La nécessité d’une information précontractuelle claire dans les contrats de crédit

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La nécessité d’une information précontractuelle claire dans les contrats de crédit

M. [B] a exercé une activité de chambres d’hôtes depuis 2015, d’abord en tant qu’auto-entrepreneur, puis comme gérant d’une SARL à partir de 2017. Il a contracté un prêt personnel de 20 000 euros auprès de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine, remboursable en 60 mensualités. En juillet 2017, la banque a mis M. [B] en demeure pour des impayés, puis a notifié la déchéance du terme en décembre 2017, lui réclamant 17 036,16 euros. Un juge a ordonné en mars 2018 le paiement de 15 616,74 euros, mais M. [B] a formé opposition. En septembre 2019, le tribunal a déclaré recevable son opposition, a résilié le contrat de prêt, et a condamné M. [B] à payer 14 817,74 euros. M. [B] a interjeté appel, contesté plusieurs décisions du jugement, et demandé des dommages-intérêts pour manquement à un devoir de mise en garde. La Caisse de crédit agricole a également formé appel incident concernant la déchéance de son droit aux intérêts. L’instruction de l’affaire a été clôturée en mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG
19/02268
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

JC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02268 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ETAK

jugement du 16 Septembre 2019

Tribunal d’Instance de SAUMUR

n° d’inscription au RG de première instance 18-000206

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024

APPELANT :

Monsieur [I] [B]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 8] (ROYAUME-UNI)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Aurélie BLIN de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 190598 substitué par Me Marion PINEAU

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L’ANJOU ET DU MAINE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe RIHET de la SCP LBR, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Me Erwan LECLERCQ, avocat plaidant au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 04 Juin 2024 à 14’H’00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre et devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 17 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE :

Depuis le 12 juin 2015, M. [I] [B] exerce une activité de chambres d’hôtes, d’abord sous statut d’auto-entrepreneur puis, à compter du 1er janvier 2017, en tant que gérant de la SARL BNB [Localité 7] – Gîte Les Orchidées.

Par une offre préalable acceptée le 9 mars 2016, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a consenti à M. [B] un prêt personnel n°’73084025180 d’un montant de 20 000 euros, remboursable au taux nominal fixe de 1,80 % l’an en 60 mensualités de 361,59 euros chacune, assurance comprise.

Par une lettre datée, par erreur, du 15 juillet 1976 au lieu du 15 juillet 2017, la’CRCAM de l’Anjou et du Maine a mis M. [B] en demeure de régulariser des impayés pour un montant de 394,68 euros dans un délai de quinze jours, à’peine de déchéance du terme.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a notifié la déchéance du terme par une lettre du 6 décembre 2017 et elle a mis M. [B] en demeure de lui régler une somme totale de 17 036,16 euros.

Par ordonnance du 14 mars 2018, le juge d’instance de Saumur a fait injonction à M. [B] de payer à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme totale de 15 616,74 euros.

M. [B] a formé opposition à l’encontre de cette ordonnance d’injonction de payer et, par un jugement du 16 septembre 2019, le tribunal d’instance de Saumur a :

– déclaré recevable l’opposition formée par M. [B],

– dit que le jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer,

statuant à nouveau,

– rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. [B],

– prononcé la résiliation du contrat de prêt à la date du 5 avril 2018,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur,

– condamné M. [B] à payer à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 14 817,74 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018,

– débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde ainsi que de sa demande de délais de paiement,

– débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [B] aux entiers dépens comprenant notamment le coût de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Par une déclaration du 21 novembre 2019, M. [B] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de sursis à statuer, en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat, en ce qu’il l’a condamné à payer à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 14 817,74 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande de délais de paiement, en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens, intimant la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine.

M. [B] et la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ont conclu, cette dernière formant appel incident en ce que le jugement l’a déchu de son droit aux intérêts et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des pénalités de retard.

Une ordonnance du 21 mai 2024 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2, remises au greffe par la voie électronique le 11 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, M. [B] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il :

* l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde,

* l’a débouté de sa demande de délais de paiement,

statuant de nouveau,

à titre principal,

– de débouter la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de son appel incident et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à lui verser la somme de 14 669,56 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde,

– de lui accorder un report du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge dans la limite de deux années,

à titre subsidiaire,

– de lui accorder un échelonnement du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge dans la limite de deux années,

en tout état de cause,

– de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 5 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la CRCAM de l’Anjou et du Maine demande à la cour :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a déchue de son droit aux intérêts et l’a déboutée de sa demande au titre de la pénalité de retard,

– de condamner M. [B] à lui payer la somme de 15 256,74 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,80 % à compter du 5 décembre 2017, jusqu’à parfait paiement,

– de débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

– de condamner M. [B] à lui payer une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

MOTIFS DE LA DECISION :

Bien qu’il ait fait appel du chef du jugement ayant prononcé la résiliation du contrat de prêt du 9 mars 2016, M. [B] ne demande plus, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l’infirmation du jugement de ce chef. De même, M.'[B] a certes fait appel du chef du jugement qui l’a débouté de sa demande de sursis à statuer, mais il ne développe aucun moyen dans ses dernières conclusions pour critiquer ce chef, en fait ni en droit. De ce fait, le’jugement ne pourra qu’être confirmé de ces chefs.

Il est par ailleurs précisé que l’offre de crédit ayant été acceptée le 9 mars 2016, les dispositions applicables sont celles du code de la consommation issues de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et avant leur abrogation par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ainsi que celles du code civil antérieures à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

– sur la demande de condamnation au paiement :

(a) sur la déchéance du droit aux intérêts :

Le tribunal d’instance a considéré qu’il résultait des articles L. 311-6 et R. 311-3 (7°) du code de la consommation que le taux de période devait figurer dans la fiche d’informations précontractuelles, au titre des hypothèses utilisées pour le calcul du taux annuel effectif global. Il a donc déchu la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de son droit aux intérêts, faute pour elle de produire la fiche d’informations précontractuelles.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine reproche au tribunal d’instance, qui avait été saisi d’une demande de nullité de la stipulation d’intérêts et de substitution du taux légal, d’avoir requalifié la demande en une déchéance du droit aux intérêts sans respecter le principe du contradictoire et en méconnaissance de l’article 14 du code de procédure civile. Elle renvoie par ailleurs à une clause de l’offre de crédit, juste au-dessus de la signature de M.0Edwards, par laquelle celui-ci a reconnu avoir reçu et pris connaissance des informations européennes normalisées, pour affirmer qu’il appartient à M.'[B] de produire la fiche d’informations pré-contractuelles pour en démontrer sa non-conformité.

M. [B] reproche à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de ne pas lui avoir remis la fiche d’informations précontractuelles, qui lui aurait permis de connaître le taux de période qui doit y figurer en application de l’article R. 311-3 du code de la consommation. Il précise que la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne peut pas se prévaloir de la mention type de l’offre de crédit, sauf à inverser la charge de la preuve. Il en conclut que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts, en application de l’article L.’311-48 du code de la consommation.

Sur ce,

Il ressort certes des termes du jugement entrepris que le premier juge, qui n’a été saisi que d’une demande d’annulation de la stipulation d’intérêts et de substitution du taux légal en raison de l’absence de preuve d’une mention du taux de période dans la Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen) et dans le l’offre de crédit, a lui-même requalifié la demande en une déchéance du droit aux intérêts découlant de l’article L. 311-48 du code de la consommation et sans provoquer les observations des parties sur ce point. Mais »pour autant, cette irrégularité est sans conséquence dès lors que la cour se trouve désormais saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel et que M.'[B] conclut bien devant elle à la déchéance pour la banque de son droit aux intérêts.

La première question consiste à savoir si, comme l’affirme M. [B], le’taux de période devait être mentionné dans la Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen), l’appelant n’évoquant plus la nécessité de sa mention dans l’offre de crédit elle-même. La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine le conteste.

L’article R. 311-3 I du code de la consommation prévoit que ‘pour l’application de l’article L. 311-6, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit communique à l’emprunteur des informations concernant : (…) 11° sauf en cas de location avec option d’achat, le taux annuel effectif global, à l’aide d’un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux (…)’. C’est’précisément au titre de ces hypothèses utilisées pour calculer le taux annuel effectif global, tel que ce calcul est envisagé à l’article R. 313-1 du code de la consommation, que l’emprunteur doit être informé du taux de période. Ce taux de période, déterminé à partir des données financières du contrat, est en effet une donnée indispensable au calcul du taux annuel effectif global, dont il constitue la première étape. Il doit donc nécessairement figurer dans la Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen) au titre des différentes hypothèses retenues pour le calcul du taux annuel effectif global.

La seconde question consiste à savoir si, comme le soutient l’intimée, la’clause-type figurant dans l’offre de crédit acceptée par MM. [B] suffit à considérer qu’une Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen) lui a été remise, dont il lui appartient alors de rapporter la preuve qu’elle n’était pas régulière.

La clause, figurant dans l’offre de crédit acceptée par M. [B], est ainsi rédigée :

« Je soussigné(e), Monsieur [B] [I] : -reconnais avoir reçu et pris connaissance des informations européennes normalisées préalables prévues aux articles L. 311-6 et R. 311-3 du code de la consommation, nécessaires à la comparaison de différentes offres et m’ayant permis, compte tenu de mes préférences, d’appréhender clairement l’étendue de mon engagement (…) »

Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent, d’une’part, à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites notamment par l’article 5 (sur les informations précontractuelles) repose sur le consommateur et, d’autre part, à ce qu’en raison d’une clause-type, le juge doive considérer que le consommateur a reçu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, un telle clause entraînant un renversement de la charge de la preuve de l’exécution de ces obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive (CJUE, 8 décembre 2014 – aff. C-449/13). Il en résulte que la clause-type selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen), non versée aux débats, ne peut constituer qu’un simple indice qui, en l’absence d’élément complémentaire, ne permet pas au prêteur de rapporter la preuve, qui lui incombe, de l’exécution de son obligation d’information. La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine, qui ne propose pas de produire d’élément complémentaire pour corroborer la clause-type précitée, ne peut donc pas utilement se prévaloir de cette clause pour démontrer qu’elle a satisfait son obligation précontractuelle d’information et pour tenter de renverser sur M.'[B] la charge de la preuve de l’irrégularité des mentions de la Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen).

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine, qui ne démontre pas avoir remis à M. [B] une Fiche Précontractuelle d’Information Européenne Normalisée (Fipen) mentionnant le taux de période au titre des hypothèses utilisées pour le calcul du taux annuel effectif global, doit donc être déchue de son droit aux intérêts en application de l’article L. 311-48, alinéa 1, du code de la consommation et le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué en ce sens.

(b) sur l’indemnité conventionnelle :

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine demande la condamnation de M. [B] au paiement d’une somme de 1 249,33 euros au titre de l’indemnité de 8 % prévue par les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en précisant que celle-ci ne présente pas de caractère manifestement excessif.

M. [B] répond qu’au contraire, l’indemnité conventionnelle qui s’analyse en une clause pénale présente un caractère manifestement excessif, du fait que les sommes réclamées produisent déjà des intérêts de retard au taux conventionnel de 1,80 % sur la somme de 15 256,74 euros depuis le 6 décembre 2017 et qu’il ne déclare aucun revenu.

Sur ce,

Comme l’a relevé le premier juge, la déchéance du droit aux intérêts précédemment prononcée a pour conséquence, aux termes de l’article L. 311-48 du code de la consommation, que M. [B] ne peut être tenu qu’au remboursement du capital prêté, sous déduction des règlements qu’il a effectués. De ce fait, et sans à avoir à entrer dans l’argumentation des parties, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne peut pas prétendre obtenir la condamnation de M. [B] au paiement de l’indemnité prévue par les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation.

(c) sur le montant de la condamnation :

Le premier juge a tenu compte des règlements intervenus avant la déchéance du terme pour (361,59 x 14) 5 062,26 euros ainsi que d’un prélèvement de 120’euros du 25 février 2018 pour arrêter le montant de la condamnation, après déchéance du droit aux intérêts, à la somme totale de (20 000 – 5 062,26 – 120) 14 817,74 euros.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine reconnaît toutefois dans ses écritures (page 7) qu’elle a reçu des règlements pour 360 euros au total sur la période février à avril 2018 et elle déduit d’ailleurs cette somme du montant de la condamnation qu’elle poursuit pour un total de (15 616,74 – 360) 15 256,74 euros.

En tenant compte des règlements que l’intimée reconnaît avoir reçus, le’montant de la condamnation s’établit donc à (20 000 – 5 062,26 – 360) 14’577,74 euros.

Le premier juge a assorti la condamnation d’intérets de retard au taux légal à compter du 5 avril 2018, correspondant à la date de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer et à celle à laquelle il a fixé la résiliation judiciaire, tirant ainsi conséquences de l’irrégularité de la mise en oeuvre de la clause de résiliation de plein droit. La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine demande certes de faire partir les intérêts de retard à compter du 5’décembre 2017, correspondant peu ou prou à la lettre dont elle se prévaut à titre de notification de la déchéance du terme (mais datée du 6 décembre 2017). Néanmoins, elle ne discute pas le principe ni la date de la résiliation judiciaire décidés par le premier juge, de tel sorte que le point de départ des intérêts de retard au 5 avril 2018 sera entériné.

Dans ces circonstances, le jugement sera infirmé et M. [B] sera condamné à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 14 577,74 euros, avec les intérêts de retard au taux légal à compter du 5 avril 2018.

– sur le manquement au devoir de mise en garde :

Le tribunal d’instance a considéré que, si M. [B] ne pouvait certes pas être considéré comme un emprunteur averti, il ne rapportait pas la preuve de sa situation financière, en revenus ni en charges, à la date de la souscription du prêt. Il a donc conclu que M. [B] ne démontrait pas que ce prêt, représentant moins de 18 % de ses revenus déclarés dans la fiche de solvabilité, était de nature à faire naître un risque particulier d’endettement.

M. [B] affirme qu’il doit être considéré comme un emprunteur non averti, quand bien même il exercçait une activité commerciale. Il soutient que la fiche de renseignements qu’il a signée, qui mentionnait un revenu mensuel de 2 083 euros et des charges mensuelles d’habitation de 8 euros, est affectée d’anomalies flagrantes, qui auraient dû amener la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à vérifier les informations ainsi déclarées. C’est ainsi qu’il affirme avoir transmis à la banque, au moment de la souscription du prêt, ses avis d’impositions sur les revenus perçus en 2015 et en 2016, qui révélaient un revenu mensuel de 1 215,50 euros à 1 456,91 euros seulement. Il ajoute que la somme de 8 euros au titre des charges de logement est manifestement inexacte et il’produit une quittance de loyer de 1 000 euros sur son logement alors pris à bail. Il déduit de ces éléments qu’il n’était pas en mesure de supporter une charge financière de 361,59 euros par mois pendant 60 mois. Il reproche donc à la banque de ne pas l’avoir mis en garde sur le risque d’endettement excessif, voire de ne pas avoir refusé l’octroi du prêt, et même de l’avoir incité à conclure de nouveaux crédits, en relevant que le prêt litigieux a été consenti pour financer les besoins de trésorerie de son activité professionnelle, alors que la banque avait donc connaissance de ses difficiltés financières. Il demande en conséquence l’indemnisation de sa perte de chance de ne pas contracter, qu’il évalue à 99 % de la somme due en principal, soit 14’669,56 euros.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine soutient que M.'[B] doit être considéré comme un emprunteur averti, du fait que sa profession de commerçant et que son activité d’exploitant de chambre d’hôtes lui ont donné une parfaite connaissance des risques attachés à la conclusion du prêt. Elle affirme au demeurant qu’elle a pu s’en tenir à la fiche dévaluation de la solvabilité renseignée et signée par M. [B], laquelle ne comportait aucune incohérence ni aucune anomalie flagrante puisque la somme de 8 euros déclarée à titre de charges de logement pouvait très bien s’expliquer par le bénéfice de l’aide personnalisée au logement. A partir de ces éléments déclarés par M.'[B], auxquels il ne peut désormais rien ajouter, elle calcule un reste-à-vivre mensuel de 1 713,41 euros, après déduction des mensualités du prêt consenti, qui excluait tout risque d’endettement particulier né de l’octroi de ce prêt. Elle conclut dès lors à l’absence de tout devoir de mise en garde à sa charge.

Sur ce,

Il résulte de l’article 1147 du code civil qu’un établissement de crédit est tenu, lors de la conclusion d’un contrat de prêt, à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti, au regard des capacités financières de celui-ci et des risques de l’endettement nés de l’octroi du prêt. Ce devoir de mise en garde ne naît toutefois qu’autant que l’emprunteur non averti démontre que le crédit consenti était excessif et lui a fait courir un risque, aucun devoir de mise en garde n’étant dû si le prêt est adapté à la situation financière déclarée par l’emprunteur et qu’il ne lui fait courir aucun risque d’endettement. Enfin, c’est au jour de la conclusion du contrat que doit être appréciée la situation patrimoniale de l’emprunteur, sans qu’il puisse être tenu compte d’éléments postérieurs.

Le prêt litigieux a porté sur un capital de 20 000 euros, remboursable en 60’mensualités de 361,59 euros (assurance comprise), outre une dernière mensualité ajustée.

Les parties s’opposent quant à la valeur à reconnaître à la ‘fiche de dialogue’ signée par M. [B] lors de la souscription du crédit, dans laquelle il a déclaré des revenus nets mensuels de 2 083 euros et, pour seules charges, des charges mensuelles d’habitation de 8 euros.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine avance que cette fiche est celle exigée par l’article L. 311-10 du code de la consommation. Mais’cette disposition n’est en réalité pas applicable au cas d’espèce, faute de preuve que le crédit a été conclu sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, l’offre de crédit mentionnant au contraire qu’elle a été conclue en agence (page 4). Au demeurant, l’application de l’article L. 311-10 du code de la consommation aurait rendu nécessaire la remise au prêteur des pièces justificatives de l’article D. 311-10-3 du code de la consommation, dans la mesure où le montant du crédit excède le seuil de 3 000 euros fixé à l’article D. 311-10-2 du même code.

Il n’en reste pas moins que le prêteur peut se fier aux éléments déclarés par l’emprunteur dans toute fiche de renseignements patrimoniaux, à la condition toutefois que celle-ci soit dépourvue d’anomalie apparente. Or en l’espèce, l’indication par M. [B] d’une situation de locataire mais avec des charges d’habitation de 8 euros seulement constitue une telle anomalie apparente qui aurait dû conduire la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à réclamer des justicatifs complémentaires. Au regard de ce montant tout à fait inhabituel et inexpliqué, l’intimée ne peut en effet pas raisonnablement tenter se retrancher derrière la simple hypothèse du bénéfice pour son client de l’aide au logement, comme elle le fait aujourd’hui.

Cette anomalie apparente autorise M. [B] à prouver outre et au-delà des déclarations portées dans la ‘fiche de dialogue’ et ce, nonobstant le fait que sa signature du document ait été précédée de la mention-type dactylographiée ‘je’certifie sur l’honneur l’exactitude des renseignements ci-dessus, et déclare ne pas avoir déposé de dossier devant une commission de surendettement ou ne pas avoir de plan de surendettement en cours et déclare que le prêt sollicité n’a pas pour objet un regroupement de crédits’.

Force est néanmoins de constater que l’appelant ne produit que des justificatifs incomplets sur sa situation patrimoniale à la date de l’acceptation de l’offre de crédit. Il se contente en effet de produire, d’une part, ses avis d’imposition qui laissent certes apparaître des ‘revenus imposables’ annuels de 17 483 euros (au 31 décembre 2015) et de 14 586 euros (au 31 décembre 2016). L’analyse plus détaillée de ces avis d’imposition révèle toutefois que M.'[B] a déclaré des revenus de son activité de loueurs de meublés pour des montants annuels de 27 602 euros (au 31 décembre 2015) et de 42 850 euros (au 31 décembre 2016), finalement très proches voire sensiblement supérieurs aux 2 083 euros déclarés, mais qu’il a bénéficié des abattements de 71 % appliqués par l’administration fiscale en faveur des loueurs de chambres d’hôtes pour tenir compte, de façon forfaitaire, des charges afférentes à cette activité. Or, M. [B] ne justifie aucunement du montant réel des charges qu’il a exposés et il n’est donc pas possible de s’en tenir aux seuls éléments de nature fiscale, faisant application de bases forfaitaires, pour connaître avec la précision nécessaire le montant réel de ses revenus nets.

D’autre part, la cour observe que M. [B] ne fait plus état, comme en première instance, du remboursement d’autres prêts et qu’il n’apporte d’ailleurs aucun justificatif à cet égard. La seule charge dont il entend justifier concerne le paiement d’un loyer pour sa location du [Adresse 2] à [Localité 7] (Maine-et-Loire). Toutefois, la seule pièce qu’il produit est une quittance du 5 décembre 2016 du paiement d’une somme de 1 000 euros au titre d’une période d’occupation du 1er novembre 2016 au 30 novembre 2016, outre un avis d’échéance du même montant pour le mois suivant, soit une période bien postérieure à la date de la conclusion du contrat (9 mars 2016) et qui, comme telle, ne peut pas être prise en considération.

M. [B] échoue donc à rapporter la preuve que le prêt personnel souscrit le 9 mars 2016, dont les mensualités représentaient 17,36 % de ses revenus déclarés dans la ‘fiche de dialogue’ voire 10,13 % de ses revenus déclarés à l’administration fiscale, était excessif et lui a fait courir un quelconque risque d’endettement. Il peut d’ailleurs être relevé que le prêt a été dûment remboursé pendant 14 mois, jusqu’à l’échéance du 15 juin 2017. Dans ces circonstances et sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la qualité d’emprunteur non averti de M. [B], il y a lieu de décider que la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine n’était tenue d’aucun devoir de mise en garde à son égard.

Le jugement sera par conséquent confirmé, en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts.

– sur les délais de paiement :

M. [B] rappelle que ses difficultés financières trouvent leur origine dans le changement de statut de son activité professionnelle. Il fait valoir la précarité de sa situation financière, n’ayant pas été imposable au titre des revenus perçus en 2018 et en 2019, ainsi que les poursuites dont il est l’objet de la part de ses autres créanciers. Il indique néanmoins qu’il a mis en vente sa propriété au prix de 620’000 euros, qui devra lui permettre de désintéresser ses créanciers. Il’demande donc un report de paiement pour lui laisser le temps de parvenir à cette vente ou, à tout le moins, des délais de paiement sur 24 mois.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine oppose que M.'[B] ne justifie pas de sa situation financière ni de ses capacités à régler l’intégralité de sa dette à l’expiration du délai de deux ans. Elle ajoute qu’à l’exception d’un versement total de 360 euros survenu en février et avril 2018, M.'[B] n’a réglé aucune somme depuis le 15 juillet 2017. Enfin, elle relève qu’il n’est pas justifié du dépôt d’un dossier de surendettement.

Sur ce,

L’article 1244-1 du code civil, devenu l’article 1343-5 de ce même code, autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou à échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [B] ne justifie pas en l’espèce de sa situation actualisée puisque les éléments qu’il produit pour établir le montant de ses revenus concernent la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019, tandis qu’il fournit au titre des charges la seule quittance du 5 décembre 2016, précédemment détaillée.

De’même, s’il démontre que la SCI [B] a confié un mandat de vente de son bien immobilier du [Adresse 4] à [Localité 9] (Maine-et-Loire) le’22’octobre 2019 pour un prix de 620 000 euros, il n’est justifié d’aucune offre de vente ni même d’aucune visite depuis lors.

Il ne justifie pas plus, dans le cadre de la présente instance, des autres poursuites dont il explique faire l’objet de la part d’autres créanciers, ni même d’aucun paiement intervenu en règlement du prêt litigieux depuis ceux reconnus par l’intimée elle-même et dont le dernier remonte au mois d’avril 2018.

Dans ces circonstances, M. [B], qui ne démontre ni la réalité de difficultés actuelles ni sa capacité à rembourser sa dette à l’issue ou dans les termes des délais de grâce qu’il sollicite, sera débouté de ses demandes de report du paiement des dettes comme de délais de paiement.

– sur les demandes accessoires :

Le jugement est confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les dépens de première instance, étant précisé que l’appel ne porte pas sur le chef du jugement ayant débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre des frais irrépétibles.

M. [B], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel. Il’sera’débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel et il sera à l’inverse condamné, sur ce même fondement, à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme, dans les limites de l’appel, le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné M. [B] au paiement de la somme de 14 817,74 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018, en remboursement du prêt personnel n° 73084025180 conclu le 9 mars 2016 ;

statuant à nouveau,

Condamne M. [B] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 14 577,74 euros, avec les intérêts de retard au taux légal à compter du 5 avril 2018, en remboursement du prêt personnel n° 73084025180 conclu le 9 mars 2016 ;

et y ajoutant,

Déboute M. [B] de ses demandes de report de paiement et de délais de paiement ;

Déboute M. [B] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne M. [B] aux dépens d’appel ;

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


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