Jeux et Paris > Litiges : 9 décembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 20-81.907

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Jeux et Paris > Litiges : 9 décembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 20-81.907
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9 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-81.907

N° T 20-81.907 F-D

N° 2523

CK
9 DÉCEMBRE 2020

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 DÉCEMBRE 2020

M. B… H… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 1re section, en date du 18 février 2020, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a confirmé l’ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d’instruction.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. B… H…, et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 29 octobre 2015 le procureur de la République a ouvert une information contre personne non dénommée des chefs susvisés et les investigations ont permis d’identifier M. B… H…, frère d’un des organisateurs du trafic, dont le train de vie est apparu sans rapport avec ses revenus.

3. Par ordonnances des 15 et 16 avril 2019, le juge d’instruction a ordonné la saisie du solde du compte bancaire de M. H… ainsi que de divers meubles.

4. Placé en garde à vue le 20 mai 2019, M. H… a indiqué être propriétaire, depuis 2016 et 2017, d’un studio à […] et d’une maison située à […], occupée par sa mère, acquis pour partie à crédit, avec des apports respectifs de 15 000 euros et 154 750 euros.

5.Il a également déclaré avoir acheté un appartement à […] en 2015, avec un apport de 150 000 euros, et l’avoir revendu en 2017.

6. Il a expliqué que le chèque de 150 000 euros versé sur son compte le 6 mars 2015 correspondait à un prêt consenti par un ami et que les divers chèques de la Française des Jeux déposés sur ce compte représentaient le montant des gains provenant de sites de jeux et de paris sportifs.

7.Il a été mis en examen des chefs susvisés le 22 mai 2019.

8.Par ordonnance du 23 mai 2019, le juge d’instruction a ordonné la saisie pénale de la créance de 81 224,40 euros figurant sur le contrat d’assurance-vie, dont M. H… est titulaire, considérant que cette créance faisait partie du patrimoine de l’intéressé, lequel a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction ordonnant la saisie pénale d’une créance figurant sur un compte d’assurance-vie dont est titulaire M. B… H… alors :

« 1°/ que, lorsque comme en l’espèce, les biens confisqués ne sont pas le produit de l’infraction, la juridiction d’instruction qui ordonne la confiscation doit, lorsqu’elle est saisie d’un moyen relatif au caractère disproportionné de cette confiscation, vérifier et s’expliquer sur la disproportion alléguée, non pas au regard de la gravité des infractions poursuivies, mais au regard de l’atteinte au patrimoine de l’intéressé ; que M. H… faisait valoir que la saisie critiquée était la troisième effectuée contre lui ; qu’en s’abstenant totalement de s’interroger sur le point de savoir si la saisie en cause cumulée avec d’autres, ne pourrait pas une atteinte excessive au patrimoine de M. H…, la chambre de l’instruction a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1er du 1er protocole additionnel à la Cour européenne des droits de l’homme, et 131-21 du code pénal ;

2°/ que, dans le cadre du contrôle de proportionnalité que doit exercer la juridiction d’instruction qui procède à la saisie d’un élément de patrimoine n’étant pas le fruit de l’infraction, mais dont elle déclare qu’il pourrait faire l’objet d’une confiscation sur le fondement de l’article 131-21, § 6, du code pénal, la juridiction doit apprécier l’existence d’une probabilité suffisante de confiscation, justifiant qu’une garantie soit prise à cet égard et, lorsqu’elle en est priée, s’interroger sur cette probabilité et sur une certaine importance des charges pesant sur le mis en examen qui en conteste l’existence et nie farouchement toute participation aux infractions qui lui sont imputées ; que cette contestation présente une apparence suffisante de sérieux et appelle une réponse expresse lorsque, comme en l’espèce, le mis en examen du chef d’infractions criminelles portant sur des trafics de stupéfiants a été placé d’emblée sous contrôle judiciaire, et souligne que les investigations menées depuis plus d’un an après sa mise en examen ont totalement invalidé la thèse de sa prétendue participation aux faits ; qu’en s’abstenant totalement de s’expliquer sur ce point, la chambre de l’instruction a encore privé de toute base légale sa décision au regard des textes précités ;

3°/ qu’à tout le moins en ne s’expliquant pas sur ces deux points et en s’appuyant sur un motif inopérant tiré de la gravité des faits poursuivis, la chambre de l’instruction a privé sa décision de motifs et violé l’article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de procédure pénale :

10. Tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

11. Sauf lorsqu’il ordonne la saisie d’un bien qui constitue, dans sa totalité, le produit de l’infraction, ou qui représente la valeur de celui-ci, le juge est tenu, d’office, s’agissant d’une saisie de patrimoine, ou lorsque la personne concernée le demande, de se livrer à un contrôle de proportionnalité de la mesure de saisie qu’il décide, au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle du demandeur.

12. Pour confirmer l’ordonnance de saisie de patrimoine rendue par le juge d’instruction, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que le demandeur encourt la peine complémentaire de confiscation de patrimoine eu égard aux infractions des chefs desquelles il a été mis en examen, énonce que le montant de la créance saisie apparaît proportionné à la gravité des faits s’agissant, notamment, de faits d’importation de stupéfiants en bande organisée portant sur plus d’une tonne de cannabis.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.

14.En effet, statuant sur une saisie de patrimoine, elle était tenue de procéder au contrôle de proportionnalité de cette mesure, non seulement au regard de la gravité des faits mais également au regard de la situation personnelle du demandeur.

15. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 18 février 2020, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille vingt.

 


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