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En l’absence d’investissements spécifiques dans sa conception ou d’originalité, un catalogue ne bénéficie pas de protection juridique, de surcroît lorsqu’un tableau Excel décrit comme un « catalogue», ne constitue qu’un document de travail habituel des vendeurs. L’action en captation parasitaire d’une gamme de produits et de l’usurpation du fichier ou des données de la gamme d’une société, a été rejetée.
La société BUTET reproche à la société MOOREA d’avoir capté sa gamme de produits «verdure», fruit d’un long travail, via l’usurpation de son catalogue, qui reprend la présentation de la même gamme de produits, avec les mêmes fautes d’orthographe, par MM. [D] et [B], catalogue qui a, en outre, été directement adressé à ses clients et critique le raisonnement du tribunal qui a, selon elle, méconnu les éléments de preuve ainsi que les aveux de la société MOOREA. Elle ajoute que cette captation a permis à la société MOOREA d’être très rapidement opérationnelle sur ce marché.
La juridiction a retenu que ce décrit la société BUTET comme étant le catalogue de ces produits est, en réalité, un document présenté sous la forme d’une liste de produits intitulée «Tarif du 23/02/2017 LÉGUMES» portant son nom, son logo et le nom de son responsable commercial, suivis de la liste des produits proposés à la vente («ail noir, betravine, cédrat, choux chinois, chou romanesco, citron caviar, concombre mini, courgette jaune, etc…»), et pour chaque produit son pays de provenance, les quantités vendues selon le conditionnement et leur prix.
Il est exact que le document, décrit comme «le catalogue» de la société MOOREA intitulé «Légumes», présente un aspect assez similaire en ce qu’il mentionne également son nom, son logo et le nom de son commercial, à savoir M. [D], et comporte, de la même manière, une liste de produits, avec leur pays d’origine, leur mode de conditionnement et leur prix.
Cependant, ces documents, tels que décrits, ne constituent que des listes de produits avec leur tarifs, très banales dans leur forme, et si, comme le dénonce la société BUTET, ils comportent de nombreux produits communs (192 produits identiques sur 233 proposés à la vente par la société BUTET), la cour approuve les premiers juges d’avoir justement relevé que s’agissant de légumes, produits disponibles sur le marché indifféremment pour tout acheteur et sans engagement de distribution exclusive, la constitution de cette gamme en partie identique s’analyse en un acte de concurrence commerciale normal, relevant de la liberté du commerce, sauf pour la cour à ajouter que la société BUTET ne peut revendiquer un monopole sur la vente de cette gamme de produits et que cette liste de produits en partie similaires ne peut être source de confusion dans l’esprit de la clientèle de ces sociétés oeuvrant sur le MIN qui connaissent, au contraire, chacun de leur fournisseur, qui est identifié distinctement dans chacune des «mercuriales».
Nonobstant la présentation assez semblable de ces «catalogues», mais comme il a été dit assez banale et usuelle, il n’est pas démontré par la société BUTET que le contenu de cette gamme constitue une information confidentielle ou soit issu d’un de ses fichiers qui aurait été détourné illicitement, les opérations de saisie contrefaçon menées au sein de la société MOOREA n’ayant nullement permis d’établir la présence de fichiers appartenant à l’appelante au sein des locaux de la société MOOREA.
Ainsi, la présence des quelques même fautes d’orthographe s’explique naturellement par le fait que M. [D] est l’auteur de ces deux documents et qu’il a uniquement exploité ses compétences professionnelles dans ce secteur et notamment sa connaissance des produits au profit de son nouvel employeur.
En outre, la présentation particulièrement banale du document comprenant au surplus ces fautes ne permet nullement à la société BUTET de prétendre que sa constitution aurait représenté pour elle un investissement ou une valeur économique indûment captés, ni davantage son contenu qui reprend une liste de légumes rares mais connus, dès lors qu’en vertu de la liberté du commerce et de concurrence, il ne peut être reproché à la société MOOREA de développer son activité dans le secteur des légumes d’exception, à l’instar de la société BUTET.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 25 JANVIER 2023
(n° 014/2023, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/07073 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPNM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – 1ère chambre – RG n° 2019F01143
APPELANTE
S.A.S. ETABLISSEMENTS BUTET
Société au capital de 100 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEILsous le numéro 411 048 143
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Batiment C3
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
INTIMEE
S.A.S. MOOREA COMMERCE FRUITS
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le numéro 532 788 999
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe BORÉ de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 19
Assistée de Me Cédric BERTO de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société ETABLISSEMENTS BUTET (ci-après la société BUTET), créée en 1912, est un des principaux grossistes dans le commerce des champignons et légumes sur le marché d’intérêt national de [Localité 3] (ci-après ‘MIN’) et a développé également une gamme de produits d’exception.
Elle indique disposer d’une clientèle s’étendant des détaillants aux grossistes, des traiteurs de renom à la restauration, aux collectivités et à la grande distribution. Outre l’activité commerciale réalisée directement en salle des ventes du MIN (Pavillon des fruits et légumes), elle précise adresser régulièrement son catalogue de produits à une liste de diffusion composée de tout ou partie de ses clients. Au titre de l’exercice 2017, la société BUTET a réalisé environ 16 millions d’euros HT de chiffre d’affaires.
La société MOOREA COMMERCE FRUITS (ci-après la société MOOREA), également implantée sur le MIN, a pour activité le commerce de légumes et produits associés et spécialement celui des mini légumes rares et de qualité et des fruits exotiques. Elle expose être en forte croissance depuis 2013, pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros pour l’année 2017 et avoir souhaité étendre ses activités en 2017.
M. [L] [D], M. [W] [B] et M. [M] [E], respectivement responsable commercial «verdure», commis vendeur et commis au sein de la société BUTET, ont présenté leur démission les 27 novembre, 1er décembre 2017 et 24 mars 2018 et ont été embauchés par la société MOOREA les 1er février et 26 avril 2018, au terme de leur préavis.
Le 28 mars 2018, la société BUTET a fait constater l’existence d’un courriel adressé à un de ses clients émanant de la société MOOREA et présentant son nouveau catalogue de produits.
Le 31 mai 2018, la société BUTET a saisi le Président du tribunal de commerce de CRÉTEIL sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et a obtenu, par ordonnance du 11 juin 2018, que des mesures d’investigation soient effectuées dans les locaux de la société MOOREA, le 6 juillet 2018.
Le 5 novembre 2018, la société BUTET a fait assigner la société MOOREA afin d’obtenir l’inventaire des documents saisis ainsi que la libération des pièces ou la mise en oeuvre d’une procédure de tri en cas de risque d’atteinte au secret des affaires.
Par ordonnance du 30 janvier 2019, le Président du tribunal a dit n’y avoir lieu d’ordonner la communication de l’inventaire des documents saisis le 6 juillet 2018 et ordonné la mainlevée du séquestre. Cette ordonnance n’a pas fait l’objet d’un appel.
Estimant être victime d’actes de concurrence déloyale, la société BUTET a, par acte du 5 décembre 2019, fait assigner la société MOOREA devant le tribunal de commerce de Créteil.
Dans son jugement rendu le 2 mars 2021, dont appel, le tribunal de commerce de Créteil a:
— Débouté la société ETABLISSEMENTS BUTET de sa demande de condamnation de la société MOOREA COMMERCE FRUITS pour concurrence déloyale et parasitisme.
— Rejeté les demandes de la société ETABLISSEMENTS BUTET formées à l’encontre de la société MOOREA COMMERCE FRUITS de condamnation:
— sous astreinte de la société MOOREA COMMERCE FRUITS
— de procéder aux publications relatives au jugement
— de verser une provision
— Dit qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’expertise de la société ETABLISSEMENTS BUTET et l’en déboute.
— Dit la société MOOREA COMMERCE FRUITS mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et l’en a déboutée.
— Condamné la société ETABLISSEMENTS BUTET à payer à la société MOOREA COMMERCE FRUITS la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société MOOREA COMMERCE FRUITS du surplus de sa demande et débouté la société ETABLISSEMENTS BUTET de sa demande formée de ce chef.
— Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire de ce jugement.
— Mis les dépens à la charge de la société ETABLISSEMENTS BUTET.
— Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 73,22 euros TTC (dont 20% de TVA).
Le 13 avril 2021, la société BUTET a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions d’appelante, numérotées 2, déposées et notifiées le 25 avril 2022 par la société BUTET qui demande à la cour de:
— JUGER la société ETABLISSEMENTS BUTET recevable en son action et bien fondée en ses moyens et prétentions ;
— DEBOUTER la société MOOREA COMMERCE FRUITS de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires, à l’encontre de la société ETABLISSEMENTS BUTET;
— INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 2 mars 2021 en ce qu’il :
— 1er chef : déboute la société ETABLISSEMENTS BUTET de sa demande de condamnation de la société MOOREA COMMERCE FRUITS pour concurrence déloyale et parasitisme ;
— 2ème chef : rejette les demandes de la société ETABLISSEMENTS BUTETformées à l’encontre de la société MOOREA COMMERCE FRUITS de condamnation :
— sous astreinte de la société MOOREA COMMERCE FRUITS ;
— de procéder aux publications relatives au jugement ;
— de verser une provision ;
— 3ème chef : dit qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’expertise de la société ETABLISSEMENTS BUTET et l’en déboute ;
— 4ème chef : condamne la société ETABLISSEMENTS BUTET à payer à la société MOOREA COMMERCE FRUITS la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
— 5ème chef : déboute la société ETABLISSEMENTS BUTET de sa demande formée de ce chef;
— 6ème chef : met les dépens à la charge de la société ETABLISSEMENTS BUTETet les liquide à la somme de 73,22 euros TTC.
STATUANT A NOUVEAU :
Sur la responsabilité :
— CONDAMNER la société MOOREA COMMERCE FRUITS pour concurrence déloyale du fait:
— du débauchage déloyal des salariés de la société ETABLISSEMENTS BUTETconcernés dans la présente affaire,
— de l’utilisation déloyale et illicite des fichiers produits (catalogue) et/ ou des données fournisseurs et clients de la société ETABLISSEMENTS BUTET,
— de la captation déloyale de la gamme des produits de la société ETABLISSEMENTS BUTET et des actes de parasitisme commis par la société MOOREA COMMERCE FRUITS ;
— du détournement déloyal de la clientèle de la société ETABLISSEMENTS BUTET par utilisation de procédés tout aussi déloyaux.
— INTERDIRE, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et pendant une durée de 36 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, toute promotion, exploitation et/ou commercialisation, directement ou indirectement et par quelques moyens que ce soient, de la gamme Prestige de la société MOOREA COMMERCE FRUITS, quel que soit le support sur lequel elle viendrait à être présentée, dès lors qu’elle sera, en tout ou partie, composée de produits identiques à ceux de la gamme BUTET ou issus de celle-ci ;
Et, de façon plus générale,
— INTERDIRE, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et pendant une durée de 36 mois, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, toute poursuite ou réitération, de quelque façon et à quelque titre que ce soient, des actes jugés déloyaux ;
Sur la réparation des préjudices :
Sur l’expertise judiciaire :
— ORDONNER, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, une expertise aux frais exclusifs de la société MOOREA COMMERCE FRUITS et désigner tel Expert Judiciaire qu’il plaira à l’appelant ou à la Cour, avec pour mission d’évaluer tous les préjudices subis par la société ETABLISSEMENTS BUTET du fait des actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme commis par la société MOOREA COMMERCE FRUITS, ainsi que, le cas échéant, de se faire remettre par la société MOOREA COMMERCE FRUITS, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard au-delà d’un délai de quinze jours à compter de la demande de l’expert, l’ensemble des pièces nécessaires ou utiles à l’exécution de sa mission ;
— JUGER que l’expert commis pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une discipline distincte de la sienne si besoin est, conformément aux dispositions de l’article 278 du Code de procédure civile ;
— JUGER qu’en cas de difficulté faisant obstacle à l’accomplissement de sa mission l’expert lui en fera rapport ;
— RAPPELER que toute obstruction d’une partie au bon déroulement de la mesure d’instruction ordonnée pourrait être interprétée à son encontre, ce par application des dispositions de l’article 275 du Code de procédure civile ;
— JUGER que l’expert devra lui rendre compte de l’avancement de ses travaux et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer des éventuelles obstructions ou retards de la société MOOREA COMMERCE FRUITS dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile;
— JUGER que l’expert devra remettre son rapport dans un délai maximal de deux mois à compter de la réception ou de la récupération des documents visés supra ;
— JUGER que la consignation à valoir sur les frais et honoraires d’expertise et tous les frais et honoraires d’expertise seront à la charge de la société MOOREA COMMERCE FRUITS ;
— PRONONCER la réouverture des débats sur les seuls préjudices de l’appelant et fixer les modalités qu’il conviendra à la Cour s’agissant de la poursuite de l’instance de ce chef, la société ETABLISSEMENTS BUTET se réservant la possibilité de compléter ses prétentions indemnitaires ou de formuler de nouvelles demandes indemnitaires conformément aux dispositions des articles 63, 65 et 70 du code de procédure civile, par voie de conclusions récapitulatives ;
Sur la provision :
— CONDAMNER, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, la société MOOREA COMMERCE FRUITS à payer, à titre de provision, la somme de 1.500.000 euros à la société ETABLISSEMENTS BUTET ;
Sur les publications :
— CONDAMNER la société MOOREA COMMERCE FRUITS à procéder, dans un délai huit jours après la signification de l’arrêt à intervenir et pendant une période ininterrompue de 6 mois, à l’affichage sur la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse http://moorea.fr/ et de tout site qu’elle exploite ou sera amenée à créer ou exploiter, de l’avertissement suivant, de manière visible, sans action des internautes, et en caractère gras de taille au moins aussi importante que celle des plus gros caractères utilisés sur cette page, et au minimum en police 14, et ce sous astreinte provisoire de 1 500 euros par jour de retard ou d’affichage non-conforme :
« Avertissement important :« Par décision de la Cour d’appel de Paris, la société MOOREA COMMERCE FRUITS a été condamnée pour concurrence déloyale et parasitisme à l’égard de la société ETABLISSEMENTS BUTET, et à publier en ligne le présent avertissement»;
— CONDAMNER la société MOOREA COMMERCE FRUITS à faire publier, à ses frais, l’avertissement supra, dans cinq journaux ou revues du choix de la société ETABLISSEMENTS BUTET, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder, à la charge de la société MOOREA COMMERCE FRUITS, la somme de 15 000 euros hors taxes ;
DANS TOUS LES CAS :
— DIRE que le Juge de l’exécution sera compétent pour liquider les astreintes ordonnées, s’il y a lieu ;
— CONDAMNER la société MOOREA COMMERCE FRUITS à payer à la société BUTET la somme de 100.000 euros, au titre de frais engagés pour assurer la défense de ses droits en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
— CONDAMNER la société MOOREA COMMERCE FRUITS aux dépens de première instance et d’appel en ce compris, les frais d’expertise à intervenir ;
Vu les dernières conclusions d’intimée, notifiées par RPVA le 13 octobre 2021 par la société MOOREA qui demande à la cour de:
— Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
— Condamner la société ETABLISSEMENTS BUTET à payer à la société MOOREA COMMERCE FRUITS la somme complémentaire de 10 000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
— Condamner la société ETABLISSEMENTS BUTET aux entiers dépens d’appel
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
La société BUTET reproche à la société MOOREA d’avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire et, plus particulièrement, le débauchage de trois salariés générant sa désorganisation, l’utilisation illicite de ses fichiers produits, fournisseurs et clients, la captation de sa gamme de produits, le démarchage et le détournement de sa clientèle lui causant un préjudice financier et moral.
La société MOOREA rappelle que la libre concurrence est un principe fondamental des relations commerciales et que seuls peuvent être sanctionnés les actes relevant d’un comportement fautif et déloyal nullement caractérisés au cas d’espèce selon elle.
La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.
En outre, la cour rappelle également que l’exercice par un ancien salarié, d’une activité concurrente de celle pratiquée par l’entreprise dans laquelle il était auparavant employé n’est pas constitutif d’actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette activité n’était pas interdite par une clause contractuelle et qu’elle n’a pas été accompagnée d’actes déloyaux ou de pratiques illicites. Ainsi, dans ces conditions, un salarié peut mettre à profit l’expérience et les connaissances qu’il a acquises au profit d’un autre employeur, fût-ce dans le même secteur que celui de la société dont il était antérieurement salarié, et peut, pareillement, préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu’après l’expiration du contrat de travail.
La charge de la preuve incombe au cas présent à l’appelante.
Sur le débauchage illicite de salariés
La société BUTET soutient que la société MOOREA a débauché de manière illicite trois salariés de son rayon «verdure», de manière concomitante et dans un très court laps de temps, soit une partie substantielle de son équipe commerciale, et a organisé le début de leur activité avant même leur embauche, dans le seul but de capter sa gamme de produits et de détourner sa clientèle. Enfin, elle critique le raisonnement du tribunal qui s’est livré, selon elle, à une analyse isolée et erronée et non globale des faits en cause et n’a pas pris en compte la désorganisation importante subie suite à ce débauchage massif de ses salariés les plus qualifiés et expérimentés.
La société MOOREA conteste l’existence d’un quelconque débauchage illicite et rappelle que la liberté du travail est un droit essentiel à valeur constitutionnelle reconnu aux salariés, sous la seule réserve du respect de leur obligation de loyauté et que rien n’interdit à une entreprise de proposer un emploi à un salarié encore en poste, même au sein d’une société directement concurrente, si aucune manoeuvre déloyale n’est commise. Elle rappelle qu’aucun des trois salariés n’était lié à la société BUTET par une clause de non-concurrence et qu’ils n’ont pas rompu abusivement leur contrat de travail, chacun ayant librement démissionné en raison de leur mécontentement quant à leurs conditions de travail et de rémunération et en ayant tous respecté leur préavis ou en en ayant été dispensés. La société MOOREA conteste tout début d’activité de ces salariés avant la fin de leur contrat de travail avec sa concurrente, rappelant seulement qu’il n’est pas interdit à un salarié d’envisager son futur emploi sans attendre la fin de son préavis. La société MOOREA ajoute que les conditions d’embauche n’étaient pas anormales tant du point de vue des augmentations mensuelles que du commissionnement. Enfin, elle insiste sur le fait que l’appelante ne démontre nullement avoir subi une désorganisation suite au départ des salariés.
Il n’est pas contesté que trois des cinq salariés du rayon verdure de la société BUTET ont été embauchés par la société MOOREA entre le 1er février 2018 et le 26 avril 2018. Ainsi, M. [D], responsable commercial du rayon a présenté sa démission le 27 novembre 2017, a quitté la société BUTET le 31 janvier 2018, son employeur l’ayant dispensé d’effectuer son préavis et a rejoint la société MOOREA le 1er février 2018. M. [B], commis vendeur, a démissionné le 1er décembre 2017 et a rejoint la société MOOREA à la fin de son préavis le 1er février 2018. M. [E], commis, a quant à lui présenté sa démission le 24 mars 2018 et a rejoint également la société MOOREA à l’issue de son préavis le 26 avril 2018.
Il est constant également qu’aucun de ces trois salariés n’était lié par une clause de non concurrence à l’égard de la société BUTET.
Il n’est pas démontré par ailleurs que ces salariés aient fait preuve de déloyauté à l’égard de leur employeur alors qu’ils étaient encore ses employés, les quelques échanges de mails datés du 29 janvier 2018 entre M. [D] et la société MOOREA ne démontrant nullement un début d’activité avant la fin de son contrat de travail mais des échanges relatifs au matériel nécessaire pour la future activité.
Par ailleurs, le fait que la société MOOREA a pris contact avec ces derniers afin de leur proposer une embauche ultérieure ou qu’elle a anticipé leur arrivée en s’assurant qu’ils disposent, dès leur arrivée, des moyens nécessaires à leur emploi ne constitue pas davantage des actes pouvant être qualifiés de fautifs.
Il ne peut davantage être reproché à la société MOOREA d’avoir proposé à ces salariés des rémunérations plus intéressantes et certains avantages, ce qui constitue une pratique usuelle dans le cadre du recrutement de salariés qui disposent déjà d’un emploi, ces derniers ayant ainsi librement choisi de changer d’employeur en raison de conditions financières avantageuses ou de responsabilités plus intéressantes. À cet égard, les motifs du départ de ces trois salariés ont été précisés à l’occasion du procès verbal de constat réalisé le 6 juillet 2018 dans les locaux de la société MOOREA, les salariés ayant librement indiqué à l’huissier de justice avoir quitté la société BUTET en raison de désaccord avec la direction ou à cause des conditions de travail.
Enfin, la cour retient, comme le tribunal, que si ce départ concomitant de deux salariés, dont l’un avait en effet près de 15 ans d’ancienneté, puis d’un troisième, trois mois plus tard, a causé une perturbation conjoncturelle de l’activité du seul rayon verdure de la société appelante, cette dernière n’établit pas que ces démissions ont causé une véritable «désorganisation profonde et structurelle» de son activité, les premiers juges ayant justement relevé qu’elle a fait le choix de dispenser son responsable commercial d’effectuer son préavis, et qu’elle ne démontre pas que, compte tenu de la qualification et de l’emploi de commis-vendeur et de commis occupés par MM. [B] et [E], ils n’aient pu être facilement remplacés ou que leur remplacement ait occasionné des coûts de recrutement ou de formation anormaux, compte tenu du flux entrant et sortant habituel au sein de son effectif, les deux pages extraites du registre du personnel faisant ainsi état de huit départs sur la période 2018-2020, en ce non compris les départs de MM. [B] et [D]. Il y seulement lieu pour la cour d’ajouter que la société BUTET, qui insiste sur l’importance fondamentale de ces salariés pour le maintien de son activité, n’a cependant pas pris la précaution de prévoir dans leur contrat de travail une clause de non concurrence souvent usitée notamment pour les postes de responsable, que deux autres salariés justifiant également d’une ancienneté conséquente ont continué leur activité aux postes de commis-vendeur et vendeur et que la société BUTET n’établit nullement avoir été placée dans l’impossibilité de se réorganiser dans un délai acceptable.
En conséquence, l’examen de ces griefs, même appréciés globalement, ne permet pas de retenir l’existence d’agissements fautifs commis par la société MOOREA.
Sur la captation parasitaire de la gamme BUTET et de l’usurpation du fichier ou des données de la gamme BUTET
La société BUTET reproche à la société MOOREA d’avoir capté sa gamme de produits «verdure», fruit d’un long travail, via l’usurpation de son catalogue, qui reprend la présentation de la même gamme de produits, avec les mêmes fautes d’orthographe, par MM. [D] et [B], catalogue qui a, en outre, été directement adressé à ses clients et critique le raisonnement du tribunal qui a, selon elle, méconnu les éléments de preuve ainsi que les aveux de la société MOOREA. Elle ajoute que cette captation a permis à la société MOOREA d’être très rapidement opérationnelle sur ce marché.
La société MOOREA soutient que le tableau Excel décrit comme un « catalogue» par son adversaire, ne constitue qu’un document de travail habituel des vendeurs sur ce marché reprenant le détail des produits proposés à la vente avec leurs caractéristiques habituelles, crée et établi par M. [D] grâce à son expérience, avec le cas échéant les mêmes fautes, et que les informations qu’il contient, à savoir une liste de légumes associés à des prix, sont dépourvues de confidentialité et de toute plus-value et ne constituent pas, en tout état de cause, une gamme qui serait la propriété de l’appelante. Elle ajoute que la société BUTET ne peut vouloir revendiquer un monopole sur la vente de certains produits et que M. [D], ayant toujours travaillé dans ce secteur, ne pouvait valoriser que cette compétence auprès de son nouvel employer, n’étant lié par aucune clause de non concurrence.
Sur ce, la cour constate que ce que décrit la société BUTET comme étant le catalogue de ces produits est, en réalité, un document présenté sous la forme d’une liste de produits intitulée «Tarif du 23/02/2017 LÉGUMES» portant son nom, son logo et le nom de son responsable commercial, suivis de la liste des produits proposés à la vente («ail noir, betravine, cédrat, choux chinois, chou romanesco, citron caviar, concombre mini, courgette jaune, etc…»), et pour chaque produit son pays de provenance, les quantités vendues selon le conditionnement et leur prix.
Il est exact que le document, décrit comme «le catalogue» de la société MOOREA intitulé «Légumes», présente un aspect assez similaire en ce qu’il mentionne également son nom, son logo et le nom de son commercial, à savoir M. [D], et comporte, de la même manière, une liste de produits, avec leur pays d’origine, leur mode de conditionnement et leur prix.
Cependant, ces documents, tels que décrits, ne constituent que des listes de produits avec leur tarifs, très banales dans leur forme, et si, comme le dénonce la société BUTET, ils comportent de nombreux produits communs (192 produits identiques sur 233 proposés à la vente par la société BUTET), la cour approuve les premiers juges d’avoir justement relevé que s’agissant de légumes, produits disponibles sur le marché indifféremment pour tout acheteur et sans engagement de distribution exclusive, la constitution de cette gamme en partie identique s’analyse en un acte de concurrence commerciale normal, relevant de la liberté du commerce, sauf pour la cour à ajouter que la société BUTET ne peut revendiquer un monopole sur la vente de cette gamme de produits et que cette liste de produits en partie similaires ne peut être source de confusion dans l’esprit de la clientèle de ces sociétés oeuvrant sur le MIN qui connaissent, au contraire, chacun de leur fournisseur, qui est identifié distinctement dans chacune des «mercuriales».
Nonobstant la présentation assez semblable de ces «catalogues», mais comme il a été dit assez banale et usuelle, il n’est pas démontré par la société BUTET que le contenu de cette gamme constitue une information confidentielle ou soit issu d’un de ses fichiers qui aurait été détourné illicitement, les opérations de saisie contrefaçon menées au sein de la société MOOREA n’ayant nullement permis d’établir la présence de fichiers appartenant à l’appelante au sein des locaux de la société MOOREA. Ainsi, la présence des quelques même fautes d’orthographe s’explique naturellement par le fait que M. [D] est l’auteur de ces deux documents et qu’il a uniquement exploité ses compétences professionnelles dans ce secteur et notamment sa connaissance des produits au profit de son nouvel employeur. En outre, la présentation particulièrement banale du document comprenant au surplus ces fautes ne permet nullement à la société BUTET de prétendre que sa constitution aurait représenté pour elle un investissement ou une valeur économique indûment captés, ni davantage son contenu qui reprend une liste de légumes rares mais connus, dès lors qu’en vertu de la liberté du commerce et de concurrence, il ne peut être reproché à la société MOOREA de développer son activité dans le secteur des légumes d’exception, à l’instar de la société BUTET.
Sur le démarchage illicite des fournisseurs de BUTET
La société BUTET considère que la société MOOREA a massivement débuté dès février 2018 ses achats auprès de 19 de ses fournisseurs avec lesquels elle n’entretenait auparavant aucune relation commerciale, et ce pour un volume de 580 000 euros HT en 6 mois, ces relations ayant été nouées personnellement par M. [D] dès le 5 février 2018, et a ainsi pillé son réseau qui représente, selon elle, une valeur économique. Elle critique le raisonnement du tribunal soutenant que M. [D] a pu librement se servir de son fichier d’adresses alors que, selon elle, le fichier des contacts fournisseurs appartient à la société employeur.
La société MOOREA rappelle que les fournisseurs présents sur le MIN ne sont pas la propriété de la société BUTET qui n’a nullement mis en place avec ses fournisseurs de clause d’exclusivité de distribution. Elle ajoute que la similitude de certains fournisseurs n’a rien d’anormal s’agissant de produits similaires proposés par les deux sociétés sur un secteur de niche, ces dernières évoluant toutes les deux sur le MIN de [Localité 3], et plusieurs fournisseurs étant au demeurant communs aux deux sociétés, avant l’introduction de la présente procédure.
Il n’est pas contesté par la société MOOREA que, dès l’arrivée de MM. [D] et [B], elle a activement développé l’activité de vente de mini-légumes et a démarché ainsi des fournisseurs de ses produits, dont 19 fournisseurs habituels de la société BUTET. Cependant, c’est à juste titre que le tribunal a rappelé que le démarchage des fournisseurs d’un concurrent n’est pas un acte de concurrence déloyale, sauf à démontrer qu’il est opéré par des moyens illicites ou déloyaux. Or, en l’espèce, la société BUTET n’établit nullement que le démarchage de ses fournisseurs, avec lesquels il n’existait aucune clause d’exclusivité a été réalisé de manière déloyale. Ainsi, les premiers juges ont justement relevé que les constatations opérées par l’huissier de justice le 6 juillet 2018 ont permis d’établir que, sur les 43 fournisseurs référencés par la société MOOREA après le 22 novembre 2017, 19 étaient également des fournisseurs de la société BUTET, soit moins de la moitié, et que ces éléments ne suffisaient pas à établir un pillage de ces données, alors que ces deux sociétés sont toutes deux établies sur le MIN de [Localité 3], pour une activité similaire de commerce de légumes, impliquant des fournisseurs communs. En outre, la société BUTET, malgré les mesures de saisies obtenues, ne démontre nullement que ces données auraient été obtenues frauduleusement plutôt que fournies par les connaissances personnelles de M. [D] dans son seul domaine de compétence, impliquant des relations de confiance suivies avec les fournisseurs des produits concernés. Au demeurant, les nombreux mails produits par la société BUTET attestant du démarchage de ces fournisseurs par la société MOOREA démontrent, d’une part, l’absence de tout comportement déloyal ou dénigrant à l’encontre de sa concurrente et, d’autre part, la reconstitution intégrale d’une nouvelle relation avec chacun d’eux (via l’envoi de leur catalogues, codes produits…).
Enfin, le seul courriel du 24 février 2018 par lequel M. [D] propose à un de ses fournisseurs de ne pas mentionner son nom pour la livraison, afin que cette commande ne soit pas identifiée par la société BUTET comme devant être livrée à la société MOOREA, ne peut être considéré comme fautif, le fournisseur ayant lui-même attesté que cette solution avait été envisagée à sa demande, afin de ne pas froisser la société BUTET avec qui il était en relation d’affaires depuis plusieurs années.
Sur le démarchage et le détournement illicite des clients de la société BUTET
La société BUTET affirme que la société MOOREA a démarché illicitement et massivement ses clients (54 ayant au moins été identifiés grâce aux opérations de constat), notamment par l’envoi de nombreux mails, et est parvenue à les détourner son profit grâce à l’usurpation de son fichier clients et à l’instauration de pratiques tarifaires avantageuses, générant en outre une confusion entre les deux sociétés, M. [D] invoquant sa qualité d’ancien salarié. Elle ajoute démontrer avoir subi concomitamment une perte de chiffres d’affaires conséquente. Elle soutient que la clientèle ainsi que l’ensemble des données y afférentes constituent des éléments essentiels du fonds de commerce de l’employeur et n’appartiennent pas aux salariés.
La société MOOREA expose que la société BUTET ne démontre nullement qu’elle aurait commis une faute en démarchant certains de ses clients, le seul déplacement de clientèle d’une entreprise vers une autre concurrente ne constituant pas un acte de concurrence déloyale en l’absence de man’uvres ou procédés illicites, la société BUTET ne disposant pas d’un droit privatif sur sa clientèle. Elle souligne enfin qu’il est fréquent que des clients et fournisseurs, sur des secteurs de niche, comme au cas d’espèce, nouent des relations privilégiées avec certains commerciaux et préfèrent les suivre quand ils changent d’employeur, et ce tout particulièrement sur le MIN de [Localité 3] qui concentre sur un territoire restreint de nombreux acteurs, fournisseurs, grossistes, revendeurs et acheteurs.
La cour constate que la société MOOREA ne conteste pas, dès l’arrivée de MM. [D] et [B], avoir également prospecté activement des clients pour leur proposer sa nouvelle gamme de mini-légumes, exploitant ainsi l’expérience personnelle acquise par ses deux nouveaux salariés dans ce domaine. Ainsi, les opérations de constat du 28 mars 2018 ont permis d’établir que les messages de prospection envoyés par la société MOOREA comportent 141 adresses mail dont 26 sont identiques à celles exploitées par la société BUTET dans un précédent courriel, ce qui limite la portée des accusations formulées. Il est par ailleurs démontré par les opérations de constat menées le 6 juillet 2018 que, postérieurement au 27 novembre 2017, la société MOOREA n’a créée que 3 nouveaux clients dont 2 étaient auparavant clients de la société BUTET. En outre, s’il n’est pas contesté qu’à compter de janvier 2018, la société MOOREA a développé des relations commerciales avec 54 clients présents dans la base de données de la société BUTET, ces clients figuraient déjà dans sa base de données même s’ils n’étaient plus «actifs». La cour constate en outre que la société BUTET n’indique pas le nombre total de ses clients pour ce rayon «verdure».
La société BUTET ne démontre pas davantage que les références de ces clients ont été obtenues par un détournement illicite de ses fichiers, malgré les investigations informatiques poussées menées par l’huissier de justice, plutôt que par les connaissances et les relations suivies de M. [D] notamment avec des clients connus de longue date avec lesquels se nouent inévitablement une relation intuitu personae, en particulier sur le MIN de [Localité 3] sur un marché de niche, ces derniers étant libres de suivre les commerciaux, dans ce contexte.
Par ailleurs, si le démarchage de ces sociétés a été actif, il n’est nullement justifié qu’il a été déloyal ou dénigrant dans les très nombreux mails invoqués par la société BUTET.
À cet égard, la cour relève que lorsque M. [D] a débuté son activité au sein de la société MOOREA et a ainsi démarché des clients, s’il a pu mentionner qu’il était un ancien salarié de la société BUTET, il a pris la peine de préciser l’identité de son nouvel employeur, ou qu’il s’agissait «d’une nouvelle aventure» écartant ainsi tout risque de confusion allégué et la formule ajoutée «heureux de vous retrouver» trouve naturellement à s’expliquer par les relations suivies qu’il a pu entretenir avec certains d’entre eux auparavant. Les premiers juges ont, en outre, justement relevé, après avoir rappelé que les clients concernés sont essentiellement des professionnels s’approvisionnant sur le MIN de [Localité 3], qu’ils n’ont pu être induits en erreur sur la qualité de leur interlocuteur, compte tenu du contenu des courriels en cause mais aussi de leur signature sans équivoque au nom de la société MOOREA et de l’identification de la mercuriale à son nom.
La société BUTET n’établit nullement, enfin, que les prix proposés par la société MOOREA, pour certains très légèrement inférieurs aux siens, puissent être considérés comme vils.
C’est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société BUTET ne démontre pas que la société MOOREA a utilisé des moyens illicites ou déloyaux pour prospecter et détourner sa clientèle.
Sur les agissements parasitaires
La cour constate que si la société BUTET dénonce également des agissements parasitaires de la part de sa concurrente, elle n’établit nullement, d’une part, que sa liste de prix, sa gamme de produits, ou ses fichiers clients et fournisseurs soient le fruit d’investissements particuliers et d’un savoir faire et, d’autre part, qu’elle a été victime corrélativement d’une captation parasitaire de cette valeur économique individualisée, ne pouvant comme déjà mentionné, revendiquer un monopole sur la vente de certains légumes sur le MIN de [Localité 3].
Enfin, dans la mesure où aucun comportement fautif n’a été démontré par la société BUTET, le fait qu’elle a pu perdre du chiffre d’affaires dans ce secteur d’activité est sans influence sur la solution du présent litige et, ce, d’autant qu’elle a elle-même créé en juillet 2018 une société distincte BUTET EXCELLENCE, qui a pu reprendre une partie de cette activité.
Le jugement querellé doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a débouté la société BUTET de l’ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formulées contre la société MOOREA.
— Sur les frais irrépétibles et dépens
La société BUTET, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société BUTET à verser à la société MOOREA une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société ETABLISSEMENTS BUTET aux dépens d’appel,
Condamne la société ETABLISSEMENTS BUTET à verser à la société MOOREA COMMERCE FRUITS une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE