La qualification du temps d’attente d’un salarié en lien avec la directive européenne sur l’aménagement du temps de travail

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La qualification du temps d’attente d’un salarié en lien avec la directive européenne sur l’aménagement du temps de travail

Engagement et licenciement de M. [H]

M. [H] a été engagé en tant qu’ouvrier-nettoyeur par la société H. Reinier le 1er décembre 2013. Il a été licencié le 14 août 2017.

Procédure judiciaire

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 21 février 2018 pour demander le paiement de sommes liées à la rupture et à l’exécution de son contrat de travail.

Examen des moyens de cassation

Concernant les premier et troisième moyens, la cour a décidé qu’il n’était pas nécessaire de statuer par une décision spécialement motivée, ces moyens n’étant pas de nature à entraîner la cassation.

Demande de saisine préjudicielle

M. [H] a demandé à ce qu’une question préjudicielle soit transmise à la Cour de justice de l’Union européenne, portant sur la qualification de la période d’attente en tant que « temps de travail » selon la directive 2003/88/CE.

Réponses de la Cour de justice de l’Union européenne

La Cour a précédemment statué que le temps de garde des médecins en présence physique dans un établissement de santé doit être considéré comme du temps de travail. Elle a également précisé que les périodes d’inactivité dans le cadre d’un service de garde ne peuvent pas être qualifiées de temps de repos.

Interprétation de la notion de « temps de travail effectif »

La Cour a établi que le « temps de travail effectif » inclut toutes les périodes de garde où les contraintes imposées au travailleur affectent sa capacité à gérer librement son temps. Si les contraintes sont moins intenses, seul le temps de travail effectivement réalisé est considéré comme tel.

Conclusion sur la question préjudicielle

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne clarifie l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE, rendant inutile la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour la question préjudicielle soumise par le salarié.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-17.679
SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 novembre 2024

Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1109 F-D

Pourvoi n° S 23-17.679

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024

M. [G] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-17.679 contre l’arrêt rendu le 7 avril 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l’opposant à la société H. Reinier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], de la SARL Boré, Salve, de Bruneton et Mégret, avocat de la société H. Reinier, après débats en l’audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2023), M. [H] a été engagé en qualité d‘ouvrier-nettoyeur, le 1er décembre 2013, par la société H. Reinier.

2. Le salarié a été licencié le 14 août 2017.

3. Il a saisi, le 21 février 2018, la juridiction prud’homale de demandes en paiement de sommes au titre de la rupture et de l’exécution de son contrat de travail.

Sur les premier et troisième moyens

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur la demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne

Enoncé de la question préjudicielle

5. Le salarié demande que la question préjudicielle suivante soit transmise à la Cour de justice de l’Union européenne :

« La période d’attente au cours de laquelle un travailleur exerçant sa prestation de travail dans un train en circulation doit rester physiquement présent dans le lieu de destination de ce train, en tenue de travail avec l’obligation de répondre aux appels téléphoniques de son employeur, afin de prendre le train de retour pour y exercer son second service doit-elle être qualifiée de « temps de travail » au sens de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ? »

Réponse de la Cour

6. D’abord, par arrêt du 3 octobre 2000, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit : « Le temps de garde qu’effectuent les médecins des équipes de premiers soins selon le régime de la présence physique dans l’établissement de santé, doit être considéré dans sa totalité comme du temps de travail et, le cas échéant, comme des heures supplémentaires au sens de la directive 93/104. S’agissant des gardes selon le système qui veut que lesdits médecins soient accessibles en permanence, seul le temps lié à la prestation effective de services de premiers soins doit être considéré comme du temps de travail » (CJUE 3 octobre 2000, Simap, C-303/98).

7. Ensuite, par arrêt du 9 septembre 2003, la Cour de Justice de l’Union européenne a dit pour droit :
« 1°) La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il convient de considérer un service de garde (« bereitschaftsdienst ») qu’un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l’hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l’intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes ou ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s’oppose à la réglementation d’un Etat membre qui qualifie de temps de repos les périodes d’inactivité du travailleur dans le cadre d’un tel service de garde.
2° ) La directive 93/104 doit également être interprétée en ce sens que dans des circonstances telles que celles au principal, elle s’oppose à la réglementation d’un Etat membre qui, s’agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l’hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle » (CJCE, 9 septembre 2003, Jaeger, C-151/02).

8. Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne juge que relève de la notion de « temps de travail effectif », au sens de la directive 2003/88, l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du « temps de travail », aux fins de l’application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, C-344/19, points 37 et 38).

9. Dès lors, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne laissant aucun doute quant à l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle proposée par le salarié.


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