Monsieur [G] a construit une maison individuelle en 2001, avec l’intervention d’un architecte, d’une entreprise de gros œuvre, et d’un bureau d’études pour une étude de sol. Un procès-verbal de réception a été établi en janvier 2004 avec réserves. En raison de fissures dans la maison, un expert judiciaire a été désigné en 2007, et son rapport a été déposé en 2013. En mars 2015, le juge des référés a rejeté des demandes de provision de Monsieur [G] contre l’architecte, mais un appel a conduit à une condamnation de 140.000€ en octobre 2015.
Monsieur [S] et son assureur ont assigné plusieurs parties pour garantir les condamnations potentielles. Monsieur [G] a demandé une condamnation solidaire des intervenants au titre de l’indemnisation de ses préjudices. En janvier 2020, le tribunal a condamné plusieurs parties à verser 71.516,98€ à Monsieur [G]. La SAS FIMUREX MEDITERRANEE et son assureur ont interjeté appel, mais l’instance a été déclarée périmée en février 2024. Ces parties ont formé un déféré contre cette décision, arguant d’un droit à un procès équitable et d’un délai raisonnable. Elles ont demandé la réformation de l’ordonnance et le rejet de la péremption. Le 26 mars 2024, elles ont maintenu leurs prétentions en se référant à un revirement de jurisprudence sur les péremptions d’instance. GROUPAMA MEDITERRANEE et la SARL BET SUDETUD ont demandé à la cour de prendre acte de leur position sur le déféré et de condamner le succombant aux dépens. Les autres parties n’ont pas conclu sur ce déféré. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-4
ARRÊT DE DEFERE
DU 26 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/02917 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMV4V
S.A.S.U. FIMUREX MEDITERRANEE
Société SMABTP
C/
[Y] [S]
[P] [G]
S.A. GAN ASSURANCES
S.A.R.L. BET SUDETUDE
Société GROUPAMA
Société MAF
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Serge DREVET
Me Charles TOLLINCHI
Me Antoine FAIN-ROBERT
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Février 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/3700.
APPELANTES
S.A.S.U. FIMUREX MEDITERRANEE
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Elsa PASQUALINI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Société SMABTP
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Elsa PASQUALINI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉS
Monsieur [Y] [S]
, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me Gérard MINO, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [P] [G]
Demandeur à l’incident
, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. GAN ASSURANCES
, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me Jean-jacques DEGRYSE de la SELARL CABINET DEGRYSE ET MASSUCO, avocat au barreau de TOULON,
S.A.R.L. BET SUDETUDE
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Antoine FAIN-ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Société GROUPAMA
, demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Antoine FAIN-ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Société MAF
, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Gérard MINO, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Adrian CANDAU, conseiller rapporteur, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.
ARRÊT
Monsieur [G] a entrepris au cours de l’année 2001 la construction d’une maison individuelle sise [Adresse 4].
Sont notamment intervenus à cet acte de construire :
Monsieur [S], architecte avec mission complète, assuré auprès de la MAF
La SARL [N], en charge du lot gros ‘uvre, assuré auprès du GAN,
L’EURL ARMAFOR, en charge de la réalisation d’une Etude de sol, aux droits de laquelle vient la SAS FIMUREX MEDITERANNEE, assurée auprès de la SMABTP étant précisé que l’EURL ARMAFOR a sous-traité à la SARL SUDETUD une « étude de béton armé comprenant plans de coffrage et de ferraillage,
La SARL SUDETUD étant assurée auprès de GROUPAMA.
Un procès-verbal de réception a été régularisé le 12 janvier 2004 avec réserves.
Faisant état de l’apparition de fissurations affectant sa maison, Monsieur [G] a obtenu la désignation de Monsieur [U] en qualité d’expert judiciaire par ordonnance de référé du 13 juillet 2007.
Les opérations d’expertise ont été étendues à la SARL SUDETUD par ordonnance de référé du 22 septembre 2010 à la requête de Monsieur [G].
Monsieur [U] a déposé son rapport le 12 juin 2013.
Par Ordonnance de référé du 11 mars 2015, le Juge des référés a rejeté les demandes provisionnelles formées par Monsieur [G] à l’encontre de Monsieur [S], retenant à cet effet l’existence de contestations sérieuses. Cette ordonnance a été frappée d’appel par Monsieur [G]. Par arrêt de réformation en date du 22 octobre 2015, [Y] [S] et la MAF ont été condamnés à verser à Monsieur [G] une somme de provisionnelle de 140.000€.
Par actes en date du 20 et 21 avril et du 18 mai 2015, Monsieur [S] et son assureur la MAF ont assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Draguignan :
Le BET ARMAFOR et son assureur SMABTP
Le BET SUDETUD et son assureur GROUPAMA
La SARL [N] et son assureur le GAN,
Aux fins de relevé et garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.
Monsieur [G], maitre d’ouvrage, a régularisé des conclusions d’intervention volontaire le 4 septembre 2015, sollicitant la condamnation solidaire de Monsieur [S] et la MAF, le BET ARMAFOR et la SMABTP, la SARL [N] et le GAN au visa des articles 1792 et 1147 du Code civil en vue d’être indemnisé de ses préjudices.
Par jugement du 29 janvier 2020, le Tribunal Judiciaire de Draguignan a notamment statué comme suit :
CONDAMNE l’EURL ARMAFOR, BET Armafor, la SMABTP, la S.A.R.L. [C] [N], la Compagnie GAN Assurances, [Y] [S] et la Mutuelle des Architectes Français, in solidum, à verser à [P] [G] la somme de 71.516, 98€, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du 12 juin 2013 jusqu’à la date du présent jugement, puis avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement, au titre du coût de reprise des désordres liés à une discontinuité du chaînage horizontal et à la modification de la charpente du garage.
La SAS FIMUREX MEDITERRANEE (anciennement BET ARMAFOR) et son assureur SMABTP ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 10 mars 2020.
Dans le cadre de l’instance d’appel RG n°20/03700, par ordonnance en date du 20 février 2024, la Conseillère de la mise en état de la chambre 1-3 de cette Cour a jugé :
Constatons la péremption de l’instance n° 20/03700 introduite par recours de la SMABTP et la SAS Fimurex Méditerranée enregistré le 10 mars 2020 ;
Constatons l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la présente cour ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la SMABTP et la SAS Fimurex Méditerranée aux entiers dépens avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par requête en date du 5 mars 2024, la SMABTP et la SAS FIMUREX venant aux droits du BET ARMAFOR ont formé un déféré sur cette ordonnance et sollicitent :
Vu l’article 6§1 de la CE SDH,
Vu l’article 912 du Code de procédure civile,
Vu que les Etats sont tenus de respecter le droit au procès-équitable.
Vu l’exigence d’un délai raisonnable pour garantir l’effectivité des droits des justiciables.
Vu les critères de la CEDH, Vu la jurisprudence de la CEDH en la matière.
Vu les sanctions de la France pour non-respect du délai raisonnable.
Vu les dernières conclusions au fond du 23 juin 2020,
Vu que l’affaire n’a toujours pas été fixée par la Cour d’appel.
Vu que la Cour d’appel ne peut pas s’exonérer de son obligation de fixer l’affaire dès qu’elle est prête,
REFORMER l’ordonnance du Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE n° 2024/M34 en date du 20 février 2024 N° RG 20/03700
Statuant à nouveau,
REJETER la demande de péremption de Monsieur [P] [G] sur l’instance enrôlée par devant la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE devant la Chambre 1-3 sous le n°RG 20/03700.
CONDAMNER Monsieur [P] [G] aux entiers dépens du déféré.
Par conclusions en date du 26 mars 2024, la SMABTP et la SAS FIMUREX venant aux droits du BET ARMAFOR maintiennent leurs prétentions et visent de surcroit le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation le 7 mars 2024 sur les péremptions d’instance.
Elles font valoir que si l’affaire avait été jugée dans un délai raisonnable au sens de l’article 6§1 de la Convention Européenne des droits de l’Homme, la péremption ne serait pas intervenue et que la charge du respect de ce délai repose sur les Etats membres ; elles soulignent le fait que l’affaire était en état depuis presque 4 années sans que la Cour n’ait pris l’initiative de fixer l’affaire et considèrent qu’en l’état de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, dès lors que les parties n’ont plus la maîtrise de l’instance à compter du moment où elles n’ont plus de diligences à accomplir, la péremption ne peut plus courir à leur égard.
La société d’assurances GROUPAMA MEDITERRANEE et la SARL BET SUDETUD, par conclusions notifiées le 4 avril 2024 demandent à la Cour de :
Sans aucune approbation des demandes au fond mais au contraire sous les plus expresses réserves
Vu l’article 386 du Code de procédure civile
DONNER ACTE aux concluantes de ce qu’elles s’en rapportent à justice sur le déféré et la question de la péremption d’instance
CONDAMNER tout succombant in solidum aux entiers dépens.
Les autres parties au litige n’ont pas conclu dans le cadre de ce déféré.
En application des dispositions de l’article 386 du Code de procédure civile, « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans » et selon l’article 2 du même Code, « les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ».
En l’espèce, dans le cadre de l’instance n°20.3700 engagée devant la présente Cour à la suite de l’appel interjeté sur le jugement du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN du 29 janvier 2020, des conclusions d’incident ont été déposées par Monsieur [P] [G] le 7 mars 2023 en vue de voir prononcer la péremption de cette instance. Il concluait notamment que depuis l’ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 9 février 2021 ayant statué sur la caducité et la recevabilité des appels formés sur le jugement de première instance, aucun acte n’était intervenu de sorte que l’extinction de l’instance par péremption était acquise.
En effet, postérieurement à l’ordonnance du 9 février 2021 de la Magistrate de la mise en état de la chambre 1-3, aucun acte n’a été accompli jusqu’aux conclusions d’incident déposées le 7 mars 2023.
Pour retenir l’existence d’une péremption d’instance aux termes de l’ordonnance du 20 février 2024, objet du déféré, la Conseillère de la mise en état a relevé que le maintien du dossier en attente de fixation ne privait pas les parties de la maîtrise de la procédure et ne les dispensait pas d’accomplir les diligences pour faire avancer l’affaire, et qu’elles pouvaient notamment solliciter la fixation de l’affaire à une audience, demande utile et interruptrice de prescription.
Cependant, en application des dispositions précitées et conformément à la position adoptée par la Cour de cassation le 7 mars 2024 (pourvoi n°21-19.475), une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière.
Si en l’espèce aucune diligence n’a été accomplie après le 9 février 2021, aucune charge n’incombait toutefois aux parties afin que l’affaire puisse être fixée de sorte que la péremption ne pouvait pas courir contre elles.
Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance de la Conseillère de la mise en état en date du 20 février 2024 en ce qu’elle a constaté la péremption et l’extinction de l’instance et de rejeter la demande de péremption formulée par Monsieur [P] [G] dans l’instance RG n°20.3700.
Sur les demandes annexes :
Monsieur [P] [G] sera condamné aux entiers dépens du déféré.
La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance de la Conseillère de la mise en état en date du 20 février 2024 en ce qu’elle a constaté la péremption et l’extinction de l’instance ;
Déboute [P] [G] de sa demande visant à ce que soit constatée la péremption de l’instance RG n°20.3700 ;
Condamne [P] [G] aux entiers dépens du déféré ;
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et , Patricia CARTHIEUX, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,