La protection des fresques murales

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image_pdfEnregistrer (conclusions, plaidoirie)

L’acquisition d’un immeuble intégrant une oeuvre (fresque murale) y compris en présence d’amiante n’autorise aucune dépose de l’oeuvre sous peine d’une condamnation pour atteinte au droit moral de l’auteur. La dépose totale de la fresque Innocent Printemps (Faculté de Médecine) a engagé la responsabilité du maître d’oeuvre.

Il ressort des éléments produits aux débats que la présence d’amiante est établie. Toutefois, l’unique rapport technique, établi de manière non contradictoire au demeurant, ne mentionne pas le taux d’amiante présent, qui s’il était supérieur aux normes en vigueur pourrait justifier le retrait de la fresque (à savoir 5 fibres / L dans l’air). De plus, la présence d’amiante ne constitue un danger pour la santé dès lors qu’elle forme un nuage de poussière pouvant être inhalé. Par ailleurs, en la matière des mesures techniques de confinement de l’amiante sont possibles. Aucun des éléments produits au débat ne permet de démontrer la nécessité du retrait de la fresque.

Aux termes de l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

La fresque devait donc être déposée et déplacée pour être reposée dans le passage entre la galerie d’art, en violet et le logement, ce qui permet de constater qu’il était possible de conserver les carreaux de céramiques.

Pour rappel, le droit moral est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. Il incombe à l’auteur d’établir l’existence de l’atteinte portée à ses droits, dont il demande la réparation.

Il ne peut être contesté qu’une fresque est une oeuvre incorporée à son support et que son auteur ne peut ignorer cette particularité ; sauf preuve d’une possibilité technique de dissociation, il en résulte que la destruction du support entraîne irrévocablement la destruction de l’oeuvre elle-même.

Il s’en déduit qu’il ne peut être imposer une intangibilité absolue de ll’oeuvre à laquelle le propriétaire de l’immeuble est en droit d’apporter des modifications lorsque celles-ci sont nécessaires et répondent à des besoins nouveaux.

L’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaires imposent que ces modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionné au but poursuivi.

Concernant l’originalité de la fresque, il est établi que celle-ci a été faite à partir de dessins d’enfant, néanmoins, ces dessins n’étaient qu’un premier support afin de créé la fresque finale, de sorte que l’intervention des enfants est inopérant dans l’analyse du caractère original de cette dernière.

Les travaux préparatoires permettent d’établir que la fresque est empreinte de leur personnalité et de leurs choix libres et créatifs, en effet ils avaient une volonté de créer une scénographie imagée par le monde minéral et des expéditions polaires, qui se traduit par la présence de divers animaux marins plus ou moins réalistes, représentés de manière enfantine créant un lien avec le support initial, ceux-ci étant de couleurs et tailles diverses.

Ce choix est accompagné d’une colorimétrie qui leur est propre, comme la terre cuite utilisée pour représenter la vague, un contraste de couleur entre le monde polaire essentiellement blanc avec des illustrations de flocons de neige en opposition avec un monde plus sombre au sein duquel sont représentés différents êtres vivants. Tout ceci représente un cycle, une transition, la banquise au moment de la fonte des glace au printemps, contre la période hivernale plus sombre, avec moins de lumière, de soleil.

A ces éléments visuels s’ajoutent différents matériaux utilisés qui permettent également de caractériser les choix propres qu’ont fait les auteurs, l’utilisation de la gouache et l’émail à froid sur papier, des différences entre matité et brillance, l’utilisation de la plastiline et de la terre de potier, permettent de donner du relief.

La comparaison des autres oeuvres de l’un des auteurs avec la fresque permet d’établir que cette fresque fait partie intégrante de l’univers des auteurs et de leur empreinte artistique.

Résumé de l’affaire

En 1970, E et R Z ont créé une fresque en céramique intitulée “Innocent printemps” pour le Centre Régional de Document Pédagogique. En 2015, la commune de Localité 11 a vendu l’immeuble où se trouvait la fresque. La société Finapar a acquis l’immeuble et a dû enlever la fresque en raison de la présence d’amiante. Les héritiers des artistes ont demandé réparation pour la destruction de l’oeuvre. Le tribunal judiciaire de Lille a condamné Finapar à payer 100 000 euros aux héritiers pour atteinte aux droits d’auteur. Finapar a fait appel de cette décision. Les parties ont des prétentions et des moyens différents, notamment sur le montant de la réparation à verser. Les héritiers demandent également la remise des photographies de la fresque. L’affaire est en attente de jugement en appel.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’originalité de la fresque « Innocent Printemps »

La société Finapar conteste le caractère protégeable de la fresque litigieuse, arguant qu’elle ne possède pas le caractère d’originalité requis par le code de la propriété intellectuelle. En revanche, les consorts [Z] soutiennent que l’oeuvre est originale, singulière et reflète les choix créatifs personnels de leurs parents. Ils apportent des éléments de preuve pour démontrer l’originalité de la fresque, notamment des descriptions détaillées de la création de l’oeuvre et des travaux préparatoires effectués. Il est établi que la fresque est empreinte de la personnalité des auteurs et de leurs choix créatifs, ce qui confirme son originalité.

Aux termes des dispositions du code de la propriété intellectuelle, l’originalité d’une oeuvre est essentielle pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. La fresque « Innocent Printemps » répond à ces critères d’originalité, ce qui justifie sa protection au titre du droit d’auteur.

Sur l’atteinte au droit d’auteur

La société Finapar justifie la destruction de la fresque en raison de la présence d’amiante dans la colle, arguant un cas de force majeure. Cependant, les consorts [Z] contestent cette justification, affirmant que la destruction de l’oeuvre constitue une atteinte indiscutable aux droits d’auteur. Ils soulignent que la société Finapar avait l’obligation de conserver et d’entretenir la fresque selon le contrat de vente de l’immeuble.

Il est établi que la destruction de l’oeuvre constitue une atteinte aux droits d’auteur des consorts [Z], qui étaient héritiers des auteurs de la fresque. La société Finapar n’a pas démontré la nécessité impérative de la destruction de l’oeuvre, alors que des mesures de confinement de l’amiante étaient possibles. Par conséquent, la destruction de la fresque est disproportionnée et constitue une violation du droit d’auteur.

Sur les demandes indemnitaires

Les consorts [Z] sollicitent la réparation de leur préjudice résultant de la destruction de l’oeuvre, incluant le coût de reconstruction de l’oeuvre et le préjudice moral causé. La société Finapar conteste le montant des demandes indemnitaires, mais ne fournit pas de justifications suffisantes.

Il est décidé que la société Finapar devra verser une somme totale de 66 500 euros en réparation des préjudices subis par les consorts [Z]. Cette somme comprend le coût de reconstruction de l’oeuvre et le préjudice moral causé par l’atteinte aux droits d’auteur.

En conclusion, la décision de la cour confirme la protection de la fresque « Innocent Printemps » au titre du droit d’auteur et condamne la société Finapar à verser des dommages et intérêts aux consorts [Z] pour la destruction de l’oeuvre.

Les montants alloués dans cette affaire: – **66 500 euros** : Condamnation de la société Finapar à payer à Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] en réparation de l’atteinte à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme.
– **7 000 euros** : Condamnation de la société Finapar à payer à Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– **Dépens d’appel** : Condamnation de la société Finapar aux dépens d’appel.

Réglementation applicable

– Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle
– Article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle
– Article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle
– Article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle
– Article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle
– Article 954 du code de procédure civile
– Article 564 du code de procédure civile

Texte de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle:
“L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. (…)”

Texte de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle:
“Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.”

Texte de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle:
“La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.”

Texte de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle:
“L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.”

Texte de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle:
“Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.”

Texte de l’article 954 du code de procédure civile:
“La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositifs et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont évoqués dans la discussion.”

Texte de l’article 564 du code de procédure civile:
“A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
– Me Eric Forgeois, avocat au barreau de Lille
– Me Nathalie Verspieren-Macquet, avocat au barreau de Lille

Mots clefs associés & définitions

– Originalité de la fresque “Innocent Printemps”
– Caractère protégeable de l’oeuvre
– Preuve d’originalité créative
– Création collective
– Code de la propriété intellectuelle
– Droit de propriété incorporelle exclusif
– Protection des droits des auteurs
– Qualité d’auteur
– Protection d’une oeuvre sans formalité
– Personnalité de l’auteur
– Fresque créée dans les années 1970
– Description de l’oeuvre
– Travaux préparatoires
– Empreinte de la personnalité des auteurs
– Choix créatifs
– Matériaux utilisés
– Comparaison avec d’autres oeuvres des auteurs
– Atteinte au droit d’auteur
– Droit au respect de l’intégralité de l’oeuvre
– Force majeure
– Présence d’amiante
– Démolition de la fresque
– Droit moral des auteurs
– Obligation de conservation et d’entretien de l’oeuvre
– Présence d’amiante dans la fresque
– Dommages et intérêts
– Préjudice économique et moral
– Bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits
– Montant des dommages et intérêts
– Coût de reconstruction de l’oeuvre
– Préjudice moral causé aux auteurs
– Héritage des consorts [Z]
– Manquements contractuels de la société Finapar
– Responsabilité délictuelle
– Demande de remise de photographies
– Demandes accessoires
– Dépens
– Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile
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– Dommages et intérêts
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– Héritage des consorts [Z]
– Manquements contractuels de la société Finapar
– Responsabilité délictuelle
– Demande de remise de photographies
– Demandes accessoires
– Dépens
– Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 mai 2024
Cour d’appel de Douai
RG n° 22/01806
République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 30/05/2024

N° de MINUTE :

N° RG 22/01806 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHBT

Jugement (N° 20/04806)

rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

La SAS Finapar

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Eric Forgeois, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉS

Madame [C] [Z] épouse [Y]

née le 10 février 1959 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Monsieur [S] [Z]

né le 21 novembre 1942 à [Localité 9] (Algérie)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [U] [Z]

né le 09 décembre 1948 à [Localité 9] (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Nathalie Verspieren-Macquet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 14 mai 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 novembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

[E] et [R] [Z] sont les auteurs d’une fresque en céramique intitulée « Innocent printemps », commandée par le Centre Régional de Document Pédagogique et datée de 1970. Elle a orné la cage d’escalier du hall d’entrée d’un bâtiment de l’ancienne faculté de médecine et de pharmacie situé à l’angle de la [Adresse 12] à [Localité 11].

En 2015, la commune de [Localité 11] a mis en vente l’immeuble où se trouvait ladite fresque.

A l’issu d’une consultation, par acte notarié du 3 avril 2017, la société Finapar a acquis l’ensemble immobilier.

Dans le cadre de la rénovation du bâtiment, la société Finapar a sollicité le cabinet Eurfins afin de faire une analyse sur la présence d’amiante sur la fresque.

Elle expose qu’au regard notamment des résultats de cette analyse, elle a été contrainte de déposer et d’enlever la fresque.

Les héritiers d'[R] et [H] [Z], Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] (ci-après les consorts [Z]) ayant eu connaissance de travaux sur les lieux, ont sollicité la société Finapar afin de voir réparer leur préjudice résultant de la destruction de ll’oeuvre de leur parent.

Les tentatives de règlement amiable ayant échoué, par acte d’huissier de justice du 17 août 2020, les consorts [Z] ont fait assigner la société Finapar devant le tribunal judiciaire de Lille en réparation de leur préjudice résultant de la destruction de ll’oeuvre artistique « Innocent Printemps ».

Par jugement du 18 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

condamné la société Finapar à payer aux consorts [Z] la somme de 100 000 euros en réparation de l’atteinte à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

condamné la société Finapar à payer aux consorts [Z] la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, exposés par ces derniers, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

condamné la société Finapar aux entiers dépens, y compris le coût du procès-verbal de constat d’huissier du 3 février 2021, avec faculté de recouvrement direct au profit de Me Verspieren ;

débouté les consorts [Z] du surplus de leurs demandes ;

rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 13 avril 2022, la société Finapar a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 6 novembre 2023, la société Finapar demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il :

l’a condamnée a’ payer a’ les consorts [Z] la somme 100 000 euros en réparation de l’atteinte a’ leurs droits d’auteur, a’ charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

l’a condamnée a’ payer a’ les consorts [Z] la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, exposés par ces derniers, a’ charge pour eux de re’partir entre eux cette somme ;

a débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de proce’dure civile et des dé’pens ;

l’a condamnée aux entiers de’pens, y compris le cou’t du proce’s-verbal de constat d’huissier du constat en date du 3 fe’vrier 2021, avec faculte’ de recouvrement direct au profit de Mai’tre Nathalie Verspieren, avocate au barreau de Lille ;

Statuant de nouveau,

A titre principal

débouter les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, et donc de leur appel incident ;

A titre subsidiaire

dire que la somme laissée à sa charge ne saurait pouvoir excéder 4 000 euros (pièce n°16) et à titre plus subsidiaire 37 500 euros (pièce n°11) ;

confirmer le jugement dont appel en ce que le tribunal judiciaire de Lille a débouté les consorts [Z] du surplus de leurs demandes ;

En tout état de cause

déclarer irrecevables les consorts [Z] en leur demande visant à la voir condamner à remettre sous format numérique aux consorts [Z] les clichés photographiques de la fresque pris par l’Agence Sintive et reproduits dans le relevé de la fresque (PJ 2 de l’appelante), dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

les dire, en tout état de cause, mal fondés et les en débouter ;

condamner les consorts [Z] aux dépens et dire que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

condamner les consorts [Z] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 novembre 2023, les consorts [Z] demandent à la cour de :

débouter la société Finapar de son appel principal et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal

recevoir les intimés dans leur appel incident et le déclarer bien fondé ;

infirmer le jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a a condamnée la société Finapar à leur payer la somme de 100 000 euros en réparation de l’atteinte à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau

condamner la société Finapar à leur payer la somme de 150 000 euros en réparation de l’atteinte portée à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

condamner la société Finapar à leur remettre sous format numérique les clichés photographiques de la fresque pris par l’Agence Sintive et reproduits dans le relevé de la fresque (PJ 2 de l’appelante), dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

A titre subsidiaire

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En toutes hypothèses

condamner la société Finapar aux entiers frais et dépens d’appel et dire que Maître Nathalie Verspieren pourra se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

condamner la société Finapar à leur payer la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d’appel, à charge pour eux de répartir cette somme entre eux comme bon leur semblera.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’originalité de la fresque « Innocent Printemps »

La société Finapar conteste caractère protégeable de la fresque litigieuse et fait valoir qu’elle ne revêt pas du caractère d’originalité exigé par le code de la propriété intellectuelle et qu’il appartient à l’auteur de ll’oeuvre d’apporter la preuve d’originalité créative. Elle soutient que cette preuve fait défaut et ajoute qu’il s’agit d’une création collective réalisée avec un groupe de l’école [10], dans le cadre d’un dispositif 1 % visant à décorer les ouvrages publics.

Les consorts [Z] soutiennent au contraire que cette oeuvre est originale, singulière, dont les choix créatifs personnels découlent de leurs parents. L’originalité se matérialise par le jeu de contrastes, l’alternance de couleurs, les rapports de proportion entre l’immensité de l’espace et la petitesse des sujets et motifs représentés, les jeux de textures entre les différents matériaux utilisés donnant du relief et les mettant en valeur. Ils apportent aux débats afin de le démontrer la description faite par leurs auteurs, le cahier des charges de la vente de l’ensemble immobilier qui qualifie cette fresque dl’oeuvre à préserver ainsi qu’un constat d’huissier de justice permettant d’établir le travail préparatoire effectué. Ils ajoutent que celui qui revendique des droits n’a pas à prouver les conditions dans lesquelles ll’oeuvre a été réalisés mais doit simplement expliciter les choix créatifs opérés par l’auteur pour permettre à la juridiction saisie d’apprécier souverainement si ces choix portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Ils précisent par ailleurs, que la part du prétendu travail collectif est à démontrer et ne lui retire en rien son originalité.

*

Aux termes des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. (…) ».

Aux termes de l’article L112-1 Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

L113-1 La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui ll’oeuvre est divulguée.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

Ll’oeuvre se doit d’être originale, c’est-à-dire qu’elle doit être identifiable avec une précision et une objectivité suffisantes, et qu’elle reflète la personnalité de son auteur par la manifestation de choix libres et créatifs de ce dernier.

*

Le dossier de consultation de la Direction urbanisme et Habitat de [Localité 11] de février 2015, qualifie cette fresque d’ « oeuvre créé dans les années 1970 avec un groupe d’élèves de l’école [10]. »

Le document de présentation de ll’oeuvre établi par [R] et [H] [Z] décrit les modalités de création de la fresque et précise « Partir d’un format demi feuille de cahier d’écolier et agrandir jusqu’au monumental quelques traits de stylo-feutre que la jeune main y aurait laissés »

« Au départ, le monde minéral [‘] ensuite la retrouvaille périodique [‘] une relance régulière [‘] des relations buissonnent [‘] des traces graphiques qui se développent et foisonnent suggérés ou spontanées [‘] à tous les niveau les choses de rebondir, ricocher [‘]. «  De gauche à droite la progression des moyens mis en oeuvre développait les possibilité de la céramique, les étapes de l’initiation franchies » « Simplicité de la terre brute, variété de ses grains, de ses aspects, de ses couleurs, procédés élémentaires mais déjà riches de l’englobe et de la gravure,(…) ».

Est également produit une copie du livre d’or du vernissage de [H] [Z] intitulé Sublime la lumière du 16 mars 2012, ainsi que copie des travaux préparatoires d'[R] et [H] [Z].

Il résulte de ces éléments qu’il est établi que cette fresque a été faite à partir de dessins d’enfant, que néanmoins, ces dessins n’étaient qu’un premier support afin de créé la fresque finale, de sorte que l’intervention des enfants est inopérant dans l’analyse du caractère original de cette dernière.

Les travaux préparatoires ainsi que la présentation faite par [R] et [H] [Z] permettent d’établir que la fresque est empreinte de leur personnalité et de leurs choix libres et créatifs, en effet ils avaient une volonté de créer une scénographie imagée par le monde minéral et des expéditions polaires, qui se traduit par la présence de divers animaux marins plus ou moins réalistes, représentés de manière enfantine créant un lien avec le support initial, ceux-ci étant de couleurs et tailles diverses.

Ce choix est accompagné d’une colorimétrie qui leur est propre, comme la terre cuite utilisée pour représenter la vague, un contraste de couleur entre le monde polaire essentiellement blanc avec des illustrations de flocons de neige en opposition avec un monde plus sombre au sein duquel sont représentés différents êtres vivants. Tout ceci représente un cycle, une transition, la banquise au moment de la fonte des glace au printemps, contre la période hivernale plus sombre, avec moins de lumière, de soleil.

A ces éléments visuels s’ajoutent différents matériaux utilisés qui permettent également de caractériser les choix propres qu’ont fait les auteurs, l’utilisation de la gouache et l’émail à froid sur papier, des différences entre matité et brillance, l’utilisation de la plastiline et de la terre de potier, permettent de donner du relief.

La comparaison des autres oeuvres de l’un des auteurs avec la fresque permet d’établir que cette fresque fait partie intégrante de l’univers des auteurs et de leur empreinte artistique.

Comme l’a justement relevé le premier juge, aucun de ces choix ne répond à des impératifs techniques et fonctionnels, si ce n’est le position de ll’oeuvre, mais qui a finalement permis de compléter la volonté des auteurs, d’établir un certain équilibre.

Au surplus, la fresque est décrite dans les pièces produites, à savoir le dossier de consultation, mais également dans les échanges entre les parties comme une oeuvre.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve de l’originalité de la fresque Innocent Printemps est démontrée, permettant de lui octroyer la protection du code de la propriété intellectuelle.

Le jugement sera confirmé.

Sur l’atteinte au droit d’auteur

La société Finapar fait valoir que l’auteur d’une oeuvre ne peut imposer au propriétaire matériel une intangibilité absolue de son oeuvre et que le principe du droit au respect de l’intégralité de son oeuvre peut être relativisé lorsque l’originalité de ll’oeuvre est faible. Elle cite un arrêt de la cour de cassation (1ère Civ., 11 juin 2009, n°08-11.138) aux termes duquel il est précisé : « que la vocation utilitaire d’un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son oeuvre à laquelle le propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque révèle la nécessité de l’adapter à des besoins nouveaux ; qu’ils importe néanmoins, pour préserver l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaires, que ces modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnés au but poursuivi ». Elle soutient donc, que la présence d’amiante dans la fresque, plus précisément dans la colle constitue un « cas de force majeure » nécessitant sa dépose. Elle apporte aux débats à ce titre divers avis techniques, d’un laboratoire, d’un architecte notamment démontrant le caractère de dangerosité. Elle précise que les photographies apportées aux débats selon lesquelles la fresque aurait été posé avec un procédé de fixation métallique sont dénuées de force probante. Il était impossible selon elle, de déposer la fresque sans libérer des poussières d’amiante. Enfin, elle précise avoir informé la ville de [Localité 11] de la démolition de la fresque, laquelle n’a manifesté aucune opposition.

Les intimés font valoir que la destruction de ll’oeuvre est une atteinte indiscutable aux droits d’auteurs dont ils sont héritiers, et ce d’autant plus qu’il résulte du contrat de vente qu’elle était tenue de la conserver. Le projet immobilier intègre dès l’origine la conservation et l’entretien de ll’oeuvre par l’acquéreur du site selon les conditions posées par le cahier des charges de la vente, que la société Finapar a accepté. Aucun motif impératif n’a justifié la destruction de ll’oeuvre dans la mesure où fixée sur un châssis amovible en bois par nature amovible, elle devait être déplacée. Ils ajoutent que la présence supposée de fibres d’amiante ne rendait pas la fresque dangereuse en soi. En effet, les matériaux utilisés pour la fresque elle-même ne sont composés que d’argile. La société Finapar ne démontre pas le caractère impératif de la démolition de ll’oeuvre pour préserver la santé des personnes, ll’oeuvre devant être déplacée et reposée. L’examen des photographies versées aux débats démontrent que l’argumentation de l’appelante ne peut prospérer. Les carreaux de céramique de la fresque n’avaient pas à être décollés un à un pour pouvoir déplacer ll’oeuvre. Un telle contrainte n’aurait pu échapper à l’attention d’un promoteur avisé qui a pris l’engagement de la conserver. Ils ajoutent que la théorie avancée par l’appelante est incohérente, puisque le démontage présentait un plus grand risque d’empoussièrement.

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Aux termes de l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

Il incombe à l’auteur d’établir l’existence de l’atteinte portée à ses droits, dont il demande la réparation.

Il ne peut être contesté qu’une fresque est une oeuvre incorporée à son support et que son auteur ne peut ignorer cette particularité ; sauf preuve d’une possibilité technique de dissociation, il en résulte que la destruction du support entraîne irrévocablement la destruction de ll’oeuvre elle-même.

Il s’en déduit qu’il ne peut être imposer une intangibilité absolue de ll’oeuvre à laquelle le propriétaire de l’immeuble est en droit d’apporter des modifications lorsque celles-ci sont nécessaires et répondent à des besoins nouveaux.

L’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaires imposent que ces modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionné au but poursuivi.

Il n’est pas contesté que la fresque a fait l’objet d’une dépose et d’un enlèvement.

Le plan de marché entreprise du rez de chaussée (pièce 2 ‘ appelant) indique sur l’état général de la fresque, qu’elle était dans un état assez bon excepté au droit du limon d’escalier où les carreaux étaient cassés.

Le dossier de consultation de la Direction Urbanisme et Habitat de la ville de [Localité 11] datent de février 2015 précise que : «  Il faut la [la fresque] conserver au même endroit.

Cette oeuvre doit faire l’objet d’une protection le temps du chantier (contreplaqué marine » pour assurer sa conservation. A l’issu du chantier elle devra être entretenue, c’est-à-dire le rejointoiement et le nettoyage doux de la fresque devront être effectués en lien avec la direction du Patrimoine de la Ville de [Localité 11]. »

Le compte rendu de réunion préparatoire du 19 décembre 2017 indique que la société Nord France Construction a réalisé un prélèvement sur la fresque en céramique à conserver, la colle utilisée sur celle-ci contenant de l’amiante (contrôle visuel).

Le compte rendu de réunion du 22 janvier 2018, indique également que des fibres d’amiante de type chryostile sont détectées.

Le rapport d’analyse du cabinet Eurofins fait état de fibre d’amiante de type chrysotile sur des matériaux dur fibreuse de type fibres-ciment, matériaux semi-dur de type plâtre et matériaux souple fibreux de type papier, carton.

Il résulte de ces éléments que la société Finapar, au-delà de l’obligation de respecter le droit moral des auteurs de ll’oeuvre, avait une obligation de conservation et d’entretien de la fresque résultant du contrat de vente de l’immeuble par la ville de [Localité 11].

Il ressort des éléments produits aux débats que la présence d’amiante est établie. Toutefois, l’unique rapport technique, établi de manière non contradictoire au demeurant, ne mentionne pas le taux d’amiante présent, qui s’il était supérieur aux normes en vigueur pourrait justifier le retrait de la fresque (à savoir 5 fibres / L dans l’air). De plus, la présence d’amiante ne constitue un danger pour la santé dès lors qu’elle forme un nuage de poussière pouvant être inhalé. Par ailleurs, en la matière des mesures techniques de confinement de l’amiante sont possibles. Aucun des éléments produits au débat ne permet de démontrer la nécessité du retrait de la fresque.

En outre, les photographies en annexe du constat d’huissier du 3 février 2021, mettent en évidence des traces ainsi que des restes de support métallique, on y aperçoit très clairement une partie de la fresque au dessus des carreaux manquants ce qui prouve que les carreaux de ciment n’étaient pas en contact direct avec la colle, à tout le moins, sur tout le support. Le retrait des carreaux était donc possible.

Au surplus, dans le corps de ses écritures, la société Finapar précise elle même que la fresque devait être déposée et déplacée pour être reposée dans le passage entre la galerie d’art, en violet et le logement, ce qui permet de constater qu’il était possible de conserver les carreaux de céramiques.

La société Finapar, ne démontre pas que la dépose était strictement nécessaire, dès lors que des possibilités de confinement et de dépose sont démontrées, la dépose totale est donc disproportionnée.

Le jugement sera confirmé.

Sur les demandes indemnitaires

Aux termes de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle : Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Les consorts [Z] sollicitent la réparation de leur préjudice né de la destruction de ll’oeuvre comprenant le coût de reconstruction de ll’oeuvre et de l’activité artistique de leur parent tout au long de leur vie.

La société Finapar conteste le montant sollicité par les consorts [Z] en ce qu’il n’est pas justifié. Par ailleurs, ayant été réalisée dans le cadre du dispositif 1% artistique, les intimés ne produisent aucun élément sur le montant facturé aux auteurs.

3.1 Sur le coût de reconstruction :

Les consorts [Z] produisent un devis d’un montant de 62 500 euros, comprenant la réalisation dans le format original, couleurs originales au plus près des photographies et documents, avec les contraintes actuelles dues aux documents originaux, recherches, matériel et technique à disposition de l’artiste, comprenant les recherches, la réalisation artistique et céramique, la réalisation sur support autonome.

La société Finapar produit un devis de reconstruction au prix de 37 500 euros. Le devis indique une conception, taille, rectification des carreaux de verre pose provisoire et définitive, la technique de pose, la fourniture émaux de verre artisanaux, la recherche nuancier, le caractère exclusive de la commande et sa livraison ainsi que la fourniture de pose, mortier colle, isolastic, joint hydrophuse, petite fourniture.

L’atteinte au droit d’auteur, comprenant le droit au respect de son oeuvre et donc l’absence de dénaturation de son oeuvre, ayant été caractérisée par la destruction de l’oeuvre, il n’y a pas lieu de prendre en compte la cotation des auteurs sur le marché de l’art et il convient donc de fixer le préjudice à la somme de 62 500 euros.

3.2 Sur l’atteinte portée à l’oeuvre des auteurs et l’héritage des consorts [Z]

Les consorts [Z] produisent notamment des contrats de réalisation dl’oeuvre, une copie du livre d’or d’une exposition, un extrait de l’annuaire d’Algerie de 1955, et un dossier concernant les vitraux réalisés en Algérie.

La société Finapar produit une estimation d’un commissaire de justice de la fresque au prix de 4 000 euros.

Si la destruction de ll’oeuvre de leur parent, porte atteinte à leur prérogative au titre du droit moral, tel que la paternité de ll’oeuvre, ainsi que le droit de divulgation, la notoriété de leur parent et la cotation de leur oeuvre sur le marché n’est pas justifiée, hormis l’estimation produite par la société Finapar, il convient donc de fixer le préjudice moral résultant de l’atteinte portée à ll’oeuvre de leur parent à la somme de 4 000 euros.

3.3 Sur l’aggravation du préjudice du fait des manquements contractuels de la société Finapar

Les consorts [Z] ne formulent aucune demande autonome à ce titre et ne justifient pas en quoi les manquements contractuels aggraveraient les préjudices qu’ils soutiennent subir.

Les consorts [Z] soutiennent que la responsabilité délictuelle de la société Finapar est engagée en raison de manquement à ses obligations contractuelles. Ils précisent que cette responsabilité est recherchée de manière cumulative à l’atteinte aux droits d’auteur. Cette faute est selon eux, source d’aggravation de leur préjudice.

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile : La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositifs et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont évoqués dans la discussion.

Les consorts [Z] soutiennent dans la partie discussion de leurs conclusions que la responsabilité délictuelle de la société Finapar est engagée, toutefois, ils ne formulent aucune prétention à ce titre dans le dispositif, en effet, ils ne sollicitent que la réparation de leur préjudice « en réparation de l’atteinte portée à leurs droits d’auteur ».

Au vu des ces observations, le jugement sera infirmé, et la société Finapar sera condamnée au paiement de la somme totale de 66 500 euros en réparation des préjudices subis, à charge pour les consorts [Z] de les répartir entre eux.

4. Sur la demande de remise de photographies :

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile : A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n’en a pas saisi le conseiller de la mise en état.

Dans le dispositif de leurs premières conclusions transmises la cour les consorts [Z] ne sollicitaient pas la production des photographies, ce n’est que dans ses dernières écritures,adressée à la Cour qu’ils formulent cette demande. Elle est donc irrecevable.

5. Sur les demandes accessoire :

La société Finapar succombante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que l’équité commande de fixer à 7 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de [Localité 11] rendu le 18 mars 2022 sauf sur le montant de la somme accordée à Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] (100 000 euros) en réparation de l’atteinte à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

L’INFIRME de ce seul chef ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la société Finapar à payer à Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] la somme de 66 500 euros en réparation de l’atteinte à leurs droits d’auteur, à charge pour eux de répartir entre eux cette somme ;

DECLARE irrecevable la demande de Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] tendant à la remise sous format numérique des clichés photographiques de la fresque prise par l’Agence Sinitive ;

CONDAMNE la société Finapar à payer à Mme [C] [Z], épouse [Y] et MM. [S] et [U] [Z] la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Finapar aux dépens d’appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille