La clause attributive de juridiction face à l’indivisibilité contractuelle

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La clause attributive de juridiction face à l’indivisibilité contractuelle
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L’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que s’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur, saisit à son choix, la juridiction ou demeure l’un d’eux.

L’article 48 du même code prévoit par ailleurs la possibilité pour des parties contractant en qualité de commerçant de déroger aux règles de compétence territoriale par une clause spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée.

En la cause, le litige présente un caractère d’indivisibilité en ce qu’il porte sur un ensemble de contrats qualifiés d’interdépendants et que la demande formée par la société Rochem UF contre la société CM CIC Leasing Solutions et tendant au prononcé de la caducité du contrat de location est soumise à la constatation préalable de la résiliation des contrats conclus avec la SA VSD et la SARL CRV.

Les co-défendeurs devaient donc nécessairement être attraits devant la même juridiction.

La société CM CIC Leasing Solutions a son siège dans le ressort du tribunal de commerce de Paris ainsi que l’ont relevé les premiers juges, tandis que les autres défendeurs sont domiciliés dans le ressort du tribunal de commerce de Toulon, de sorte qu’en application de l’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, la société Rochem UF avait le choix de saisir l’une ou l’autre de ces juridictions.

La société Rochem UF a souscrit en 2013 un bon de commande pour un photocopieur Samsung auprès de VSD, un contrat de location financière avec CM CIC Leasing Solutions, et un contrat d’entretien avec CRV. VSD et CRV ont été liquidées en 2015. En juillet 2022, Rochem UF a assigné CM CIC Leasing Solutions et les liquidateurs de VSD et CRV devant le tribunal de commerce de Toulon, demandant la reconnaissance de l’interdépendance des contrats, la résiliation du contrat de maintenance, la caducité du contrat de location, la restitution des paiements effectués, et la récupération du photocopieur. CM CIC Leasing Solutions a soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris, ce que le tribunal a accepté par jugement du 20 octobre 2023, condamnant Rochem UF à payer des frais. Rochem UF a interjeté appel le 7 novembre 2023, et une audience a été fixée au 28 mai 2024. Rochem UF a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de débouter CM CIC Leasing Solutions de son exception d’incompétence. CM CIC Leasing Solutions a demandé la confirmation du jugement et des frais supplémentaires. Les autres défendeurs n’ont pas comparu.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/13743
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT

DU 05 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 148

Rôle N° RG 23/13743 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BMDXW

S.A. ROCHEM UF

C/

[O] [N]

S.A.S. CM CIC LEASING SOLUTIONS

S.C.P. BR & ASSOCIES

S.A.S. VAR SOLUTONS DOCUMENTS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 20 Octobre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 2022J00257.

APPELANTE

Société ROCHEM UF S.A. prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Cécile BOUVERET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Société CM CIC LEASING SOLUTIONS S.A.S. anciennement dénommée SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège social est sis[Adresse 6]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Maître [O] [N] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL COPIE RECTO VERSO, demeurant [Adresse 2]

défaillant

Société BR & ASSOCIES S.C.P. prise en la personne de Me [R] [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS VAR SOLUTIONS DOCUMENTS désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de TOULON du 22 Janvier 2015, dont le siège social est sis [Adresse 3]

défaillante

Société VAR SOLUTONS DOCUMENTS S.A.S. poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 28 Mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

La société Rochem UF a souscrit fin 2013 :

– auprès de la société Var solutions documents (VSD) un bon de commande portant sur un photocopieur de marque Samsung,

– auprès de la société GE capital équipement finance devenue CM CIC Leasing Solutions un contrat de location financière portant sur ce matériel,

– auprès de la société Copie recto verso (CRV) un contrat d’entretien et de maintenance du même matériel.

Les sociétés VSD et CRV ont été placées en liquidation judiciaire le 22 janvier 2015 pour la première et le 18 mars 2015 pour la seconde.

Par actes du 25 juillet 2022, la société Rochem UF a fait assigner devant le tribunal de commerce de Toulon :

– la société CM CIC Leasing Solutions,

– Maître [O] [N] en qualité de liquidateur de la société CRV,

– la SCP BR associés en qualité de liquidateur de la société VSD,

aux fins d’entendre :

– dire et juger qu’il existe une interdépendance entre le contrat de fourniture souscrit auprès de la société VSD, le contrat de maintenance souscrit auprès de la SARL CRV et le contrat de location financière conclu auprès de CM CIC Leasing solutions,

– constater la liquidation judiciaire de la SA VSD et de la SARL CRV et leur impossibilité d’exécuter leurs obligations contractuelles,

– constater la résiliation du contrat de maintenance entre la société Rochem UF et la société CRV et ce pour inexécution,

– prononcer la caducité du contrat de location financière n°M82326901 souscrit par la société Rochem UF le 1er décembre 2013 auprès de la CM CIC Leasing Solutions,

– ordonner la restitution par la société CM CIC Leasing Solutions des échéances déjà réglées en deniers et quittances, à savoir la somme de 6212,88 euros TTC,

– condamner la société CM CIC Leasing Solutions à récupérer le photocopieur couleur, marque Samsung CLX 9252 dans un délai de 2 mois à compter de la décision à intervenir à défaut de quoi la société CM CIC Leasing Solutions sera considérée comme ayant renoncé à la propriété dudit matériel,

– condamner la société CM CIC Leasing Solutions à payer à la société Rochem UF la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société CM CIC Leasing Solutions a soulevé in limine litis une exception d’incompétence du tribunal de commerce de Toulon au profit du tribunal de commerce de Paris en vertu d’une clause attributive de compétence stipulée au contrat de location financière.

Les autres défendeurs n’ont pas comparu.

Par jugement du 20 octobre 2023 le tribunal de commerce de Toulon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris et a condamné la société Rochem UF à payer à la société CM CIC Leasing Solutions la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a retenu à cet effet :

– que les autres co-défendeurs ne comparaissent pas et que la demande ne concerne qu’exclusivement la société CM CIC Leasing Solutions,

– que la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente de la société figure de façon apparente,

– que la société CM CIC Leasing Solutions est domiciliée à [Localité 5] et que selon l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur.

La société Rochem UF a interjeté appel de cette décision le 7 novembre 2023 et saisi le premier président d’une requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe.

Il a été fait droit à cette requête par ordonnance du 8 novembre 2023 fixant la date d’audience au 28 mai 2024.

La société CM CIC Leasing Solutions a été assignée par acte du 14 novembre 2023, remis à la cour le 17 novembre 2023.

Maître [O] [N], la SCP BR & associés et la société VSD ont été assignés par acte du 23 novembre 2023, remis à la cour le 24 novembre 2023.

Par conclusions signifiées les 14 et 23 novembre 2023, la société Rochem UF demande à la cour, vu les articles 83 et suivants, 42 et suivants du code de procédure civile de :

– déclarer recevable l’appel interjeté par la société Rochem UF,

– infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

– à titre principal, débouter la société CM CIC Leasing Solutions de sa demande d’exception d’incompétence territoriale au profit du tribunal de commerce de Paris,

– condamner la société CM CIC Leasing Solutions à payer à la société Rochem UF la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

– à titre subsidiaire, renvoyer la présente instance devant le tribunal de commerce de Paris.

Elle fait valoir que deux des co-défendeurs, les sociétés VSD et CRV, ont leur siège social dans le ressort du tribunal de commerce de Toulon, que la clause attributive de compétence prévue au profit de l’un des co-défendeurs ne fait pas obstacle à l’application de l’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, que le fait que les défendeurs autres que CM CIC Leasing Solutions ne comparaissent pas est sans incidence sur l’application de ce texte, que les demandes qu’elle présente concernent également les sociétés VSD et CRV.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 mars 2024, la société CM CIC Leasing Solutions demande à la cour, vu l’article 48 du code de procédure civile, de confirmer le jugement en date du 20 octobre 2023 rendu par le tribunal de commerce de Toulon en toutes ses dispositions, de condamner la société Rochem UF à payer à la société CM CIC Leasing Solutions la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocat associé, aux offres de droit.

Elle fait valoir que l’article 17 du contrat querellé stipule une attribution de compétence au tribunal de commerce de Paris, que la société Rochem UF est commerciale par sa forme, que tout l’intérêt du litige réside dans la relation entre la société Rochem UF et la société CM CIC Leasing Solutions , que la clause parfaitement apparente satisfait aux conditions exigées par l’article 48 du code de procédure civile et s’impose à la société Rochem UF et fait échec à la liberté de choix du demandeur.

Maître [O] [N], cité à domicile, la SCP BR & associés, citée à personne habilitée, et la société VSD, citée selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS :

L’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que s’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur, saisit à son choix, la juridiction ou demeure l’un d’eux.

L’article 48 du même code prévoit par ailleurs la possibilité pour des parties contractant en qualité de commerçant de déroger aux règles de compétence territoriale par une clause spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée.

Le contrat de location conclu le 1er décembre 2013 entre la société GE capital équipement finance devenue CM CIC Leasing Solutions et la société Rochem UF comporte en son article 17 intitulé Droit applicable – Juridiction, une clause attribuant au tribunal de commerce de Paris compétence exclusive pour tout litige relatif à la validité, l’interprétation ou l’exécution du contrat et de ses suites.

La SA Rochem UF, commerciale par sa forme, ne conteste pas la validité de cette clause.

Le litige présente un caractère d’indivisibilité en ce qu’il porte sur un ensemble de contrats qualifiés d’interdépendants et que la demande formée par la société Rochem UF contre la société CM CIC Leasing Solutions et tendant au prononcé de la caducité du contrat de location est soumise à la constatation préalable de la résiliation des contrats conclus avec la SA VSD et la SARL CRV.

Les co-défendeurs doivent donc nécessairement être attraits devant la même juridiction.

La société CM CIC Leasing Solutions a son siège dans le ressort du tribunal de commerce de Paris ainsi que l’ont relevé les premiers juges, tandis que les autres défendeurs sont domiciliés dans le ressort du tribunal de commerce de Toulon, de sorte qu’en application de l’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, la société Rochem UF avait le choix de saisir l’une ou l’autre de ces juridictions.

L’engagement pris par la société Rochem UF envers la société CM CIC Leasing Solutions aux termes de la clause attributive de compétence insérée au contrat de location aurait cependant dû la conduire à saisir le tribunal de commerce de Paris, puisque s’il est constant que la clause attributive de compétence n’est pas opposable aux autres défendeurs, ces derniers, au demeurant non comparants, n’auraient pu contester cette option conforme aux dispositions de l’article 42 alinéa 2 comme correspondant au lieu du siège social de l’un des défendeurs.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Rochem UF aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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