Your cart is currently empty!
9 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-20.068
CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10372 F
Pourvoi n° F 19-20.068
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société La Française des jeux, société anonyme d’économie mixte, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° F 19-20.068 contre l’arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à M. K… G…, domicilié […] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Française des jeux, de la SCP Lesourd, avocat de M. G…, et après débats en l’audience publique du 30 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Française des jeux aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société La Française des jeux
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit potestative, et donc nulle, la clause 5.6 du règlement de la SA Française des Jeux, et d’avoir condamné cette dernière à payer à M. G… la somme de 31 380 € au titre des contrats de paris conclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 18 février 2015 ; des dépens et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU’il est constant qu’une clause de résiliation du contrat qui offre au cocontractant et à lui seul la possibilité purement discrétionnaire de mettre fin au contrat présente un caractère purement potestatif ; que la clause litigieuse prévoit qu’en cas d’erreur manifeste portant sur tout ou partie des éléments constitutifs de l’offre de pari proposée aux joueurs au titre d’une manifestation sportive, la Française des Jeux se réserve le droit d’annuler tout ou partie des paris, pronostics ou prises de jeu concernés ; qu’il ressort de cette formulation que le droit d’annuler le pari est réservé à la seule Française des Jeux et n’est nullement un droit bilatéral ; qu’il s’agit d’une faculté qu’elle décide ou non d’exercer selon son bon vouloir ; que l’exercice de ce droit dépend du constat d’une erreur manifeste portant sur tout ou partie des éléments constitutifs de l’offre de pari ; que les éléments constitutifs de l’offre ne sont pas définis, pas plus que l’erreur ; que l’erreur manifeste de cote en cause dans le présent litige n’est pas nommée ; que la référence à tout ou partie des éléments constitutifs de l’offre est particulièrement imprécise, donne toute latitude à la Française des Jeux de se saisir d’une erreur, erreur qui doit néanmoins mériter la qualification de manifeste ; que le règlement ne donne pas d’exemple concret d’erreur manifeste, ne précise pas ce qu’il entend par erreur manifeste, erreur qui doit être évidente ; que la Française des Jeux soutient qu’en l’espèce les inversions sont évidentes même pour un public non averti, les probabilités connues étant incompatibles au regard du simple bon sens avec les cotes offertes ; que la référence aux probabilités connues démontre que l’inversion suppose des connaissances préalables et ne tombe pas sous le sens commun ; que l’application de cette faculté est discrétionnaire ; que M. G… se prévaut d’un courrier envoyé le 8 février 2007 par la Française des Jeux à un joueur, dans lequel elle indiquait que l’erreur de cotation n’était pas en l’espèce un motif d’annulation sans qu’il soit possible en fait de connaître ce qui différencie l’erreur de cote qui entraîne l’annulation du pari de celle qui ne la justifie pas ; qu’il ressort de ces éléments que l’application de la clause dépend de la seule volonté de l’opérateur, en contradiction avec l’engagement pris de payer le pari à la cote convenue ; que la clause doit être qualifiée de potestative ; que si le joueur dispose aussi d’un droit de repentir discrétionnaire, il s’exerce dans des limites temporelles étroites à la différence de l’annulation prévue par l’article 5.6 ; qu’il est inexact de soutenir que cette disposition vise la prévention de dérèglements et comportements malsains et s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la fraude et le blanchiment, l’annulation motivée par cette finalité relevant de l’article 5.7 ; que M. G… rappelle à juste titre que la Française des Jeux est un opérateur titulaire d’un agrément, un professionnel du jeu, qu’il entre dans ses compétences de déterminer la cote, de la contrôler ; qu’elle ne peut se prévaloir d’une erreur qui ne dépend pas d’un événement qui lui soit extérieur ; qu’en l’espèce elle se prévaut d’erreurs qu’elle a commises, qui relèvent de son fonctionnement interne ; que cette erreur fût-elle exploitée par le joueur qui la qualifie d’aubaine ne vicie pas le consentement de la Française des Jeux dès lors qu’elle décide seule de la fixation des cotes, doit se montrer particulièrement vigilante, la cote une fois enregistrée devenant ferme et définitive pour le joueur ; que la Française des Jeux sera condamnée à payer à M. G… au titre de ses gains la somme de 31 380 euros à compter de l’assignation ;
1) ALORS QUE l’obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ; que la condition potestative est celle qui confère au débiteur de l’obligation la faculté discrétionnaire de ne pas exécuter son engagement, par une simple manifestation de volonté ; que la clause 5.6 du règlement de la Française des Jeux lui permettait d’annuler les paris en cas d’erreur manifeste portant sur tout ou partie des éléments constitutifs de l’offre de pari ; qu’il lui appartenait donc, pour se libérer, de justifier de l’existence d’une erreur manifeste, ce qui excluait tout caractère potestatif de la clause ; qu’il incombait en conséquence au juge saisi d’une contestation sur la mise en oeuvre de la clause de procéder à l’appréciation de l’existence d’une erreur manifeste ; qu’en énonçant, pour s’abstenir de cette recherche, que la clause devait être annulée comme étant purement potestative, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1174 du code civil dans leur rédaction applicable en l’espèce ;
2) ALORS QU’il était constant que M. G… s’était répandu sur les réseaux sociaux sur les erreurs de cotation commises par la Française des Jeux et avait sciemment parié des sommes importantes pour exploiter au maximum cette erreur ; que la société Français des Jeux produisait notamment des captures d’écran de la page Facebook de M. G… révélant qu’il faisait commerce des erreurs de cotes qu’il traquait et qu’il qualifiait ces erreurs de « cadeau inespéré », de « bourde », y mentionnant notamment « dernier contre deuxième, ils ont inversé les cotes » ; qu’il en résultait que l’erreur était manifeste, à tout le moins pour M. G… et les parieurs habitués ; qu’en énonçant, pour condamner la Française des Jeux à payer ses gains à M. G…, qu’aucune définition ni d’exemple concret de l’erreur manifeste n’étaient donnés par la clause, et que l’erreur en cause ne tombait pas sous le sens commun, sans rechercher si les circonstances du litige ne révélaient pas le caractère manifeste de l’erreur commise par la Française des Jeux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;
3) ALORS QUE l’erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; que la société Française des Jeux faisait valoir que si le contrat de pari est un contrat aléatoire, l’aléa ne porte que sur la réalisation du pronostic, et pas sur la cote qui est un paramètre convenu de la détermination du gain si l’aléa se réalise ; qu’elle ajoutait qu’en l’espèce l’erreur commise l’avait été dans l’expression de la cote offerte, procédant d’une défaillance humaine ou technique (conclusions pages 5 et 6 ) et qu’il s’agissait d’une erreur substantielle de nature à entacher de nullité les paris ; qu’en se bornant à énoncer, pour condamner la Française des Jeux à payer à M. G… le montant de ses gains, que le règlement ne donnait pas de définition ni d’exemple concret de l’erreur manifeste, et que l’application de la clause dépendait de la seule volonté de l’opérateur, toutes circonstances impropres à caractériser l’absence d’erreur substantielle dans la cotation des paris litigieux, la cour d’appel a violé l’article 1110 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;
4) ALORS QUE l’erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet, peu important qu’elle soit le fait de celui qui l’invoque ; qu’en l’espèce, la réalité de l’erreur n’était pas contestée par M. G…, dont la cour d’appel a relevé qu’il l’avait qualifiée d’aubaine et l’avait exploitée sciemment ; qu’en énonçant, pour condamner la Française des Jeux à payer ses gains à M. G…, qu’elle ne pouvait se prévaloir d’une erreur qui ne dépendait pas d’un événement qui lui soit extérieur et qu’elle avait commise, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article 1110 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce.