La faute de l’Agent commercial le prive de son indemnité

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La faute de l’Agent commercial le prive de son indemnité

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il incombe au mandant de rapporter la preuve d’une telle faute.

Pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat d’agence, à l’indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au seul juge et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis (Com. 28 mai 2002 ; n°00-16.857).

Rupture du contrat d’agence commerciale

Dans cette affaire, sur la rupture du contrat d’agence commerciale, M. [F] [W] fait valoir qu’il n’a commis aucune faute justifiant la rupture du contrat d’agence commerciale sans indemnité ni préavis.

Il soutient avoir apporté à la SARL FBD une part importante et croissante de son chiffre d’affaires dès 2015, que les commandes qu’il a prises l’ont toutes été en référence aux produits présents et tarifés dans le catalogue de la SARL FBD et qu’il appartient au mandant de permettre à l’agent commercial d’exécuter son mandat.

En réponse, la SARL FBD fait valoir que M. [W] n’a pas respecté ses instructions, qu’il a manqué à son devoir de loyauté et d’information et qu’elle l’a mis en demeure à quatre reprises dans les six mois précédent la rupture, sans réponse. La société intimée demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que la nature des fautes de l’agent justifie une rupture sans indemnité.

Rappel des obligations de l’agent commercial

Il ressort des pièces du dossier que la SARL FBD a adressé à M. [W] quatre lettres recommandées avec accusé de réception, les 6 novembre et 12 décembre 2017, puis les 4 et 12 avril 2018.

Ces lettres contiennent toutes un rappel des obligations de loyauté, de réserve et d’information liant M. [W] à son mandant la société FBD et démontrent que cette dernière mettait en cause le comportement de l’agent, ainsi que son absence de respect de la politique commerciale de l’entreprise.

La lettre de rupture du contrat d’agence commerciale, produite en pièce n°3 par l’appelant et en pièce n°5 par l’intimée, reproche à M. [W] de ne pas avoir tenu compte des rappels et mises en demeure précédemment adressées et formule à son égard les griefs suivants :

– refus de fournir les éléments d’information indispensables à l’activité de la société ;

– refus de se plier aux instructions de la société ;

– conditions de vente accordées au client sans l’accord de la société ;

– prises d’engagements que la société ne pourra pas tenir ;

– communication de fausses informations à la société et absence de reddition de comptes ;

– attitude insultante et dénigrante vis à vis de la société.

Le non respect de la politique commerciale de la société

Sur ces points, il ressort des différentes pièces versées à la procédure que M. [W] a pris des initiatives sans respecter la politique commerciale de la société et sans en informer cette dernière.

Ainsi, dans un mail du 21 septembre 2017 produit par elle en pièce n°44, la SARL FBD indique : ‘Les paniers régionaux ne feront pas partie du permanent […] Donc ne pas les mettre car ils ne seront pas au catalogue 2018. Ça ne sera à rien de rabâcher les mêmes choses notre position ne changera pas’, auquel M. [W] a répondu : ‘Trop tard il est déjà codifié. Si tu ne veux pas livrer tu risques de perdre le client’.

De même, M. [W] a passé une commande pour un hypermarché Leclerc à [Localité 4] portant sur plus d’une centaine de paniers hors catalogue en fabrication spéciale, sans bon de commande signé ni écrit du magasin, alors que la société FBD lui avait signifié que cette procédure était nécessaire pour lancer la fabrication.

Mauvais service rendu à la clientèle

Ainsi que l’a relevé le tribunal, ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits, traduisent un mauvais service rendu à la clientèle, mettant le mandant devant le fait accompli et risquant de remettre en cause son image auprès de ses clients et de son réseau de distribution.

Des informations erronées à son mandant

Par ailleurs, il est également démontré que M. [W] a retenu des informations ou communiqué des informations erronées à son mandant.

C’est notamment le cas d’une opération commerciale avec le client Système U, pour laquelle M. [W] a donné à la société FBD la date du 2 juin, alors que l’opération avait en réalité lieu à compter du 12 juin, ce qui n’est pas contesté par l’appelant, qui indique dans ses écritures ‘c’est pour tenir compte des besoins du client que la date du 2 juin a été annoncée par le requérant à la SARL FBD’.

De plus, il ressort des mails échangés les 1er et 3 avril 2018 (pièce n°68 et 69 intimée), que la société FBD a dû réclamer à plusieurs reprises, la copie des éléments d’une offre faite à l’enseigne Système U par M. [W], qui a persisté à ne pas la transmettre, indiquant : ‘Les offres se font sur fichier spécifique, je m’en occupe’, ajoutant ensuite que cette offre a été : ‘adressée, réceptionnée et validée par Système U’, puis écrivant au gérant de la société FBD : ‘Avant de vouloir te mêler de ce que tu ne connais pas, il vaut mieux que tu te contentes de gérer tes stocks correctement car il y a encore beaucoup de boulot […]’.

Manquement au devoir de loyauté

Il est ainsi également établi que M. [W] a manqué à son devoir de loyauté et n’a pas communiqué à son mandant toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son mandat.

Non respect des tarifs et des conditions des remises commerciales

Par ailleurs, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que, quelles que soient les conditions d’indépendance dans lesquelles il exerce son activité, M. [W] était tenu, en qualité qu’agent commercial, de respecter les instructions de son mandant, tenant notamment aux tarifs et aux conditions des remises commerciales, lesquels sont fixés par le mandant.

Ainsi, il ressort des mails produits en pièces 58 à 61 par l’intimée, que M. [W] n’a pas respecté cette obligation, concernant plusieurs contrats :

– ‘Vous nous avez fait déduire 3% sur facture alors que les accords signés en 2017 stipulent 2% si livraison entrepôt uniquement ‘ Qu’en est-il des 3% que vous nous avez fait déduire sur facture dans vos transmissions de commande alors que ces remises ne sont pas conformes aux accords signés ”.

– ‘Comme indiqué par téléphone et précédents mails, nous souhaiterions avoir des éclaircissements concernant les remises supplémentaires que vous auriez accordé aux clients APEX à hauteur de 1% du chiffre d’affaire en 2018. Engagement de participation au salon KIRIEL alors que la politique commerciale de la société [P] [W] Diffusion est de ne pas disposer de budget pour ce genre d’événement qui ne rapporte pas de chiffre d’affaire additionnel chez ce client’.

– ‘Nous vous rappelons que l’octroi de budget ou remise supplémentaire ne vous est pas délégué et ne peut pas être prise de votre propre chef, nécessitant un accord préalable de la société [P] [W] Diffusion’.

– ‘Suite à la réception des accords APEX nationaux sur lesquels apparaît une remise palliative de 1% et pour laquelle aucun mandat ni accord vous a été donné, nous vous confirmons que ce budget sera déduit de vos commissions à réception de la facture correspondante à ce budget non autorisé’.

M. [W] soutient avoir informé la société FBD de cette remise consentie à APEX, mais aucun des éléments qu’il produit ne permet de le démontrer, son mail ultérieur du 9 avril 2018 dans lequel il écrit lui-même que les remises ‘ont toujours et sont toujours de 3%’ ne démontre nullement l’accord de la société mandante. En outre, concernant la participation au salon KIRIEL, M. [W] ne démontre pas davantage avoir obtenu l’accord préalable de la société FBD pour y participer et pour l’engager.

Le délai de livraison de marchandises

Enfin, il s’évince de l’échange de mails du 9 février 2018, produit en pièce n°63, que M. [W] s’est engagé sur un délai de livraison de marchandises qu’il a commandées trop tard, la société FBD lui rappelant alors :

‘Comme nous vous l’avions indiqué précédemment, nous ne pourrons livrer cette opération que semaine 18 car notre container partira le 13 mars pour une arrivée [Localité 3] 24 avril et notre entrepôt le 26 ou 27 avril.

Les commandes ayant été passées beaucoup trop tardivement, nous vous rappelons que pour une opération centrale régionale ou nationale, un délai de 70 jours est nécessaire pour assurer les livraison en plus de notre planning déjà programmé.

Merci de contacter Mme [D] [R] pour l’informer. Faute de retour de votre part nous la contacterons directement par mail pour savoir si cette opération est maintenue ou annulée’.

Dénigrement de l’agent commercial

Enfin, outre les manquements ci-dessus développés, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que l’indépendance de l’agent commercial l’autorise à formuler au mandant des observations, qui ne doivent néanmoins pas relever du dénigrement ou de propos injurieux, agressifs et vulgaires, qui ont pu être tenus par M. [W] à l’égard de son mandant, la société FBD, ou de son gérant. Il a ainsi écrit par mail :

– en juillet 2017 : ‘je te conseille de ne pas jouer au con’.

– le 6 novembre 2017 : ‘Il est hors de question que tu me foutes le bordel. Contente toi de gérer la fabrication et d’assumer les livraisons. Tu devrais mieux aller casser les burnes à tes bons à riens’.

– le 19 septembre 2017 : ‘cela va dire que tes bourricots vont avoir de plus en plus de mal à avancer’.

– le 3 avril 2018 : ‘à agir de la sorte, tu ne vas que faire foutre le bordel il est vrai que pour cela tu est champion, apprends plutôt à gérer tes stocks correctement cela sera plus utile’.

M. [W] tenait aussi des propos dénigrants vis à vis de l’équipe commerciale de la société FBD, qu’il qualifiait régulièrement de ‘bourricots’, de ‘bons à riens’ ou encore de ‘tocard’.

Enfin, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que M. [W] laissait entendre à la société mandante que si elle voulait des commandes sur les enseignes qu’il visitait, elle devait le commissionner davantage, ce qui ressort de plusieurs échanges de mails, notamment entre août et novembre 2017 :

– ‘Si un référencement Leclerc t’intéresse, merci de bien vouloir me le dire, cela va te coûter 2% tous secteurs confondus y compris chez les bourricots’ (pièce n°37) ;

– ‘J’ai rendez-vous jeudi avec Agrisanders […] si ça t’intéresse que j’y rentre les paniers, tu connais la condition’ (pièce n°39) ;

– ‘Je prends acte que cela ne t’intéresse pas. Comme cela ne m’intéresse pas de travailler à 5%. J’ai déjà largement de quoi faire avec mes autres cartes qui me rapportent 10% et 12%’ (pièce n°40).

– ‘Je viens de tomber GVSO sur ma gamme osier et sur mes caches pots et bougies si tu veux y rentrer tes paniers il y a 180 magasins cela coûte 10% et non 5%, la commission de référencement a lieu le 17 novembre, à toi de voir si tu mises sur un toccard ou sur un pro. Attend réponse’ (pièce n°48).

Peu important les liens familiaux unissant M. [F] [W] et les associés et dirigeants de la société FBD, l’attitude de l’appelant traduit non seulement une importante mésentente entre les parties, mais également un comportement agressif, injurieux et individualiste, incompatible avec la notion d’intérêt commun visée à l’article L.134-4 du code de commerce.

Les fautes graves de l’agent commercial confirmées

C’est en conséquence par une exacte appréciation que le tribunal a retenu que le comportement et les écrits de M. [W] traduisent un manquement à son devoir de loyauté et d’information envers son mandant et que, malgré les multiples rappels à l’ordre dont il a fait l’objet par courriers recommandés en 2017 et 2018, il a persisté dans cette attitude, rendant ainsi impossible le maintien des relations contractuelles et justifiant que le contrat d’agence commerciale soit rompu pour faute grave, sans indemnisation.


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