La SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe a assigné Mme [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nevers pour obtenir la déchéance du terme d’un contrat de crédit souscrit le 24 juin 2020 et le paiement de 47 510,36 euros, ainsi que d’autres sommes. Mme [D] n’a pas comparu. Par jugement du 10 juillet 2023, la Caisse d’épargne a été déboutée de sa demande en paiement, le juge ayant relevé des incohérences dans le contrat et l’absence de preuves fiables concernant la signature électronique. La Caisse d’épargne a interjeté appel le 4 septembre 2023, demandant l’infirmation du jugement et le paiement des sommes dues. Mme [D] n’a pas constitué avocat pour l’appel, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COPIE OFFICIEUSE
à :
– la SCP ROUAUD & ASSOCIES
Expédition TJ
LE : 26 SEPTEMBRE 2024
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
N° 456 – 10 Pages
N° RG 23/00898 – N° Portalis DBVD-V-B7H-DSUN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de NEVERS en date du 10 Juillet 2023
PARTIES EN CAUSE :
I – CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 1]
[Localité 5]
N° SIRET : 775 618 622
Représentée par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANT E suivant déclaration du 04/09/2023
II – Mme [B] [X] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représentée
à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes de commissaire de justice des 03/10/2023 et 26/12/2023 ayant été transformés en procès-verbal de recherches infructueuses
INTIMÉE
26 SEPTEMBRE 2024
N° 456 /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CLEMENT, Présidente chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseillère
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller
*
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
*
ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Suivant acte d’huissier en date du 6 avril 2023, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe (ci-après désignée « la Caisse d’épargne ») a fait assigner Mme [B] [D] née [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nevers aux fins de voir
– déclarer recevable et bien fondée son action ;
– prononcer la déchéance du terme du contrat de crédit souscrit par Mme [D] le 24 juin 2020 ;
– condamner Mme [D] à lui payer les sommes suivantes sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
* 47 510,36 euros avec intérêts de retard au taux d’entrée du contrat jusqu’au jour du règlement, au titre d’un prêt personnel portant sur la somme de 50 000 euros souscrits le 24 juin 2020 ;
* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
* les dépens.
Mme [D] n’a pas comparu ni été représentée devant le juge.
Par jugement réputé contradictoire du 10 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nevers a :
– débouté la Caisse d’épargne de sa demande en paiement de la somme de 47 510,36 euros formulée à l’encontre de Mme [D] au titre du prêt personnel du 24 juin 2020 portant sur la somme de 50.000 euros ;
– rappelé que le jugement bénéficiait de l’exécution provisoire de droit ;
– débouté la Caisse d’épargne de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la Caisse d’épargne aux dépens.
Le juge des contentieux de la protection a notamment retenu que le prénom de l’emprunteur apparaissant sur le tirage papier du contrat de crédit ne correspondait pas au premier prénom de la défenderesse, que le document physique de l’offre préalable de crédit n’était pas corroboré par un fichier de preuve retraçant les étapes du processus de signature électronique permettant de s’assurer de la fiabilité du processus utilisé et de l’imputabilité de la signature à Mme [D], qu’aucune référence ne permettait de rattacher le fichier de preuve au contrat en cause, que l’attestation de fiabilité des pratiques délivrées par l’ANSSI ou un organisme habilité au tiers certifiant les étapes du processus n’était pas versée aux débats et que la Caisse d’épargne devait en conséquence être déboutée de sa demande en paiement.
La Caisse d’épargne a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 4 septembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 décembre 2023 et signifiées à l’intimée par procès-verbal de recherches infructueuses le 26 décembre 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la Caisse d’épargne demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’elle a été déboutée de sa demande en paiement de la somme de 47 510,36 euros formulée à l’encontre de Mme [D] au titre du prêt personnel du 24 juin 2020 portant sur la somme de 50 000 euros et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a été condamnée aux dépens ;
– déclarer recevable et bien fondée son action en paiement poursuivie à l’encontre de Mme [D] en exécution du contrat de prêt signé électroniquement le 24 juin 2020 ;
– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 44 565,71 euros, ladite somme augmentée du montant des intérêts calculés au taux contractuel jusqu’au parfait règlement conformément aux dispositions de l’article L. 311-24 du code de la consommation ;
– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 2 944,65 euros au titre de l’indemnité légale de résiliation de 8%, ladite somme augmentée du montant des intérêts calculés au taux légal jusqu’au parfait règlement ;
subsidiairement,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat dont s’agit et condamner en conséquence Mme [D] au paiement de la somme de 44 565,71 euros au titre des échéances échues et impayées et du capital restant dû ainsi qu’au paiement de la somme de 2 944,65 euros au titre de l’indemnité légale de résiliation, lesdites sommes étant augmentées des intérêts au taux légal jusqu’au parfait règlement ;
– le cas échéant, déclarer irrecevable toute demande en nullité du contrat de crédit, s’agissant d’une nullité relative couverte par l’exécution du contrat par l’emprunteur ;
– s’il devait toutefois en être jugé autrement, condamner Mme [D] au paiement de la somme de 42 201,21 euros (50 000 – 7 798,79 euros) ;
à titre infiniment subsidiaire,
– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 42 201,21 euros en application des règles de la théorie de l’enrichissement sans cause ;
– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [D] aux dépens de première instance et d’appel.
Mme [D] n’a pas constitué avocat devant la cour.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.
Sur l’existence d’un contrat de crédit
Selon l’article 1353, alinéa 1, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
L’article 1359, alinéa 1, du même code dispose que l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
En vertu de l’article 1367, alinéa 2, du même code, lorsque la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
L’article 1 du décret no 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique précise que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement (UE) no 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.
En l’espèce, la Caisse d’épargne fait grief au jugement attaqué de l’avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 47 510,36 euros formulée à l’encontre de Mme [D] au titre d’un contrat de crédit prétendument souscrit par voie électronique le 24 juin 2020.
Elle rappelle tout d’abord à juste titre que le fait que les documents contractuels fassent apparaître le quatrième prénom de Mme [D] dans l’ordre de l’état civil est sans incidence sur la validité du contrat, dès lors que tout prénom inscrit dans l’acte de naissance peut être choisi comme prénom usuel.
Pour apporter la preuve de l’existence d’un contrat de crédit signé électroniquement, elle verse notamment à la procédure les documents suivants :
– une offre de contrat de crédit : prêt personnel (numéro de dossier : FFI168600308) portant sur un montant de 50 000 euros remboursable en 65 échéances mensuelles de 822,18 euros hors assurance facultative au taux débiteur de 2,45 %, portant la mention « signé électroniquement le 24/06/2020 » par « Mme [X] [C] » en dernière page,
– une attestation de preuve de l’infrastructure de confiance du groupe BPCE dont il résulte que Mme [C] [X] a notamment signé et horodaté électroniquement un document intitulé « offre-de-contrat-de-credit.pdf » le 24 juin 2020,
– une capture d’écran d’une fenêtre informatique « propriétés de la signature » et d’une autre fenêtre informatique « informations détaillées sur les certificats » relative à une signature de Mme [C] [X] le 24 juin 2020.
C’est à bon droit que le premier juge a relevé que l’attestation de preuve ne contenait aucune référence de contrat permettant de la rattacher au contrat litigieux, étant précisé qu’il en va de même des deux captures d’écran produites par la banque, de sorte qu’elle ne justifie pas d’un procédé mettant en ‘uvre une signature électronique qualifiée.
Dans ces circonstances, il convient de rechercher s’il existe des éléments extrinsèques susceptibles de conforter l’offre de contrat de prêt, qui ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit.
La Caisse d’épargne produit :
– la pièce d’identité de Mme [D], deux avis d’imposition, deux bulletins de paye, une facture EDF, un contrat de travail, qui sont des documents standard demandés lors de la conclusion d’un contrat de prêt, qui ne peuvent lui avoir été remis que par la débitrice,
– un relevé de compte du 24 juin 2020 au 1er août 2020 portant sur le compte-courant de Mme [D], dont il résulte qu’un virement SEPA de 50 000 euros a été effectué à son crédit par BPCE Financement le 2 juillet 2020,
– un historique des règlements qui fait apparaître que Mme [D] a été prélevée de plusieurs échéances d’un montant compris entre 861,96 euros et 868,64 euros entre le 4 août 2020 et le 7 mai 2021.
Sur la base de ces pièces complémentaires, qui apportent la preuve tant de la remise de fonds que du commencement d’exécution de l’obligation de remboursement par Mme [D], il y a lieu de retenir qu’un contrat de crédit a bien été conclu entre les parties le 24 juin 2020 pour un montant de 50 000 euros.
Sur la validité de la déchéance du terme
L’article 1225, alinéa 2, du code civil dispose que la résolution du contrat est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
En l’espèce, la Caisse d’épargne fait valoir au soutien de sa demande en paiement dirigée contre Mme [D] que le contrat de prêt a été résilié du fait de la déchéance du terme.
Pour justifier de la validité de la déchéance du terme, elle produit une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 janvier 2022 portant mise en demeure avant déchéance du terme et une lettre recommandée avec accusé de réception du 20 janvier 2022 portant déchéance du terme.
Il résulte cependant des avis de réception que ces deux courriers ont été renvoyés à l’expéditeur avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
En conséquence, la Caisse d’épargne ne démontre ni avoir mis en demeure Mme [D] de régulariser les échéances impayées, ni avoir prononcé régulièrement la déchéance du terme du contrat.
Sur la résiliation judiciaire du contrat
Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1227 du même code dispose que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.
Pour l’exercice de l’action en résolution autorisée par ce texte, l’acte introductif d’instance suffit à mettre en demeure la partie qui n’a pas exécuté son engagement, sans qu’il soit nécessaire de faire précéder cet acte d’une sommation ou d’un commandement (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1re, 23 janvier 2001, no 98-22.760).
En l’espèce, la Caisse d’épargne demande à la cour, à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt. Elle fait valoir que Mme [D] n’a pas respecté son obligation contractuelle de remboursement du prêt, ce qui justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat.
Il résulte de l’historique des règlements du 21 janvier 2022 et du détail de la créance du 20 octobre 2022 produits par le prêteur que la première échéance impayée non régularisée date du 7 juin 2021 et que Mme [D] n’a plus effectué de règlement en remboursement du crédit depuis lors, ce qui caractérise une inexécution suffisamment grave de l’obligation essentielle de l’emprunteur de rembourser les fonds prêtés.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Caisse d’épargne de sa demande en paiement, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de crédit au 6 avril 2023, date de l’assignation.
Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels
L’article L. 312-12 du code de la consommation dispose que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l’article L. 312-5.
Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d’un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d’informations mentionnée au premier alinéa lui soit fournie, sur le lieu de vente, sur support papier, ou tout autre support durable.
Lorsque le prêteur offre à l’emprunteur ou exige de lui la souscription d’une assurance, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit informe l’emprunteur du coût de l’assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l’article L. 312-7.
L’article L. 341-1 du même code prévoit que sous réserve des dispositions du second alinéa, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l’article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts.
En l’espèce, la Caisse d’épargne soutient avoir remis à Mme [D] la fiche d’information précontractuelle européenne normalisée préalablement à la signature du contrat.
Elle ne produit toutefois aucun élément permettant d’établir que ce document ait effectivement été remis avant la signature du contrat de crédit, étant observé que la signature électronique apposée en dernière page est datée du même jour que la signature du contrat, sans précision horaire, de sorte qu’il n’est, au mieux, démontré qu’une remise concomitante de la FIPEN et du contrat.
Il convient en conséquence de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la demande en paiement de la banque
L’article L. 312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
L’article L. 341-8 du même code ajoute que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
La Cour de cassation juge par ailleurs que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l’emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1re, 26 novembre 2002, no 00-17.119).
Cependant, afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation, le taux légal, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1re, 28 juin 2023, no 22-10.560).
En l’espèce, il ressort de l’historique des règlements que la somme totale versée par Mme [D] en remboursement du prêt sur la période du 4 août 2020 au 4 mai 2021, étant précisé que le premier impayé non régularisé est intervenu le 4 juin 2021, s’élève à 7 798,49 euros, dont 7 404,05 euros au titre du capital et des intérêts, 34,44 euros à titre d’indemnité de report et 360 euros au titre de l’assurance.
Eu égard à la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels prononcée, il doit être considéré que les sommes versées par l’emprunteuse au titre des intérêts l’ont été à tort et devront être imputées sur le capital restant dû.
Mme [D] reste donc devoir la somme de 50 000 – 7 404,05 = 42 494,95 euros.
En ce qui concerne les primes d’assurance, la Caisse d’épargne écrivait dans son courrier du 20 janvier 2022 : « si une assurance accompagnait votre dossier, celle-ci sera résiliée pour non-paiement des primes dans les 40 jours suivant l’envoi de la présente lettre », sans qu’elle ne précise dans ses dernières conclusions la date de résiliation effective de ladite assurance. Sa créance à ce titre sera donc limitée aux échéances du 4 juin 2021 au 4 janvier 2022, soit 8 x 40 euros = 320 euros, à défaut de preuve du maintien de l’assurance pour les échéances postérieures.
Eu égard à l’absence de déchéance du terme, et en tout état de cause, à la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, la Caisse d’épargne est mal fondée à solliciter le paiement de l’indemnité légale de 8 %.
Enfin, le taux d’intérêt légal fixé à 4,92 % au 2nd semestre 2024 (date du prononcé du présent arrêt) et susceptible d’être majoré de 5 points en cas d’inexécution de l’arrêt dans un délai de deux mois, est supérieur au taux conventionnel de 2,45 %.
Son application ne permettrait donc pas de sanctionner de manière effective et dissuasive le manquement de la Caisse d’épargne à son obligation précontractuelle d’information. Les intérêts dus par Mme [D] seront en conséquence fixés au taux de 1 % à compter de l’assignation.
Infirmant le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Caisse d’épargne de sa demande en paiement, il convient en conséquence de condamner Mme [D] à lui payer les sommes suivantes :
– 42 494,95 euros au titre du capital restant dû,
– 320 euros au titre des primes d’assurance impayées,
avec intérêts au taux de 1 % à compter de l’assignation.
Eu égard au prononcé de cette condamnation, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en paiement de la Caisse d’épargne présentées à titre subsidiaire sur les fondements de la nullité du contrat de prêt et de l’enrichissement sans cause.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens mais confirmé en celles relatives aux frais irrépétibles de première instance.
Partie succombante, Mme [D] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Nonobstant l’issue de la procédure, l’équité et les circonstances économiques commandent de débouter la Caisse d’épargne de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation du contrat de crédit, conclu le 24 juin 2020 entre la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe et Mme [B] [D], au 6 avril 2023, date de l’assignation,
PRONONCE la déchéance totale de la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe de son droit aux intérêts conventionnels,
CONDAMNE Mme [B] [D] à payer à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe les sommes suivantes :
– 42 494,95 euros au titre du capital restant dû,
– 320 euros au titre des primes d’assurance impayées,
avec intérêts au taux de 1 % à compter de la date de l’assignation,
CONDAMNE Mme [B] [D] aux dépens de première instance et d’appel,
DÉBOUTE la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
S. MAGIS O. CLEMENT