La demande tendant à voir prescrite une créance constitue une fin de non-recevoir

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La demande tendant à voir prescrite une créance constitue une fin de non-recevoir

L’article 564 du code de Procédure civile dispose que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.

L’article 123 du même code dit en outre que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ». »

En l’espèce, est recevable la demande du client d’un Avocat de voir déclarer prescrite la demande en paiement d’honoraires faite par son Avocat, la première fois devant la présente cour d’appel, par application des articles précités. L’avocate n’établit d’ailleurs pas que le client s’est abstenu, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt la prescription.

Résumé de l’affaire :

Contexte de l’Affaire

L’affaire concerne un litige entre Mr [U] et Me [N], avocate, au sujet du paiement d’honoraires pour des services juridiques rendus dans le cadre de Procédures prud’homales. Mr [U] conteste la demande d’honoraires de Me [N], arguant de la prescription de la créance.

Irrecevabilité de l’Appel

Il est soutenu que l’appel de Mr [U] pourrait être déclaré irrecevable s’il était tardif. De plus, la question de la prescription n’ayant pas été soulevée en première instance, elle est considérée comme une demande nouvelle et donc irrecevable.

Recevabilité de la Demande de Prescription

La cour déclare recevable la demande de Mr [U] visant à faire déclarer prescrite la demande en paiement d’honoraires de Me [N]. Cette demande est considérée comme une fin de non-recevoir, qui peut être soulevée à tout moment selon le code de Procédure civile.

Arguments de Mr [U]

Mr [U] avance que Me [N] n’a pas été mandatée après 2018 et que son action pour le paiement des honoraires est donc prescrite. Il souligne que les contacts avec Me [N] ont cessé et qu’elle n’a pas agi pour son compte depuis lors.

Réponse de Me [N]

Me [N] conteste la prescription, affirmant qu’elle a continué à agir pour Mr [U] jusqu’en 2021, en produisant des preuves de diligences effectuées après 2018. Elle soutient que ces actions ont interrompu le délai de prescription.

Évaluation de la Prescription

La cour examine les éléments présentés et conclut que la prescription n’est pas acquise, car Me [N] a démontré qu’elle avait effectué des prestations pour Mr [U] dans le cadre de son mandat, ce qui a interrompu le délai de prescription.

Honoraires de Me [N]

Me [N] réclame le paiement de 3.000 € HT pour ses honoraires, affirmant qu’elle a fourni des services substantiels. Mr [U] conteste ce montant, arguant qu’aucune convention d’honoraires n’a été signée et que les services fournis ne justifient pas le montant demandé.

Fixation des Honoraires

La cour constate qu’aucune convention d’honoraires n’a été signée et évalue les honoraires de Me [N] en fonction des usages et de la complexité de l’affaire. Elle fixe le montant des honoraires dus à 2.500 € HT.

Demandes de Dommages et Intérêts

Me [N] demande également des dommages et intérêts pour atteinte à son image professionnelle, mais la cour rejette cette demande, considérant qu’elle ne relève pas de sa compétence dans le cadre de la contestation d’honoraires.

Condamnation aux Dépens

Mr [U], étant débouté de ses demandes, est condamné aux dépens de la première instance et de l’appel. De plus, il est condamné à verser 800 € à Me [N] au titre de l’article 700 du code de Procédure civile.

Conclusion de la Cour

La cour infirme la décision du bâtonnier, fixe les honoraires dus à Me [N] à 2.500 € HT, et rejette les autres demandes des parties. L’arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour.

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’appel selon le texte ?

L’appel est recevable si celui-ci a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007.

Cet article stipule que « l’appel est formé dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. »

Dans le cas présent, le recours de Mr [U] a été effectué dans ce délai, ce qui le rend recevable.

Il est important de noter que la recevabilité de l’appel peut également être affectée par d’autres éléments, tels que la nature des moyens soulevés, notamment si ceux-ci sont considérés comme des demandes nouvelles ou des fins de non-recevoir.

En l’espèce, la cour a constaté que la demande de prescription soulevée par Me [N] était irrecevable, car elle n’avait pas été soulevée en première instance.

Quelles sont les implications de la prescription dans le cadre de la demande d’honoraires ?

La prescription est un moyen de défense qui peut être soulevé pour contester une demande en paiement d’honoraires. Selon l’article L.218-2 du code de la consommation, la demande en paiement par un avocat de ses honoraires et frais est soumise à un délai de prescription de deux ans.

Ce délai court à compter de la date à laquelle le mandat d’avocat a pris fin.

Il est précisé que « la fin du mandat doit s’apprécier à la date des dernières prestations réalisées pour le compte du client dans des dossiers spécifiques, achevés dans un temps déterminé. »

Dans le cas présent, Mr [U] soutient que le délai de prescription a expiré, car il a cessé de travailler avec Me [N] après 2018. Cependant, la cour a constaté que Me [N] avait effectué des diligences pour le compte de Mr [U] jusqu’en 2021, ce qui a interrompu le délai de prescription.

Ainsi, la demande de prescription soulevée par Mr [U] a été rejetée, et la cour a jugé que l’action de Me [N] en paiement de ses honoraires n’était pas prescrite.

Comment sont fixés les honoraires d’un avocat en l’absence de convention ?

En l’absence de convention d’honoraires, les honoraires d’un avocat doivent être fixés selon les usages, en fonction de plusieurs critères, tels que la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et les diligences effectuées.

L’article 10 modifié par l’article 14 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 précise que « les honoraires réclamés par l’avocat doivent être examinés et fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »

Dans le cas présent, la cour a évalué le montant des honoraires de Me [N] à 2.500 € HT, en se basant sur un taux horaire de 250 € HT, qui a été jugé raisonnable et adapté à son expérience et à la complexité de l’affaire.

La cour a également pris en compte les diligences effectuées par Me [N] et a constaté qu’elle avait consacré un total de 10 heures à la gestion du dossier de Mr [U].

Quelles sont les conséquences de la demande de dommages et intérêts pour atteinte à l’image professionnelle de l’avocat ?

La demande de dommages et intérêts pour atteinte à l’image professionnelle de l’avocat ne relève pas de la compétence de la cour d’appel statuant dans le cadre de la contestation d’honoraires, mais de celle du juge de droit commun.

Les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 précisent que la Procédure de contestation d’honoraires d’un avocat a un caractère spécifique et n’a vocation qu’à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat.

Ainsi, la cour a rejeté la demande de Me [N] concernant les dommages et intérêts, considérant que cette demande ne pouvait pas être examinée dans le cadre de la Procédure en cours.

Il est donc essentiel pour un avocat de bien distinguer les demandes relatives à ses honoraires de celles qui relèvent d’autres contentieux, afin de s’assurer que chaque demande soit portée devant la juridiction compétente.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/00099
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2024

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° 439 , 8 pages)

Décision déférée à la Cour : Décision du 11 Janvier 2022 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] – RG n° 211/345831

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00099 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGOJ

Vu le recours formé par :

Monsieur [I] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Mathilda DECREAU, avocat au barreau de PARIS

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] dans un litige l’opposant à :

Maître [K] [N]

Avocat –

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en personne

Défendeur au recours,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Agnès TAPIN, magistrat honoraire désignée par décret du 24 décembre 2021 du Président de la République aux fins d’exercer des fonctions juridictionnelles, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Madame Sylvie FETIZON, Conseillère

Madame Agnès TAPIN, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats et du prononcé : Madame Isabelle-Fleur SODIE

ARRÊT :

– contradictoire, statuant publiquement,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 10 Novembre 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de Procédure civile.

– mis en délibéré au 26 Janvier 2024 prorogé au 15 novembre 2024

– signé par Monsieur Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, et par Madame Isabelle-Fleur SODIE, Greffière.

Vu les articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 28 mars 2011 et les articles 10 et suivants du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 ;

Début 2014, Maître [K] [N] a assisté Monsieur [I] [U], à la demande d’un tiers, dans deux Procédures prud’homales engagées contre son ancien employeur.

Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties.

Deux factures ont été adressées à Mr [U] par Me [N] les 30 mars et 6 octobre 2014.

Par lettre remise en mains propres le 15 juillet 2021 au service de contestation des honoraires du bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5], Me [N] a saisi le dit bâtonnier d’une demande de fixation de ses honoraires à l’encontre de Mr [U], à hauteur de 3.000 € HT.

Par décision contradictoire prononcée le 11 janvier 2022, le délégué du bâtonnier a :

-fixé le montant des honoraires dus par Mr [U] à Me [N] à hauteur de 1.000 € HT, soit 1.196 € TTC, le taux de TVA applicable étant de 19,60 %,

-condamné Mr [U] à verser à Me [N] la somme de 1.196 € TTC à titre d’honoraires,

-débouté les parties de toutes autres demandes,

-dit que les frais de signification de la décision, s’il y a lieu, seront à la charge de Mr [U].

La décision a été notifiée aux parties par lettres RAR en date du 12 janvier 2022 dont elles ont signé les AR le 14 janvier par l’avocate et le 22 janvier par Mr [U].

Par lettre RAR en date du 11 février 2022, le cachet de la poste faisant foi, Mr [U] a exercé un recours contre la décision devant la présente cour d’appel.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 11 septembre 2023 par lettres RAR du 13 mars 2023.

L’affaire a été renvoyée de manière contradictoire à l’audience du 10 novembre 2023.

A cette audience, Mr [U] a demandé oralement, conformément à ses écritures visées par Mme la greffière de :

A titre liminaire :

-dire recevable l’appel de Mr [U],

Vu les articles 123 et 564 du code de Procédure civile,

-dire recevable la demande de voir constater la prescription des demandes de Me [N],

-constater l’absence d’exécution provisoire de la décision du bâtonnier du 22 janvier 2022,

Sur les demandes :

-infirmer la décision déférée,

Statuant à nouveau :

-déclarer irrecevables car prescrites les demandes de Me [N],

Subsidiairement de ce chef :

-ramener à de plus justes proportions les sommes sollicitées,

-débouter Me [N] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image professionnelle,

-condamner Me [N] au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens.

Me [N] a demandé oralement, conformément à ses écritures visées par Mme la greffière de :

In limine litis :

-dire l’appel irrecevable s’il devait être tardif,

-constater que le moyen de prescription n’a pas été soulevé en première instance et qu’il s’agit d’une demande nouvelle,

-le dire irrecevable,

Sur le fond :

-constater qu’aucun honoraire n’a été réglé par l’appelant, et ce en dépit de la décision de première instance, assortie de l’exécution provisoire de droit,

-fixer les honoraires dus par ce dernier à hauteur de 3.000 € HT,

-le condamner également au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte portée à l’image professionnelle de Me [N],

-le condamner au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

-le condamner aux entiers dépens.

SUR CE

1 ‘ Le recours de Mr [U] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007, est recevable.

Sur la demande nouvelle :

2 ‘ Me [N] soutient que la demande de prescription est une nouvelle demande devant la cour d’appel et qui est irrecevable dès lors que Mr [U] était bien assisté dans la Procédure devant le bâtonnier et n’a à aucun moment soulevé un tel moyen.

Mr [U] répond que sa demande étant une fin de non-recevoir, visant par nature à faire écarter les prétentions adverses, celle-ci est recevable en tout état de cause conformément aux articles 123 et 564 du code de Procédure civile.

3 – L’article 564 du code de Procédure civile dispose que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.

L’article 123 du même code dit en outre que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ». »

Il est constant que la demande tendant à voir prescrite une créance constitue une fin de non-recevoir.

4 ‘ Au vu de ces éléments, est dès lors recevable la demande de Mr [U] de voir déclarer prescrite la demande en paiement d’honoraires faite par Me [N], la première fois devant la présente cour d’appel, par application des articles précités. L’avocate n’établit d’ailleurs pas que Mr [U] s’est abstenu, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt la prescription.

Sur la prescription :

5 ‘ Mr [U] soutient que :

– il avait saisi seul le conseil de prud’hommes ; Me [N] l’a assisté devant le bureau de conciliation en 2014 et avait été payée par lui pour cela ;

– les contacts entre eux deux ont cessé après le mois de janvier 2016, mois au cours duquel il a lui-même demandé la radiation de ses deux affaires pour défaut de mise en état ;

– la dernière intervention de Me [N] avec son accord dans le cadre du litige prud’homale date au plus tard de 2018 ;

– postérieurement à la radiation de son dossier le 5 décembre 2018, Me [N] n’a pas pu ignorer son dessaisissement du dossier, alors qu’elle a tenté de le faire réenrôler en janvier et avril 2018 sans être mandaté par Mr [U] qui l’avait signalé au CPH ; c’est d’ailleurs dans ces circonstances que les demandes de ré-enrôlement faites par Me [N] en 2018 ont été rejetées, et que le CPH avait noté que Me [N] avait été remplacée par une autre avocate, comme l’indique sans équivoque la décision de radiation du 5 décembre 2018 ;

– Me [N] était bien consciente de son remplacement puisqu’elle n’a effectué aucun acte pour lui durant deux années jusqu’en avril 2021, date à laquelle elle a sollicité le renvoi d’une affaire qu’elle sait n’avoir été ni enrôlée, ni conclue, et dans laquelle elle n’a aucun contact avec les parties ;

– dès lors que le délai pour agir de Me [N] expirait au plus tard au mois de décembre 2018, son action devant le bâtonnier, en paiement de ses honoraires, est prescrite.

Me [N] répond que :

– de nombreuses pièces produites démontrent qu’à l’évidence, elle n’était pas prescrite lorsqu’elle a saisi le bâtonnier ;

– alors qu’elle saisissait le bâtonnier en fixation de ses honoraires à la date du 15 avril 2021, les diligences dont elle justifie postérieurement au 15 juillet 2019 (période au cours de laquelle ces diligences ôtent toute légitimité à l’argument d’irrecevabilité des demandes) sont nombreuses telles que : – des pourparlers avec la partie adverse selon un courrier de celle-ci du 25 février 2020, – une demande de rétablissement déposée au greffe du CPH le 4 décembre 2020 comportant ses conclusions et justificatif d’envoi à la partie adverse, – des courriels échangés avec son contradicteur jusqu’au 13 avril 2020 , – les courriels au CPH des 1er et 13 avril 2021.

6 – Selon l’article L.218-2 du code de la consommation, la demande en paiement par l’avocat de ses honoraires et frais est de deux années.

Il est constant que le point de départ de la prescription court à compter de la date à laquelle le mandat d’avocat a pris fin.

La fin du mandat doit s’apprécier à la date des dernières prestations réalisées pour le compte du client dans des dossiers spécifiques, achevés dans un temps déterminé.

7 ‘ Cela étant posé, eu égard à la date de la saisine du bâtonnier par Mr [U] le 15 juillet 2021, et au délai de prescription de deux ans puisque c’est Me [N], avocate, qui a agi en paiement de ses honoraires devant le bâtonnier, il doit être démontré qu’elle a exercé des prestations pour le compte de Mr [U], dans le cadre du mandat qu’il lui a confié en 2014, entre le 15 juillet 2019 et le 15 juillet 2021 pour que son action ne soit pas prescrite.

Me [N] rapporte cette preuve en établissant (cf ses pièces 2, 14 ) :

-que par mail du 25 février 2020, elle a demandé à l’avocat d’une société défenderesse devant le CPH, Me [Z], s’il envisageait « une possibilité d’issue amiable » au litige, sur laquelle elle l’avait déjà interrogé courant 2017 ;

-que par courrier du 27 novembre 2020, reçu le 4 décembre 2020, par le greffe du CPH de [Localité 5], elle a demandé « le rétablissement » du dossier 18/04352 du RG concernant Mr [U], et de lui communiquer la date de la prochaine audience ;

-et que le greffe lui a répondu par courrier du 8 décembre 2020 en l’invitant de « se conformer à la décision de radiation qui impose des diligences à respecter pour la réintroduction du dossier » et que le rétablissement est « subordonné à l’autorisation du président »

Ces prestations exercées par Me [N] pour Mr [U] dans le cadre de son mandat ont interrompu la prescription quand bien même Mr [U] soutient avoir changé d’avocate depuis 2018.

Certes, il résulte de pièces produites (cf les pièces 22 et 28 de Mr [U]) que Me [N] et Me [T] sont intervenues dans les dossiers de Mr [U] auprès du CPH courant novembre et début décembre 2018, revendiquant chacune être l’avocate désignée par Mr [U] pour le défendre et l’assister. Me [N] demandait le renvoi de l’audience parce qu’elle venait de recevoir les écritures et les pièces de son contradicteur. Mais le CPH a décidé le 5 décembre 2018 de radier le dossier de son rôle en formulant, notamment, la demande à Mr [U] de « confirmer au CPH l’identité des personnes morales et/ou physiques qu’il entend faire convoquer … » cela se rapportant au nom de son avocat selon les mentions manuscrites sur le dossier du CPH, puisque deux déclaraient l’assister (Me [N] et Me [T]).

Alors qu’aucune pièce produite par Mr [U] ne démontre d’une part qu’il a dessaisi Me [N] de sa mission qui l’exerçait depuis mars 2014, et d’autre part que Me [T] a informé régulièrement Me [N] qu’elle prenait sa place dans la défense de Mr [U], Me [T] a agi pour le compte de celui-ci à compter d’août 2020 en demandant le ré-enrôlement de son dossier au CPH qu’elle a obtenu, et a plaidé pour lui le 19 novembre 2020 (cf les pièces 30 à 45, 48 à 50).

Me [T], interrogée par le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5], sur son information de Me [N], a finalement reconnu ne pas l’avoir fait (cf pièce 34 de Me [N]) en ces termes : « ‘ j’ai interrogé votre confrère [T] qui m’a confirmé qu’elle avait omis de vous prévenir qu’elle vous succédait … »

Pour tous ces motifs, la prescription réclamée par Mr [U] est rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la deuxième interruption revendiquée par Me [N] et datant du début de l’année 2021.

La prescription n’est pas acquise.

Il convient dans ces conditions de statuer sur la demande d’honoraires présentée par Me [N].

Sur les honoraires

8 ‘ Me [N] fait valoir que :

-Mr [U] a eu la volonté de ne jamais régler ses honoraires ; il ne lui a jamais payé la moindre somme au titre de ceux-ci ;

-elle a conclu et échangé à de nombreuses reprises avec ses contradicteurs, 20 pièces et des écritures, et elle a lu les éléments de la partie adverse ;

-elle a été contrainte de demander le renvoi le 5 décembre 2018 parce qu’elle était en arrêt maladie ;

-elle a prêté serment depuis plus de 20 ans et le droit du travail constitue sa principale activité.

Mr [U] répond que :

-Me [N] ne bénéficie pas d’une spécialisation en droit du travail ;

-Me [N] ne l’a uniquement assisté que devant un bureau de conciliation, et n’a rédigé que deux courriers aux fins de renvoi ;

-même en appliquant un taux horaire de 250 € HT, la somme de 3.000 € revendiquée n’est pas justifiée ;

-enfin, les factures d’honoraires qu’elle produit, ne lui ont jamais été envoyées ou remises.

*

9 ‘ Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties. Le courrier en date du 6 octobre 2014 (cf pièce 15 de l’avocate) que Me [N] a adressé à Mr [U] n’est pas signé par ce dernier. Pour ce motif, il ne peut pas constituer une convention d’honoraires. De plus, aucun échange de mails entre les parties n’établit qu’elles s’étaient mises d’accord sur les modalités de paiement des honoraires de Me [N], ni sur le montant de ceux-ci.

Il résulte des pièces produites que Me [N] s’est vu confier la mission de défendre et d’assister Mr [U] dans deux Procédures prud’homales qu’il avait engagées seul au cours du premier semestre 2014 contre deux de ses anciens employeurs, la société Le Relais des arts et la société FVMH pour lesquelles il travaillait en qualité d’aide-cuisinier.

La mission de Me [N] a démarré fin mars 2014 (cf la date de sa première facture d’honoraires) et s’est terminée mi 2021 quand elle a découvert qu’elle avait été remplacée par Me [T] depuis fin novembre 2018, sans qu’elle en ait été avisée par Mr [U] et ni par cette avocate comme indiqué précédemment.

Elle a donc duré environ 7 ans avec un pic d’activités en 2014 et 2015, quelques diligences en 2016 et 2017 puis fin 2020 et en avril 2021 comme décrit ci-dessus.

10 ‘ En l’absence de convention d’honoraires, il convient, pour fixer les honoraires de Me [N] de faire application de l’article 10 modifié par l’article 14 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011, applicable en l’espèce puisque la mission a démarré en mars 2014, qui dit que les honoraires réclamés par l’avocat doivent être examinés et fixés « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »

11 ‘ Deux factures d’honoraires ont été établies par Me [N] (cf sa pièce 15) :

-Facture d’honoraires n° 014/15 du 30 mars 2014 intitulée « bureau de conciliation ‘ provision sur honoraires » de 500 € HT, soit 598 € TTC au taux de TVA de 20 % ;

-Facture d’honoraires n° 014/53 intitulée « provision sur honoraires » de 2.500 € HT soit 2.990 € TTC au taux de TVA de 20 %.

Mr [U] soutient avoir payé 3.000 € en espèces à Me [N] qui le conteste.

Selon le second alinéa de l’article 1353 du code civil, « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement … ».

Tel n’est pas le cas en l’espèce, Mr [U] ne produisant aucune pièce qui justifie de ce paiement, étant précisé que suivant les articles L.112-6 et D.112-3 du code monétaire et financier, le paiement en espèces d’un particulier à un professionnel ou entre professionnels est autorisé jusqu’à 1.000 €, et des sanctions financières sont prévues en cas de non-respect de ces dispositions.

12 ‘ Me [N] a dressé le 15 novembre 2021 une fiche de diligences pour le bâtonnier et dont il ressort que :

-elle a plus de 20 années d’expérience,

-son champ de compétence est le droit du travail,

-le montant du litige s’élevait une somme supérieure à 50.000 €,

-elle a eu plusieurs RDV avec Mr [U], ainsi que plusieurs entretiens téléphoniques,

-elle a rédigé des conclusions pour la première instance, et a suivi 10 audiences,

-elle estime à 12 le nombre d’heures consacrées au dossier de Mr [U], sur la période de 2014 à 2020,

-elle demande le paiement de 3.000 € HT au titre de ses honoraires soumis à la TVA.

13 ‘ Eu égard à la durée de barre de Me [N] au sein du barreau de Paris depuis 2002 (cf l’extrait de l’annuaire des avocats ‘ sa pièce 5) et sa relative notoriété en son sein en matière de droit du travail, sans qu’elle ait une spécialisation reconnue, il convient de retenir un taux horaire de 250 € HT que Mr [U] a lui-même indiqué dans ses propres écritures.

Ce taux apparaît raisonnable et adapté à Me [N].

14 – Me [N] a effectué les diligences suivantes au vu des pièces produites par les parties ( cf les pièces 4 à 7 de Mr [U] et 1, 6 à 12, 16 à 18 de Me [N]) :

– la lecture et l’analyse des pièces produites par Mr [U] et par ses ex-employeurs ;

– des échanges de mails avec le greffe du conseil de prud’hommes de Paris et les avocats des ex-employeurs ;

– des communication téléphoniques,

– la rédaction de conclusions d’une quinzaine de pages pour le compte de Mr [U] avec le choix de 20 pièces communiquées en décembre 2017 ;

– la lecture des écritures de 15 pages de son contradicteur et de ses pièces ;

– la présence de Me [N] a l’audience du bureau de conciliation en 2014.

Il apparaît que les diligences, réalisées par Me [N], sont réelles, et attestent de son implication au moins de 2014 à 2017, puis en 2018 et 2020 pour traiter le dossier de Mr [U] qui présentait des difficultés sur le plan procédural puisqu’une société employeur était en cessation de paiement, et sur les calculs des indemnités.

Ces diligences retenues correspondent à une durée de travail que la cour évalue à 10 heures.

15 ‘ Eu égard au taux horaire, le montant des honoraires HT s’élève donc à 2.500 € (10 h x 250 € HT).

La décision du bâtonnier qui avait fixé les honoraires de ces diligences à 1.000 € HT, assortis de la TVA à 20 %, est donc infirmée.

Mr [U] est condamné à payer cette somme de 2.500 € HT à Me [N] au titre de ses honoraires pour la mission exécutée entre mars 2014 et avril 2021.

Me [N] ne réclame pas de condamnation au paiement d’une somme TTC. La cour n’a donc pas à le faire d’office.

Sur les autres demandes

16 ‘ Il est constant que la Procédure de contestation d’honoraires d’un avocat prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 présente un caractère spécifique et n’a vocation qu’à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat en exécution de la mission qu’il lui a confiée à l’exclusion de tout autre contentieux.

Pour ce motif, la demande de dommages et intérêts de Me [N], fondée sur l’atteinte à son droit à l’image qui conduirait, si elle était examinée et acceptée, à lui allouer des dommages et intérêts, ne relève pas de la compétence de la cour d’appel statuant dans le cadre des articles précités, mais de celle exclusive du juge de droit commun.

Ce moyen et cette demande de Me [N] sont dans ces conditions rejetés.

17 ‘ Mr [U] qui succombe à titre principal, est condamné aux dépens de première instance et de la présente.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de Me [N] les frais irrépétibles exposés dans la présente instance. Mr [U] est condamné à lui payer la somme de 800 € par application de l’article 700 du code de Procédure civile. Il est lui-même débouté de sa demande faite de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt CONTRADICTOIRE en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,

Infirme la décision prononcée le 11 janvier 2022 par le délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats [Localité 5],

Fixe les honoraires dus par Mr [I] [U] à Me [K] [N] à la somme de 2.500 € HT en paiement de sa mission exercée entre le mars 2014 et mi-avril 2021,

Condamne Mr [I] [U] à payer à Me [K] [N] la somme de 2.500 € HT au titre de ces honoraires,

Condamne Mr [I] [U] aux dépens de première instance et de la présente,

Condamne Mr [I] [U] à payer à Me [K] [N] la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT DE CHAMBRE


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