Il est de droit que le salarié qui ne dispose pas de bureau au sein de l’entreprise (de presse ou autres), peut prétendre à une indemnité pour l’occupation professionnelle de son domicile lorsqu’il consacre une pièce de son logement pour accomplir les tâches administratives voire pour stocker son matériel.
En l’occurrence, il n’était pas justifié ni même allégué qu’un bureau était mis à la disposition du rédacteur par l’employeur, éditeur d’un magazine. En l’état des justificatifs produits au dossier, la juridiction a évalué le préjudice subi par le salarié à la somme de 100 euros.
_________________________________________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/10597 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NG6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/02081
APPELANT
Monsieur A X
[…]
[…]
Représenté par Me Roland PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0310
INTIMEES
Société SNE 1633 représentée par son mandataire liquidateur la SCP BTSG prise en la personne de Me I Y
[…]
[…]
Représenté par Me Audrey RYMARZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R067
Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA IDF OUEST
[…]
[…]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
C D, Magistrat honoraire,
Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON
ARRET :
— contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. A X, né en 1971 et la société SNE 1633 exploitant sous l’enseigne Positive Média, ci-après société Positive Média, éditrice du magazine sous licence Rolling Stone ont convenu en vertu d’ un document intitulé « protocole d’accord », daté du 8 septembre 2016, d’une collaboration d’une durée d’un an, en vue du lancement d’une nouvelle formule du magazine Rolling Stone, M. X étant chargé du poste de rédacteur en chef information politique et générale (IPG).
Les parties sont en désaccord sur les conditions de la rupture de leur relation de travail intervenue fin octobre 2016.
La société Positive Média occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Soutenant que la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat de travail dont la rupture s’analyse en un licenciement dont il conteste la légitimité et la régularité et réclamant diverses indemnités, M. X a saisi, le 21 mars 2017, le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement rendu le 17 mai 2018 a statué comme suit :
– Déboute M. A X de l’ensemble de ses demandes et le condamne aux dépens ;
– Déboute la SAS Positive Média de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 septembre 2018, M. X a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée par envoi par le greffe le 27 août 2018.
La société SNE 1633 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 11 mars 2021. Les organes de la liquidation ont été régulièrement attraits dans la procédure.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 avril 2021, M. X demande à la cour de :
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes du 17 mai 2018 en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes ; en conséquence,
– juger que M. X était lié à la société Positive Média par un contrat de travail ;
à titre principal,
– juger que le contrat de travail liant les parties est un contrat de travail à durée déterminée d’une durée de douze mois, pour la fabrication de dix numéros dont deux doubles (en vue du lancement de la nouvelle formule du magazine), ce qui constitue le motif d’accroissement temporaire de travail ;
– fixer le salaire mensuel de M. X à la somme de 4.500 euros nets, soit une somme annuelle de 54.000 euros nets ;
– juger que la société Positive Média a rompu abusivement et de manière anticipée le contrat de travail à durée déterminée ;
en conséquence,
– ordonner à Maître Y en sa qualité de liquidateur de la société Positive Média, de fixer au passif de la liquidation de la Société les sommes suivantes :
* 5.625 euros nets à titre de rappel de salaire,
* 562 euros nets au titre des congés payés afférents,
* 48.375 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive anticipée,
* 5.400 euros nets au titre de l’indemnité de précarité correspondant à 10% de la totalité des rémunérations,
* 5.000 euros pour préjudice moral,
– juger que l’ensemble de ces créances sont opposables à l’AGS-CGEA IDF EST, et en conséquence la condamner à les payer à M. X ;
– à tout le moins, juger que l’ensemble de ces créances sont opposables à l’AGS-CGEA IDF EST ;
à titre subsidiaire,
– requalifier le contrat liant les parties en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
– juger que la rupture du contrat de travail est un licenciement abusif ;
– fixer le salaire mensuel de M. X à la somme de 4.500 euros nets ;
en conséquence,
– ordonner à Maître Y liquidateur de la société Positive Média, de fixer au passif de la liquidation de la Société, les sommes suivantes :
* 5.625 euros nets au titre à titre de rappel de salaire pour la période du 19 septembre 2016 au 27 septembre 2016, outre 562 euros nets au titre des congés payés afférents,
* 24.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* 4.500 euros nets à titre d’indemnité spécifique conventionnelle de licenciement,
* 4.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 4.500 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 450 euros nets au titre des congés payés afférents,
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire de son contrat de travail,
– juger que l’ensemble de ces créances sont opposables à l’AGS-CGEA IDF EST et en conséquence la condamner à les payer à M. X ;
– à tout le moins, juger que l’ensemble de ces créances sont opposables à l’AGS-CGEA IDF EST ;
en tout état de cause,
– ordonner à Maître Y, en sa qualité de liquidateur de la société Positive Média, d’inscrire au passif de la liquidation les sommes suivantes :
* 27.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 1.000 euros à titre de l’indemnité pour méconnaissance de la règlementation relative au télétravail,
* 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise des bulletins de salaires conformes au jugement à intervenir ainsi que les documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation Pole Emploi et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;
– ordonner à Maître Y, en sa qualité de liquidateur de la société Positive Média, d’inscrire, le cas échéant, au passif de la liquidation le montant de l’astreinte ;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et anatocisme au titre des dispositions de l’article 1154 du code de procédure civile ;
– ordonner à Maître Y l’inscription au passif de la liquidation de la société Positive Média, les intérêts au taux légal ;
– juger l’ensemble de toutes ces créances opposables à l’AGS-CGEA IDF EST et en conséquence la condamner à les verser à M. X ;
– à tout le moins, juger l’ensemble de toutes ces créances opposables à l’AGS-CGEA IDF EST ;
– débouter la société Positive Média, et son liquidateur Judiciaire, Maître Y, de toutes leurs fins et prétentions ;
– débouter l’AGS-CGEA IDF EST de toutes ses fins et prétentions.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 avril 2021, la SCP BTSG prise en la personne de Me I Y ès-qualité de liquidateur de la société SNE 1633 exploitant sous l’enseigne Positive Media demande à la cour de :
– déclarer irrecevable les prétentions nouvelles formulées pour la première fois en cause d’appel par M. X s’agissant de la requalification du protocole d’accord le liant à la société Positive Média en contrat à durée déterminée et des conséquences indemnitaires qu’il en tire (demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive, demande d’indemnité de précarité, demande d’indemnisation pour préjudice moral) ;
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 17 mai 2018 en ce qu’il a :
o constaté l’absence de contrat de travail à durée indéterminée entre M. X et la société Positive Média ;
o débouté M. X de sa demande de requalification ;
o constaté l’incompétence du conseil de céans pour se prononcer sur la relation contractuelle liant M. X et la société Positive Média ;
en conséquence,
– débouter M. X de l’ensemble de ses demandes principales, subsidiaires, fins et conclusions au titre de sa relation contractuelle avec la société Positive Média et de la rupture de celle-ci ;
statuant à nouveau,
– recevoir Maître Y, en qualité de liquidateur de la société Positive Média dans sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamne M. X à lui verser la somme de 3.000 euros ;
– le condamner également aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 avril 2021, l’AGS demande à la cour de :
– déclarer irrecevables les demandes de condamnation formulées par M. X à l’encontre de l’AGS et débouter M. X de ses demandes ;
– donner acte à la concluante des conditions et limites de l’intervention et de la garantie de l’AGS ;
– dire que la décision à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie ;
– confirmer le jugement dont appel ;
– débouter M. X de ses demandes, fins et conclusions ;
– rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant ;
en tout état de cause,
– réduire aux seuls montants dûment justifiés les montants des créances susceptibles d’être fixées, notamment à titre de salaires et à titre d’indemnités.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2021 et l’affaire fixée à l’audience le 22 juin 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu’au jugement déféré.
SUR CE, LA COUR :
Sur la qualification de la relation de travail
Pour infirmation de la décision déférée, M. X expose avoir été engagé le 8 septembre 2016 par la société Positive Média par le biais d’un contrat improprement dénommé protocole d’accord pour occuper le poste de rédacteur en chef (RC) Information Politique et Général du magazine Rolling Stone dans le but de lancer une nouvelle version de celui-ci et pour une durée d’un an. Il fait valoir qu’il bénéficie en qualité de journaliste professionnel de la présomption de salariat que l’employeur ne renverse pas et à titre subsidiaire soutient que les trois critères constitutifs du contrat de travail sont réunis (lien de subordination, activité et rémunération). Il sollicite la requalification de la relation de travail en contrat de travail.
Le liquidateur pour la société Positive Média estime qu’en tout état de cause, la relation de travail ayant existé entre les parties n’était pas salariée mais relevait d’une prestation de services. Il fait valoir que M. X ne peut se prévaloir de la présomption de journaliste qu’il invoque puisqu’il n’est pas détenteur de la carte de presse depuis 2011 et que de surcroît il est immatriculé comme travailleur indépendant de sorte qu’à l’inverse la relation est présumée être non salariée. Il ajoute que cette situation est renforcée par le fait que la relation de travail ne remplissait pas les conditions d’existence d’un contrat de travail puisque le salarié n’était pas dans une situation de dépendance économique à l’égard de la société et que sa mission a été exécutée en dehors de tout lien de subordination.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA a déclaré s’associer aux développements précités du liquidateur.
***
Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources et ce quel que soit son mode de rémunération.
S’il est admis que l’obtention ou le défaut de détention de la carte professionnelle ne préjugent en rien de la qualité de journaliste, il n’est toutefois reconnu la qualité de journaliste professionnel que pour autant que l’intéressé en tire le principal de ses ressources.
Au constat que M. X ne justifie pas de ses ressources, la cour en déduit qu’il ne peut se prévaloir de la présomption qu’il invoque.
En revanche, M. X justifie qu’il était radié du registre du commerce et des sociétés depuis 2009, de sorte qu’il n’avait pas le statut d’indépendant prêté par l’employeur au moment de son embauche et qu’il n’était pas soumis à une présomption de non-salariat.(pièce 66 salarié).
Il est de droit que l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité .
Il appartient à la partie qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve, en présence d’un contrat de travail apparent, il revient à celui qui en conteste l’existence ou oppose son caractère fictif d’en administrer la preuve.
En l’espèce, en l’absence de contrat de travail apparent, le protocole d’accord étant discuté, il revient à M. A X de démontrer que les conditions caractérisant l’existence d’un contrat de travail sont remplies.
L’exécution d’une prestation et l’existence d’une rémunération due aux termes du protocole d’accord (reconnue par le directeur éditorial et bien que non payée faute d’émission d’une facture) sont acquises.
Le lien de subordination, qui caractérise l’existence d’un contrat de travail, s’entend de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
A la lecture des pièces produites au dossier et notamment des courriels échangés entre les parties, il apparaît que la société Positive Média, donnait à M. X des directives autres que celles visant à obtenir sa prestation et qu’elle exerçait sur ce dernier un contrôle sur l’exécution de celle-ci au-delà du respect de la charte éditoriale et du délai de bouclage.
En effet, il ressort de première part du dossier et notamment du protocole d’accord signé entre les parties que M. X a été recruté en qualité de rédacteur en chef adjoint avec pour mission sous l’autorité du directeur éditorial et de la publication M. Z, de produire la partie information politique générale du journal. De seconde part, de la consultation des différents courriels produits par l’appelant, il résulte que M. Z exerçait un pouvoir hiérarchique sur M. X, lui donnant des directives et instructions précises, « tranchant en prenant les meilleures décisions possibles dans l’intérêt du magazine » (courriel de M. Z, pièce 58, appelant) notamment en ce qui concerne la couverture, le choix des interview publiées, (écartant notamment celle de M. E F contre l’avis de M. X) tandis que ce dernier sollicitant des validations de ses propres choix reconnaissait que M. Z « était le décisionnaire final et qu’il ne pouvait avancer seul » (pièce 40, appelant, courriel du 17 octobre 2016) même s’il a pu être une force de proposition, appelé à choisir les collaborateurs qu’il souhaitait faire intervenir. Il résulte par ailleurs du dossier que c’est M. Z qui a fait droit à la demande de décalage du bouclage du magazine du 14 au 21 octobre 2016, qui a tranché le choix de la couverture musicale (photographie de Bruce Springsteen) et non politique contrairement à ce qui avait été convenu initialement (pièce 51, appelant), et qu’il était en outre attendu de ce dernier l’arbitrage final pour la publication, M. X se plaignant dans un courriel « qu’il est compliqué pour un rédacteur en chef de travailler ainsi dans la mesure où tu tiens à valider le moindre de mes choix, ce qui n’avait pas du tout été clairement précisé lorsque j’ai accepté de prendre ces responsabilités » (pièce 50, appelant, courriel du 21 octobre 2016 à M. Z) établissant son pouvoir décisionnel final, face en outre à la mésentente croissante entre M. X et M. G H (rédacteur en chef culture et musique).
C’est de surcroît, M. Z qui a pris acte au nom de la société Positive Média de la rupture de la relation de travail tout en l’imputant à M. X « Notre collaboration s’achève donc après un seul numéro, c’est une situation que tu as provoquée et que je regrette(…) » (pièce 58 appelant courriel de M. Z du 27 octobre 2016), traduisant un pouvoir de sanction incontestable.
C’est en vain que la liquidation et l’AGS font valoir que M. X n’aurait pas subi les modalités d’intervention fixées unilatéralement par la société Positive Média au moment de l’embauche puisque ce dernier aurait posé ses conditions dont il a été tenu compte, ce qui relève des pourparlers normaux préalables à l’embauche dont il ne peut rien être tiré s’agissant du lien de subordination pendant l’exécution du contrat de travail.
La cour en déduit ainsi que le soutient M. X, que ce dernier était bien soumis aux directives de M. Z dans l’exécution de sa prestation de travail que ce dernier contrôlait, peu important qu’il n’ait pas été dans une dépendance économique à l’ égard de la société, (rien ne s’opposant à ce que l’intéressé ait le cas échéant d’autres sources de revenus) et par infirmation du jugement déféré que les parties étaient bien liées par un contrat de travail.
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
Il est établi qu’à hauteur de cour pour la première fois, M. X entend solliciter à titre principal la requalification de la relation de travail litigieuse en contrat à durée déterminée alors qu’il s’était cantonné à solliciter celle-ci en contrat à durée indéterminée en première instance.
La liquidation de la société Positive Média et l’AGS s’opposent à la demande nouvelle de M. X tendant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée déterminée rappelant que le salarié a soutenu depuis 2016 qu’il s’agissait d’un contrat à durée indéterminée à temps plein. Elle demande à la cour de déclarer cette prétention irrecevable.
L’article 564 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent en principe pas soumettre à la cour de demandes nouvelles, l’article 565 poursuit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. L’article 566 du même code précise enfin que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La cour retient que la demande principale de l’appelant tendait dès la première instance à la requalification de la relation de travail en contrat de travail, peu importe dès lors qu’il s’agisse d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat à durée indéterminée même si les conséquences indemnitaires diffèrent.
Il s’en déduit que la demande de requalification en contrat à durée déterminée présentée à hauteur de cour assortie de prétentions qui en sont la conséquence, n’est pas nouvelle et partant n’est pas irrecevable. Ce moyen est par conséquent rejeté.
Sur la requalification du contrat de travail en contrat à durée déterminée
Il est acquis aux termes du document intitulé protocole d’accord, requalifié plus avant en contrat de travail, que les parties avaient convenu d’une collaboration d’une année, de sorte qu’il doit être admis que le contrat de travail conclu était à durée déterminée.
Or, l’article L.2123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce dispose que « le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. »
L’absence de clause prévoyant la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il s’agit d’une présomption simple. Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d’une part qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel et d’autre part que le salarié n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
Il n’est pas contesté que le contrat de travail ne prévoyait ni la durée du travail, ni la répartition du temps de travail, ni les modalités de communication des horaires de travail.
L’employeur étant défaillant à renverser cette présomption, le salarié est en droit de soutenir que le contrat à durée déterminée conclu était à temps plein.
Au regard des conditions financières de rémunération prévues au document signé entre les parties, la Cour est en mesure de fixer la rémunération mensuelle due à M. X à la somme de 4.500 euros.
Sur la rupture de la relation de travail et ses conséquences
Les parties se renvoient la responsabilité de la rupture du contrat de travail. M. X invoquant une rupture anticipée à l’initiative de la société Positive Média réclame la réparation du préjudice qu’il chiffre au montant des rémunérations qu’il aurait du percevoir jusqu’au terme du contrat ainsi que l’indemnité de précarité.
Le liquidateur de la société Positive Média et l’AGS rappellent à titre principal que l’appelant est mal fondé en ses demandes s’agissant d’une prestation de service. A titre surabondant, ils répliquent que la rupture de la relation entre les parties est intervenue du fait de M. X insinuant à tort que M. Z souhaitait mettre un terme au contrat signé et soulignant que l’appelant contre toute attente n’a pas assuré la promotion de la sortie du magazine entre le 21 et le 26 octobre 2016, jour où il a adressé un courriel à M. Z lui faisant part qu’il ne souhaitait pas continuer dans ces conditions et réclamait une nouvelle négociation.
***
L’article L.1243-1 du code du travail dispose que « Sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. »
M. X, le 26 octobre 2016, a adressé à M. Z un courriel, dans lequel il a dénoncé les conditions matérielles de travail et de bouclage du numéro de la revue Rolling Stone du mois de novembre 2016, sollicitant une remise à plat afin de repartir sur des bases saines, avec une définition claire des jours et des plages de travail « sauf à être corvéable à merci » et proposant que les termes du contrat soient revus par la biais d’un conseil.
Par un courriel en réponse daté du 27 octobre 2016, M. Z tout en contestant les critiques de M. X et en lui imputant à la fois un manque d’organisation et un non-respect du timing pour la restitution de ses articles et lui reprochant une disparition de 4 jours au moment du bouclage en a déduit « (‘) Ton mail est à l’évidence une dénonciation de notre protocole d’accord tout juste signé, dont tu contestes aujourd’hui la partie rémunération, mais aussi la partie organisation du travail(…) » Et M. Z de conclure au constat que les exigences d’organisation et financières de M. X ne sont pas compatibles avec la micro-structure de Positive Média « Notre collaboration s’achève donc après un seul numéro, c’est une situation que tu as provoquée et que je regrette(…) ».
De la lecture de ces échanges il ressort que si un désaccord s’était élevé entre les parties, le courriel de M. X qui était un appel à la discussion n’était pas fermé à la continuation de la relation de travail et qu’il ne peut en être déduit un accord de rupture survenu entre les parties au sens de l’article L.1243-1 précité, celui-ci devant être clair et explicite sur ce point.
Faute de pouvoir se prévaloir d’un accord des parties, l’employeur ne pouvait se borner à conclure que « leur collaboration s’achève après un seul numéro ».
La rupture intervenue étant irrégulière, le salarié peut prétendre par application de l’article L.1243-4 du code précité à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.12343-8.
M. X est en droit de percevoir :
— le salaire impayé réclamé pour la période allant du 19 septembre 2016 au 27 octobre 2016 à raison de la somme de 5.625 euros majorés de 562 euros de congés payés afférents
— les salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat soit la somme de 45.000 euros (soit 10 mois de novembre 2016 à août 2017) à titre d’indemnité.
— la somme de 5.118,70 euros à titre d’indemnité de précarité, étant précisé que ces sommes seront fixées au passif de la liquidation de la société Positive Média.
Sur la demande d’indemnité pour préjudice moral
Au motif qu’il ne se serait guère ménagé au cours de la période de travail afin que la sortie de la nouvelle formule du magazine prévue, soit une réussite, M. X sollicite une somme de 5.000 euros à titre de préjudice moral.
Au constat que M. X ne justifie pas d’un préjudice, son engagement étant un corollaire de sa rémunération, il sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
M. X réclame une somme de 27.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé rappelant qu’il a travaillé pour la société Positive Média entre le 19 septembre et le 27 octobre 2016 sans qu’aucune déclaration d’embauche préalable et sans bulletin de paye ou même de rémunération, ajoutant que la société a admis clairement ne pas avoir de pigistes salariés pour des raisons administratives et sociales.
Le liquidateur de la société Positive Média et l’AGS soutiennent que l’intention de dissimulation d’emploi de l’employeur ne saurait résulter du seul recours à un contrat inapproprié.
***
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les
faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, l’intention de dissimuler de l’employeur dans un contexte de contestation de l’existence d’un contrat de travail ne saurait être retenue ni découler du fait que l’employeur, de son propre aveu, ne recourt pas à des pigistes salariés, ce qui est son droit.
Il convient de débouter l’appelant de ce chef de demande.
Sur la demande d’indemnité pour méconnaissance de la réglementation relative au télétravail
Soutenant avoir travaillé à son domicile pendant l’exécution du contrat de travail, M. X réclame la prise en charge de ses frais indirects découlant de l’utilisation de son matériel informatique et de son domicile à des fins professionnelles à raison d’une indemnité de 1.000 euros.
Le liquidateur et l’AGS s’opposent à cette demande contestant l’existence même d’un contrat de travail.
Il est de droit que le salarié qui ne dispose pas de bureau au sein de l’entreprise, peut prétendre à une indemnité pour l’occupation professionnelle de son domicile lorsqu’il consacre une pièce de son logement pour accomplir les tâches administratives voire pour stocker son matériel.
Il n’est pas justifié ni même allégué qu’un bureau était mis à la disposition de l’appelant par l’employeur.
En l’état des justificatifs produits au dossier, la cour évalue le préjudice subi par le salarié à la somme de 100 euros qui sera fixée au passif de la société Positive Média.
Sur la remise des documents sociaux
Il sera ordonné à la SCP BTSG prise en la personne de Me I Y en qualité de liquidateur de la société SNE 1633 dite Positive Média la délivrance à l’appelant d’un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées ainsi qu’un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte établis conformément aux créances de M. X telles que fixées par le présent arrêt et ce, dans le délai de trois mois à compter de sa signification, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte.
Sur les autres dispositions
La présente décision sera déclarée opposable à l’UNEDIC délégation CGEA AGS Ile de France Ouest , la garantie étant due, dans les limites du plafond applicable, pour l’ensemble des créances, à l’exception des dépens.
En considération de la liquidation de la société Positive Média l’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCP BTSG prise en la personne de Me I Y ès-qualité de liquidateur de la société SNE 1633 dite Positive Média est condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré.
Et statuant à nouveau et y ajoutant:
REJETTE l’exception d’irrecevabilité de la demande de requalification en contrat à durée déterminée et ses conséquences.
FIXE les créances de M. A X au passif de la liquidation de la société SNE 1633 dite Positive Média aux montants suivants:
— 5.625 euros majorés de 562 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour la période allant du 19 septembre 2016 au 27 octobre 2016.
— 45.000 euros à titre d’indemnité de rupture.
— 5.118,70 euros à titre d’indemnité de précarité.
-100 euros à titre d’indemnité d’occupation du domicile et d’utilisation du matériel personnel.
DEBOUTE M. A X du surplus de ses prétentions.
ORDONNE à la SCP BTSG prise en la personne de Me I Y de délivrer à M. A X un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées ainsi qu’un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte établis conformément aux créances telles que fixées par le présent arrêt et ce, dans le délai de trois mois à compter de sa signification.
DECLARE la présente décision opposable à l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA Ile de France Ouest, la garantie étant due, dans les limites du plafond applicable, pour l’ensemble des créances, à l’exception des dépens.
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SCP BTSG prise en la personne de Me I Y ès-qualité de liquidateur de la société SNE 1633 dite Positive Média aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT