La présence de caméras et micros en milieu professionnel

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La présence de caméras et micros en milieu professionnel
Ce point juridique est utile ?

L’employeur doit porter à la connaissance des salariés l’existence de l’ensemble des caméras de vidéosurveillance installées sur le lieu de travail et surtout des micros qui y sont associés

En l’espèce, les caméras installées par l’employeur permettaient une surveillance des lieux et de l’activité des salariés mais également d’entendre ce qui y était dit, comme cela ressort du constat d’huissier de justice versé aux débats.

S’agissant du dispositif de vidéo surveillance, le fait de filmer en permanence les salariés sur leur poste de travail et de capter les sons émis dans le restaurant, en ce compris les conversations, était attentatoire à leur vie personnelle et disproportionné au but poursuivi allégué par l’employeur, à savoir la sécurité des personnes et des biens (en ce sens, Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 19-13.856, publié). A cet égard, l’employeur ne justifie concrètement d’aucun risque particulier de vol, de dégradations ou d’agression.

La présence des caméras et micros entraînant une surveillance abusive des salariés caractérise un manquement de l’employeur à ses obligations. Elle est étrangère à tout harcèlement, dans la mesure où il ne résulte d’aucun élément du débat que l’employeur ait exploité les bandes de video surveillance et les enregistrements ou ait fait état de leur contenu à l’un ou l’autre des salariés.

L’article L. 1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser la vidéo surveillance afin de contrôler constamment l’activité des salariés. La mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie personnelle et à leurs droits et libertés individuelles.

En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit informer les salariés sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en oeuvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 juin 2024
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
22/01297
C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 25 juin 2024 à

Me Audrey GUERIN

la SELARL DA COSTA – DOS REIS

FCG

ARRÊT du : 25 JUIN 2024

MINUTE N° : – 24

N° RG 22/01297 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GSWH

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 25 Avril 2022 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

Madame [M] [H] [W]

née le 23 Janvier 1991 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Audrey GUERIN, avocate au barreau d’orléans

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/03133 du 08/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ORLEANS)

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. CONCEPT ONE Venant aux droits de la SAS THAI ONE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA -DOS REIS – avocat au barreau d’Orléans

Ordonnance de clôture : le 26 janvier 2024

Audience publique du 6 Février 2024 tenue par Mme Florence CHOUVIN,, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 25 juin 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 24 août 2020, d’une durée de deux mois, la SAS Thai One, exerçant sous l’enseigne Pitaya, aux droits et obligations de laquelle vient la SARL Concept One, a engagé Mme [M] [H] [W] en qualité d’employée polyvalente, statut employé, niveau 1, échelon 1 de la classification de la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988 pour une rémunération mensuelle brute de 1539,45 euros.

La relation de travail s’est poursuivie selon contrat à durée indéterminée à temps complet conclu le 26 octobre 2020, moyennant une rémunération de 1732,94 € pour un horaire mensualisé de 171, 21 heures.

Par courrier daté du 1er mars 2021, remis en main propre à l’employeur le 13 avril 2021, Mme [M] [H] [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 24 septembre 2021, Mme [M] [H] [W] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins de voir requalifier sa prise d’acte en une rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

La SARL Concept One a demandé au conseil de prud’hommes de débouter Mme [M] [H] [W] de ses demandes et de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 25 avril 2022, le conseil de prud’hommes d’Orléans a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige:

– Requalifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [M] [H] [W] en une démission,

– Déboute Mme [M] [H] [W] de toutes ses demandes,

– Condamne Mme [M] [H] [W] aux entiers dépens.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 25 mai 2022, Mme [M] [H] [W] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 6 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [M] [H] [W] demande à la cour de:

Déclarer Mme [H] [W] recevable et bien fondée en son appel.

Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

« Requalifié la prise d’acte de rupture du contrat de travail de Madame [H] [W] [M] en une démission.

Débouté Madame [H] [W] [M] de toutes ses demandes.

Condamné Madame [H] [W] [M] aux dépens. »

Statuant à nouveau,

Prononcer la prise d’acte du contrat de travail de Mme [H] [W] aux torts et griefs exclusifs de son employeur, la société Concept One ,

Juger que la prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Condamner la société Concept One à devoir payer à Mme [H] [W] les sommes de:

– préjudice moral : 5000 euros

– indemnité légale de licenciement : 192,37 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse / prise d’acte : 5000 euros.

– indemnité de préavis : 769,50 euros.

Condamner la SARL Concept One sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir de communiquer à Mme [H] [W] :

– l’attestation pôle emploi rectifiée

– le solde de tout compte rectifié

– bulletin de salaire afférent au solde de tout compte

Condamner la société Concept One à devoir payer à Maître Guerin la somme de 3000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la loi sur l’aide juridictionnelle,

Condamner la même aux entiers dépens de l’instance,

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Débouter la société Concept One de ses demandes plus amples ou contraires.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 25 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SARL Concept One demande à la cour de:

Confirmer l’intégralité des dispositions du jugement rendu le 25 avril 2022 par le conseil de prud’hommes d’Orléans (RG n° F 21/00460).

Déclarer les prétentions de Mme [H] [W] recevables mais mal fondées.

Analyser la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [H] [W] en une démission.

En conséquence,

Débouter Mme [H] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

Condamner Mme [H] [W] à payer à la SARL Concept One la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil.

Condamner Mme [H] [W] à payer à la SARL Concept One la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner le même aux entiers dépens de la présente instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A l’appui de sa demande tendant à ce que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [M] [H] [W] reproche à son employeur un grief qu’elle qualifie de principal, à savoir un harcèlement moral en raison d’une surveillance constante, ainsi que plusieurs autres griefs qu’elle qualifie de complémentaires. Selon elle, ces « griefs complémentaires » caractérisent à la fois un manquement à l’obligation de sécurité et des faits de harcèlement moral.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [M] [H] [W] invoque une surveillance constante par son employeur. Elle fait valoir que le restaurant était équipé de multiples caméras et de micros non conformes à la réglementation instaurée par la CNIL. L’employeur pouvait s’y raccorder à tout moment sur tablette ou téléphone dans le seul but d’une « écoute malsaine et attentatoire aux libertés » des salariés. Elle ajoute avoir dû se rendre aux urgences psychiatriques le 2 janvier 2021.

Mme [M] [H] [W] invoque également des griefs qualifiés par elle de « complémentaires » et constitutifs selon elle de harcèlement moral. Elle reproche à son employeur :

– de lui avoir refusé des acomptes ;

– de ne pas s’être vu proposer une adhésion à la mutuelle de l’entreprise ;

– de ne pas l’avoir déclarée à la médecine du travail ;

– de ne pas avoir transmis son attestation de salaire à la CPAM à la réception de son arrêt maladie ;

– de lui avoir adressé son salaire par chèque alors qu’elle n’avait qu’un compte qui ne lui permettait pas de déposer des chèques, l’obligeant à se déplacer à la société alors qu’elle était en arrêt maladie, ce qui est en outre un manquement à l’obligation de sécurité. Elle ajoute avoir dû se rendre aux urgences psychiatriques en janvier 2021 ;

– de ne lui avoir laissé parfois qu’une journée de repos par semaine ;

– de lui avoir fait « subir des punitions sur planning » ;

– des « coupures imposées plus fréquemment ayant pour conséquence une déduction des repas sur son salaire alors qu’ils étaient surfacturés et parfois facturés même si elle ne mangeait pas » ;

– d’avoir fait « l’objet de mépris et de délation instaurés par ses supérieurs » ;

– de s’être vu refuser l’accès au planning.

Il convient, tout d’abord, de vérifier si les faits allégués par Mme [M] [H] [W] sont matériellement établis puis, le cas échéant, d’examiner s’ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

S’agissant de l’allégation d’une surveillance constante constitutive de harcèlement, l’employeur réplique qu’il n’est quasiment jamais sur place au restaurant, que Mme [H] [W] ne s’est jamais plainte de faits de harcèlement moral et qu’elle procède par affirmations sans produire le moindre justificatif, si ce n’est l’attestation d’un salarié sanctionné pour vol et ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail pour les mêmes motifs le même mois. Il ajoute que la présence de caméras dans le restaurant, installées par le précédent propriétaire, est justifiée par la nécessité d’assurer la sécurité des biens et des personnes, clients comme salariés, que ce soit à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, dégradations ou d’agressions.

L’article L. 1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser la vidéo surveillance afin de contrôler constamment l’activité des salariés. La mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie personnelle et à leurs droits et libertés individuelles.

En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit informer les salariés sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en oeuvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique.

L’employeur reconnaît qu’il existe trois caméras, deux au niveau des ouvertures du restaurant et la troisième au-dessus de la caisse. Compte tenu des photographies qu’il verse lui-même aux débats, il en existe au moins une autre dans la cuisine qui permet d’en voir l’intégralité, celle-ci n’étant qu’un long couloir. Ces caméras permettaient une surveillance des lieux et de l’activité des salariés mais également d’entendre ce qui y était dit, comme cela ressort du constat d’huissier de justice versé aux débats.

Il n’est pas justifié par l’employeur qu’il ait porté à la connaissance des salariés l’existence de l’ensemble des caméras et surtout des micros qui y étaient associés.

Le fait est établi.

S’agissant des acomptes, l’article L. 3242-1 du code du travail impose à l’employeur de verser un acompte au salarié qui en fait la demande, cette obligation ne valant toutefois que pour une seule demande par mois. Les bulletins de salaire mentionnent une saisie sur salaire et le versement régulier d’acomptes au profit de Mme [H] [W].

Il apparaît que celle-ci avait constamment besoin d’acomptes sur son salaire auxquels l’employeur faisait droit : le 22 octobre 2020 : « j’ai vraiment besoin d’un acompte je suis en galère» ; le 10 novembre 2020 « j’ai besoin d’un acompte pitié 150 ‘ » ; Le 21 novembre : « [G] est-il possible d’avoir un acompte de 100 € Today ‘ Le dernier promis.» ; Le 31 décembre 2020 « bonjour, besoin de 100 € d’acompte today svp merci ».

Les SMS produits aux débats établissent que l’employeur répondait toujours favorablement aux demandes d’acomptes. Les versements réguliers d’acomptes sont également justifiés par les bulletins de paie sur lesquels ils apparaissent : septembre 2020 : 450 € ; octobre 2020 : 600 € ; novembre 2020 : 250 € ; décembre 2020 : 350€.

Dans ces conditions, l’absence de versement d’acomptes allégué par la salariée est étranger à tout harcèlement moral.

Le contrat de travail prévoyait que la salariée serait affiliée aux différents régimes de protection sociale en vigueur dans la société, concernant la retraite complémentaire auprès d’Humanis retraite et concernant la prévoyance auprès de l’organisme AG2R prévoyance. L’employeur produit en pièce n° 16, ce qui serait le justificatif d’adhésion à la mutuelle Aviva. Il ne s’agit en réalité que d’un bulletin individuel d’inscription, de modification ou de radiation qui ne justifie pas de la réalité de l’adhésion qui ne porte pas le cachet de la mutuelle. Rien n’établit qu’il a bien été adressé à cette société d’assurance et prévoyance et donc que l’employeur a bien fait bénéficier sa salarié d’une complémentaire santé d’entreprise. Le fait est établi.

L’employeur produit également en pièce n° 15 ce qui serait la liste des salariés du restaurant établi par la CIHL sur laquelle figure le nom de Mme [M] [H] [W]. Ce simple listing qui ne porte pas mention de son auteur ne saurait justifier que l’employeur a bien inscrit Mme [M] [H] [W] au service de prévention et de santé au travail. La cour relève également qu’il n’est justifié ni du paiement des frais d’inscription ni du moindre suivi individuel de Mme [M] [H] [W] qui pourrait confirmer cette inscription. Le fait est établi.

L’employeur soutient avoir adressé l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières. Si là encore, il produit en pièce n° 14 ce qui serait l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières, il n’est pas justifié de sa date d’envoi à la Caisse primaire d’assurance-maladie. La salariée produit les courriels et SMS qu’elle a adressés et reçus de la Caisse primaire d’assurance-maladie et notamment le courriel du 22 mars 2021 de la Caisse primaire d’assurance-maladie établissant que l’employeur ne lui a toujours pas adressé ce document, ce qui a eu pour conséquence le non-paiement des indemnités journalières. Le fait est établi.

Mme [M] [H] [W] reproche à son employeur de lui avoir payé son salaire correspondant à son solde de tout compte par chèque et non par virement ou en espèce. Ce fait est postérieur à la prise d’acte et n’a pas à être examiné pour juger du bien-fondé de la prise d’acte. En tout état de cause, il n’est pas justifié que l’employeur connaissait l’impossibilité pour la salariée d’encaisser un chèque et qu’il ait toujours procédé par virement.

Les plannings produits en pièce 6, relatifs à la période du 21 au 27 décembre 2020, ne suffisent pas à démontrer que l’employeur a respecté les temps de repos alors que la salariée soutient qu’elle n’a bénéficié que d’une journée de repos par semaine. Le grief est fondé.

S’il y a eu des modifications de planning, il n’est pas établi que cela soit pour punir la salariée comme elle le prétend mais plutôt pour répondre à ses absences comme cela ressort des SMS produits qui conduisent la salariée non pas à se plaindre mais à remercier l’employeur. À titre d’exemple : le samedi 19 décembre 2020 : « oh [K], je suis trop contente pour [W], je vous offre ma loyauté lol oh merciiii merciiii merciiii ». Mme [M] [H] [W] se plaint « de travailler toute la journée du 25 alors que [U] a obtenu son congé ». Il ressort du planning versé aux débats qu’elle était pourtant en congé ce jour-là (25 décembre) même si elle était en absence injustifiée le samedi 26 et le dimanche 27 décembre 2020. La salariée se plaint également d’avoir une heure de pause. L’employeur n’a pas l’obligation de lui accorder une pause inférieure ou supérieure à une heure. Ces griefs ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la surfacturation des repas ou la facturation de repas non pris, la salariée ne produit aucune pièce si ce n’est ses bulletins de salaire. Elle ne s’explique pas précisément sur ce point et n’explicite pas en quoi l’employeur aurait manqué à ses obligations contractuelles en lui facturant les repas pris à 3,65 €, lesquels ne viennent pas en déduction de son salaire. Le grief n’est pas établi.

En ce qui concerne les allégations relatives au refus d’accéder au planning, au mépris et à la délation, les pièces produites par Mme [M] [H] [W] ne permettent pas d’établir la matérialité de ces griefs.

Pour ceux qui sont établis, et à l’exception de l’allégation des refus d’acomptes, les faits invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

La SARL Concept One produit les attestations de cinq salariés selon lesquelles leur employeur est peu présent et qu’ils n’ont jamais été victimes, ni n’ont observé le moindre harcèlement moral envers leurs collègues.

Il résulte des pièces du dossier que Mme [M] [H] [W] avait d’importants problèmes personnels, comme cela ressort des SMS produit aux débats qui démontrent qu’elle :

– avait beaucoup de mal à sortir de son lit pour aller travailler comme cela ressort des SMS envoyés à son employeur : le 7 octobre 2020 : « [G] je peux rester chez moi aujourd’hui ‘ » ; Le 13 octobre 2020 : « [G] j’ai loupé mon réveil. J’arrive pas démarrer »; le 10 novembre 2020 « je reste à ma maison ce soir [G] je suis migraineuse » ; le 21 novembre 2020 : « non mdr pas du tout, mais ma fille est malade, en plus hier j’ai bu et me suis retrouvée à devoir m’en occuper toute la nuit’ du coup je suis en vrac »; le 8 décembre 2020 « encore dans le lit ma fille est malade elle M a tuée. J’ai loupé le réveil les réveils» ; le 18 décembre 2020 : « j’arrive pas à dormir, je serais sûrement en retard demain » ; le 26 décembre 2020 « Bonjour, problème personnel. Absente aujourd’hui et demain ».

– Mme [M] [H] [W] indiquait elle-même dans un SMS du 22 octobre 2020 « bah ça va s’arranger et c pas le boulot qui me fait déprime au contraire ».

Il ressort des SMS échangés avec l’employeur que celui-ci s’est montré compréhensif à l’égard de la salariée, n’a pas sanctionné ses absences et retards répétés et lui a accordé des acomptes. La dégradation de l’état de santé de la salariée est sans lien avec ses conditions de travail. Ainsi, aucune corrélation ne saurait être établie entre la visite aux urgences psychiatriques de la salariée et ses conditions de travail.

S’agissant du dispositif de vidéo surveillance, le fait de filmer en permanence les salariés sur leur poste de travail et de capter les sons émis dans le restaurant, en ce compris les conversations, était attentatoire à leur vie personnelle et disproportionné au but poursuivi allégué par l’employeur, à savoir la sécurité des personnes et des biens (en ce sens, Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 19-13.856, publié). A cet égard, l’employeur ne justifie concrètement d’aucun risque particulier de vol, de dégradations ou d’agression.

La présence des caméras et micros entraînant une surveillance abusive des salariés caractérise un manquement de l’employeur à ses obligations. Elle est étrangère à tout harcèlement, dans la mesure où il ne résulte d’aucun élément du débat que l’employeur ait exploité les bandes de video surveillance et les enregistrements ou ait fait état de leur contenu à l’un ou l’autre des salariés.

De même, les carences de l’employeur dans ses obligations relatives au temps de repos, à l’affiliation de la salariée à la médecine du travail et à une complémentaire santé d’entreprise, à la remise d’une attestation de salaire en vue d’obtenir le paiement des indemnités journalières de Sécurité sociale sont étrangères à tout harcèlement moral.

Dans le dispositif de ses conclusions, la salariée sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 5000 € au titre du « préjudice moral » subi. Dans les motifs de ses conclusions, elle soutient être bien fondée à solliciter l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 5000 € en invoquant le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité et le préjudice subi au titre du harcèlement moral.

La présence des caméras et micros entraînant une surveillance abusive des salariés ne s’analyse pas comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En revanche, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, notamment en n’affiliant pas Mme [M] [H] [W] à la médecine du travail et en ne justifiant pas du respect des règles relatives aux périodes minimales de repos.

Il y a lieu de condamner la SARL Concept One à payer à Mme [M] [H] [W] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Sur la qualification de la rupture

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et il convient d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Les manquements de l’employeur matériellement établis, à savoir le non- respect des temps de repos, une surveillance abusive, l’absence de déclaration à la médecine du travail, le fait de n’avoir pas adressé à la Caisse primaire d’assurance-maladie l’attestation de salaire pour permettre à la salariée de percevoir des indemnités journalières, le défaut d’affiliation de la salariée à une mutuelle sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

La salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé durant le préavis d’une durée de 15 jours selon la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988. Il y a lieu de lui allouer la somme de 769,50 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

                      

Mme [M] [H] [W] est fondée à solliciter une indemnité de licenciement. La SARL Concept One est condamnée à lui payer la somme de 192,37 € net.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.      

Mme [M] [H] [W] a acquis une ancienneté de moins d’une année au moment de la rupture dans une société employant habituellement moins de onze salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est au maximum d’un mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à Mme [M] [H] [W] la somme de 1000 euros brut à titre d’indemnité pour rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

La SARL Concept One demande de condamner la salariée à lui verser la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, par application des articles 1240 du Code civil et 32-1 du code de procédure civile.

L’engagement d’une action en justice et sa poursuite en appel constituent un droit dont l’exercice ne dégénère en abus qu’en cas de démonstration d’une faute non caractérisée en l’espèce. Au surplus, la SARL Concept One ne justifie d’aucun préjudice.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la SARL Concept One doit en conséquence être rejetée.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d’ordonner à la SARL Concept One de remettre à Mme [M] [H] [W] une attestation Pôle emploi devenu France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.

Il n’y a pas lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte.

Sur la demande d’exécution provisoire

L’arrêt n’étant pas susceptible d’un recours suspensif d’exécution, la demande d’exécution provisoire est sans objet.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.

Il y a lieu de condamner la SARL Concept One à payer à Maître Audrey Guérin la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve de son renoncement au bénéfice de la part contributive de l’Etat en cas de recouvrement de cette somme en application de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 25 avril 2022, entre les parties, par le conseil de prud’hommes d’Orléans sauf en ce qu’il a débouté la SARL Concept One de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Mme [M] [H] [W] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Concept One à payer à Mme [M] [H] [W] les sommes suivantes :

– 769,50 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 192,37 euros net à titre d’indemnité licenciement ;

– 1000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Ordonne à la SARL Concept One de remettre à Mme [M] [H] [W] une attestation Pôle emploi devenu France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification ;

Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte ;

Déboute la SARL Concept One de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déclare la demande d’exécution provisoire sans objet ;

Condamne la SARL Concept One à payer à Maître Audrey Guérin la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve de son renoncement au bénéfice de la part contributive de l’Etat en cas de recouvrement de cette somme en application de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Déboute la SARL Concept One de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Concept One aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID


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