La bonne foi en matière de contrefaçon : toujours inopérante
La bonne foi en matière de contrefaçon : toujours inopérante
Ce point juridique est utile ?

Le vendeur de produits (vêtements contrefaisants) ne peut utilement opposer sa bonne foi ou son absence de faute dans une instance en contrefaçon et invoquer la garantie de son fournisseur de produits.

Nos conseils :

1. Attention à la nécessité de produire des éléments concrets et pertinents pour étayer vos allégations, notamment en ce qui concerne la crainte d’un risque d’incapacité de remboursement ou la justification de la fourniture d’une garantie.

2. Il est recommandé de conclure devant les premiers juges pour être recevable à former des demandes en appel, notamment en cas d’appel incident, afin d’éviter toute contestation sur la recevabilité de vos demandes.

3. Il est conseillé de respecter les conditions prévues par la loi pour éviter le rejet de vos demandes, notamment en ce qui concerne la consignation du montant des condamnations ou la démonstration de moyens sérieux de réformation de la décision.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne des actes de contrefaçon des marques françaises n° 99795286, 417577 et 4175561 commis par la société Supreme Italfigo devenue Brands Illusion Swiss Sagl au préjudice de la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme. Le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société contrefactrice au paiement d’une somme provisionnelle de 100 000 euros. Par la suite, le tribunal judiciaire de Bordeaux a confirmé les actes de contrefaçon et a condamné la SAS Standard et la société SL Sandsock à verser des indemnités à la société Chapter. La SAS Standard a interjeté appel de ce jugement et a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire. La société Chapter a contesté ces demandes et a souligné que les condamnations étaient justifiées par les préjudices subis. La société Sandsock a également demandé l’arrêt de l’exécution provisoire en invoquant un accord transactionnel antérieur. L’affaire est en attente de délibéré pour le 8 février 2024.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de la S.A.S. Standard

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.

En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats que les premiers juges n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur l’imputation d’actes de contrefaçon. Ils n’en ont pas commis davantage en considérant que la circonstance que ces actes s’inscrivaient dans un réseau de distribution de produits contrefaisants n’était pas de nature à exonérer la S.A.S. Standard. Par ailleurs, les premiers juges ont également fait usage de leur pouvoir souverain d’appréciation en fixant une indemnité provisionnelle après avoir évalué le préjudice commercial subi par la société Chapter.

Il se déduit donc de l’ensemble de ces considérations que la S.A.S. Standard ne démontre pas l’existence de moyens sérieux de réformation. Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande.

Sur la demande de constitution de garantie

Selon l’article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit peut être subordonné à la constitution d’une garantie suffisante. En l’espèce, la S.A.S. Standard ne produit aucune pièce ni ne développe aucune argumentation pertinente de nature à justifier la fourniture d’une garantie par la société Chapter. Il convient donc de débouter la S.A.S. Standard de sa demande à ce titre.

Sur la demande subsidiaire de consignation

Aux termes de l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant les espèces ou les valeurs suffisantes. En l’occurrence, il n’existe aucun motif justifiant que la S.A.S. Standard soit autorisée à consigner le montant des condamnations dont elle a fait l’objet. Il convient donc de la débouter de sa demande à ce titre.

Sur la demande de la S.A.S. Sandsock

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision. En l’espèce, la S.A.S. Sandsock ne fait valoir aucun moyen sérieux de réformation. Par conséquent, il convient de rejeter sa demande.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La S.A.S. Standard sera condamnée aux entiers dépens et à payer à la société Chapter une somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La S.A.S. Sandsock sera également déboutée de sa demande du même chef.

Les montants alloués dans cette affaire: – La S.A.S. Standard est condamnée à payer à la société Chapter la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– La S.A.S. Standard est condamnée aux entiers dépens de la présente instance

Réglementation applicable

– Article 514-3 du code de procédure civile
– Article 514-5 du code de procédure civile
– Article 521 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 696 du code de procédure civile

Texte de l’article 514-3 du code de procédure civile:
“En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.”

Texte de l’article 514-5 du code de procédure civile:
“Le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.”

Texte de l’article 521 du code de procédure civile:
“La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.”

Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, l’une des parties, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Texte de l’article 696 du code de procédure civile:
“La partie succombante est condamnée aux dépens, sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Daniel LASSERRE
– Me Xavier MARCHAND
– Me Alison LEROY
– Me Pierre FONROUGE
– Me Loïc LEMERCIER
– Me Claire LE BARAZER
– Me Catherine MATEU

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Exécution provisoire
– Moyens sérieux d’annulation ou de réformation
– Conséquences manifestement excessives
– Actes de contrefaçon
– Préjudice commercial
– Indemnité provisionnelle
– Garantie
– Consignation
– Arrêt de l’exécution provisoire
– Recevabilité de la demande
– Protocole transactionnel
– Article 700 du Code de procédure civile
– Dépens
– Motifs de la décision : Raisons ou arguments sur lesquels la décision d’une juridiction est basée.
– Exécution provisoire : Mise en œuvre d’une décision judiciaire avant que celle-ci ne soit définitive.
– Moyens sérieux d’annulation ou de réformation : Arguments solides justifiant l’annulation ou la modification d’une décision.
– Conséquences manifestement excessives : Conséquences d’une décision qui sont clairement disproportionnées par rapport à la situation.
– Actes de contrefaçon : Actions qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui.
– Préjudice commercial : Dommages subis par une entreprise en raison d’une action illicite d’un tiers.
– Indemnité provisionnelle : Somme d’argent versée à titre de dédommagement en attendant une décision définitive.
– Garantie : Engagement pris par une partie de répondre des conséquences d’un acte ou d’une décision.
– Consignation : Dépôt d’une somme d’argent entre les mains d’un tiers en garantie de l’exécution d’une obligation.
– Arrêt de l’exécution provisoire : Décision judiciaire mettant fin à la mise en œuvre anticipée d’une décision.
– Recevabilité de la demande : Conditions à remplir pour qu’une demande soit jugée recevable par une juridiction.
– Protocole transactionnel : Accord entre les parties pour régler un litige à l’amiable.
– Article 700 du Code de procédure civile : Disposition légale permettant à une partie de se faire rembourser ses frais de justice par l’autre partie.
– Dépens : Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire et qui peuvent être mis à la charge de l’autre partie.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 février 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG n° 23/00132
RÉFÉRÉ N° RG 23/00132 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NNIV

———————–

S.A.S. STANDARD

c/

Société CHAPTER 4 CORP, D/B/A SUPREME, Société SANDSOCK SL

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DU 08 FEVRIER 2024

———————–

Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le 08 FEVRIER 2024

Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 06 décembre 2023, assistée de Séverine ROMA, Greffière,

dans l’affaire opposant :

S.A.S. STANDARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 4]

absente,

représentée par Me Daniel LASSERRE membre de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et par Me Xavier MARCHAND membre de la SELARL CARAKTERS, avocat plaidant au barreau de PARIS, substitué par Me Alison LEROY, avocat au barreau de PARIS

Demanderesse en référé suivant assignation en date du

17 août 2023,

à :

Société CHAPTER 4 CORP, D/B/A SUPREME prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 1] ETATS-UNIS

absente,

représentée par Me Pierre FONROUGE membre de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et par Me Loïc LEMERCIER membre de l’AARPI DENTONS EUROPE, avocat plaidant au barreau de PARIS

Société SANDSOCK SL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 3] ESPAGNE

absente,

représentée par Me Claire LE BARAZER membre de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et par Me Catherine MATEU membre de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

Défenderesses,

A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 25 janvier 2024 :

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement rendu le 06 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que la société Supreme Italfigo, devenue Brands Illusion Swiss Sagl, avait commis des actes de contrefaçon des marques françaises n° 99795286, 417577 et 4175561 au préjudice de la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme et l’a condamnée au paiement de la somme provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques n° 99795286, 4175577 et 4175561.

Par jugement rendu le 13 juin 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi par voie d’assignation des 16 et 17 janvier 2020, a, notamment :

CONSTATÉ l’abandon de la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

DIT que la S.A.S. Standard est irrecevable à soulever une exception de connexité ;

RAPPELÉ que l’ordonnance du juge de la mise en état du

29 août 2022 a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer ;

DIT que la S.A.S. Standard et la S.A.S. Sandsock ont commis des actes de contrefaçon des marques françaises n°99795286, 15/4175577 et 15/4175561, au préjudice de la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme ;

REJETÉ les demandes formées par la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

FAIT injonction à la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock de communiquer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement et durant 90 jours, les documents relatifs au nombre de produits litigieux commandés et vendus ainsi que les prix desdits produits et les bénéfices réalisés par ces ventes, et en particulier ;

* les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et détenteurs antérieurs des produits litigieux acquis,

* les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées sur le territoire national, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des produits en cause, la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments,

FAIT interdiction à la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock de faire usage des signes “SUPREME” et Supreme ou tout signe s’en rapprochant, seul ou en association avec d’autres termes, couleurs ou éléments graphiques, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, l’astreinte commençant à courir passé un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, et pour une durée de six mois ;

CONDAMNÉ la S.A.S. Standard à payer à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme une indemnité provisionnelle de 300 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques n°99795286, 15/4175577 et 15/4175561 ;

CONDAMNÉ la société S.L. Sandsock à payer à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme une indemnité provisionnelle de 500 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques n°99795286, 15/4175577 et 15/4175561 ;

CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock à payer à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme une indemnité de 100 000 euros au titre du préjudice moral imputable à la contrefaçon des marques n°99795286, 15/4175577 et 15/4175561 ;

ORDONNÉ la publication dans deux journaux ou revues français, au choix de la société demanderesse, de l’insertion suivante extraite du présent jugement :

COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE

Par jugement en date du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire de BORDEAUX a jugé que la société STANDARD et la Société SANDSOCK ont commis des actes de contrefaçon à l’encontre de la société CHAPTER 4 CORP d/bla SUPREME, et les a condamnées à indemniser la société CHAPTER 4 CORP d/bla SUPREME en réparation des préjudices subis de ce fait.”,

CONDAMNÉ la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock, à rembourser à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme le coût de ces deux publications qui ne pourra excéder un plafond global hors taxes de 6.000 euros ;

REJETÉ la demande de garantie de la S.A.S. Standard à l’encontre de la société S.L. Sandsock ;

CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock à payer à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme la somme de 6 486,62 euros en remboursement des frais afférents au frais de saisies-contrefaçon ;

CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Standard et la société S.L. Sandsock à payer à la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

REJETÉ les demandes de caution des indemnisations par la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme et de consignation des condamnations.

Par déclaration du 18 juillet 2023, la S.A.S. Standard a interjeté appel de ce jugement.

Par exploit de commissaire de justice en date des 19 août 2023 et 6 septembre 2023, la S.A.S. Standard a fait assigner les sociétés Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme et S.L. Sandsock devant la juridiction du premier président de la cour d’appel de Bordeaux, statuant en référé, aux fins de voir, à titre principal, arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Bordeaux, de voir, à titre subsidiaire, subordonner l’exécution provisoire prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux à la constitution par la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme d’une garantie couvrant l’intégralité du montant des sommes mises à la charge de la

S.A.S. Standard par le tribunal judiciaire de Bordeaux, de voir, à titre infiniment subsidiaire, autoriser la S.A.S. Standard à consigner le montant de la condamnation entre les mains de madame le Bâtonnier séquestre de l’ordre des avocats au barreau de Bordeaux puis de voir en tout état de cause condamner in solidum les sociétés Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme et S.L. Sandsock à lui verser la somme de

5.000 euros, à parfaire, au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Par conclusions du 24 janvier 2024, soutenues à l’audience, elle maintient ses demandes.

Elle soutient à titre principal qu’il existe des moyens sérieux de réformation en ce que le premier juge n’a relevé aucun acte de contrefaçon imputable à la S.A.S. Standard postérieurement à l’interdiction faite à la société Supreme Italfigo de faire usage du signe Supreme pour des vêtements et sacs. Elle indique en outre que le premier juge a fait une interprétation erronée des dispositions issues des articles 1624 et suivants du Code civil, puisqu’il a retenu sa qualité de professionnel et ainsi exclu l’application des dispositions relatives à l’action en garantie dirigée contre la S.L. Sandsock, alors même qu’elle ignorait l’existence de produits contrefaits.

Elle explique enfin qu’il existe une contrariété des décisions entre celle rendue par le tribunal judiciaire de Paris et celle rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux, puisque cette-dernière a été au-delà des condamnations prononcées par le tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de la société Supreme Italfigo qui a mis en place un système de distribution de produits contrefaits en Europe, les provisions allouées n’étant pas justifiées par la preuve d’un préjudice réel subi du fait de sa seule activité.

Elle ajoute que la communication forcée de pièces sous astreinte est inutile puisque la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme dispose de tous les éléments nécessaires à l’évaluation de son préjudice et que la publication, qui n’avait pas été ordonnée par le tribunal de Paris, ne s’impose pas au regard de l’absence de notoriété de la marque contrefaite.

Par ailleurs, elle fait valoir que l’exécution de la décision entraînerait des conséquences manifestement excessives puisqu’elle menace sa notoriété et sa pérennité économique ainsi que le maintien des emplois existants, de surcroît alors que sa rentabilité demeure fragile depuis la pandémie de SARS-CoV-2. Elle ajoute en outre que, s’agissant d’une entreprise extra-européenne, celle-ci ne relève pas des réglementations européennes qui permettent de faciliter l’exécution d’un jugement dans un pays membre en cas de réformation. Elle précise qu’elle avait fait des observations relatives à l’exécution provisoire devant le premier juge et qu’en tout état de cause la procédure collective de la société Sandsock S.L a été portée à sa connaissance postérieurement au jugement.

Elle explique, à titre subsidiaire, qu’il convient de subordonner l’exécution provisoire du jugement à la constitution par la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme d’une garantie puisqu’il s’agit d’une société de droit étranger, qui ne dispose d’aucun établissement en France, et qu’elle ignore l’état de son bilan comptable.

Par conclusions du 24 janvier 2024, soutenues à l’audience, la société Chapter 4 corp. D/B/A Supreme (la société Chapter) sollicite que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la S.A.S. Standard et de la Sandsock S.L soit déclarée irrecevable, que cette demande soit rejetée et que la S.A.S. Standard et la Sandsock S.L soient déboutées de toutes leurs demandes et condamnées aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 8000€ chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la société Sandsock S.L n’a pas relevé appel de la décision, de sorte que sa demande est irrecevable.

Elle soutient qu’il n’existe aucun moyen de réformation de la décision, en ce que la S.A.S. Standard a bien commis des actes de contrefaçon par reproduction et utilisation sans autorisation des marques Supreme ; en ce que le rejet de l’appel en garantie contre la société Sandsock S.L. est sans incidence sur la réalité de ces actes ; en ce que les condamnations sont justifiées par la preuve de l’étendue des préjudices causés, y compris moral ; en ce que les mesures de communication et de publications sont nécessaires puisque la S.A.S. Standard a continué à vendre les produits contrefaits malgré l’assignation.

Elle ajoute que les conséquences manifestement excessives générées par l’exécution ne sont pas établies, car la S.A.S. Standard ne rapporte pas la preuve de son exacte situation économique actuelle et pas davantage que sa situation financière ne lui permettrait pas de restituer les fonds en cas de réformation du jugement.

Elle ajoute concernant la société Sandsock S.L, qu’elle ne rapporte la preuve d’aucun moyen sérieux de réformation, en ce que ses demandes sont infondées, car elles sont nouvelles en appel et l’accord invoqué est antérieur au jugement et lui est inopposable, puisqu’il ne concerne pas le litige et qu’il est lié à un autre accord qui lui a été déclaré inopposable, et en ce qu’elle ne démontre pas la réalité de sa situation économique actuelle.

Par conclusions du 11 janvier 2024, soutenues à l’audience la société Sandsock S.L. sollicite que les demandes formées par la S.A.S. Standard à son encontre soit jugée sans objet, que l’exécution provisoire prononcée par le jugement du 13 juin 2023 soit arrêtée et que la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme soit condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le 28 septembre 2020 la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme et la société Sandsock S.L. sont parvenues à un accord transactionnel homologué par le tribunal de commerce de Barcelone, lequel devait conduire la première à renoncer à toute réclamation et procédure à son encontre ainsi qu’à tout litige concernant les marchandises faisant l’objet de l’accord, soit les marchandises mises sur le marché avant la signature de l’accord, et que la société Chapter 4 Corp. D/B/A Supreme n’a pas renoncé à mener les actions qu’elle avait engagées, ce qui lui a causé un préjudice certain évalué à dire d’expert.

Elle soutient que l’exécution de la décision aura des conséquences manifestement excessives, sa situation d’insolvabilité étant d’ores et déjà due aux actions abusives de la société Chapter.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de la S.A.S. Standard

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.

En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu’en considérant, au regard notamment des procès-verbaux des opérations de saisie-contrefaçon menées au siège de la S.A.S. Standard à l’Union et dans le magasin qu’elle exploite à [Localité 2] qui ont permis d’établir, d’une part, la mise en vente par la S.A.S. Standard de vêtements et produits reproduisant la marque verbale ou semi-figurative dont il n’est pas discuté que la société Chapter est titulaire et son usage et, d’autre part, l’achat d’articles « supreme textil » et « supreme grip » par la même société auprès de la S.A.S. Sandsock, que l’usage des marques protégées par les deux sociétés dans la vie des affaires pour commercialiser les produits contrefaisants était démontré et caractérisait des actes de contrefaçon des dites marques, les premiers juges n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur l’imputation d’actes de contrefaçon, le fait qu’ils aient été constatés antérieurement ou postérieurement à l’interdiction de commercialiser ces produits faite à la société Supreme Italgigo Sagl étant inopérante sur leur matérialité.

Ils n’en ont pas commis davantage en considérant que la circonstance que ces actes d’inscrivaient dans un réseau de distribution de produits par la société Supreme Italgigo Sagl, lequel avait été reconnu manifestement contrefaisant par des juridictions italiennes, n’était pas de nature, d’abord, à exonérer la S.A.S. Standard qui ne pouvait utilement opposer sa bonne foi ou son absence de faute dans une instance en contrefaçon, et ensuite, à permettre en elle-même à la S.A.S. Standard, professionnelle de la commercialisation de vêtements et accessoires vestimentaires, d’invoquer la garantie de son fournisseur de produits contrefaisants, la S.A.S. Sandsock .

Par ailleurs, les premiers juges ont également fait usage de leur pouvoir souverain d’appréciation sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation en fixant une indemnité provisionnelle après avoir évalué le préjudice commercial subi par la société Chapter calculé sur la base de bénéfices réalisés par les contrefacteurs, tels qu’ils ressortaient des documents obtenus lors des opérations de saisie, auxquels la S.A.S. Standard n’opposent aucun élément de contradiction sérieux, ce que ne peut constituer la décision du tribunal judiciaire de Paris dans l’instance opposant la société Chapter à la société Supreme Italgigo Sagl, ce tribunal ayant fait une appréciation in concreto des éléments soumis alors à son appréciation, laquelle ne lie pas le tribunal judicaire de Bordeaux dans une instance dictincte, opposant cette fois la S.A.S. Standard à la société Chapter et la S.A.S. Sandsock, et ce même si les contrefacteurs condamnés participent au même réseau de distribution contrefaisant.

Enfin l’inutilité des mesures de communication de pièces et de publication ne constitue pas un moyen sérieux de réformation des deux chefs de dispositif y afférents, à défaut d’être au surplus concrétement étayée.

Il se déduit donc de l’ensemble de ces considérations que la S.A.S. Standard ne démontre pas l’existence de moyens sérieux de réformation.

Par conséquent il convient de la débouter de sa demande sans qu’il soit nécessaire d’analyser les conséquences manifestement excessives qu’entraînerait l’exécution de la décision dont appel puisque, dès lors que l’une des deux conditions prévues pour prétendre à l’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

Sur la demande de constitution de garantie

Selon l’article 514-5 du code de procédure civile et le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Il doit être rappelé que cette possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président et n’est pas subordonnée à la condition que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l’espèce, la S.A.S. Standard fait valoir la crainte d’un risque d’incapacité de remboursement de la part de la société Chapter en cas de réformation de la décision, cependant, elle ne produit aucune pièce ni ne développe aucune argumentation pertinente de nature à donner crédit à cette allégation.

Dès lors, il convient de considérer qu’il n’existe aucun motif justifiant la fourniture d’une garantie par la société Chapter et de débouter la S.A.S. Standard de sa demande à ce titre.

Sur la demande subsidiaire de consignation :

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En l’occurrence, il ressort des motifs qui précédent qu’il n’existe aucun motif justifiant que la S.A.S. Standard soit autorisée à consigner le montant des condamnations dont elle a fait l’objet. Il convient donc de débouter la S.A.S. Standard de sa demande à ce titre.

Sur la demande de la S.A.S. Sandsock

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Sur la recevabilité de la demande de la S.A.S. Sandsock en arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 6 janvier 2022, il ressort des écritures de la société Chapter qui oppose à la S.A.S. Sandsock l’irrecevabilité des demandes que celle-ci forme en appel alors que, bien que régulièrement constituée, elle n’avait pas conclu devant les premiers juges, que cette dernière, intimée par l’appel de la S.A.S. Standard, est appelante incidente. En cette qualité elle est recevable à demander l’arrêt de l’exécution provisoire attachée aux chefs de dispositif qui la concerne.

En l’occurrence, la S.A.S. Sandsock ne peut opposer utilement à l’action de la S.A.S. Standard devant les juridictions françaises un protocole transactionnel passé, certes entre les deux sociétés, mais pour mettre fin aux actions alors en cours devant les tribunaux de Barcelone et de Milan et dont il n’est pas démontré qu’il concernait des produits vendus sur le territoire français.

Par conséquent de ce chef la S.A.S. Sandsock ne fait valoir aucun moyen sérieux de réformation, de sorte qu’il convient de rejeter sa demande sans qu’il soit nécessaire d’analyser les conséquences manifestement excessives qu’entraînerait l’exécution de la décision dont appel puisque, dès lors que l’une des deux conditions prévues pour prétendre à l’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La S.A.S. Standard, partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens.

Il apparaît conforme à l’équité de la condamner à payer à la société Chapter a somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée, tout comme la S.A.S. Sandsock qui succombe également en sa demande, de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

Déboute la S.A.S. Standard de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 13 juin 2023, de ses demandes subsidiaires et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déclare la S.A.S. Sandsock recevable en sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 13 juin 2023 et la déboute de cette demande et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S. Standard à payer à la société Chapter la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S. Standard aux entiers dépens de la présente instance.

La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


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