Engagement de Mme [W]Mme [E] [W] a été engagée par l’association [6] en tant qu’aide médico-psychologique, d’abord sous un contrat à durée déterminée à partir du 5 février 2010, puis sous un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2010. L’association, qui emploie habituellement au moins 11 salariés, applique la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif. Avertissement et licenciementLe 23 août 2019, Mme [W] a reçu un avertissement par courrier recommandé, qu’elle a contesté le 11 septembre 2019. Suite à une convocation à un entretien préalable, initialement prévu pour le 13 mai 2020 et reporté au 18 mai 2020, elle a été licenciée pour faute le 22 mai 2020. Contestations de Mme [W]Contestant son licenciement et se considérant lésée dans ses droits, Mme [W] a saisi la juridiction prud’homale le 27 novembre 2020. Le 29 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [W] de toutes ses demandes. Appel de Mme [W]Le 17 février 2022, Mme [W] a interjeté appel du jugement. Dans ses conclusions du 27 avril 2022, elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, tout en réclamant des dommages-intérêts. Réponse de la fondation [5]Dans ses conclusions du 22 juillet 2022, la fondation [5] a demandé à la cour de confirmer le jugement et de débouter Mme [W] de toutes ses demandes, tout en sollicitant le paiement de frais à son encontre. Griefs invoqués par l’employeurLa fondation [5] a justifié le licenciement par plusieurs griefs, notamment le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité, ainsi qu’un refus d’obtempérer aux instructions de la direction durant la pandémie de Covid-19. Elle a souligné que ces manquements mettaient en danger la santé des résidents vulnérables. Éléments de preuve et contestationsLa cour a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties. Elle a noté que les accusations portées contre Mme [W] reposaient principalement sur des témoignages d’un seul salarié, sans corroboration suffisante. Les déclarations de collègues de travail contredisaient également certains des griefs. Décision de la courLa cour a conclu que les éléments présentés ne permettaient pas d’établir la réalité des faits reprochés à Mme [W]. En conséquence, elle a infirmé le jugement précédent, déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Conséquences financièresLa cour a accordé à Mme [W] une indemnité de 14 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tenant compte de son ancienneté et de sa situation personnelle. Elle a également ordonné à la fondation de rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [W] et a statué sur les intérêts et les dépens. ConclusionLa cour a ainsi statué en faveur de Mme [W], condamnant la fondation [5] à lui verser des dommages-intérêts et à couvrir les frais liés à la procédure, tout en déboutant la fondation de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02848 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFI7X
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/08974
APPELANTE
Madame [E] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Cyril ZEKRI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1998
INTIMEE
FONDATION [5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 5 février 2010 puis contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2010, Mme [E] [W] a été engagée en qualité d’aide médico-psychologique par l’association [6], aux droits de laquelle vient désormais la fondation [5], celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.
Suivant courrier recommandé du 23 août 2019, Mme [W] a fait l’objet d’un avertissement, contesté par l’intéressée suivant courrier recommandé du 11 septembre 2019.
Après avoir été convoquée, suivant courrier recommandé du 28 avril 2020, à un entretien préalable initialement fixé au 13 mai 2020, puis reporté au 18 mai 2020, Mme [W] a été licenciée pour faute suivant courrier recommandé du 22 mai 2020.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [W] a saisi la juridiction prud’homale le 27 novembre 2020.
Par jugement du 29 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la fondation [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à la charge de Mme [W] les entiers dépens.
Par déclaration du 17 février 2022, Mme [W] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 21 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 avril 2022, Mme [W] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de la contestation de son licenciement et, statuant à nouveau,
– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner en conséquence la fondation [5] à lui payer les sommes suivantes :
– 20 770 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la défenderesse en bureau de conciliation et d’orientation,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner la fondation [5] aux éventuels dépens.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 22 juillet 2022, la fondation [5] demande à la cour de :
à titre principal,
– débouter Mme [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant,
– condamner Mme [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
– débouter Mme [W] de la demande qu’elle formule à hauteur de 20 770 euros au titre de l’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du travail et la ramener à la somme de 6 231 euros.
L’instruction a été clôturée le 4 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 4 septembre 2024.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [W] fait valoir que les griefs allégués à son encontre ne sont pas établis, aucun des faits reprochés ne correspondant à la réalité, son licenciement étant ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle souligne subir un acharnement depuis 2019 pour la pousser au départ, l’employeur ayant tenté de justifier son licenciement sous couvert de crise sanitaire, en invoquant un prétendu non-respect des règles d’hygiène et de sécurité ainsi qu’un refus d’obtempérer aux instructions de la direction en période de pandémie de Covid-19.
La fondation [5] indique en réplique que le licenciement prononcé pour cause réelle et sérieuse est justifié et bien fondé au regard des quatre griefs invoqués dans la lettre de licenciement. Elle précise que les faits se sont produits pendant l’épidémie de Covid-19, et ce alors que les résidents de l’établissement où travaillait l’appelante étaient particulièrement vulnérables. Elle souligne que compte tenu de la précédente sanction et de la désinvolture de la salariée quant aux règles d’hygiène applicables en période de pandémie, elle n’avait d’autre choix que de mettre un terme à ses fonctions.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :
« […]Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants à savoir : non-respect répétés des règles d’hygiène et de sécurité et refus d’obtempérer aux instructions de la direction en période de pandémie Covid-19.
1. Vendredi 3 avril, Monsieur [X], IDEC, prépare le réassort en protections et matériel de soin pour chaque étage au niveau B2.
Dans le contexte pandémique en cours, plusieurs réunions ou informations ont été faites auprès de l’ensemble du personnel pour qu’il prenne conscience de l’importance de chacun des gestes pour lutter contre la propagation du virus.
Ce jour-là, Monsieur [X] avait pris bien soin de positionner les protections pour que les soignantes puissent les prendre facilement.
Lorsque vous êtes venue pour les récupérer, vous avez tout mis par terre et poussé tous les paquets avec votre pied, sans ménagement et à même le sol jusque dans l’ascenseur.
Toutes les protections, destinées à aller dans les chambres des résidents se sont retrouvées à même le sol dans l’ascenseur, et donc poussées encore une fois à même le sol à l’étage de destination, jusque dans les chambres des résidents.
Il est précisé que les protections sont enveloppées dans un revêtement plastique lui-même peu résistant et facilement déchirable surtout dans des conditions de manipulation d’une telle négligence.
Par ailleurs, l’endroit, où les protections sont récupérées est un lieu particulièrement sensible, en période de pandémie, car proche du local poubelles et DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux), où chaque soignant a accès ainsi que le personnel hôtelier ou de restauration qui ont leur locaux de stockage.
Suite à cet évènement, M. [X] et moi-même, vous avons reçue pour vous faire un nouveau rappel sur les règles d’hygiène et les implications de tels agissements qui portent atteinte à la sécurité non seulement de l’équipe mais aussi à tous nos résidents qui sont des personnes âgées fragiles et particulièrement à risque face au Covid 19. Votre seule réaction a été de dire que n’aviez pas réfléchi, sans montrer plus de prise de conscience de la gravité de vos actes.
2. Ce même vendredi, en fin d’après-midi, lorsque M. [X] est monté faire le tour des étages et est arrivé à celui où vous travailliez, il a constaté que votre masque présentait un aspect plus que douteux. Il vous a demandé alors si vous aviez bien changé votre masque comme les consignes l’exigent.
Vous avez rétorqué que non, et que vous préfériez garder le deuxième masque pour votre retour au domicile. Sachant que tous les salariés intervenant au sein de notre Ehpad ont été informés le 20/02/2020 que le temps d’utilisation d’un masque qui garantit une efficacité minimum est entre 4 à 6 heures.
Une nouvelle fois, un rappel des règles fixées et l’importance de chacun de nos actes pour garantir la sécurité de nos résidents et collègues vous a été signifié en ma présence.
Nous vous avons également rappelé, qu’en plus de ces masques à usage professionnel, nous mettions à dispositions des masques pour les salariés qui utilisent les transports en commun et que le fait de ne pas nous en avoir informés présente un danger pour tous. A aucun, moment vous n’êtes venu nous faire une demande en ce sens.
Vous montrez à chaque fois une réaction bien trop nonchalante et négligente au regard du contexte actuel mettant ainsi en danger la sécurité de chacun d’entre nous. Les conséquences désastreuses qui peuvent découler du non-respect des règles fixées par votre hiérarchie en de telles circonstances sont alarmantes, non seulement pour les résidents, mais pour toute l’équipe mobilisée à maintenir l’épidémie virale hors de l’établissement.
Vous continuez, malgré l’interdiction faite par l’IDEC à plusieurs reprises depuis plusieurs semaines à porter en permanence une paire de gants prétextant une maladie de peau alors qu’il vous est demandé de les changer entre chaque résident, mais vous vous contentez de mettre de la solution hydro alcoolique sur les gants.
3. Le 7 avril au matin, vous étiez en service. J’ai trouvé sur votre chariot de travail un sac. Lorsque je vous ai demandé ce qu’il contenait, vous m’avez répondu votre sandwich. Là encore, au mépris des règles d’hygiène en vigueur en temps ordinaire (les repas du personnel doivent être rangés dans la salle de repos du personnel qui comprend un réfrigérateur à cet effet) et générant ainsi encore plus de risques infectieux en période d’épidémie virale.
4. Une aide-soignante de nuit a fait une transmission écrite constatant « un bleu sur l »il gauche de M. [C] », résident de l’EHPAD. Elle précise que le lundi 06/04, il n’y avait rien et qu’elle l’a constaté le soir du mardi 07/04/2020. Ce jour-là, vous vous êtes occupée de ce monsieur qui est dans l’absolue incapacité de se mouvoir et donc de se faire un bleu. Vous n’avez fait aucune transmission à ce sujet, alors qu’en principe, de par l’exercice même de votre fonction d’AMP, tout hématome constaté sur un résident doit faire l’objet d’une transmission. Or vous n’avez ni mentionné cet élément dans les transmissions ni même informé l’IDE ou l’IDEC, ce qui constitue à la fois un non-respect du protocole et un manquement grave de sécurité à l’égard de cette personne qui interroge quant à une problématique de négligence voire de maltraitance ‘ […]
Ainsi, au-delà du non-respect des dispositions du règlement intérieur et des instructions données, votre comportement ne répond pas à l’attitude professionnelle que nous sommes en droit d’attendre de vous eu égard à votre d’Aide médico-psychologique, diplômée de surcroît. Et ce, alors même que les personnes âgées que nous accueillons sont dans une situation de dépendance et fragilisées, donc d’autant plus exposés au virus Covid-19.
Ceci est d’autant plus regrettable, qu’un avertissement vous a déjà été notifié en août 2019 pour des manquements professionnels. Je constate à regret que vous n’en avez pas tenu compte et que dans un contexte qui nécessite une vigilance et un professionnalisme accrus, vous êtes d’une imprudence sans commune mesure.
A aucun moment au cours nos échanges, vous n’avez fourni d’éléments permettant d’envisager un changement radical de comportement dans l’exercice de vos missions d’aide médico-psychologique.
Vous ne pouviez ignorer le caractère inadapté de vos divers manquements et leur gravité puisqu’outre votre formation d’Aide médico-psychologique et vos années de pratique professionnelle, qui à elles seules vous permettent de pleinement saisir la gravité de vos actes, vous avez également bénéficié, en cette période de pandémie, d’informations et de recommandations régulières de la part de l’encadrement sur la mise en ‘uvre des bonnes pratiques, des règles strictes : mesures barrières, mesures d’hygiène, etc ‘ instaurées dans les EHPAD afin d’éviter tout risque tant auprès des professionnels que des résidents.
A travers vos manquements et négligences, vous ne respectez ni vos obligations contractuelles, ni votre fiche de poste. Vous faite preuve d’indiscipline par votre passivité et inaction à réagir face aux demandes, mises en demeure et injonctions de la direction pour des raisons évidentes d’hygiène et de sécurité.
Vous ne semblez absolument pas prendre la mesure de votre comportement et de vos propos.
Compte tenu de ce qui précède, vos agissements sont totalement inadaptés et en dehors du cadre professionnel attendu. Dans le contexte de pandémie actuel, ils créent de surcroît une situation de malaise et d’angoisse, ce qui perturbe ainsi le bon fonctionnement de l’établissement au sein duquel je me dois de garantir la sérénité et la sécurité de tous.
De tels comportements, en ce qu’ils mettent gravement en danger la santé, le bien être moral et physique de vos collègues et des personnes âgées accueillies mais également la sécurité de l’établissement, ne sauraient être tolérés plus avant.
L’ensemble des agissements ci-dessus relatés, sont inacceptables et ne me permettent plus d’envisager de poursuivre plus avant notre collaboration sans risque sérieux pour la structure. D’autant plus qu’ils vont à l’encontre des valeurs défendues par la Fondation et nuisent à l’image de sérieux et de professionnalisme de l’établissement.
Compte tenu de ce qui précède, je ne peux que constater que votre maintien au sein de l’établissement s’avère impossible.
Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ainsi, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute. […]».
S’agissant du premier grief relatif au fait pour la salariée d’avoir poussé des paquets de protections avec son pied à même le sol, outre que les éléments justificatifs produits par l’employeur à cet égard émanent tous d’un seul et même salarié de l’établissement exerçant les fonctions d’infirmier coordinateur (M. [X]), soit un mail de ce dernier du 9 avril 2020 ainsi qu’une attestation en reprenant les termes, et ne sont étayés ou corroborés par aucune autre pièce versée aux débats (aucun justificatif afférent au rappel à l’ordre concernant les règles d’hygiène qui aurait été effectué en présence de M. [X] et de la directrice de l’établissement n’étant notamment produit), la cour relève également à la lecture de l’attestation produite en réplique par la salariée, rédigée par une collègue de travail exerçant les fonctions d’aide médico-psychologique (Mme [Z] [R]), que les déclarations de cette dernière viennent contredire celles de l’infirmier coordinateur, en ce qu’elle précise que Mme [W] était arrivée dans l’ascenseur avec « des paquets de protections superposés sur sa dose propre », et non pas avec les paquets à même le sol de l’ascenseur, et qu’elle l’avait ensuite aidée à les disposer sur un chariot pour pouvoir les répartir dans les chambres. Il sera de surcroît observé que Mme [Z] [R] souligne que les problèmes de santé rencontrés par l’appelante au niveau de ses genoux ne lui permettaient pas de pousser les paquets de protections avec son pied.
Concernant le deuxième grief relatif au port du masque et des gants, étant à nouveau constaté que les éléments justificatifs produits par l’employeur émanent tous d’un seul et même salarié de l’établissement exerçant les fonctions d’infirmier coordinateur (M. [X]), il apparaît en outre que la seule utilisation par ce dernier de l’expression « son masque présente un aspect plus que douteux » pour qualifier le masque porté par l’appelante ne permet pas en elle-même de retenir que Mme [W] n’aurait pas respecté la durée préconisée de port du masque (entre 4 et 6 heures) ou qu’elle se serait habituellement abstenue d’en changer au cours de sa journée de travail.
Il en va de même s’agissant de l’affirmation selon laquelle l’appelante porterait en permanence la même paire de gants qu’elle refuserait de changer entre chaque résident et qu’elle se contenterait d’y appliquer une solution hydro-alcoolique, et ce alors qu’il résulte des déclarations de M. [X] qu’il n’a pas été directement témoin des faits (« Une de nos infirmières m’a rapporté ce fait en début de semaine »), aucune attestation rédigée par l’infirmière concernée n’étant versée aux débats. Il sera de même constaté que le médecin exerçant les fonctions de responsable médical des EHPAD de la fondation, qui se limite à rappeler les règles et consignes applicables concernant l’utilisation et le port des gants de soins par le personnel soignant, n’a pas assisté aux faits litigieux.
S’agissant du troisième grief tenant à la présence d’un sandwich appartenant à l’appelante sur son chariot de travail, la cour relève que, mises à part les propres affirmations de l’employeur dans le cadre de la lettre de licenciement, aucun justificatif n’est produit pour établir l’existence dudit grief, M. [X] n’en faisant notamment pas mention aux termes de son attestation. Il résulte par ailleurs de l’attestation rédigée par Mme [Z] [R] qu’il s’agissait en réalité d’un simple morceau de pain emballé dans un sac en plastique que l’appelante avait conservé de son dîner de la veille pour pouvoir accompagner sa prise de médicaments, étant observé que durant cette phase de l’épidémie de Covid-19, les salariées résidant loin de [Localité 7] dormaient effectivement au sein de la résidence pendant les jours où elles étaient de service et qu’elles se voyaient alors fournir des plateaux-repas par l’employeur.
S’agissant enfin du dernier grief afférent à un défaut d’information concernant la présence d’un hématome sur le visage d’un résident, outre que le mail produit par l’employeur à cet égard, adressé par une aide-soignante (Mme [P]) à M. [X], date du 14 avril 2020 pour signaler des faits qui auraient été constatés le 7 avril précédent, l’intéressée indiquant avoir oublié d’en faire la transmission auparavant (sans se voir d’ailleurs faire le moindre reproche à ce titre à l’inverse de l’appelante), il résulte par ailleurs de l’attestation produite en réplique par l’appelante, rédigée par une collègue de travail (Mme [Y] [S]), que Mme [W] était effectivement venue lui indiquer qu’elle avait constaté la présence d’un « oeil au beurre noir » chez le résident concerné mais qu’il lui avait été répondu, puis confirmé, qu’une autre collègue présente la veille avait déjà effectué une transmission de ce chef auprès des infirmières. Il sera au surplus observé que Mme [W] n’était pas en charge de ce résident le 7 avril, mais le 6 avril, et qu’il résulte des termes mêmes du mail de Mme [P] que le résident n’avait rien le 6 avril.
Dès lors, au vu de l’ensemble des éléments respectivement produits par les parties, ceux-ci ne permettant pas d’établir la réalité, la matérialité ainsi que l’imputabilité à l’appelante des faits allégués à son encontre, étant rappelé que le doute persistant doit en toute hypothèse profiter à la salariée, la cour retient que le licenciement litigieux est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.
Sur les conséquences financières de la rupture
En application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (10 ans et 5 mois), à l’âge de la salariée (63 ans), à sa rémunération de référence lors de la rupture du contrat de travail (2 077 euros) et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l’intéressée justifiant notamment avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour un total de 34 jours au titre de la période courant de septembre 2020 à février 2021, la cour, à qui il appartient seulement d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les dispositions précitées du code du travail (soit en l’espèce entre 3 mois et 10 mois de salaire brut), lui accorde la somme de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.
Sur les autres demandes
Selon l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner à l’employeur fautif de rembourser à France Travail (anciennement Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités.
En application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil, il sera rappelé que les condamnations afférentes aux créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, les circonstances de l’espèce ne commandant pas d’en reporter le point de départ à une date antérieure.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance, et ce par infirmation du jugement, ainsi que ceux d’appel, et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera également condamné à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu’en cause d’appel.
La Cour,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la fondation [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit le licenciement de Mme [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la fondation [5] à payer à Mme [W] la somme de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Rappelle que les condamnations afférentes aux créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil;
Ordonne à la fondation [5] de rembourser à France Travail (anciennement Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées à Mme [W] du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités ;
Condamne la fondation [5] aux dépens de première instance et d’appel;
Condamne la fondation [5] à payer à Mme [W] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu’en cause d’appel ;
Déboute Mme [W] du surplus de ses demandes ;
Déboute la fondation [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le greffier, Le président,