui était initialement salarié, une mission de prospection commerciale, sous un autre statut, et que celui-ci a créé des sociétés indépendantes pour les besoins d’une activité exercée à [Localité 5], puis aux Etats-Unis. Elles soutiennent, pour leur part, qu’elles exerçaient une mission d’agent commercial à titre indépendant. Elles invoquent, pour preuve, la rédaction identique des contrats litigieux qu’elles estiment dénuée d’ambiguïté, compte tenu de la mission de prospection et de négociation qui leur était dévolue. Elles soulignent qu’elles réalisaient ainsi un travail actif de négociation et de prospection commerciale, qui se déroulait en quatre étapes, portant sur l’identification des potentiels clients, le contact des prospects, la présentation des produits et services de la société Scalefast aux prospects et les négociations commerciales ; elles ajoutent que, dans les faits, cette mission de prospection et de négociation leur était exclusivement dévolue, indépendamment des interlocuteurs salariés de la société Scalefast et que M. [X] négociait librement les produits avec les clients, de façon parfaitement autonome. Elles répliquent que l’exclusivité de représentation, lorsqu’elle existe, n’est pas de nature à faire échec à la qualification d’agent commercial, non plus que le caractère fixe d’une partie de la rémunération ; enfin, elles prétendent qu’elles étaient parfaitement libres d’organiser leurs activités, en toute indépendance, en faisant valoir qu’il est légitime qu’un agent commercial rende compte régulièrement de ses actions à son mandant.
Réponse de la Cour
– Sur le risque de contrariété de décisions
A titre préalable, il sera rappelé que la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 28 mai 2020, a confirmé le jugement, en ce qu’il a rejeté la demande de la société Scalefast portant sur l’annulation du contrat, prononcé la résiliation du contrat conclu entre la société KL California LLC et la société Scalefast, aux torts exclusifs de cette dernière, et condamné, la société Scalefast à payer à la société KL California LLC la somme de 36.000 $ au titre des commissions fixes dues jusqu’à la fin du mois de mars 2016, ainsi que la somme de 108.000 $ au titre du non-respect du préavis contractuel, tout en infirmant le chef du jugement portant sur l’injonction de communication de pièces comptables autres que celles relatives à la relation nouée avec la société Bandaï Namco USA.
S’il incombe au demandeur, en application de l’article 1355 du code de procédure civile, de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.
Les sociétés KL California LLC et Scalefast fondent désormais leurs prétentions sur l’existence d’un contrat d’agent commercial, alors que cette qualification n’avait pas été revendiquée, lors de la première instance. La cour d’appel de Paris ne s’est donc pas prononcée sur la nature du contrat, dans l’arrêt rendu le 28 mai 2020, ce dont il résulte que la Cour saisie est en mesure de statuer, dans le cadre du présent litige, sans risque de contrariété avec la précédente décision, étant souligné qu’il n’est pas soutenu que les nouvelles prétentions des sociétés intimées seraient irrecevables, faute d’objet distinct.
– Sur la qualification de contrat d’agent commercial
Aux termes de l’article L. 134-1, alinéa 1er, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021, applicable au jour de la conclusion des contrats litigieux, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ; il peut être une personne physique ou une personne morale.
La qualité de mandataire indépendant de l’agent commercial s’entend tout à la fois de ce qu’il exerce son activité à ses risques et se trouve libre et autonome s’agissant de son organisation de travail.
Le statut d’agent commercial a un caractère d’ordre public, de sorte qu’en cas de contestation, le juge ne doit pas tenir compte de la qualification donnée par les parties à leur relation, mais rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d’exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial (Com., 10 déc. 2003, n° 01-11.923, Bull. IV, n 198 ; Com., 21 juin 2016, n 14-26.938 ; Com., 27 septembre 2017, n° 16-11.507, 16-10.873).
En l’occurrence, l’intitulé du contrat du 12 novembre 2013, « Independent Sales Representative Agreement (contrat de représentant commercial indépendant) », conclu avec la société KL [Localité 5] Limited, est insuffisant pour permettre de retenir la qualification de mandat d’agent commercial, cela d’autant plus que le contrat, signé ensuite avec la société KL California LLC, intitulé « E-Commerce Solutions Consultancy Agreement (contrat de conseil en solutions e-commerce)», le 1er décembre 2015, ne fait aucune référence à ce statut.
Il revient, dès lors, à la Cour d’apprécier quel était le véritable statut des sociétés intimées, eu égard aux stipulations contractuelles et aux modalités d’exécution de ces contrats.
A cet égard, il sera souligné que les circonstances exactes dans lesquelles ces contrats ont été signés demeurent incertaines, au vu des explications discordantes des parties, quant aux raisons ayant incité M. [X] à s’installer à [Localité 5], puis aux Etats-Unis d’Amérique, après qu’il avait été mis fin à son contrat de travail, mais que le renoncement de l’intéressé à son statut de salarié ne saurait impliquer, à lui seul, la transformation de la relation contractuelle sous la forme d’un contrat d’agent commercial, pas plus que les statuts des nouvelles sociétés créées, les stipulations figurant dans les contrats de 2013 et 2015 étant déterminantes de la qualification à retenir.
Le contrat intitulé « Independent Sales Representative Agrement », signé le 12 novembre 2013 stipule qu’il est conclu par les parties « pour établir une collaboration entre Pepita et le Partenaire (la société KL [Localité 5] Limited), où le Partenaire effectue des services pour Pepita ». Il comprend, ensuite, les deux paragraphes suivants :
« – Services et équité. Les parties souhaitent, en application des termes et conditions fixés dans ce Contrat, collaborer dans les activités commerciales de Pepita en utilisant les compétences et l’expertise du Partenaire en tant que Vice-Président des ventes (« version courte »), telles que, mais pas exclusivement, l’établissement de « pipeline de vente », les stratégies de coûts et la gestion des relations, et l’assistance dans la fourniture d’une stratégie globale et dans le conseil au regard des opérations et de la direction générale de l’entreprise.
Le Partenaire agira en tant que Vice-Président des ventes et prendra en charge ces fonctions au sein de Pepita, dirigé par le Président directeur général, le Président et la haute direction, lesquelles fonctions sont mentionnées à l’annexe A « Description du travail de Vice-Président des ventes » rattachée à ce Contrat. Pour le succès de ce partenariat et pour des bénéfices futurs, le Partenaire recevra ce qui suit :
– Les inventions du Partenaire. Pendant la durée de ce Contrat, le Partenaire garantit et accepte que tous les inventions, programmes, schémas, projets financiers ou commerciaux, business-plans, présentations, ou d’autres travaux réalisés par le Partenaire avec les installations, l’équipement, les fournitures, secrets commerciaux de Pepita, ou ce qui relève de l’actuel ou futur travail de recherche de Pepita, ou ce qui résulte des services du Partenaire pour Pepita (« Inventions »), appartiendront à Pepita. Le Partenaire attribue de telles Inventions à Pepita, et accepte que les Inventions, incluant tous les droits d’auteur, marques, brevets associés (le cas échéant), qu’ils soient ou non commercialisés, sous licence, développés ou monétisés par Pepita, ses filiales ou ses successeurs, appartiendront exclusivement à Pepita pour une durée perpétuelle. »
L’Annexe A du contrat, contenant « Description du travail de Vice-Président des ventes », stipule que «Le Vice-président des ventes est responsable du développement commercial des jeux, logiciels, marchandises, en Europe et aux USA », et que « Rapportant directement au PDG et au Directeur Général ([U] [O]), le Vice-Président fait partie du coeur de l’équipe de direction générale de Pepita ». Figurent ensuite les précisions suivantes :
« Principales responsabilités du Vice-Président des ventes :
Construire et gérer le développement commercial, pour tous les produits et services de Pepita dans le domaine des jeux, logiciels et marchandises, tels que, mais non exclusivement :
o prospection clients
o négociation clients
o Suivi des clients
o Suivi des paiements des clients (et toute relance)
o analyse continue de l’aptitude des produits de Pepita à satisfaire les besoins des clients
o animation clients pour les encourager à réaliser des projets avec les solutions de Pepita.
Responsabilités accessoires :
Aider à guider Pepita pour le planning commercial global, et pour son anticipation, conjointement avec l’équipe de direction générale ;
Gérer directement les responsables du développement commercial et les responsables des comptes clés pour le Partenaire et les relations clients : travailler de près par des rapports directs avec consistance, excellence, et innovation en pratique au travers de l’organisation du développement commercial ;
Créer des revenus de vente anticipés et des ventes et dépenses marketing incluant les frais de voyages, de partenariat et de participation des événements ;
Conjointement avec les responsables du développement commercial, représenter un secteur, associé et client, de manière continue et complète, et réaliser une analyse compétitive en usant toutes les sources de données disponibles. »
Le contrat prévoit, par ailleurs, une rémunération fixe mensuelle d’un montant de 14.277,42 € net, outre une commission variable pour chaque client apporté par le Partenaire, calculée sur la marge nette de Pepita, au-delà de 180.000 €.
Il stipule que Pepita s’engage à rembourser tous les frais supportés par le Partenaire, à condition d’avoir été préalablement validés.
Il comprend également une clause d’exclusivité imposée au Partenaire, qui s’interdit de travailler pour un concurrent, pendant toute la durée du contrat.
En dernier lieu, la convention précise que le Partenaire prend l’engagement que M. [X] consacrera 100 % de son temps à travailler sur la mission de Pepita et que, pour le cas où ce dernier quitterait le Partenaire, Pepita pourra résilier le contrat.
Le contrat signé, le 1er décembre 2015, avec la société KL California LLC, intitulé « E-Commerce Solutions Consultancy Agreement » (Contrat de conseil en solutions E-commerce), fait désormais référence à un « poste de prestataire e-commerce pour Pepita », et ne précise plus expressément, dans l’Annexe A, que celui-ci fait partie du coeur de l’équipe de direction générale de Pepita. Il porte la rémunération fixe mensuelle du Partenaire à 18.000 $ net par mois et fixe le calcul de la commission variable, dont il est susceptible de bénéficier, en fonction d’une marge nette de Pepita, générée au-delà de 216.000 $.
Toutefois, les termes utilisés, pour définir l’objet de ce nouveau contrat et décrire l’activité du consultant sont rigoureusement identiques à ceux du contrat du 12 novembre 2013, afférent au poste de Vice-Président des ventes, ce que les sociétés intimées reconnaissent dans leurs écritures. L’appelante justifie que ce changement de dénomination procédait, en réalité, de l’initiative de M. [X] qui, dans deux courriels des 31 juillet et 1er décembre 2015, lui avait fait part de ce qu’il estimait que le terme « Vice-Président », de même que les clauses afférentes à un engagement d’exclusivité et à la durée du temps de travail de M. [X], faisaient « trop employé », ce statut étant susceptible de l’empêcher d’obtenir un visa pour les Etats-Unis.
Par ailleurs, la clause d’exclusivité, de même que la référence au temps de travail de M. [X], bien qu’ayant été initialement supprimées, ont été rajoutées suivant avenant du 1er décembre 2015, daté du même jour que le contrat.
A l’exception du montant de la rémunération, les termes des deux contrats successifs sont donc identiques, cependant que le changement d’appellation du poste occupé, dans les faits, par M. [X], apparaît être seulement de pure forme.
Contrairement à ce que soutient la société Scalefast, les modalités de rémunération de M. [X] stipulées dans les contrats ne sont pas exclusives de la qualification d’agent commercial, qui peut, en l’absence de prévisions contraires des articles L. 134-5 et suivants du code de commerce, percevoir aussi bien une rémunération forfaitaire que variable. Le moyen selon lequel M. [X] aurait perçu une rémunération fixe, indépendante de ses performances, est ainsi inopérant, de même que la prise en charge de ses frais, prévue contractuellement, sur autorisation préalable.
L’article L. 134-3 du même code prévoit, par ailleurs, que si l’agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants, il ne peut, toutefois, accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier. La clause d’exclusivité stipulée dans les contrats litigieux, interdisant à M. [X] de travailler pour tout concurrent direct ou indirect de Pepita, n’est donc pas incompatible non plus avec la qualification de contrat d’agent commercial et n’induit pas en tant que telle, eu égard aux dispositions susvisées, l’existence d’un lien de subordination, à l’instar de la relation entre un employeur et un salarié.
La Cour rappellera également que, pour être qualifié d’agent commercial, il n’est pas nécessaire que le mandataire, dispose du pouvoir de modifier les prix des produits ou des services, non plus que les conditions des contrats conclus par le mandant, de sorte que les moyens afférents aux pouvoirs de M. [X], avérés ou non, de conclure les contrats et/ou de les négocier sont inopérants.
Il n’en demeure pas moins que la mission du Partenaire, telle qu’elle est décrite dans les deux contrats litigieux, correspond, non pas à un mandat d’agent commercial, mais bien à un poste de vice-président des ventes, tel que cette appellation avait été employée initialement dans le contrat du 12 novembre 2013. Comme il a été dit, le changement d’intitulé du poste, désignant le Partenaire comme un prestataire e-commerce, est intervenu, en 2015, sans modification de la mission.
Les attributions de M. [X] consistaient ainsi principalement à « Construire et gérer le développement commercial, pour tous les produits et services de Pepita », ce qui impliquait accessoirement sa participation à l’élaboration du planning commercial global et la gestion directe des responsables du développement commercial et des responsables des comptes clés.
Dans le cadre de sa mission de construction et de gestion du développement commercial, il était effectivement prévu, comme le font valoir les sociétés intimées, que M. [X] réalise un travail de négociation et de prospection commerciale. Les attributions de ce dernier se rapportaient également au suivi des clients, au suivi des paiements des clients, à l’analyse de l’aptitude des produits à satisfaire aux besoins de la clientèle et à l’animation des clients en vue d’encourager ceux-ci à réaliser des projets avec les solutions de Pepita.
Dans ce contexte, les contrats prévoyaient, en tout état de cause, l’obligation pour le vice-président d’établir des rapports à l’attention du PDG et du Directeur Général, destinés à leur rendre compte de son activité. Il n’est pas discuté, comme l’a relevé la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 28 mai 2020, que M. [X] remettait ainsi des rapports hebdomadaires à M. [S], résumant les faits marquants de la semaine écoulée et rappelant les produits d’intervention sur la semaine précédente, et que des conférences téléphoniques étaient organisées chaque semaine, autant d’éléments ayant permis, selon la Cour, d’estimer que société KL California LLC avait exécuté ses obligations contractuelles de bonne foi.
Force est ainsi de constater que les missions dévolues au Prestataire étaient, pour l’essentiel, similaires aux fonctions que M. [X] exerçait précédemment, dans le cadre de son contrat de travail. Celui-ci prévoyait, en effet, de la même façon, que le salarié avait la charge, en tant que Cadre Commercial, d’assurer notamment la prospection de nouveaux clients, la négociation avec les clients, le suivi des clients, le suivi du paiement des clients, l’analyse continue de l’adéquation des produits avec les clients, l’identification continue des améliorations produits, les discussions sur la stratégie commerciale, l’animation des clients pour les inciter à réaliser des projets de développement et l’encadrement de commerciaux. Ces fonctions comportaient également, de manière identique, une mission de création et de recherche impliquant une dévolution des droits de propriété intellectuelle à l’employeur. Enfin, il était notamment attribué à M. [X] une rémunération composée de parties à la fois fixe et variable, cependant que le salarié était soumis à une clause de non-concurrence.
En comparaison de l’ancien statut salarié de M. [X], les sociétés KL constituaient, certes, des structures indépendantes de la société Scalefast. Pour autant, dans le cadre des contrats conclus ultérieurement, en 2013 et 2015, M. [X], qui intervenait par leur intermédiaire, faisait également partie intégrante de l’équipe de Pepita, dont il gérait directement certains responsables. Et, compte tenu des attributions qui lui étaient dévolues, au titre de ces contrats, il est manifeste qu’il ne pouvait disposer d’aucune indépendance à l’égard de la société Scalefast, quand bien même il aurait bénéficié d’une certaine liberté d’organisation, que son ancien contrat de travail lui permettait, d’ailleurs, d’ores et déjà.
Dans un mail du 19 octobre 2015, M. [S] présente, il est vrai, M. [X] comme étant indépendant, mais il le désigne en même temps en tant que « VP Sales » de la société Scalefast.
Comme le souligne l’appelante, en signant ses courriels, M. [X] faisait lui-même mention de la qualité « VP Sales », à laquelle il ajoutait le lien du site internet et le logo de Pepita, ce qui induit, sinon l’idée d’appartenance à la société Scalefast, du moins une absence de parfaite autonomie à son égard. L’intéressé a, d’ailleurs, continué à utiliser la mention « VP Sales », après la signature du contrat de 2015, qui le désignait pourtant désormais comme consultant en solutions e-commerce. Dans un courriel daté du 20 janvier 2016, adressé à un client, M. [X] se présente également à celui-ci comme le directeur des ventes de Pepita.
Les sociétés intimées ne contestent pas que M. [X] accomplissait, dans les faits, ses missions, conformément aux stipulations contractuelles. La circonstance qu’il ait été le seul membre de l’équipe chargé de négocier les contrats est indifférente, dans la mesure où cette mission était rattachée à d’autres attributions et que la société Scalefast n’était pas contrainte d’avoir recours à un agent commercial.
Il résulte de ce qui précède que les sociétés intimées ne sont pas fondées à soutenir qu’elles étaient chargées, en tant que mandataires de la société Scalefast, de négocier des contrats pour son compte, faute de justifier qu’elles intervenaient à titre indépendant, dans le cadre d’un contrat d’agent commercial. Les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited ne pourront ainsi qu’être déboutées de l’ensemble des demandes qu’elles forment à ce titre.
Le jugement sera, par suite, infirmé en ce qu’il a condamné la société Scalefast à verser solidairement aux sociétés KL [Localité 5] Limited et KL California LLC, une indemnité de cessation de contrat égale à une somme de 429.883,63 € avec intérêts aux taux légal à compter du 29 mars 2016, et condamné la société Scalefast à verser à la société KL [Localité 5] Limited la somme de 161.296 €, au titre des commissions dues postérieurement à la rupture du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016.
Sur les autres demandes
Les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited succombant au recours, le jugement sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il y a lieu, par conséquent, de condamner sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de maître Jeanne Baechlin. Il apparaît également équitable de condamner les sociétés KL California LLC et KL [Localité 5] Limited à payer à la société Scalefast la somme de 6.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes complémentaires de la société de droit américain KL California LLC portant sur la condamnation de la SAS Scalefast à lui payer des dommages et intérêts,
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Y ajoutant,
REJETTE l’ensemble des demandes de la société de droit américain KL California LLC et de la société de droit anglais KL [Localité 5] Limited,
CONDAMNE la société de droit américain KL California LLC et la société de droit anglais KL [Localité 5] Limited aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de maître Jeanne Baechlin
CONDAMNE la société de droit américain KL California LLC et la société de droit anglais KL [Localité 5] Limited à payer à la SAS Scalefast la somme de 6.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE
POUR PRÉSIDENT EMPÊCHÉ