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Lorsqu’un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l’égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte (Cass. com, 9 juin 2022, n° 20-18.490).
A ce titre, la clause suivante peut être utilisée : ‘Le fournisseur se réserve la possibilité de céder les droits résultant du présent contrat au profit d’un partenaire financier. Le locataire accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du partenaire financier. Le locataire sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l’avis de prélèvement qui sera émis […]’. Sans que cette liste ne soit limitative, les sociétés susceptibles de devenir cessionnaire du contrat sont les suivantes …”. |
Résumé de l’affaire : M. [R] [Z] a signé un contrat de location de site internet avec l’Eurl Cristal’Id le 17 mai 2019, pour une durée de 48 mois et un loyer mensuel de 216 euros TTC. Le 4 juin 2019, il a accepté la livraison et la conformité du site. La SASU Leasecom, se prévalant d’une cession de contrat, a assigné M. [Z] en justice pour défaut de paiement des loyers à partir du 1er mars 2020, après une mise en demeure le 16 juin 2021. Elle a demandé la résiliation du contrat et le paiement de 8 208 euros pour loyers impayés, indemnité de résiliation et pénalité.
Le tribunal judiciaire d’Arras a, par jugement du 29 juillet 2022, déclaré les demandes des deux parties recevables, rejeté la nullité du contrat, constaté la résiliation du contrat au 7 juillet 2021, et condamné M. [Z] à verser 3 456 euros pour loyers impayés, 1 000 euros pour indemnité de résiliation, 800 euros pour l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. M. [Z] a interjeté appel, demandant l’irrecevabilité de la demande de Leasecom, le déboutement de ses demandes, une réduction de la clause pénale, et 3 000 euros pour l’article 700. Leasecom a également interjeté appel, demandant la confirmation du jugement sauf pour le montant de l’indemnité de résiliation, et a réclamé 4 752 euros pour indemnité de résiliation et de jouissance, ainsi que 2 000 euros pour l’article 700. Les conclusions des parties détaillent leurs prétentions et moyens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 19/09/2024
N° de MINUTE :
N° RG 22/04243 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UPGP
Jugement (N° 11-21-674)
rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire d’Arras
APPELANT
Monsieur [R] [Z]
né le 4 mars 1961
[Adresse 2]
[Localité 1]
bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 59178/02/22/008702 du 07/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai
représenté par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
La société Leasecom
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphanie Calot-Foutry, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Carolina Cuturi-Ortega, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 17 juin 2024, tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte sous seing privé du 17 mai 2019, M. [R] [Z] a conclu avec l’Eurl Cristal’Id un contrat de location de site internet d’une durée de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 216 euros TTC, le fournisseur se réservant la possibilité, acceptée par anticipation par le locataire, de céder ses droits résultant du contrat au profit d’un partenaire financier.
Le 4 juin 2019, M. [Z] a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du site internet.
Se prévalant d’une cession de contrat intervenue à son profit et invoquant un défaut de paiement des loyers à compter du 1er mars 2020, malgré une mise en demeure intervenue le 16 juin 2021, la SASU Leasecom a fait assigner M. [Z] devant le tribunal judiciaire d’Arras par acte du 5 août 2021 aux fins, notamment, de voir constater la résiliation du contrat de location par le jeu de la clause de résiliation et de voir condamner le défendeur à lui verser la somme de 8 208 euros au titre des loyers impayés, de l’indemnité de résiliation et de la pénalité de 10 %, ainsi que la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 juillet 2022, le tribunal judiciaire d’Arras a :
– déclaré les prétentions des deux parties recevables ;
– rejeté la demande de prononcé de la nullité du contrat ;
– constaté la résiliation de plein droit, à la date du 7 juillet 2021, du contrat de location conclu le 17 mai 2019 ;
– condamné M. [Z] à payer à la société Leasecom les sommes suivantes :
– 3 456 euros TTC au titre des loyers impayés au jour de la résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021 ;
– 1 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation et de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le même aux dépens.
M. [Z] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses conclusions remises le 10 octobre 2022, demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil et des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
– déclarer irrecevable la demande de la société Leasecom,
– en tout état de cause, la débouter de l’ensemble de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant de la clause pénale à un euro ;
– condamner la société Leasecom, outre aux dépens, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 10 janvier 2023, la société Leasecom demande à la cour, au visa des articles 1103, 1110, 1210, 1216, 1217, 1224, 1225, 1227 et 1229 du code civil, des articles 4, 5, 31, 910-4 du code de procédure civile, et de l’article L. 111-1 du code de la consommation, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité de résiliation et de la clause pénale à la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021 à compter du jugement et, statuant à nouveau, de :
– condamner l’appelant à lui verser la somme de 4 752 euros au titre de l’indemnité de résiliation et de l’indemnité de jouissance, dont le montant correspond aux loyers à échoir HT (4 320 euros) et la pénalité de 10 % (432 euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021;
en tout état de cause :
– débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes ;
– le condamner, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
Sur la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir
M. [Z] fait essentiellement valoir que la cession du contrat litigieux ne lui a pas été notifiée et que l’action de la société Leasecom à son encontre est dès lors irrecevable.
La société Leasecom soutient principalement que la cession intervenue entre elle et la société Cristal ID est régulière dès lors que l’appelant a donné son accord anticipé à celle-ci, qu’il a signé un mandat de prélèvement SEPA à son bénéfice et qu’il a pris acte de la cession intervenue en procédant au règlement d’un certain nombre d’échéances contractuelles sans contestation.
Sur ce,
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En vertu des articles 31 et 32 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
L’article 1216 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose qu’un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé ; que cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte ; que la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
Il est constant que lorsqu’un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l’égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte (Cass. com, 9 juin 2022, n° 20-18.490).
En l’espèce, l’article 7 des conditions générales du contrat de location de site internet n° 3260 conclu entre M. [Z] et la société Cristal’Id, intitulé ‘Cession du contrat’, stipule que : ‘Le fournisseur se réserve la possibilité de céder les droits résultant du présent contrat au profit d’un partenaire financier. Le locataire accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du partenaire financier. Le locataire sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l’avis de prélèvement qui sera émis […]’. L’article 7.2 de ces conditions générales mentionne par ailleurs le nom de la société Leasecom comme faisant partie des sociétés susceptibles de devenir cessionnaire du contrat.
Aucun acte de cession de contrat écrit entre la société Cristal’Id et la société Leasecom n’est cependant versé aux débats.
Aux fins d’établir la preuve de la cession de contrat qu’elle allègue, la société Leasecom produit une facture n° 2019-549 du 4 juin 2019 émise par la société Cristal’Id à son intention, portant en référence client le nom de M. [R] [Z], portant sur le ‘renouvellement de site www.edenbodyservices.fr’, d’un montant de 7 072,39 euros TTC.
Néanmoins, elle ne justifie pas du paiement effectif de cette facture.
La preuve de la cession de contrat intervenue entre Cristal Id et Leasecom n’est donc pas rapportée.
En outre, il n’est pas justifié que la facture de cession ait été notifiée à M. [Z], pas plus que l’échéancier-facture émis par Leasecom à l’intention de celui-ci le 12 mars 2021, alors que les échéances de remboursement commençaient en juillet 2019.
La société Leasecom ne peut donc valablement soutenir que M. [Z] a pris acte de la cession intervenue en ne s’opposant pas aux prélèvements effectués sur son compte entre juillet 2019 et février 2020 à l’aide du mandat Sepa qu’il avait signé à son ordre, alors que ce mandat Sepa ne porte aucune date et que la case relative au créancier ‘Leasecom’ peut avoir été cochée postérieurement à la signature du contrat de location et du mandat Sepa, ce mandat Sepa ne pouvant par conséquent valoir notification de la cession de contrat au cédé.
Enfin, la preuve du paiement effectif des mensualités de location par M. [Z] jusqu’en février 2020 n’est pas rapportée.
Il s’ensuit que la preuve de la notification de la cession de contrat au cédé ou de la prise d’acte de la cession par celui-ci n’est pas rapportée et que la société Leasecom ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir.
Il y a donc lieu, par infirmation de la décision entreprise, de déclarer la société Leasecom irrecevable en ses demandes.
Sur les autres demandes
La société Leasecom, succombant en cause d’appel, sera tenue aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’issue du litige commande de condamner la société Leasecom à payer à M. [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de la débouter de sa demande formulée au même titre.
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare la SAS Leasecom irrecevable en ses demandes introduites à l’encontre de M. [R] [Z] à raison de l’inexécution du contrat de location de site internet conclu le 17 mai 2019 entre celui-ci et l’Eurl Cristal’Id ;
La condamne aux dépens de première instance et d’appel ;
La condamne à verser à M. [R] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande formée sur le même fondement.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Pour le président empêché
Samuel Vitse