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En s’affranchissant de l’obligation qui est faite aux fabricants, prescrite à l’article L. 3513-10 du code de la santé publique, sous peine d’une amende prévue à l’article L. 3515-4 du même code, de notifier auprès de l’établissement public désigné, en l’occurrence l’ANSES, six mois avant la mise sur le marché de produits du vapotage contenant de la nicotine, un dossier par marque et par type de produit portant notamment sur les responsables de cette mise sur le marché, une société commet dans l’exercice de son activité commerciale un acte de concurrence déloyale, dont il s’est inféré nécessairement un préjudice.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Sur le fondement de ce texte, les actes contraires à la loyauté commerciale, qu’ils interviennent entre concurrents ou entre non-concurrents, sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, laquelle exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice et peut être intentée même par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif. Il est généralement distingué quatre cas d’agissements constitutifs de concurrence déloyale : la création d’un risque de confusion avec l’entreprise ou les produits d’un concurrent, le dénigrement du concurrent, la désorganisation d’une entreprise ou de son marché, le parasitisme. Constitue également un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur. Il est en effet de jurisprudence constante qu’il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral ( Cass. com., 3 mars 2021, n° 18-24.373 – Cass. 1re civ., 10 avr. 2019, n° 18-13.612 – Cass. 1re civ., 21 mars 2018, n° 17-14.582- Cass. com., 1er juill. 2003, n° 01-13.052 ; Cass. com., 3 juin 2003, n° 01-15.145). |
→ Résumé de l’affaireLa société Pure Laboratories commercialise des liquides de vapotage sous différentes marques, dont “HALO”, “TRIBECA” et “SUBZERO”. Elle a constaté que la société So-Smoke Developpement commercialisait une gamme de liquides de vapotage sous la marque “Freaks” qui contrefaisait ses marques. Suite à cela, des opérations de saisie-contrefaçon ont été autorisées et des sociétés telles que Aroma Sense, Liquidarom Distribution et Physiodis ont été mises en demeure de cesser toute activité liée aux produits contrefaits. Pure Laboratories a ensuite assigné ces sociétés en contrefaçon de ses droits de marque et demande des dommages et intérêts. Les sociétés défenderesses contestent les accusations de contrefaçon et demandent à être déboutées de toutes les demandes. La décision finale du tribunal reste à être rendue.
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→ Les points essentielsSur la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçonLes sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense soutiennent que le procès-verbal de saisie-contrefaçon est entaché de nullité en ce que les opérations réalisées à l’adresse d’expédition de la société So-Smoke ont donné lieu à un PV de saisie qui n’a pas été dénoncé à la partie saisie directement à leur issue mais 5 jours plus tard, que l’état des stocks saisi et mis sous séquestre n’a pas été dénoncé à la partie saisie, et que cette situation tenant à l’incertitude quant à l’exhaustivité des éléments transmis lui fait grief. Appréciation du tribunal Il résulte des dispositions des articles R. 716-17 du code de la propriété intellectuelle et 114 du code de procédure civile qu’à peine de nullité, l’huissier de justice doit, avant de procéder à la saisie, donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits de l’ordonnance et que copie doit être laissée aux mêmes détenteurs du procès-verbal de saisie, la nullité pour vice de forme de cet acte de procédure ne pouvant être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Il est admis que malgré l’usage du verbe “laisser”, la remise n’a pas à être obligatoirement faite sur place avant le départ de l’huissier et qu’il suffit que le saisi ait connaissance dans un délai raisonnable du contenu du procès-verbal afin de pouvoir se pourvoir en rétractation devant le juge ayant autorisé la saisie au cas où l’huissier n’aurait pas respecté les prescriptions de l’ordonnance. En l’espèce, la société So-Smoke soulève in limine litis la nullité d’un seul procès-verbal de saisie-contrefaçon, en l’occurrence, celle qui a été pratiquée à l’adresse d’expédition utilisée par la partie défenderesse, les deux saisies pratiquées au siège de la société So Smoke et à l’adresse d’expédition utilisée par la société Physiodis s’étant avérées infructueuses. Si le procès-verbal de saisie-contrefaçon n’a pas été remis par l’huissier à l’issue des opérations de saisie, le 28 janvier 2022, mais dénoncé le 2 février 2022, la remise du procès-verbal 5 jours après les opérations a été réalisée dans un délai d’autant plus raisonnable, qu’il comprend le samedi et le dimanche, en sorte que la signification du procès-verbal le 2 février 2022 apparaît régulière. L’absence de dénonciation de la saisie d’une copie de l’état du stock n’apparaît pas non plus entacher de nullité le procès-verbal dans la mesure où celui-ci indique expressément que la copie d’écran de l’état du stock communiqué par l’employé présent lors des opérations, est placée « sous séquestre provisoire en vue de sa transmission à la requérante à l’issue du délai de rigueur », de sorte que si ladite pièce n’était pas annexée au procès-verbal, la mention de sa saisie et de son placement sous séquestre permettait à la partie saisie d’en solliciter la communication, outre que la société So-Smoke ne démontre pas le grief que lui aurait causé l’absence de dénonciation de cette pièce dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon. Le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 28 janvier 2022 est donc infondé. Sur la contrefaçon des marquesInvoquant les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 28 janvier 2022 et le procès-verbal du constat d’huissier sur les sites internet du 7 janvier 2022, la société Pure Laboratories soutient que les produits litigieux, identiques à ceux visés par les marques, sont détenus, promus, offerts à la vente et vendus, sans son autorisation, par les sociétés So-Smoke et Physiodis, la reproduction portant sur le conditionnement et les visuels promotionnels des marques. Elles précisent que la formule « fabriqué à partir de l’arôme original Tribeca [ou Subzero] de Halo » tombe sous le coup de l’interdiction, puisque ces actes et usages sont prohibés même s’ils sont accompagnés de mots tels que « formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Elles ajoutent que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis de découvrir que les produits de la gamme Freaks étaient constitués d’une base concentrée, la matière première Halo, mélangée à une base « PG/VG » par la société Aroma Sense, laquelle, ainsi que la société Liquidarom Distribution, ont procédé à l’embouteillage, fournissant ainsi en produits litigieux la société So-Smoke. Estimant les arguments des parties défenderesses inopérants, elle expose que les signes dont elle est titulaire ont fait l’objet d’un usage à titre de marque ; que tout est fait pour entretenir la confusion du poublic pertinent quant à l’origine du produit litigieux en ce que ses marques particulièrement distinctives sont reproduites avec leurs éléments figuratifs, systématiquement et de manière visible sur la face avant du produit et de son conditionnement pour orienter le choix du consommateur en lui suggérant qu’il s’agit d’un produit authentique Halo appartenant à la gamme Freaks ; que sur internet, les marques sont mises en valeur et reproduites en gras comme les autres signes dont les défenderesses sont les titulaires. Elle écarte l’exception de référence nécessaire invoquée par les défenderesses, aux motifs que celle-ci ne peut légitimer l’utilisation de la marque pour indiquer qu’un produit marqué entre dans la composition d’un produit subséquent. Selon elle, les trois conditions qui doivent être réunies pour que l’exception produise ses effets, sont défaillantes : l’usage des marques est réalisé pour renseigner la composition des produits et n’impliquent aucun rapport de destination ; la référence aux marques n’était nullement nécessaire ; l’usage n’est pas fait conformément aux usages loyaux du commerce dès lors que les marques sont reproduites en évidence, sur les produits, les conditionnements et les sites internet, sans respecter de surcroît la réglementation applicable aux produits de vapotage. Quant à l’usage dans la vie des affaires contesté par la société Liquidarom Distribution, elle fait valoir que cette dernière a apposé les marques sur les produits et leurs conditionnements, a procédé à la première mise sur le marché des produits et les a, à tout le moins, détenus à cette fin. Elle estime que l’assignation qu’elle a fait délivrer à la société Liquidarom Distribution identifie suffisamment les actes de contrefaçon qu’elle lui impute, ajoutant que cette société a reconnu sans détour dans ses écritures s’être livrée à de tels actes. Les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense opposent en substance que les produits Halo ne sont pas fournis par la demanderesse à ses distributeurs comme des produits finis prêts à la vente au détail pour le consommateur final, mais sont commercialisés sous forme de « prêt à l’emploi » avec un taux variable de nicotine, ou bien sous forme concentrée devant impérativement être mélangée avant usage avec une base nicotinée ou non. Elles prétendent que la société Aroma Sense n’a jamais fait usage dans la vie des affaires des signes distinctifs de la demanderesse, aux motifs qu’elle n’a pas apposé les étiquettes en vue de la commercialisation des produits, se contentant de fabriquer les liquides, qu’aucune marque Aroma Sense n’a existé sous laquelle les produits freaks auraient été commercialisés auparavant, qu’il lui est seulement reproché de procéder à l’embouteillage des liquides, ce qui ne caractérise aucun usage dans la vie des affaires. En ce qui concerne les sociétés So Smoke et Physiodis, elles considèrent, d’une part, qu’il n’y a pas d’usage à titre de marque, dès lors que le signe n’est pas utilisé pour désigner la provenance commerciale du produit mais pour indiquer une des caractéristiques de celui-ci et que les indications fournies sur les fiches produits sont très claires quant à la provenance commerciale du produit ; d’autre part, que les signes sont utilisés en tant que référence nécessaire. Elles font valoir que le texte de l’article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle envisage la destination du produit à titre d’exemple seulement et qu’il s’applique donc dans d’autres situations. Elles exposent que les produits de la demanderesse sont commercialisés sous une forme « prêt à l’emploi » et sous une forme concentrée nécessitant d’être mélangée avant usage. Elles en déduisent qu’en commercialisant une forme concentrée de son arôme Subzero et Tribeca, la société Pure Laboratories permet de fabriquer un e-liquide utilisant ces arômes et donc l’indication de ceux-ci dans la composition du liquide n’indique pas une provenance commerciale, mais constitue une référence nécessaire de l’une des caractéristiques du produit, exclusive de tout risque de confusion. La société LAD soutient de son côté qu’aucun élément factuel, ni aucune argumentation juridique n’est développée à son encontre dans l’assignation de la société Pure Laboratories, en sorte qu’elle doit être déboutée de ses demandes pour avoir échoué dans l’obligation qui est la sienne de fonder en fait ses prétentions. En tout état de cause, elle conteste tout usage dans la vie des affaires, soulignant ne pas commercialiser les produits litigieux, mais se borner à réaliser en qualité d’intermédiaire une prestation technique de conditionnement de liquide de vapotage pour le compte de la société So-Smoke, seul entité qui ait fait usage dans la vie des affaires. Elle précise que la société So-Smoke lui a fourni la composition du produit à embouteiller et les maquettes des étiquettes de fioles à conditionner. Elle souligne qu’elle n’est pas l’auteur des étiquettes, sa mission étant uniquement celle de les accoler sur les flacons et qu’elle n’a retiré aucun avantage économique à la figuration des signes litigieux sur les produits. Appréciation du tribunal Conformément aux dispositions de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; L’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : ” formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Selon l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. Deux produits ou services sont identiques lorsque les certificats d’enregistrement des deux marques énumèrent les mêmes produits ou services ou, en l’absence de dépôt par le contrefacteur, quand les produits ou services ont la même nature, remplissent la même fonction, et s’adressent au même public. En l’espèce, la société Pure Laboratories justifie de ses droits sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne n°1165556 enregistrée notamment en classes n°1 pour des liquides à base de nicotine, sur la marque verbale internationale désignant la France « Halo » enregistrée en classe 1, pour les cartouches vendues remplies de propylènes glycol pour cigarettes électroniques, sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « Tribeca » pour les produits de la classe 34, tels que les liquides pour cigarettes électroniques se composant de propylène glycol et liquides pour cigarettes électroniques (e-liquides) composés de glycérine végétale, sur la marque verbale française « Tribeca » enregistrée pour les produits de la classe 34 notamment les liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels, sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « Subzero » enregistrée en classe 34 pour les liquides pour cigarettes électroniques et sur la marque verbale française « Subzero » enregistrée notamment pour les produits de la classe 34, en particulier, les liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels. Il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat d’huissier versés aux débats que les produits litigieux, deux références de liquides de vapotage « Mr Blonde » et « Mr White » commercialisées sous la marque « Freaks », déclinés en deux formats de contenance, 50 et 10 ml, le petit format étant lui-même décliné selon quatre taux de nicotine (0, 3, 6 et 12 mg), reproduisent à l’identique sur les visuels promotionnels qui leur sont associés, ainsi que sur leur conditionnement respectif, le signe de la marque figurative internationale désignant l’UE n° 1165556, ainsi que les signes « Halo », « Tribeca » et « Subzero ». Il en résulte que les produits en cause, des liquides de vapotage destinés à la recharge des dispositifs réglementés de vapotage que sont les cigarettes électroniques ou « vapoteuses », ont même nature et même fonction et par conséquent le même public, que ceux pour lesquels les marques dont est titulaire la société Pure Laboratories sont enregistrées, ce qui n’est pas contesté par les défenderesses. En outre, et ce n’est pas non plus contesté par ces dernières, les signes reproduits sur les produits litigieux sont identiques aux marques enregistrées. Il est également établi par les pièces précitées de la demanderesse que ces produits litigieux ont été, sans son autorisation, détenus, promus, offerts à la vente et commercialisés, sous la marque verbale française Freaks dont est titulaire la société Physiodis, déposée le 4 janvier 2019 et enregistrée pour des produits en classe 34, en particulier pour les solutions liquides pour cigarettes électroniques, sur plusieurs sites destinés au public français parmi lesquels le site Apivape, édité par la société Physiodis, et les sites So-Smoke pro et The Freaks Factory, édités par la société So-Smoke. Il en résulte que ces sociétés ont repris pour un usage dans la vie des affaires des signes identiques aux marques de la société Pure Laboratories pour les mêmes produits ou services. La société Pure Laboratories établit que la société Aroma Sense a, de même, fait un usage dans la vie des affaires des marques de la demanderesse. En effet, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon pratiquée à l’adresse d’expédition de la société So-Smoke que l’employé de cette dernière a indiqué que les produits de la marque Réservoir Freaks saisis « destinés à la vente Les montants alloués dans cette affaire: – Astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant 6 mois
– Somme provisionnelle de 20.000 euros à payer à la société Pure Laboratories – Frais de saisie-contrefaçon – Somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code de la propriété intellectuelle
– Code de procédure civile Article R. 716-17 du code de la propriété intellectuelle: Article 114 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Francine LE PECHON-JOUBERT
– Me Grégoire FROUSSART – Me Marion COUFFIGNAL – Me Isabelle GRENIER – Me Marie-Charlotte DELANNOY – Me Ludovic TARTANSON |
→ Mots clefs associés & définitions– Nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
– Remise du PV de saisie – Dénonciation de l’état des stocks saisis – Articles R. 716-17 du code de la propriété intellectuelle et 114 du code de procédure civile – Remise du PV dans un délai raisonnable – Signification du PV – Absence de dénonciation de la saisie d’une copie de l’état du stock – Contrefaçon des marques – Procès-verbaux de saisie-contrefaçon – Produits litigieux identiques aux marques – Reproduction des marques sur les produits – Usage dans la vie des affaires – Exception de référence nécessaire – Réparation de la contrefaçon de marques – Mesures complémentaires d’interdiction, de rappel, de destruction des stocks – Préjudice financier – Gain manqué – Bénéfices réalisés par les contrefacteurs – Concurrence déloyale et parasitaire – Non-respect de la réglementation – Acte de concurrence déloyale – Préjudice moral et d’image – Dépens de l’instance – Frais de saisie-contrefaçon – Exécution provisoire de la décision – Nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon: invalidation des PV de saisie en cas de non-respect des règles de procédure
– Remise du PV de saisie: remise du procès-verbal de saisie aux parties concernées – Dénonciation de l’état des stocks saisis: obligation de notifier l’état des stocks saisis aux parties – Articles R. 716-17 du code de la propriété intellectuelle et 114 du code de procédure civile: textes de loi régissant la saisie-contrefaçon – Remise du PV dans un délai raisonnable: obligation de remettre le PV de saisie dans un délai raisonnable – Signification du PV: notification officielle du PV aux parties concernées – Absence de dénonciation de la saisie d’une copie de l’état du stock: défaut de notification de la saisie d’une copie de l’état des stocks – Contrefaçon des marques: reproduction non autorisée de marques protégées – Procès-verbaux de saisie-contrefaçon: documents officiels constatant la saisie de produits contrefaits – Produits litigieux identiques aux marques: produits en infraction reproduisant fidèlement des marques protégées – Reproduction des marques sur les produits: utilisation non autorisée de marques sur des produits contrefaits – Usage dans la vie des affaires: utilisation des marques dans le cadre d’activités commerciales – Exception de référence nécessaire: nécessité de faire référence à des éléments spécifiques pour justifier une exception – Réparation de la contrefaçon de marques: indemnisation des dommages causés par la contrefaçon de marques – Mesures complémentaires d’interdiction, de rappel, de destruction des stocks: mesures supplémentaires pour faire cesser la contrefaçon – Préjudice financier: dommages financiers causés par la contrefaçon – Gain manqué: perte de bénéfices due à la contrefaçon – Bénéfices réalisés par les contrefacteurs: profits obtenus illégalement par les contrefacteurs – Concurrence déloyale et parasitaire: pratiques commerciales trompeuses ou parasitaires – Non-respect de la réglementation: violation des lois et règlements en vigueur – Acte de concurrence déloyale: comportement contraire aux règles de la concurrence loyale – Préjudice moral et d’image: atteinte à la réputation et au bien-être moral – Dépens de l’instance: frais engagés lors de la procédure judiciaire – Frais de saisie-contrefaçon: coûts liés à la saisie des produits contrefaits – Exécution provisoire de la décision: mise en œuvre provisoire de la décision judiciaire avant un éventuel appel |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Le :
Expédition exécutoires délivrées à : SAS DE GAULLE FLEURANCE #K35, Me DELANNOY #R16
Copie certifiée conforme délivrée à : Me COUFFIGNAL #D1526
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3ème chambre
1ère section
N° RG 22/03187
N° Portalis 352J-W-B7G-CWFSF
N° MINUTE :
Assignation du :
25 février 2022
JUGEMENT
rendu le 25 avril 2024
DEMANDERESSE
Société PURE LABORATORIES LLC
[Adresse 7]
[Localité 10] (ETATS-UNIS)
représentée par la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, société d’avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 & plaidant par Me Francine LE PECHON-JOUBERT & Me Grégoire FROUSSART de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDERESSES
S.A.R.L. SO SMOKE DEVELOPPEMENT
[Adresse 6]
[Localité 2]
S.A.R.L. PHYSIODIS
[Adresse 1]
[Localité 8]
S.A.S. AROMA SENSE
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentées par Me Marion COUFFIGNAL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1526 & Me Isabelle GRENIER de la SELARL CHRISTELLE & ISABELLE GRENIER, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/03187
N° Portalis 352J-W-B7G-CWFSF
S.A.S.U. L.A. DISTRIBUTION
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentée par Me Marie-Charlotte DELANNOY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0016 & Me Ludovic TARTANSON du Cabinet ACACIA LEGAL, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière
DEBATS
A l’audience du 28 novembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 mars 2024.
Le délibéré a été prorogé au 25 avril 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
La société Pure Laboratories commercialise des liquides de vapotage tant en France qu’au sein de l’Union Européenne.
Elle est titulaire de plusieurs marques :- La marque figurative internationale désignant l’Union européenne n° 1165556, déposée le 17 mai 2013, enregistrée et assortie d’une déclaration d’octroi de la protection visant l’UE en date du 14 mai 2014, notamment pour les classe 1 : liquides à base de nicotine utilisés pour le remplissage de cigarettes électroniques et les classe 34 : cigarettes électroniques vendues avec leurs cartouches de rechange et étuis de rangement :
– la marque verbale internationale désignant la France « HALO » n° 1164415, déposée le 17 mai 2013 sous priorité étasunienne (n° 85840964) du 5 février 2013, régulièrement enregistrée et assortie d’une déclaration d’octroi de la protection visant la France en date du 8 octobre 2015 en classe 1 : cartouches vendues remplies de propylène glycol pour cigarettes électroniques et 34, cigarettes électroniques.
– la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « TRIBECA » n° 1352753, déposée le 16 juin 2016, régulièrement enregistrée et assortie d’une déclaration d’octroi de la protection visant l’UE en date du 1er décembre 2017 en classe 34 : liquides pour cigarettes électroniques se composant de propylène glycol ; liquides pour cigarettes électroniques (e-liquides) composés de glycérine végétale.
– la marque verbale française « TRIBECA » n° 4072928, déposée le 3 mars 2014 et enregistrée le 27 juin 2014, pour les produits et services suivants en classe 34 : liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels ; arômes pour liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels et en classe 35 : services de vente en gros de liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels, d’arômes pour ces liquides.
– la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « SUBZERO » n° 1352756, déposée le 16 juin 2016, régulièrement enregistrée et assortie d’une déclaration d’octroi de la protection visant l’UE en date du 1er décembre 2017 pour les produits suivants en classe 34 : liquides pour cigarettes électroniques se composant de propylène glycol ; liquides pour cigarettes électroniques (e-liquides) composés de glycérine végétale.
– la marque verbale française « SUBZERO » n° 4082065, déposée le 7 avril 2014 et enregistrée le 22 août 2014, notamment pour les produits et services suivants en classe 34 : liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels ; arômes pour liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels et en classe 35 : services de vente en gros de liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels, d’arômes pour liquides.
La société Pure Laboratories propose par l’intermédiaire de ses distributeurs de nombreuses saveurs de liquides à vapoter sous sa marque « HALO », notamment le e-liquide « Tribeca » à l’arôme de tabac et le e-liquide Subzero à l’arôme mentholé.
La société So-Smoke Developpement (la société So-Smoke) exerce une activité de grossiste et de détaillant de matériels de vapotage, accessoires, consommables, ainsi que tous autres produits directement ou indirectement en relation avec la vente de cigarette électronique. Elle commercialise en particulier des liquides fabriqués par la société Pure Laboratories sous les marques Halo, Tribeca et Subzero. Elle commercialise en outre des liquides sous la marques Freaks et édite le site internet de vente au détail « The Freaks Factory » et celui de vente pour les distributeurs professionnels « So-Smoke Pro ».
La société Physiodis exerce une activité de grossiste en cigarette électronique, au titre de laquelle elle commercialise du matériel et des accessoires pour cigarettes électroniques et notamment des liquides de différentes marques parmi lesquelles celles de la société Pure Laboratories. Elle exploite sur le site internet « Apivape » une boutique en ligne d’e-liquides et de produits de vapotage, notamment sous la marque Freaks.
La société Aroma Sense est un laboratoire qui exerce une activité de commercialisation, conception, formulation, vérification et analyse de toute produit en rapport avec les arômes chimiques ou naturels. Elle fabrique des liquides pour différentes sociétés qui les commercialisent sous leur propre marque.
La société L.A. Distribution (la société LAD), qui exerce son activité sous l’enseigne Liquidarom Distribution, intervient dans la fabrication et la distribution, en marques propres, de liquides de vapotage et réalise l’assemblage et/ou l’embouteillage pour le compte de marques tierces, de liquides de vapotage.
En décembre 2021, la société Pure Laboratories a constaté l’offre et la vente, sur de nombreux sites français parmi lesquels Apivape, So-Smoke Pro et The Freaks Factory, d’une gamme de liquides de vapotage sous la marque tierce « Freaks » dont elle estime que deux références contrefont ses marques par reproduction.
Sur requêtes de la société Pure Laboratories en date du 14 janvier 2022, le délégué du Président du tribunal Judiciaire de Paris a, par trois ordonnances du même jour, autorisé les opérations de saisie-contrefaçon sollicitées qui se sont déroulées concommitamment, le 28 janvier 2022, au siège social de la société So-Smoke Developpement, à l’adresse d’expédition renseignée par la société Physiodis et à l’adresse d’expédition de la société So-Smoke Developpement.
Un employé de cette société ayant indiqué que les produits litigieux saisis étaient embouteillés par les sociétés Aroma Sense et Liquidarom Distribution, la société Pure Laboratories les a mises en demeure, le 18 février 2022, de cesser tout embouteillage, vente et livraison de produits revêtus des marques.
Par acte d’huissier du 25 février 2022, la société Pure Laboratories a assigné les sociétés So-Smoke, Aroma Sense, Liquidarom Distribution et Physiodis devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses droits de marque et réparation de son préjudice.
Dans ses conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 20 avril 2023, la société Pure Laboratories demande au tribunal, au visa des articles L. 713-3-1, L. 713-2, L. 713-3-1, L. 713-3-3, L. 716-4, L. 716-4-7, L. 716-15 et R. 716-16 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, et L. 3513-10 et L. 3515-4 du code de la santé publique, de :- Débouter les défenderesses de leurs demandes,
– Leur interdire l’usage dans la vie des affaires de ses marques contrefaites, sous astreinte,
– Les condamner in solidum à lui verser la somme de 60.000 euros sauf à parfaire au titre de la réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de contrefaçon ;
– Les condamner in solidum à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait des actes de contrefaçon ;
– Les condamner in solidum à lui verser la somme de 15.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts des actes de contrefaçon commis au détriment de la demanderesse ;
– Ordonner le rappel des circuits commerciaux de l’intégralité des produits litigieux aux frais des défenderesses et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
– Ordonner la confiscation, aux fins de destruction, aux frais des Défenderesses, de l’intégralité des stocks de produits litigieux reproduisant les Marques de Demanderesse où qu’ils se situent, dans un délai de dix jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
– Ordonner la suppression des offres des produits litigieux sur tous les sites internet des distributeurs de la gamme FREAKS sous la même astreinte,
– Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir sur les pages d’accueil des sites , , et ou de tout autre site qui leur serait substitué, aux frais des Défenderesses, en caractères lisibles et noirs sur un fond blanc et sur une surface égale à au moins 30 % de cette page d’accueil et ce pendant une durée d’un (1) mois, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de deux mille (1.000) euros par jour de retard,
– Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans trois revues ou journaux au choix de la demanderesse et aux frais des défenderesses, sans que le coût global de ces insertions n’excède la somme de 10.000 euros hors taxes,
– Se réserver la liquidation des astreintes,
– Les condamner in solidum aux entiers dépens et à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions en réponse n°3 notifiées par voie électronique le 28 avril 2023, la société LAD demande au tribunal, au visa des articles 6, 9, 15 et 56 du code de procédure civile, 1240 du code civil et L. 713-2 du code de propriété intellectuelle, de :A titre principal
– Débouter la demanderesse de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
– Juger que la société LAD n’a fait aucun usage dans la vie des affaires des marques litigieuses,
– Juger que la société LAD n’a commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Pure Laboratories ni manqué une quelconque obligation réglementaire de déclaration,
– Débouter la société Pure Laboratories de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de la société LAD,
A titre infiniment subsidiaire,
– Juger que la responsabilité de la société LAD n’est pas une responsabilité solidaire avec les autres défenderesses,
– Juger que la société LAD ne saurait être tenue des condamnations accessoires sollicitées par la société Pure Laboratories,
– Limiter la condamnation de la société LAD à hauteur de sa seule participation au dommage,
– Condamner la société So-Smoke à relever intégralement garantie la société LAD de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées,
En toutes hypothèses
– Suspendre les effets de l’exécution provisoire,
– Condamner la demanderesse aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/03187
N° Portalis 352J-W-B7G-CWFSF
A titre subsidiaire,
– Condamner la société So-Smoke aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 6 février 2023, les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense demandent au tribunal, au visa des articles L. 713-2 et suivants du code de propriété intellectuelle, de : Principalement
– Débouter la société Pure Laboratoires de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire, si le grief de contrefaçon était retenu,
– Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de la société demanderesse,
– Débouter la société Pure Laboratories de sa demande tendant à voir ordonner le rappel des circuits commerciaux, la confiscation et la destruction de l’intégralité des produits litigieux, le conditionnement des produits ayant été modifiés pour faire disparaître toute référence aux signes distinctifs de la société demanderesse,
– Débouter la société Pure Laboratories de sa demande tendant à voir ordonner la suppression des offres de produits litigieux sur tous les sites internet des distributeurs de la gamme freaks sous une astreinte de 1000 euros par offre constatée, cette demande étant manifestement mal fondée,
En tout état de cause :
– Condamner la demanderesse aux entiers dépens et à leur verser la somme de 7.500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’instruction a été close le 9 mai 2023.
Sur la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
Moyens des parties
Les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense soutiennent que le procès-verbal de saisie-contrefaçon est entaché de nullité en ce que les opérations réalisées à l’adresse d’expédition de la société So-Smoke ont donné lieu à un PV de saisie qui n’a pas été dénoncé à la partie saisie directement à leur issue mais 5 jours plus tard, que l’état des stocks saisi et mis sous séquestre n’a pas été dénoncé à la partie saisie, et que cette situation tenant à l’incertitude quant à l’exhaustivité des éléments transmis lui fait grief.
La société Pure Laboratories défend en substance que la remise du PV n’a pas à être faite sur place et avant le départ de l’huissier, mais qu’il suffit que le saisi en ait eu connaissance dans un délai raisonnable pour pouvoir solliciter la rétractation ; qu’aucun texte n’oblige à dénoncer l’état des stocks remis à l’huissier par la société So-Smoke qui n’a jamais sollicité sa communication et alors que cette pièce est aujourd’hui produite aux débats ; que les défenderesses ne rapportent pas la preuve du moindre grief susceptible de résulter de la signification du PV 5 jours après les opérations ou du fait l’état des stocks produit aux débats n’ait pas été expressément dénoncé.
Appréciation du tribunal
Il résulte des dispositions des articles R. 716-17 du code de la propriété intellectuelle et 114 du code de procédure civile qu’à peine de nullité, l’huissier de justice doit, avant de procéder à la saisie, donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits de l’ordonnance et que copie doit être laissée aux mêmes détenteurs du procès-verbal de saisie, la nullité pour vice de forme de cet acte de procédure ne pouvant être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Il est admis que malgré l’usage du verbe “laisser”, la remise n’a pas à être obligatoirement faite sur place avant le départ de l’huissier et qu’il suffit que le saisi ait connaissance dans un délai raisonnable du contenu du procès-verbal afin de pouvoir se pourvoir en rétractation devant le juge ayant autorisé la saisie au cas où l’huissier n’aurait pas respecté les prescriptions de l’ordonnance.
En l’espèce, la société So-Smoke soulève in limine litis la nullité d’un seul procès-verbal de saisie-contrefaçon, en l’occurrence, celle qui a été pratiquée à l’adresse d’expédition utilisée par la partie défenderesse, les deux saisies pratiquées au siège de la société So Smoke et à l’adresse d’expédition utilisée par la société Physiodis s’étant avérées infructueuses.
Si le procès-verbal de saisie-contrefaçon n’a pas été remis par l’huissier à l’issue des opérations de saisie, le 28 janvier 2022, mais dénoncé le 2 février 2022, la remise du procès-verbal 5 jours après les opérations a été réalisée dans un délai d’autant plus raisonnable, qu’il comprend le samedi et le dimanche, en sorte que la signification du procès-verbal le 2 février 2022 apparaît régulière.
L’absence de dénonciation de la saisie d’une copie de l’état du stock n’apparaît pas non plus entacher de nullité le procès-verbal dans la mesure où celui-ci indique expressément que la copie d’écran de l’état du stock communiqué par l’employé présent lors des opérations, est placée « sous séquestre provisoire en vue de sa transmission à la requérante à l’issue du délai de rigueur », de sorte que si ladite pièce n’était pas annexée au procès-verbal, la mention de sa saisie et de son placement sous séquestre permettait à la partie saisie d’en solliciter la communication, outre que la société So-Smoke ne démontre pas le grief que lui aurait causé l’absence de dénonciation de cette pièce dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon.
Le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 28 janvier 2022 est donc infondé.
Sur la contrefaçon des marques
Invoquant les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 28 janvier 2022 et le procès-verbal du constat d’huissier sur les sites internet du 7 janvier 2022, la société Pure Laboratories soutient que les produits litigieux, identiques à ceux visés par les marques, sont détenus, promus, offerts à la vente et vendus, sans son autorisation, par les sociétés So-Smoke et Physiodis, la reproduction portant sur le conditionnement et les visuels promotionnels des marques. Elles précisent que la formule « fabriqué à partir de l’arôme original Tribeca [ou Subzero] de Halo » tombe sous le coup de l’interdiction, puisque ces actes et usages sont prohibés même s’ils sont accompagnés de mots tels que « formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Elles ajoutent que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis de découvrir que les produits de la gamme Freaks étaient constitués d’une base concentrée, la matière première Halo, mélangée à une base « PG/VG » par la société Aroma Sense, laquelle, ainsi que la société Liquidarom Distribution, ont procédé à l’embouteillage, fournissant ainsi en produits litigieux la société So-Smoke.
Estimant les arguments des parties défenderesses inopérants, elle expose que les signes dont elle est titulaire ont fait l’objet d’un usage à titre de marque ; que tout est fait pour entretenir la confusion du poublic pertinent quant à l’origine du produit litigieux en ce que ses marques particulièrement distinctives sont reproduites avec leurs éléments figuratifs, systématiquement et de manière visible sur la face avant du produit et de son conditionnement pour orienter le choix du consommateur en lui suggérant qu’il s’agit d’un produit authentique Halo appartenant à la gamme Freaks ; que sur internet, les marques sont mises en valeur et reproduites en gras comme les autres signes dont les défenderesses sont les titulaires.
Elle écarte l’exception de référence nécessaire invoquée par les défenderesses, aux motifs que celle-ci ne peut légitimer l’utilisation de la marque pour indiquer qu’un produit marqué entre dans la composition d’un produit subséquent. Selon elle, les trois conditions qui doivent être réunies pour que l’exception produise ses effets, sont défaillantes : l’usage des marques est réalisé pour renseigner la composition des produits et n’impliquent aucun rapport de destination ; la référence aux marques n’était nullement nécessaire ; l’usage n’est pas fait conformément aux usages loyaux du commerce dès lors que les marques sont reproduites en évidence, sur les produits, les conditionnements et les sites internet, sans respecter de surcroît la réglementation applicable aux produits de vapotage. Quant à l’usage dans la vie des affaires contesté par la société Liquidarom Distribution, elle fait valoir que cette dernière a apposé les marques sur les produits et leurs conditionnements, a procédé à la première mise sur le marché des produits et les a, à tout le moins, détenus à cette fin. Elle estime que l’assignation qu’elle a fait délivrer à la société Liquidarom Distribution identifie suffisamment les actes de contrefaçon qu’elle lui impute, ajoutant que cette société a reconnu sans détour dans ses écritures s’être livrée à de tels actes.
Les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense opposent en substance que les produits Halo ne sont pas fournis par la demanderesse à ses distributeurs comme des produits finis prêts à la vente au détail pour le consommateur final, mais sont commercialisés sous forme de « prêt à l’emploi » avec un taux variable de nicotine, ou bien sous forme concentrée devant impérativement être mélangée avant usage avec une base nicotinée ou non. Elles prétendent que la société Aroma Sense n’a jamais fait usage dans la vie des affaires des signes distinctifs de la demanderesse, aux motifs qu’elle n’a pas apposé les étiquettes en vue de la commercialisation des produits, se contentant de fabriquer les liquides, qu’aucune marque Aroma Sense n’a existé sous laquelle les produits freaks auraient été commercialisés auparavant, qu’il lui est seulement reproché de procéder à l’embouteillage des liquides, ce qui ne caractérise aucun usage dans la vie des affaires.
En ce qui concerne les sociétés So Smoke et Physiodis, elles considèrent, d’une part, qu’il n’y a pas d’usage à titre de marque, dès lors que le signe n’est pas utilisé pour désigner la provenance commerciale du produit mais pour indiquer une des caractéristiques de celui-ci et que les indications fournies sur les fiches produits sont très claires quant à la provenance commerciale du produit ; d’autre part, que les signes sont utilisés en tant que référence nécessaire. Elles font valoir que le texte de l’article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle envisage la destination du produit à titre d’exemple seulement et qu’il s’applique donc dans d’autres situations. Elles exposent que les produits de la demanderesse sont commercialisés sous une forme « prêt à l’emploi » et sous une forme concentrée nécessitant d’être mélangée avant usage. Elles en déduisent qu’en commercialisant une forme concentrée de son arôme Subzero et Tribeca, la société Pure Laboratories permet de fabriquer un e-liquide utilisant ces arômes et donc l’indication de ceux-ci dans la composition du liquide n’indique pas une provenance commerciale, mais constitue une référence nécessaire de l’une des caractéristiques du produit, exclusive de tout risque de confusion.
La société LAD soutient de son côté qu’aucun élément factuel, ni aucune argumentation juridique n’est développée à son encontre dans l’assignation de la société Pure Laboratories, en sorte qu’elle doit être déboutée de ses demandes pour avoir échoué dans l’obligation qui est la sienne de fonder en fait ses prétentions. En tout état de cause, elle conteste tout usage dans la vie des affaires, soulignant ne pas commercialiser les produits litigieux, mais se borner à réaliser en qualité d’intermédiaire une prestation technique de conditionnement de liquide de vapotage pour le compte de la société So-Smoke, seul entité qui ait fait usage dans la vie des affaires. Elle précise que la société So-Smoke lui a fourni la composition du produit à embouteiller et les maquettes des étiquettes de fioles à conditionner. Elle souligne qu’elle n’est pas l’auteur des étiquettes, sa mission étant uniquement celle de les accoler sur les flacons et qu’elle n’a retiré aucun avantage économique à la figuration des signes litigieux sur les produits.
Appréciation du tribunal
Conformément aux dispositions de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
L’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;
(…)
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;
(…)
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : ” formule, façon, système, imitation, genre, méthode ».
Selon l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.
La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque.
Deux produits ou services sont identiques lorsque les certificats d’enregistrement des deux marques énumèrent les mêmes produits ou services ou, en l’absence de dépôt par le contrefacteur, quand les produits ou services ont la même nature, remplissent la même fonction, et s’adressent au même public.
En l’espèce, la société Pure Laboratories justifie de ses droits sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne n°1165556 enregistrée notamment en classes n°1 pour des liquides à base de nicotine, sur la marque verbale internationale désignant la France « Halo » enregistrée en classe 1, pour les cartouches vendues remplies de propylènes glycol pour cigarettes électroniques, sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « Tribeca » pour les produits de la classe 34, tels que les liquides pour cigarettes électroniques se composant de propylène glycol et liquides pour cigarettes électroniques (e-liquides) composés de glycérine végétale, sur la marque verbale française « Tribeca » enregistrée pour les produits de la classe 34 notamment les liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels, sur la marque figurative internationale désignant l’Union européenne « Subzero » enregistrée en classe 34 pour les liquides pour cigarettes électroniques et sur la marque verbale française « Subzero » enregistrée notamment pour les produits de la classe 34, en particulier, les liquides pour cigarettes électroniques ou vaporisateurs personnels.
Il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat d’huissier versés aux débats que les produits litigieux, deux références de liquides de vapotage « Mr Blonde » et « Mr White » commercialisées sous la marque « Freaks », déclinés en deux formats de contenance, 50 et 10 ml, le petit format étant lui-même décliné selon quatre taux de nicotine (0, 3, 6 et 12 mg), reproduisent à l’identique sur les visuels promotionnels qui leur sont associés, ainsi que sur leur conditionnement respectif, le signe de la marque figurative internationale désignant l’UE n° 1165556, ainsi que les signes « Halo », « Tribeca » et « Subzero ». Il en résulte que les produits en cause, des liquides de vapotage destinés à la recharge des dispositifs réglementés de vapotage que sont les cigarettes électroniques ou « vapoteuses », ont même nature et même fonction et par conséquent le même public, que ceux pour lesquels les marques dont est titulaire la société Pure Laboratories sont enregistrées, ce qui n’est pas contesté par les défenderesses. En outre, et ce n’est pas non plus contesté par ces dernières, les signes reproduits sur les produits litigieux sont identiques aux marques enregistrées.
Il est également établi par les pièces précitées de la demanderesse que ces produits litigieux ont été, sans son autorisation, détenus, promus, offerts à la vente et commercialisés, sous la marque verbale française Freaks dont est titulaire la société Physiodis, déposée le 4 janvier 2019 et enregistrée pour des produits en classe 34, en particulier pour les solutions liquides pour cigarettes électroniques, sur plusieurs sites destinés au public français parmi lesquels le site Apivape, édité par la société Physiodis, et les sites So-Smoke pro et The Freaks Factory, édités par la société So-Smoke.
Il en résulte que ces sociétés ont repris pour un usage dans la vie des affaires des signes identiques aux marques de la société Pure Laboratories pour les mêmes produits ou services.
La société Pure Laboratories établit que la société Aroma Sense a, de même, fait un usage dans la vie des affaires des marques de la demanderesse. En effet, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon pratiquée à l’adresse d’expédition de la société So-Smoke que l’employé de cette dernière a indiqué que les produits de la marque Réservoir Freaks saisis « destinés à la vente [étaient] constitués d’une base concentrée – la matière première originale Halo – mélangée à une base PG/PV du laboratoire Aroma Sense (…) et ensuite embouteillé soit par le laboratoire Aroma Sense, soit par le laboratoire Liquidarom Distribution », ce dont il résulte que ces dernières ont fourni la société So-Smoke. De surcroît, la demanderesse produit diverses captures d’écran de sites tiers sur lesquels il est indiqué que « la marque Aroma Sense a été rachetée pour devenir Freaks », « Freaks le nouveau nom d’Aroma sense », « Beaucoup de produits Freaks portent les mêmes noms que la gamme Aroma Sense. Les recettes sont identiques à la gamme originale Aroma Sense », « les e-liquides Aroma Sense deviennent Freaks », « les produits de la marque Freaks sont tous issus du laboratoire marseillais Aroma Sense ». Il résulte suffisamment de ces éléments que loin de se borner à fabriquer les liquides pour le compte des sociétés Physiodis et So-Smoke, la société Aroma Sense a commercialisé les produits litigieux sous les signes de demanderesse, ce qui caractérise un usage dans la vie des affaires.
S’agissant de la société LAD, celle-ci soutient que l’assignation ne lui imputerait aucun acte de contrefaçon, alors que l’acte qui lui a été délivré indique qu’elle intervient au stade de l’embouteillage des produits contrefaisants et qu’invitée à s’expliquer elle n’a pas répondu, mais aussi rappelle les dispositions de l’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle qui fonde l’interdiction des actes de contrefaçon qui sont reprochés aux défenderesses, dont elle fait partie. L’assignation est donc suffisamment précise quant aux faits et éléments de droit reprochés à cette société.
Il ressort également des propres écritures de la société LAD, comme des devis et factures qu’elle verse aux débats et des pièces produites par la société Pure Laboratories que la défenderesse reconnaît procéder à l’embouteillage et à l’accolage des étiquettes sur les flacons, peu important qu’elle ne les édite pas, ni n’ait pour mission contractuelle de vérifier la licéité de leurs mentions et illustrations. Il est également suffisamment établi qu’elle a fourni les produits à la société So-Smoke comme le révèlent la facture et les échanges mails versés aux débats, participant ainsi à leur mise sur le marché et a, à tout le moins, détenu les produits litigieux à cette fin. Le fait que les signes soient utilisés dans le cadre d’actes préparatoires à la mise sur le marché relève de l’usage dans la vie des affaires en ce qu’il s’inscrit dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique.
La société LAD a donc également fait usage dans la vie des affaires des produits litigieux qui reprennent à l’identique les signes dont est titulaire la société Pure Laboratories.
Les sociétés So-Smoke et Physiodis prétendent qu’elles n’auraient fait aucun usage à titre de marque des marques de la société Pure Laboratories aux motifs que les captures d’écran qu’elles produisent des sites so-smoke et apivape qu’elles exploitent respectivement, démontreraient que le signe est utilisé uniquement pour diriger le client vers les liquides de la société Pure Laboratories, dans la mesure où les liquides sont répertoriés par marque sur ces sites. Or, d’une part, ces captures d’écran sont dépourvues de toute date. D’autre part, la société Pure Laboratories produit des captures d’écran de ces mêmes sites datées du 21 décembre 2021 révélant que les produits litigieux et leur conditionnement reproduisent de manière particulièrement visible et systématisée sur leur face avant ses marques particulièrement distinctives tant verbales que figuratives, lesquelles sont également particulièrement mises en valeur dans la description du produit litigieux sur internet en ce qu’elles sont reproduites en gras, à l’instar des autres signes distinctifs dont les défenderesses font un usage à titre de marque, comme dans les exemples suivants : « Retrouvez le parfum authentique du liquide Tribeca de Halo avec Mr Blonde de la gamme Réservoir Freaks », « Nom de code Mr White, sous cette identité secrète se cache le célèbre Subzero de Halo enfin disponible dans la gamme Réservoir Freaks ».
Ainsi, la reproduction des marques de la défenderesse apparaît-elle réalisée afin d’orienter le choix des consommateurs en suggérant qu’il s’agit de produits authentiques Halo appartenant à une gamme « Réservoir Freaks » et laissent ainsi à penser qu’elles indiquent la provenance commerciale de ces produits, ce qui caractérise un usage à titre de marque.
Les sociétés défenderesses invoquent encore l’exception de référence nécessaire prévue à l’article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « I. – Une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (…)3° De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée. »
Si elles justifient que la société Pure Laboratories commercialise ses produits sous une forme « prêt à l’emploi » et sous une forme concentrée, laquelle doit obligatoirement être mélangée avant tout usage avec une base nicotinée ou non, elles ne prouvent pas que les produits litigieux seraient fabriqués à partir de l’arôme concentré Subzero ou Tribeca de Halo, ni même qu’il s’agirait des produits Halo authentiques entrant dans la composition des dits produits litigieux. En tout état de cause, contrairement à ce qu’elles allèguent, l’utilisation des marques verbales et figuratives de la société Pure Laboratories pour renseigner la composition des produits litigieux n’implique aucun rapport de destination, mais vise la seule provenance ou composition dudit produit, dans le seul but de créer un risque de confusion avec les produits de la demanderesse ou de suggérer l’existence d’un partenariat avec la demanderesse, exclusif de tout usage conforme aux usages loyaux du commerce, une telle utilisation apparaissant d’autant moins nécessaire que la reprise de l’élément figuratif n’était nullement justifiée pour indiquer la dilution du produit de la demanderesse dans le produit commercialisé sous la marque Freaks et que les signes de la société Pure Laboratories ont été mis en avant systématiquement dans la description des produits sur les sites internet des revendeurs. Le moyen tiré de l’exception de référence nécessaire n’est donc pas fondé.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal considère que les sociétés So-Smoke, Physiodis, Aroma Sense et LAD ont commis des actes de contrefaçon des marques dont est titulaire la société Pure Laboratories.
Sur la réparation de la contrefaçon de marques
Moyens des parties
La société Pure Laboratories demande diverses mesures complémentaires d’interdiciton, de rappel, de destruction des stocks, de suppression de toute offre et de publication de la décision à intervenir. Sollicitant la réparation d’un préjudice à titre provisionnel, elle expose au titre de son préjudice financier, que l’état des stocks de la société So-Smoke mentionne une commande d’au moins 10.000 exemplaires et la commercialisation d’au moins 3.285 exemplaires pour un bénéfice de 19.447,38 euros HT, lequel depuis lors a atteint 43.240 euros HT, en l’absence de justification de la destruction du stock et alors que la société So-Smoke a continué d’écouler son stock 6 mois après son assignation et de promouvoir sur son site les produits contrefaisants un an après. Elle invoque un gain manqué dans la mesure où elle n’a tiré aucune redevance qui lui aurait été due si il lui avait été demandé l’autorisation d’utiliser les marques en litige et fait valoir les économies d’investissement procurées aux défenderesses qui, en plus de diluer ses produits, ont réutilisé ses marques afin de bénéficier de leur notoriété et d’économiser sur les budgets alloués à la promotion de leurs propres produits. Elle ajoute que l’offre et la vente de ces produits ont entraîné une banalisation des marque set un affaiblissement de leur caractère distinctif auprès du public pertinent.
Les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense font valoir que dans l’attente de l’issue du litige, elles ont modifié le conditionnement des produits et leur présentation sur internet en faisant disparaître toute référence aux signes distinctifs de la société Pure Laboratories. Elles ajoutent que l’usage qui leur est reproché n’a été réalisé que sur un court laps de temps, du mois de décembre 2021 jusqu’au mois de janvier 2022, date de la saisie-contrefaçon, période durant laquelle très peu de produits ont été vendus, pour un chiffre d’affaires de 1.286,80 euros HT. Elles estiment que la demanderesse ne démontre aucune poursuite des actes argués de contrefaçon, ni le caractère renommé de ses marques au soutien du préjudice moral qu’elle allègue.
La société LAD conclut à la modération des condamnations éventuelles à son encontre. Elle sollicite qu’aucune condamnation solidaire ne soit prononcée contre elle, n’ayant pas pris part active dans les faits reprochés, ni n’en ayant tiré un bénéfice personnel, estimant que sa participation au dommage n’est qu’indirecte et non volontaire. Elle sollicite très subsidiairementque la société So-Smoke soit condamnée à la garantir de toutes ses condamnations éventuelles.
Appréciation du tribunal
L’article L. 716-4-10 du même code dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
A titre liminaire, il importe de rappeler que les différents chefs de préjudice listés par l’article précité doivent être considérés distinctement et non cumulativement pour permettre un dédommagement fondé sur une base objective et l’octroi d’une réparation adaptée au préjudice subi du fait de l’atteinte.
En l’espèce, la contrefaçon étant caractérisée, il sera tout d’abord fait droit aux mesures d’interdiction, de rappel des circuits de distribution des produits litigieux reproduisant sans autorisation les marques dont est titulaire la société Pure Laboratories, de destruction des stocks de ces produits, et de suppression des offres desdits produits sur les sites internet exploités par les défenderesses, selon les modalités exposées au dispositif de la présente décision, sans qu’il y ait lieu de distinguer pour la société LAD.
En application des articles 125.2. et 126 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 relatif à la marque de l’ Union Européenne, la procédure ayant été portée devant le tribunal sur le territoire duquel les défendeurs ont leur domicile, la mesure d’interdiction prononcée est pan-européenne.
S’agissant de la réparation du préjudice, la demanderesse justifie de la commercialisation des produits litigeux, notamment par le procès-verbal du 28 janvier 2022, les opérations de saisie-contrefaçon ayant permis d’établir, grâce aux déclarations de l’employé de la société So-Smoke étayées par l’état des stocks en temps réel remis sur les lieux, qu’il n’y a plus eu de réapprovisionnement des produits en cause depuis la commande initiale qui était de « 1.000 fioles par grammage de nicotine et par catégorie (Mr Blonde, Mr White) ».
Un procès-verbal de constat daté du 7 janvier 2022, constate également la commercialisation des liquides de vapotage reproduisant les marques, sans son autorisation, de la société Pure Laboratories sur une dizaine de sites internet tels que Apivape, The Freaks Factory, So-Smoke Pro, par exemple.
La société Pure Laboratories évoque en premier lieu un préjudice financier constitué par le bénéfice réalisé par les sociétés défenderesses, en se fondant sur l’état des stocks remis à l’huissier de justice par l’employé de la société So-Smoke. C’est à juste titre que se fondant sur cette pièce et les déclarations de l’employé de la société So-Smoke, elle évalue son préjudice en soustrayant le nombre de fioles en stock au nombre de fioles initialement acquises, c’est-à-dire 1.000 par grammage de nicotine et par catégorie. Sur cette base, il y a lieu de retenir son calcul, non utilement contredit par les défenderesses, selon lequel 3.285 fioles ont été vendues sur un total de 10.000 fournies à la société So-Smoke et 6.715 saisies, pour un bénéfice HT de 19.447,38 euros à raison d’un prix de revente HT compris entre 4.40 et 15.12 euros selon la catégorie et le grammage de nicotine, pour un bénéfice prévisionnel de 43.240 euros HT. Si elle invoque en sus des bénéfices réalisés par les défenderesses, des gains manqués, elle se borne à alléguer d’une redevance qui lui aurait été due si elle avait autorisé les contrefacteurs, sans justifier ni chiffrer ce manque à gagner, pas plus qu’elle ne démontre les économies d’investissements substantielles réalisées par les sociétés défenderesses.
S’agissant du préjudice moral, si la commercialisation des produits litigieux a porté atteinte au caractère distinctif des marques dont la demanderesse est titulaire, cette dernière ne justifie pas de leur renommée, de sorte que la banalisation qu’elle invoque n’apparaît pas établie.
Dans ces conditions, le préjudice de la société Pure Laboratories peut donc être évalué, à titre provisionnel, à la somme de 20.000 euros, comprenant la demande au titre du préjudice moral.
Le préjudice apparaît intégralement réparé par les mesures ordonnées sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une mesure de publication complémentaire sur le fondement de l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle.
Il convient de condamner in solidum les défenderesses à payer à la société Pure Laboratories, en réparation de son préjudice au titre des actes de contrefaçon, la somme de 20.000 euros.
Il conviendra de condamner la société So-Smoke à garantir la société LAD de toutes les condamnations prononcées à son égard dans la mesure où il est établi que la première a passé commande auprès de la seconde pour le conditionnement de flacons au moyen d’étiquettes dont elle est l’auteur, ce qu’elle ne conteste pas, outre que le devis qui lui a été adressé par la société LAD stipule expressément que « le choix des matières pour les composants reste de la responsabilité de nos clients ainsi que les inscriptions portées sur les étiquettes des contenants ».
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Moyen des parties
La société Pure Laboratories soutient que le non-respect par les défenderesses de la réglementation prévue aux articles L. 3513-10 et L. 4515-4 du code de la santé publique qui punit pénalement l’absence de déclaration des flacons de recharge en e-liquide avant toute commercialisation, caractérise un acte de concurrence déloyale qui induit un avantage concurrentiel indu pour son auteur. Elle soutient que les défenderesses qui ont parfaitement connaissance de la réglementation, n’ont pourtant, contrairement aux produits Freaks qu’elles commercialisent, pas notifié les produits litigieux auprès de l’ANSES. Elle estime qu’en s’affranchissant de l’obligation de déclaration préalable de ces produits, elles ont commis des actes de concurrence déloyale dont il est résulté un important préjudice moral et d’image qu’elles évaluent à 15.000 euros.
Les sociétés So-Smoke, Physiodis et Aroma Sense opposent l’absence de force probante de la pièce versée par la demanderesse faute de mentionner toutes les références de la gamme Freaks et l’absence de preuve d’une quelconque faute qui leur soit imputable, outre de la réalité de son préjudice et d’un lien de causalité.
La société LAD fait valoir pour sa part qu’elle ne saurait voir sa responsabilité engagée pour un quelconque manquement dans le cadre de la commercialisation des produits litigieux alors qu’elle n’est pas l’auteur de la mise sur le marché des produits, ni ne les commercialise.
Appréciation du tribunal
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Sur le fondement de ce texte, les actes contraires à la loyauté commerciale, qu’ils interviennent entre concurrents ou entre non-concurrents, sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, laquelle exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice et peut être intentée même par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif. Il est généralement distingué quatre cas d’agissements constitutifs de concurrence déloyale : la création d’un risque de confusion avec l’entreprise ou les produits d’un concurrent, le dénigrement du concurrent, la désorganisation d’une entreprise ou de son marché, le parasitisme.
Constitue également un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur.
Il est en effet de jurisprudence constante qu’il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral ( Cass. com., 3 mars 2021, n° 18-24.373 – Cass. 1re civ., 10 avr. 2019, n° 18-13.612 – Cass. 1re civ., 21 mars 2018, n° 17-14.582- Cass. com., 1er juill. 2003, n° 01-13.052 ; Cass. com., 3 juin 2003, n° 01-15.145).
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, en s’affranchissant de l’obligation qui est faite aux fabricants, prescrite à l’article L. 3513-10 du code de la santé publique, sous peine d’une amende prévue à l’article L. 3515-4 du même code, de notifier auprès de l’établissement public désigné, en l’occurrence l’ANSES, six mois avant la mise sur le marché de produits du vapotage contenant de la nicotine, un dossier par marque et par type de produit portant notamment sur les responsables de cette mise sur le marché, les sociétés défenderesses, en ce compris la société LAD, qui ne produisent aucune pièce contredisant le tableau de l’ANSES produit par la demanderesse, ont commis dans l’exercice de leur activité commerciale un acte de concurrence déloyale, dont il s’est inféré nécessairement un préjudice.
Toutefois, si la société Pure Laboratories invoque un avantage concurrentiel indu au bénéfice de ces sociétés qui se sont épargnées tout effort de développement et dispensées de procéder aux déclarations requises, force est de constater qu’elle n’apporte aucun élément de preuve permettant d’évaluer l’étendue de son dommage, en sorte qu’elle sera déboutée de ce chef de demande.
Sur les autres demandes
La société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution , qui succombent, sont condamnées in solidum aux dépens de l’instance qui incluent les frais de saisie-contrefaçon.
Supportant les dépens, elles seront condamnées in solidum à payer à la société Pure Laboratories la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, incluant les frais exposés pour les procès-verbaux de constat. La société LAD sera déboutée de sa demande formée sur ce même fondement à l’encontre de la société So-Smoke.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
LE TRIBUNAL,
FAIT INTERDICTION à la société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution de faire usage des signes « », « Tribeca » et « Subzero » et « Halo » pour désigner et notamment vendre, des liquides de vapotage et tout produit identique ou similaire en classe 34, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois ;
ORDONNE aux sociétés So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense, la société L.A. Distribution dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, de rappeler des circuits de distribution tout produit reproduisant sans son autorisation les marques de la société Pure Laboratories non encore livré au consommateur final sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois ;
ORDONNE aux sociétés So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution de détruire l’ensemble des produits litigieux sous le contrôle d’un commissaire de justice, à leurs frais in solidum, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ;
ORDONNE à la société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense, la suppression des offres des produits litigieux sur leurs sites internet respectifs ;
DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte,
CONDAMNE in solidum la société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution à payer à la société Pure Laboratories la somme provisionnelle de 20.000 euros, en réparation de l’ensemble des chefs de préjudice résultant des actes de contrefaçon;
CONDAMNE la société So-Smoke à garantir la société L.A. Distribution de toutes les condamnations prononcées à son égard ;
REJETTE les demandes de publication de la présente décision ;
DÉBOUTE la société Pure Laboratories de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale ;
CONDAMNE in solidum la société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution aux dépens en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société So-Smoke Developpement, la société Physiodis, la société Aroma Sense et la société L.A. Distribution à payer à la société Pure Laboratories la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile incluant les frais exposés pour les procès-verbaux de constat ;
DÉBOUTE la société L.A.Distribution de sa demande formée à l’encontre de la société So-Smoke sur ce même fondement ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit et dit n’y avoir lieu à l’écarter.
Fait et jugé à Paris le 25 avril 2024
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS