La protection du secret médical devant les juridictions

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La protection du secret médical devant les juridictions
Ce point juridique est utile ?

Sous peine d’atteinte au secret médical, la production de pièces par la partie défenderesse, dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, est soumise à l’accord préalable de l’autre partie au litige.

L’article L1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment ( ..)

L’article R.4127-4 du même code prévoit que le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Le cactère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

En l’espèce, en soumettant la production de pièces médicales par la partie défenderesse, dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, à l’accord préalable de l’autre partie au litige, alors que ces pièces peuvent s’avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d’instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l’ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense de M. [B] [J].

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l’une des parties au litige se trouve empêchée, par l’autre, de produire spontanément les pièces qu’elle estime utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à sa défense.

Résumé de l’affaire : Monsieur [H] [E] a subi une opération de pose de prothèse totale de hanche gauche le 22 janvier 2019, réalisée par le docteur [B] [J] au centre hospitalier privé de [Localité 6]. Suite à des complications, notamment une fistule, il a été réopéré plusieurs fois, avec des séquelles persistantes, telles que des douleurs et une perte d’autonomie. Le 24 juillet 2023, M. [H] [E] a assigné en référé le centre hospitalier, le docteur [B] [J], l’ONIAM et la CPAM d’Ille-et-Vilaine pour obtenir une expertise médicale. Le juge des référés a ordonné une expertise le 17 novembre 2023, précisant les missions de l’expert. Le docteur [B] [J] a interjeté appel de cette décision, demandant la possibilité de communiquer des pièces du dossier médical sans l’accord de M. [H] [E]. Le centre hospitalier et l’ONIAM ont également fait appel, soutenant la nécessité de pouvoir produire des documents médicaux protégés par le secret professionnel. M. [H] [E] a demandé à la cour de se prononcer sur ces appels et de condamner le docteur [B] [J] aux dépens. La CPAM a également exprimé son soutien à l’appréciation de la cour concernant l’appel du docteur [B] [J]. L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
24/00131
5ème Chambre

ARRÊT N°-302

N° RG 24/00131 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UM34

(Réf 1ère instance : 23/00578)

M. [B] [J]

C/

M. [H] [E]

ONIAM

CPAM D’ILLE-ET-VILAINE

CENTRE HOSPITALIER PRIVÉ (CHP) [Localité 6]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANT :

Monsieur [B] [J]

né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 13]

Centre Hospitalier [Localité 6] – [Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Isabelle ANGUIS de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [H] [E]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Mathilde TESSIER de la SELARL TESSIER HERVE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/001490 du 19/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

ONIAM : OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES ; établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du Ministère de la Santé. Représenté par son Directeur en exercice

[Adresse 14]

[Localité 10]

Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT – RAVAUT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

Organisme CPAM D’ILLE-ET-VILAINE

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine DI PALMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

CENTRE HOSPITALIER PRIVÉ (CHP) [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Flavien MEUNIER de la SELARL LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Le 22 janvier 2019, M. [H] [E], a été opéré d’une pose de prothèse totale de hanche gauche par le docteur [B] [J], chirurgien-orthopédiste au centre hospitalier privé [Localité 6], en charge de son suivi depuis le début de l’année pour une coxarthrose primitive gauche.

Par suite, du fait de la présence d’une fistule, M. [H] [E] a subi une nouvelle opération le 11 février 2019 consistant en une synovectomie, un lavage articulaire et un changement de la tête fémorale. Le 12 mars suivant, le docteur [B] [J] a constaté la persistance d’une petite désunion cutanée entraînant la mise en place d’un méchage et d’une antibiothérapie.

M. [H] [E] a ensuite consulté le docteur [I] qui a constaté une infection du site opératoire et l’a redirigé vers un autre praticien de l’unité des maladies infectieuses du centre hospitalier universitaire de [Localité 5]. Celui-ci a préconisé une chirurgie en deux temps. Dès lors, M. [H] [E] a été de nouveau opéré, les 07 et 11 octobre 2019 et le 22 mai 2020, cette dernière opération consistant en une réimplantation totale de sa prothèse de hanche.

M. [H] [E] dit conserver aujourd’hui des séquelles de ces opérations, consistant en des douleurs du membre inférieur gauche et en une perte d’autonomie importante.

M. [E] par acte d’huissier du 24 juillet 2023 a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes le centre hospitalier privé Saint-Grégoire, le docteur [B] [J], l’ONIAM et la CPAM d’Ille-et-Vilaine aux fins d’obtenir une expertise médicale.

Par ordonnance en date du 17 novembre 2023, le juge des référés de Rennes a :

– ordonné une expertise et désigné, pour y procéder, le docteur [X] [Z] expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Paris, Centre Tourville sis [Adresse 3] tél [XXXXXXXX01] mail : [Courriel 11], lequel aura pour mission de :

* dans un délai minimum de 15 jours le dans le respect des textes en vigueur convoquer M. [H] [E],

* se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à ce patient, avec son accord, ainsi que le relevé des débours de la CPAM ou de son organisme de sécurité sociale),

– recueillir, en cas de besoin, les déclarations de toutes personnes informées, en précisant alors leurs noms, prénom et domicile, ainsi que leurs liens de parenté, d’alliance, de subordination, ou de communauté d’intérêts avec l’une ou l’autre des parties,

*fournir le maximum de renseignements sur le mode de vie de M. [H] [E], ses conditions d’activités professionnelles, son statut exact ; préciser, s’il s’agit d’un enfant, d’un étudiant ou d’un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation, s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, préciser son statut et/ou sa formation,

Sur les actes médicaux et la prise en charge du patient

* déterminer et décrire la prise en charge du patient par le centre hospitalier privé de [Localité 6] et le docteur [B] [J],

* rechercher et exposer les soins successivement pratiques et déterminer pour chacun d’entre eux si ces soins ont été conformes aux règles de l’art et aux données acquises par la science médicale à l’époque où ils ont été dispensés ; dans la négative, préciser les manquements commis, notamment se prononcer sur le diagnostic, l’indication opératoire, la technique opératoire et sa réalisation, la surveillance post-opératoire et ses complications,

*en l’absence de manquement, déterminer si l’état du patient est la conséquence de l’évolution prévisible de sa pathologie initiale, en prenant en considération les données relatives à son état de santé antérieur présenté aux actes de prévention, diagnostic ou soins pratiqués ou s’il s’agit d’un accident médical ou une affection iatrogène, dont les conséquences sont anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci,

* fournir toute précision utile sur le degré de prévalence des risques attachés aux actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi exécutés et qui se sont réalisés,

*déterminer, en cas d’infection, si celle-ci aurait pu survenir de toute façon en dehors de tout séjour dans une structure réalisant des actes de soins, de diagnostic ou de prévention (infection communautaire), si la pathologie ayant justifié l’hospitalisation initiale et les thérapeutiques mises en oeuvre sont susceptibles de complications infectieuses,

*dans l’affirmative, en préciser la nature, la fréquence et les conséquences,

* déterminer si cette infection présentait un caractère inévitable et expliciter en quoi, si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale à l’époque où, ils ont été dispensés,

* donner son avis sur le point de savoir si le professionnel et l’établissement de santé ont porté à la connaissance du patient une information sur les différentes investigations, traitements ou action de préventions qui ont été proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus,

* donner son avis sur le lien de causalité entre, le cas échéant, le manquement, l’accident médical et/ou l’infection et les lésions qu’ils ont pu provoquer et les séquelles constatées,

Sur les préjudices temporaires (avant consolidation)

* prendre en considération le cas échéant toutes gênes temporaires subis par le patient dans la réalisation de son activité habituelle à la suite de l’événement ; en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches ménagères),

* en discuter l’imputabilité à l’événement en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain,

* en cas d’arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise ; en discuter l’imputabilité à l’événement en fonction des lésions et de leur évolution rapportée à l’activité exercée,

* dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire résultant pour M. [H] [E] de l’altération temporaire de son apparence physique subie jusqu’à sa consolidation ; qualifier l’importance de ce préjudice ainsi défini selon l’échelle à sept degrés,

* dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur en prenant en compte le cas échéant toutes les souffrances, physiques et psychiques, ainsi que le cas échéant les troubles associés que M. [H] [E] a pu endurer du jour de l’événement à celui de sa consolidation ; qualifier l’importance de ce préjudice ainsi défini selon l’échelle à sept degrés,

* rechercher si M. [H] [E] était du jour de l’événement à celui de sa consolidation médicalement apte à exercer les activités d’agrément, notamment sportives ou de loisirs, qu’il pratiquait avant l’événement,

* fixer la date de consolidation des blessures qui se définit comme “le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu”il devient possible d’apprécier l’existence éventuelle d’une Atteinte permanente à l’intégrité Physique et Psychique”,

* si la consolidation n’est pas encore acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l’être en l’état,

Sur les préjudices permanents (après consolidation)

* décrire le cas échéant les séquelles imputables à l’événement et fixer, par référence à la dernière édition du “barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun” publié par le Concours Médical, le taux résultant d’une ou plusieurs Atteintes permanentes à l’intégrité Physique et Psychique -AIPP- persistant au moment de la consolidation, constitutif d’un déficit fonctionnel permanent, en prenant en compte la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomophysiologique médicalement constatable ainsi que les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite et enfin les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours,

* dire si, en dépit d’un déficit fonctionnel permanent qui serait le cas échéant objectivé, M. [H] [E] est, au plan médical, physiquement et intellectuellement apte à prendre dans les conditions antérieures l’activité qu’il exerçait à l’époque de l’événement tant sur le plan de la profession, des études, de la formation professionnelle, que dans la vie courante,

* décrire le cas échéant la nécessité d’une assistance par tierce personne imputable à l’événement et quantifier cette assistance,

* dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent résultant pour M. [H] [E] de l’altération de son apparence physique persistant après sa consolidation ; qualifie l’importance de ce préjudice ainsi défini selon l’échelle à sept degrés,

* si M. [H] [E] fait état d’une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles ou d’une modification de la formation prévue ou de son abandon (s’il s’agit d’un écolier, d’un étudiant ou d’un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l’événement, aux lésions et aux séquelles tenues ; se prononcer sur son caractère certain et son aspect définitif,

* rechercher si M. [H] [E] est encore médicalement apte à exercer les activités d’agrément, notamment sportives ou de loisirs, qu’il pratiquait avant l’événement,

* si M. [H] [E] fait état d’une répercussion dans sa vie sexuelle, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l’événement, aux lésions et aux séquelles retenues ; se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

* dire si l’état de M. [H] [E] est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l’affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution ainsi que sur la nature des soins, traitement et interventions éventuellement nécessaires dont le coût prévisionnel sera alors chiffré, en précisant s’il s’agit de frais occasionnels limités dans le temps ou de frais viagers engagés à vie,

* se faire communiquer le relevé des débours de l’organisme social de M. [H] [E] et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l’événement en cause,

* conclure en rappelant la date de l’événement ou des événements indésirables, la date de consolidation et l’évaluation médico-légale le cas échéant retenir pour le déficit fonctionnel temporaire, l’arrêt temporaire des activités professionnelles, le taux du déficit fonctionnel permanent avec son incidence professionnelle et la nécessité éventuelle d’une assistance par tierce personne, les souffrances endurées avant et après consolidation, le préjudice esthétique temporaire et permanent, le préjudice d’agrément temporaire et permanent, le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement,

* s’adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile,

* de manière générale faire toutes constatations permettant à la juridiction éventuellement saisie d’apprécier les responsabilisés encourues et les préjudices subis,

– dispensé le demandeur, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, de toute consignation,

– dit que l’expert dressera un rapport de ses opérations qui sera déposé au greffe de ce tribunal dans un délai de douze mois à compter de la présente décision ; qu’il aura, au préalable, transmis un pré-rapport aux parties et lui aura laissé un délai suffisant pour présenter leurs observations sous forme de dires auxquels l’expert sera tenu de répondre dans son rapport définitif,

– désigné le magistrat en charge du service des expertises pour contrôler les opérations d’expertise et, en cas d’empêchement de l’expert, procéder d’office à son remplacement,

– dit que les dépens seront provisoirement laissés à la charge du Trésor public,

– rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire.

Le 9 janvier 2024, M. [B] [J] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2024, il demande à la cour de :

– déclarer recevable son appel,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Rennes le 17 novembre 2023 en ce qu’elle ne lui permet pas de communiquer les pièces du dossier médical utiles à sa défense sans l’accord du patient,

Statuant de nouveau :

– dire qu’il pourra communiquer à l’expert toute pièce nécessaire à sa défense, y compris émanant du dossier médical de M. [H] [E], sans avoir à recueillir l’accord préalable de ce dernier,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 8 mars 2024, le centre Hospitalier Privé de [Localité 6] demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l’encontre de l’ordonnance rendue le 17 novembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes,

– infirmer ladite ordonnance en ses dispositions ayant limité la production des documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à M. [H] [E] sauf accord de sa part sur leur divulgation,

Statuant à nouveau,

– dire et juger que les parties défenderesses pourront produire les pièces, y compris médicales, nécessaires à leur défense dans le cadre des opérations d’expertise à intervenir, sans que les règles du secret médical ne puissent leur être opposées,

– statuer ce que de droit quant aux frais et dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, l’ONIAM demande à la cour de :

– déclarer recevable l’appel du docteur [B] [J],

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Rennes le 17 novembre 2023 en ce qu’elle ne permet pas au docteur [B] [J] de communiquer les pièces du dossier médical utiles à sa défense sans l’accord du patient,

Statuant de nouveau :

– modifier la mission prévue par l’ordonnance du 17 novembre 2023 et dire que le docteur [B] [J] pourra communiquer à l’expert toute pièce nécessaire à sa défense, y compris émanant du dossier médical de M. [H] [E], sans avoir à recueillir l’accord préalable de ce dernier,

– compléter comme suit en ce qui concerne l’infection :

* Préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes d’infection, a été porté le diagnostic, a été mise en oeuvre la thérapeutique,

* Dire quels ont été les moyens permettant le diagnostic, les éléments cliniques, para cliniques et biologiques retenus,

* Dire quels sont les types de germes identifiés,

* Dire quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l’origine de l’infection et dire par qui il a été pratiqué,

* Déterminer quelle est l’origine de l’infection présentée,

* Déterminer quelles sont les causes possibles de cette infection,

* Préciser si la conduite diagnostique et thérapeutique de cette infection a été conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale à l’époque où ces soins ont été dispensés,

* En cas de réponse négative à cette dernière question, faire la part entre les conséquences du retard de diagnostic et de traitement,

* Procéder à une distinction de ce qui est la conséquence directe de cette infection et de ce qui procède de l’état pathologique intercurrent ou d’un éventuel état antérieur,

* Se faire communiquer par les établissements de soins en cause les protocoles et comptes rendus du CLIN, les protocoles d’hygiène et d’asepsie applicables, les enquêtes épidémiologiques effectuées au moment de faits litigieux,

* Vérifier si les protocoles applicables ont bien été respectés en l’espèce : dire si la vérification a pu être faite et si les règles de traçabilité ont, à cet effet, été respectées,

* Vérifier si un manquement quel qu’il soit, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en vigueur en matière de lutte contre les infections nosocomiales, peut être relevé à l’encontre de l’établissement de soins concerné,

* Dire que l’expert rédigera un pré-rapport qui sera adressé aux parties aux fins d’observations auxquelles il sera répondu dans le rapport définitif.

Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2024, M. [H] [E] demande à la cour de :

– constater qu’il s’en rapporte à l’appréciation de la juridiction quant à l’appel interjeté par le docteur [B] [J],

– condamner le docteur [B] [J] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2024, la CPAM d’Ille-et-Vilaine demande à la cour de :

– constater qu’elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour quant à l’appel interjeté par le docteur [B] [J],

– condamner le docteur [B] [J] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de bref délai est intervenue le 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– sur la communication des pièces médicales

M.[J], invoquant les dispositions de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique et R 4217-4 du même code, critique la mission de l’expert donnée par le juge des référés en ce qu’elle ne permet pas la communication de certains éléments que le médecin pourrait faire valoir pour défendre sa prise en charge médicale, ce qui donne un avantage considérable au patient, dont le premier juge a indiqué qu’il devait donner son accord à la production des pièces médicales. Il s’ensuit, selon lui, une rupture dans le principe de l’égalité des armes, conditions d’un procès équitable.

Le centre hospitalier privé [Localité 6] et l’ONIAM s’associent à cette demande.

M. [H] [E] et la CPAM d’Ille-et-Vilaine s’en rapportent.

L’article L1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment ( ..)

L’article R.4127-4 du même code prévoit que le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

Au cas présent, en soumettant la production de pièces médicales par la partie défenderesse, dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, à l’accord préalable de l’autre partie au litige, alors que ces pièces peuvent s’avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d’instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l’ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense de M. [B] [J].

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l’une des parties au litige se trouve empêchée, par l’autre, de produire spontanément les pièces qu’elle estime utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à sa défense.

Elle l’est d’autant plus en l’espèce que M. [H] [E] ne s’est nullement opposé à la production de l’ensemble des pièces médicales relatives aux faits litigieux.

Il convient donc d’infirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

– sur le complément de mission

L’ONIAM sollicite un complément de mission, auquel aucune des autres parties ne s’oppose.

La cour complétera la mission tel que réclamé.

Les dépens d’appel seront supportés par M. [J] et l’ONIAM.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle donne mission au docteur [Z] de :

* se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à ce patient, avec son accord, ainsi que le relevé des débours de la CPAM ou de son organisme de sécurité sociale),

Statuant à nouveau,

Donne mission au docteur [Z] de :

* se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à ce patient, ainsi que le relevé des débours de la CPAM ou de son organisme de sécurité sociale),

Y ajoutant,

Complète la mission donnée au docteur [Z], comme suit :

sur l’infection :

* préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes d’infection, a été porté le diagnostic, a été mise en oeuvre la thérapeutique,

* dire quels ont été les moyens permettant le diagnostic, les éléments cliniques, para cliniques et biologiques retenus,

* dire quels sont les types de germes identifiés,

* dire quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l’origine de l’infection et dire par qui il a été pratiqué,

* déterminer quelle est l’origine de l’infection présentée,

* déterminer quelles sont les causes possibles de cette infection,

* préciser si la conduite diagnostique et thérapeutique de cette infection a été conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale à l’époque où ces soins ont été dispensés,

* en cas de réponse négative à cette dernière question, faire la part entre les conséquences du retard de diagnostic et de traitement,

* procéder à une distinction de ce qui est la conséquence directe de cette infection et de ce qui procède de l’état pathologique intercurrent ou d’un éventuel état antérieur,

* se faire communiquer par les établissements de soins en cause les protocoles et comptes rendus du CLIN, les protocoles d’hygiène et d’asepsie applicables, les enquêtes épidémiologiques effectuées au moment de faits litigieux,

* vérifier si les protocoles applicables ont bien été respectés en l’espèce : dire si la vérification a pu être faite et si les règles de traçabilité ont, à cet effet, été respectées,

* vérifier si un manquement quel qu’il soit, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en vigueur en matière de lutte contre les infections nosocomiales, peut être relevé à l’encontre de l’établissement de soins concerné,

Condamne le docteur [B] [J] et l’ONIAM aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente


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