La concertation exclut le harcèlement moral
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La concertation / Dialogue avec la salariée (directrice commerciale) sur l’évolution de son poste rendue nécessaire, selon un diagnostic partagé, par la réorientation de l’activité manifeste de la société, exclut la présomption de harcèlement.


Exclusion d’une réunion 

La seule circonstance que la salariée  n’ait pas été conviée à une réunion dont l’importance, qui ne ressort par des termes employés par l’employeur d’avoir à la « meubler », se dérobe à l’entendement et étant unique ne suffit à satisfaire la condition de récurrence visée à l’article L.1152-1 précité.

L’article L.1152-1 du code du travail

Pour rappel, aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le jeu des présomptions 

En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. 

Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1 JUIN 2023

N° RG 21/01951

N° Portalis : DBV3-V-B7F-USVY

AFFAIRE :

Société VINIPRESSE

C/

[B] [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : E

N° RG : 19/00335

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-françois MOSSUS

Me Isabelle ROY-MAHIEU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société VINIPRESSE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-françois MOSSUS, Plaidant/constitué, avocat au barreau de BEZIERS, vestiaire : 41

APPELANTE

****************

Madame [B] [G]

née le 04 Février 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Isabelle ROY-MAHIEU de la  SCP SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, Plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0527

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [B] [G] a été engagée par contrat à durée indéterminée, en qualité de directrice commerciale, statut technicien-agent de maîtrise, à compter du 5 février 2013, par la société à responsabilité limitée Vinipresse, qui développe une activité de communication spécialisée dans le vin et la promotion de ce produit.

Mme [G] a été placée continûment en arrêt de travail à compter du 5 novembre 2018.

A l’issue d’une visite médicale de reprise du 4 juin 2019, Mme [G] a été déclarée inapte par le médecin du travail qui précise que : « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».

Par courrier du 6 juin 2019, Mme [G] a été informée par la société de l’impossibilité de la reclasser.

Convoquée le 11 juin 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 juin suivant, Mme [G] a été licenciée par lettre datée du 25 juin 2019 énonçant une inaptitude médicale et l’impossibilité de son reclassement.

Mme [G] a saisi, le 26 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de solliciter la nullité de son licenciement à titre principal, de voir constater son caractère dénué de toute cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, de demander l’application de la convention collective de l’édition et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 17 mai 2021, notifié le 2 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que la convention collective applicable au contrat de travail de Mme [G] est la convention collective de l’édition ;

Condamne la société Vinipresse à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

– 29.986,31 euros au titre de rappel de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– 23.733,30 euros au titre de rappel de l’indemnité compensatrice de préavis

– 2.373,33 euros au titre des congés payés afférents

– 10.365,32 euros au titre du rappel de salaires pendant l’arrêt de travail du 5 novembre 2018 au 28 février 2019

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Vinipresse à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 2 décembre 2019, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus ;

Rappelle que par application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 7.911,10 euros ;

Déboute Mme [G] de ses autres demandes ;

Déboute la société Vinipresse de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Vinipresse aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Le 21 juin 2021, la société Vinipresse a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 18 janvier 2022, la société Vinipresse demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en ce qu’il a débouté Mme [G] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement.

Réformer les chefs du jugement critiqués,

Juger à nouveau,

Débouter Mme [G] de l’intégralité de ses demandes.

Condamner Mme [G] à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner Mme [G] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 7 février 2023, Mme [G] demande à la cour de la recevoir en son appel incident et de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Vinipresse à lui payer :

– 29.986,31 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 23.733,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 2.373,33 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

– 10.365,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période des arrêts de travail

– 1.200 euros à titre d’article 700 du code de procédure civile

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a déboutée de ses autres demandes.

Statuant à nouveau :

Dire et juger le licenciement nul en vertu des articles L.1152-1 et suivants du code du travail,

En conséquence :

Condamner la société Vinipresse à lui payer la somme de 94.933,20 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause :

Condamner la société Vinipresse à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 15 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 avril 2023.

MOTIFS

I ‘ Sur le harcèlement moral

Mme [G] considère que son inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral qu’elle subit, consistant d’une part à la déposséder de ses fonctions par le transfert de ses tâches et de sa direction à un tiers sans son accord et sans le moindre égard d’autre part, à dévaloriser son travail, enfin à la mettre à l’écart malgré ses compétences, et qui conduisit à l’altération de sa santé, y compris mentale, tout en compromettant son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant qu’en 2018, Mme [G] était directrice commerciale et marketing, tant en France qu’à l’étranger, d’une équipe de 5 commerciaux en France, deux binômes en Espagne et en Italie, supervisait l’agence chargée du marketing digital, et que des discussions s’engagèrent cet été dans la perspective de la réorganisation de l’entreprise.

Etant précisé que l’organigramme prévisionnel, sur papier libre, la désignant directrice commerciale France et marketing intitulé « nouvelle organisation telle qu’évoquée le 6 septembre 2018 » n’apporte aucun élément probant, Mme [G] établit que par correspondance des 18 et 19 octobre 2018, Mme [O] [H] lui faisait part de son « nouveau périmètre d’actions dans le cadre du développement de l’activité commerciale (‘) (France, Italie, Chine » etc. « et de la mise en place de [leur] binôme Commercial/Marketing », que le mail du 23 octobre 2018 du dirigeant, adressé à tous pour présenter la nouvelle organisation, désignait ainsi son poste « une direction marketing et communication de la marque Gilbert & Gaillard avec pour directrice [B] [G] » lui donnant pour mission la communication, le support au commercial, le rétablissement du contact avec les petits vignerons, l’organisation de l’événementiel et le digital, Mme [H] étant nommée directrice commerciale France et export, et que par mails des 22 au 30 octobre et du 5 novembre 2018, cette dernière agit selon sa nouvelle fonction en la sollicitant pour le transfert des données nécessaires et, lors de ses absences, pour assurer la continuité du service commercial. Le changement de ses fonctions est ainsi avéré.

Si elle estime avoir fait l’objet d’une dévalorisation, elle l’étaye des mêmes faits, et n’établit pas les reproches de l’employeur sur son style de management ou son absence de compétences commerciales. La demande de sa collègue de la remplacer lors de son absence à l’étranger ne saurait pas s’appréhender comme une dévalorisation de sa personne ou de ses compétences.

Par ailleurs, la mise à l’écart alléguée participe des mêmes faits mais mis en perspective avec ses résultats, non querellés, d’un doublement depuis 2012 du chiffre d’affaires de la société.

Elle établit au reste par l’échange de SMS du 8 mars 2018 n’avoir pas été invitée à une réunion sur l’Afrique du Sud, pour la raison qu’elle n’aurait concerné que ce pays.

Sur la dégradation de son état de santé, elle produit l’attestation de l’un de ses collaborateurs, chef de projet digital, M. [J], relatant son affectation après la réunion liée à la réorganisation du 18 octobre 2018, la disant « décomposé[e] » « en larmes » « dévastée », car dépossédée de ses fonctions. Elle justifie avoir été placée en arrêt de travail dès le 5 novembre 2018 jusqu’en juin 2019, et que le médecin du travail l’invita à consulter le 13 novembre un psychiatre, lequel atteste de sa symptomatologie dépressive, et faisant le lien avec l’environnement de travail, déconseilla au médecin du travail de l’y confronter à nouveau, en donnant avis d’une inaptitude à tout poste le 19 février 2019.

Cette dégradation est établie.

Cela étant, il ressort suffisamment des éléments établis par la salariée, pris dans leur ensemble, la présomption d’un harcèlement moral.

La société Vinipresse fait valoir une évolution des fonctions de la salariée causée par la baisse de ses activités l’obligeant à repenser son organisation, et la volonté concertée de lui confier sa nouvelle stratégie marketing, conduisant à la décharger de partie de ses précédentes tâches, exclusive de tout harcèlement moral. Elle souligne que l’arrêt de travail de Mme [G], dès le 5 novembre 2018, empêcha de poursuivre les discussions en vue de la nouvelle organisation.

Cependant, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, l’intéressée a partagé les interrogations de son employeur sur les perspectives de la société par courriel du 30 août 2018, en proposant plusieurs pistes de réflexions, sur les concours vinicoles organisés, sur le développement du e-commerce pour les petits vignerons, sur la fin de l’édition du guide en format papier, sur l’instauration d’un nouveau site « extranet », puis par courriel du 28 septembre suivant, par lequel elle fait état de la forte chute de la fréquentation du site éditorial par perte du trafic, le guide n’apparaissant plus dans les premières pages de Google.

Ainsi que l’ont considéré les premiers juges, les mails des 10 et 19 octobre 2018 laissent voir qu’elle fixa avec Mme [H] la répartition des tâches et des commissions après la réorganisation ainsi décidée, en des termes dépourvus d’équivoque.

La concertation avec la salariée sur l’évolution de son poste rendue nécessaire, selon un diagnostic partagé, par la réorientation de l’activité manifeste suffisamment qu’elle eut lieu dans un esprit étranger à tout harcèlement.

Par ailleurs la seule circonstance qu’elle n’ait pas été conviée à une réunion dont l’importance, qui ne ressort par des termes employés par l’employeur d’avoir à la « meubler », se dérobe à l’entendement et étant unique ne suffit à satisfaire la condition de récurrence visée à l’article L.1152-1 précité.

Mme [G] ne peut ainsi être suivie dans ses prétentions en nullité du licenciement et tendant à l’octroi de dommages-intérêts de ce chef, et elles seront rejetées par confirmation du jugement.

II ‘ Sur la convention collective applicable

Sur le principe

Au rappel de l’article L.2261-2 du code du travail, exposant éditer un magazine spécialisé et organiser un concours vinicole qui relève de la définition donnée par l’Insee de la publicité, la société Vinipresse se prévaut, pour déterminer son activité principale, de ses statuts, de son code APE, de son chiffre d’affaires. Elle défend avoir commis une erreur dans le libellé du contrat de travail entaché de contradictions, du moment que les deux conventions collectives, de la publicité et de l’édition, sont citées, et qui, sans être créatrice de droits, évince toute volonté univoque. Elle observe que les bulletins de paie de Mme [G] firent mention de la convention collective de la publicité dès septembre 2014, sans que cette correction n’ait appelée aucune réserve de sa part, et souligne qu’en toute hypothèse, elle renverse la présomption dérivant de l’erreur manifeste dans sa première désignation. Elle conclut, de surcroît, n’avoir pas d’activité d’édition telle que définie par l’article L.132-1 du code de la propriété intellectuelle, qui puisse entrer dans le champ de la convention collective ad hoc, ses guides étant publicitaires et cette activité étant au reste abandonnée.

Mme [G] fait valoir la lettre de son contrat de travail et de ses bulletins de paie jusqu’en septembre 2014 comme l’absence de toute dénonciation de la convention collective de l’édition alors applicable à l’ensemble des salariés, en soulignant sa coïncidence avec le code NAF et la présentation de la société Vinipresse comme étant une « maison d’édition » dans ses relations extérieures. Elle soutient, au travers d’une analyse économique, que son activité principale était d’éditer un guide partiellement financé par la publicité, et qui en est le support nécessaire puisqu’elle n’y est pas autrement autorisée pour les boissons alcoolisées. Elle dément la possibilité d’une erreur.

L’article L.2261-2 du code du travail, dans sa version applicable au 1er mai 2008, expose que « la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.

En cas de pluralité d’activités rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables. »

Si l’application d’une convention collective est ainsi déterminée par l’activité principale effectivement exercée par l’employeur, il n’en reste pas moins qu’il peut faire le choix d’une autre convention.

Cela étant, l’application volontaire d’une convention collective doit résulter d’une volonté claire et non équivoque de l’employeur.

En l’occurrence, l’extrait Kbis donne pour activité principale de la société Vinipresse « toutes prestations de service en matière de conseil en publicité, promotion, formation, suivi et animation des ventes pour tous produits et entreprises se rapportant aux secteurs [vinicole] liquide alimentaire », et ses statuts parlent, essentiellement de :

La rédaction d’ouvrages originaux, de collections originales sous forme de livres, magazines, journaux plus particulièrement dans les domaines de l”nologie, la cuisine, les produits alimentaires etc.

Toutes prestations de service en matière de conseil en publicité, promotion, formation, suivi et animation des ventes pour tous produits et entreprises se rapportant aux secteurs vinicole, liquide, alimentaire,

La vente, le négoce et la diffusion de tous produits, techniques ou procédés relatifs à cet objet.

Son code APE « 7311Z » au 23 septembre 2020 correspond aux activités des agences de publicité, étant précisé qu’elle faisait auparavant usage du code « 5813Z », concernant l’édition de journaux. Cependant, l’usage de ce code n’est pas créateur d’obligations.

Cela étant, il n’est pas contesté qu’elle publie un magazine de vins sous la marque « Gilbert & Gaillard » et organise un concours de vins sous cette marque.

En cas d’activités multiples, il convient de rechercher celle qui dégage le chiffre d’affaires le plus important, s’agissant d’une structure à caractère commercial.

L’expert-comptable atteste que les « ventes presse » parviennent à 23.353 euros sur un chiffre d’affaires global des ventes de 1,077 million d’euros, contenant en plus celles issues de la publicité et du concours en 2012, à 25.613 euros sur 1,409 million d’euros en 2013, 19.785 euros sur 1,612 million d’euros en 2014, 26.355 euros sur 2,269 millions d’euros en 2015, 7.884 euros sur 2,560 millions d’euros en 2016, 10.029 euros sur 2,749 millions d’euros en 2017, 4.473 euros sur 2,706 millions d’euros en 2018, et évoque une perte de 6.312 euros sur 3,055 millions d’euros en 2019, soit au mieux 2,16% du tout, étant précisé que les « ventes concours » le constituent à raison des trois quarts au moins, ce qui conforte l’assertion de la société Vinipresse de ventes de presse résiduelles.

Dès lors que les ventes issues du concours ne participent pas du secteur de l’édition que pourrait autrement financer, comme elle le soutient, la publicité, Mme [G] ne peut prétendre à l’application de la convention professionnelle régissant ce secteur aux motifs que l’entreprise édite un magazine, a utilisé le code afférent et se présente aux tiers, dans ses productions commerciales, comme éditeur d’un guide et d’un magazine sur les vins. En effet, la nécessité de ce support autorisant la publicité, n’empêche que la publicité soit l’activité principale de l’entreprise, quoiqu’elle passe par l’édition.

Ensuite, certes, les mentions portées au contrat de travail de Mme [G], au reste équivoques puisque citant tout à la fois les conventions collectives de l’édition et de la publicité, ou sur ses bulletins de paie, qui varièrent en se référant d’abord à la convention collective de l’édition puis dès l’été 2014 à celle de la publicité, ne sauraient pas déterminer la convention applicable en fonction de l’activité, mais sont, comme l’a relevé le conseil de prud’hommes, l’indice de la soumission volontaire de l’employeur, le cas échéant, à cette convention.

Si le conseil de prud’hommes a fait égard à la volonté des parties, elle ne saurait pas s’interpréter dans l’acte citant indifféremment l’application de deux conventions collectives différentes.

Mais la circonstance que d’autres employés ont été embauchés à cette époque ou plus tard sous la référence de la convention collective de l’édition conduit à considérer, qu’au regard de ses activités contenant celle d’éditeur, la société entendit se soumettre à cette convention, ce que corrobore la mention portée d’emblée sur les bulletins de paie de l’intéressée, qui vaut présomption.

Comme l’ont justement relevé les premiers juges, la récurrence de cette référence évince l’erreur qui aurait pu être commise dans le contrat de travail de Mme [G], et ce d’autant que le code APE porté sur ses bulletins de paie jusqu’en 2019 correspondait à l’activité de l’édition.

Il s’en déduit que la salariée rapporte suffisamment la preuve de la volonté univoque de l’employeur d’appliquer volontairement la convention collective de l’édition, et l’argument de celui-ci suivant lequel son activité principale relève du champ d’application d’une autre convention est sans portée.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a appliqué la convention collective de l’édition dans les rapports entre les parties, faute d’avoir été jamais dénoncée en due forme.

Sur les conséquences

Sur les rappels de salaire pour les mois de novembre 2018 à février 2019

La société Vinipresse fait valoir que Mme [G] a été remplie de ses droits, dans la mesure où ses appointements garantis durant la maladie, ne se confondent pas avec sa rémunération variable.

L’article 10 de l’annexe II « agents de maîtrise, techniciens et cadres » de la convention collective nationale de l’édition du 14 janvier 2000 étendue, dit que « Lorsqu’une absence, justifiée par une maladie ou un accident du travail, dûment constatés par un certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, intervient après 1 an de présence dans l’entreprise en cas de maladie et 6 mois en cas d’accident du travail, les appointements fixés et les minima garantis – à l’exclusion des indemnités de voyage, frais de représentation, gratification – sont intégralement maintenus pendant les 6 premiers mois d’indisponibilité et versés à concurrence de la moitié de leur montant pendant les 3 mois suivants.

Après 5 ans de présence dans l’entreprise, l’agent de maîtrise, le technicien ou le cadre a droit à 15 jours supplémentaires à plein salaire et 15 jours supplémentaires à demi-salaire par période de 5 années de présence ou fraction de période.

(‘)

Les paiements seront effectués, le cas échéant, sous déduction des sommes perçues par l’intéressé soit au titre de la sécurité sociale ou de la loi sur les accidents de travail, soit au titre du régime de prévoyance des agents de maîtrise, techniciens et cadres. »

Vu ses bulletins de paie, le « salaire mensuel » de Mme [G] parvenait à 1.500 euros, auquel s’ajoutaient ses commissions sur chiffre d’affaires. Comme l’observe l’employeur, ses commissions furent payées durant son absence.

Cela étant, le moyen de Mme [G] d’un paiement sur la base de la moyenne des 3 derniers mois précédent son absence n’est pas fondé en droit, la notion d’appointements fixés en miroir des minima garantis ne contenant pas la rémunération variable, mais représentant la somme minimale que chacun doit percevoir pour la durée d’un mois de travail normal.

Dès lors qu’elle ne dispute pas pour le surplus le calcul fait par l’employeur, qui n’apparaît pas manifestement infondé et doit au reste être analysé sur l’entière période de son absence pour cause de maladie, ses prétentions doivent être rejetées et le jugement sera infirmé dans son expression contraire.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

La société Vinipresse conteste devoir l’indemnité compensatrice de préavis du moment que Mme [G] a été licenciée dans les suites d’une inaptitude non professionnelle, au regard des dispositions de l’article L.1226-4 du code du travail.

L’article L.1226-4 du code du travail postule qu’en cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle, ce qui est le cas présent, et impossibilité de reclassement, l’inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice, par dérogation à l’article L.1234-5.

Dès lors que le conseil de prud’hommes a alloué cette indemnité, il a commis une erreur de droit, et le jugement sera infirmé à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a alloué à Mme [B] [G] un rappel de salaire sur la période allant du 5 novembre 2018 au 28 février 2019 et une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés ;

Déboute Mme [B] [G] de ses demandes d’un rappel de salaire sur la période allant du 5 novembre 2018 au 28 février 2019 et d’une indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] [G] aux dépens.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


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